AJNS
CASE REPORT / CAS CLINIQUE
 
COMPRESSION MEDULLAIRE LENTE SECONDAIRE A UN LYMPHOME DE BURKITT INTRA-RACHIDIEN

SPINAL CORD COMPRESSION SECONDARY TO BURKITT LYMPHOMA


  1. Service de neurologie du CNHU-HKM Cotonou, 01 BP 386
  2. Service de radiologie du CNHU-HKM
  3. Service de Neurologie du CHU de Brazzaville, Congo
  4. Service de Neurologie du CHU, Parakou , Benin
  5. Service de Neurologie CHU de FANN, Dakar, Senegal

E-Mail Contact - GNONLONFOUN Dieudonné : dignon2002@yahoo.fr


RESUME

Le lymphome de Burkitt (LB) appartient au groupe des lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH) à cellules B. Il sévit de façon endémique chez l’enfant africain en région intertropicale. La rareté des localisations neuro-méningées dont médullaires a été rapportée.

Nous rapportons le cas d’un jeune garçon présentant une localisation médullaire secondaire de LB maxillo-facial. Il avait présenté de façon lentement progressive dans un contexte d’amaigrissement et de tumeur maxillo-faciale, un syndrome de compression médullaire dorsale dont le diagnostic a été confirmé au myéloscanner dorsal.

L’histologie de la tumeur maxillo faciale après biopsie révélait un LB. Une chimiothérapie a permis une disparition complète de la tumeur maxillo-faciale à la fin du 1er mois et une récupération neurologique au bout d’un an.
La localisation secondaire intra rachidienne d’un LB bien que rare doit être présente à l’esprit surtout en face d’une compression médullaire lente survenue dans un contexte de tumeur maxillo-faciale chez l’enfant.

Mots clés : Afrique subsaharienne, compression médullaire, lymphome de Burkitt


SUMMARY

The Burkitt lymphoma is part of the group of non-Hodgkin’s lymphoma B-cell. It is an endemic disease that affects African children living in the intertropical region. There have been reports on the scarcity of Neuro-meningeal such as medullary localizations.

This is a report on the case of a young boy who showed a spinal localization of Burkitt’s lymphoma secondary maxillofacial tumor. It appeared in a slowly progressive loss of weight context and a maxillofacial tumor, a slow spinal cord compression of which diagnosis was confirmed by dorsal myeloscanner and Burkitt’s lymphoma of mass histology. By the end of the first month of chemotherapy the maxillofacial tumor has completely disappeared and a neurogical recovery was noticed by the end of the first year.

The detection of secondary spinal Burkitt’s lymphoma, although rare should be taken seriously especially when dealing with spinal cord compression occurring in a context of maxillofacial tumors in children.

Key Words: Burkitt lymphoma, spinal compression, subsaharian Africa, treatment

INTRODUCTION

Le lymphome de Burkitt (LB) est un lymphome appartenant au groupe des lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH) à cellules B (6). Il sévit de façon endémique chez l’enfant africain en région intertropicale. Sa localisation principale décrite est maxillo-faciale (1,4). Plusieurs études signalent la rareté des localisations neuro-méningées dont médullaires (2,14). Les auteurs rapportent un cas de LB maxillo-facial avec localisation secondaire médullaire observé à la clinique neurologique du CHU de Fann à Dakar (Sénégal) en février 2008.

OBSERVATION

Il s’agit d’un adolescent de 13 ans, hospitalisé en Février 2008 à la clinique neurologique de Fann pour une paraplégie spasmodique. Le début de la symptomatologie remontait à 3 mois avant son admission, marqué par des douleurs dorsolombaires irradiant en ceinture, aux fesses, à la face postérieure des cuisses et des jambes ; une réduction progressive du périmètre de marche aboutissant à une impotence fonctionnelle absolue en 2 mois dans un contexte d’incontinence urinaire. Trois semaines après le début de la symptomatologie douloureuse, le patient présentait une masse maxillo-faciale gauche (Figure 1) augmentant progressivement de volume. Il y avait une altération de l’état général. Dans ses antécédents, on notait l’existence de paludisme.

L’examen neurologique à l’entrée avait objectivé, un syndrome de compression médullaire spasmodique à niveau sensitif Th8.

Le myéloscanner dorsal du 17 Février 2008 avait montré un arrêt de type épidural du produit de contraste en T8 (figure 2) avec une masse para vertébrale gauche infiltrant l’espace épidural refoulant la moelle vers la droite (figure 3). L’analyse du LCR prélevé à l’occasion montrait des cellules lymphoïdes. La biopsie de la masse maxillo-faciale gauche suivie d’un examen anatomopathologique montrait de nombreuses cellules lymphoïdes de petite taille, monomorphes. Leur cytoplasme abondant, très basophile contenait plusieurs vacuoles claires. Par ailleurs, on notait la présence de nombreuses mitoses et de macrophages sur les coupes le tout réalisant la classique image « en ciel étoilé » (figure 4). La sérologie Epstein Barr était positive ; (Réaction de Paul Brunnel Davidshn : IgG-VCA : 1/320 IgM-VCA 1/10). Le bilan biologique de routine notamment la NFS, la VS et la CRP était sans particularité. La sérologie VIH était négative. Le bilan d’extension comportant la radiographie du crâne, du thorax, une échographie abdomino-pelvienne était normal.
La chimiothérapie avait été initiée à J12 après le diagnostic, soit environ 4 mois après le début des symptômes, à base de Cyclophosphamide (40mg/kg/j), Methotrexate (1mg/kg/j) et Prednisone (1mg/kg/j), par cure d’un jour par semaine pendant 6 semaines, suivie ensuite d’une cure mensuelle pendant 6 mois. Ce traitement était associé à une kinésithérapie débutée en hospitalisation et qui s’était poursuivie à la sortie. Le patient avait réagi favorablement avec un gain de poids de 2 à 3kg par mois et une réduction sensible du volume de la masse maxillo-faciale et sa disparition complète à la fin du premier mois de traitement. Les douleurs dorsolombaires avaient disparu et la force musculaire était passée de 0/5 à 3/5 au bout du troisième mois de traitement. Au sixième mois d’évolution, la marche était redevenue possible avec la force musculaire à 4/5. A un an, l’enfant était guéri, avec disparition des troubles sphinctériens et ne présentait plus de déficit moteur. Néanmoins, il persistait une discrète spasticité qui ne perturbait pas vraiment la marche pour laquelle il bénéficiait du baclofène (0,75mg/kg/j). Actuellement, le patient est guéri et ne présente aucun symptôme.

DISCUSSION

Le cas ci-dessus décrit a trait à un syndrome de compression médullaire lente avec paraparésie spasmodique survenue dans un contexte de masse tumorale maxillo-faciale chez un jeune garçon de 13 ans. Après investigation, le diagnostic de localisation intrarachidienne d’un lymphome de Burkitt a été retenu.

Le lymphome de Burkitt est un lymphome non hodgkinien (LNH) de haut grade de malignité. Il est plus fréquent chez l’enfant. La localisation maxillo-faciale est de loin la plus fréquente puis viennent les localisations extra ganglionnaires, notamment celles du tube digestif et du système nerveux central (2). Les localisations rachidiennes sont rarement isolées et peu rapportées dans la littérature (3,6,14,15). Les cas révélés par une compression médullaire ont surtout été rapportés chez l’enfant (2,3,6,14). Ses et al ont rapporté 7 cas de compression médullaire par un lymphome de Burkitt avec un âge moyen de 15 ans (14).
Dans les lymphomes non hodgkiniens, les atteintes neuro-méningées sont rarement isolées. Elles représentent souvent une localisation secondaire et définissent un stade évolué de la maladie. Les compressions médullaires ou radiculaires résulteraient de l’envahissement massif de l’espace épidural par des coulées lympho-granulomateuses qui pénètrent par les trous de conjugaison à partir des ganglions paravertébraux ou par des extensions d’une localisation abdominale ou thoracique (3). Le myéloscanner en montrant un arrêt du produit de contraste, fait le diagnostic de la compression et précise s’il y a lieu des lésions vertébrales. Mais il n’existe habituellement pas de lésion vertébrale, ni discale comme dans notre observation (1). L’imagerie par résonance magnétique (IRM) médullaire plus performante que le myéloscanner, précise mieux les lésions en mettant en évidence un processus expansif comprimant la moelle en regard des vertèbres. Cette tumeur est en hyposignal T1, en hypersignal T2 et se rehausse modérément après injection de gadolinium (5).

Le diagnostic de LB repose uniquement sur l’examen histologique qui montre une prolifération des cellules lympho-réticulaires indifférenciées en nappes cohésives. Cette monotonie est parfois brisée par des bandes de macrophages avec un cytoplasme abondant et clair, contenant des cellules et des débris cellulaires, le tout réalisant l’aspect de ciel étoilé ; le nombre de mitoses est élevé ; le réseau fibrillaire est très lâche (11). Chez notre patient, l’infection par le virus d’EPSTEIN- BARR (EBV) est retrouvée. C’est ce qui est observé dans plus de 97% des cas de LB endémique. Des arguments épidémiologiques, cliniques et biologiques lient l’EBV à cette affection. Mais sa responsabilité directe et exclusive n’est pas établie. 80% à 90% (7) d’adolescents en Afrique Sub-saharienne, porteurs d’anticorps EBV, n’ont pas eu ou n’auront jamais la maladie (2).

La prise en charge thérapeutique de la compression médullaire résultant du lymphome de Burkitt, peut faire appel à la laminectomie décompressive (14). Pour Dechambenoit (3), la chirurgie ne se justifie qu’à titre diagnostic. Mais dans notre cas, la chirurgie, à la charge des parents, n’a pas été réalisée faute de moyens financiers.

L’association radiothérapie-chimiothérapie a prouvé son efficacité sur l’amélioration de la survie globale des patients (8, 9, 10, 12). En effet, l’étude du South Western Oncology Group (SWOG) 8736, qui a inclus 400 patients atteints de LMNH a comparé huit cycles de chimiothérapie de type CHOP (CHOP: cyclophosphamide, adriamycine, vincristine, prednisone) à trois cycles de chimiothérapie CHOP suivie d’une irradiation à la dose de 40 Gy. Les patients ayant reçu la combinaison thérapeutique avaient une meilleure probabilité de survie sans progression à cinq ans par rapport à ceux n’ayant eu que la chimiothérapie (77 % contre 64 %, p = 0,03) ainsi qu’une meilleure probabilité de survie globale à cinq ans (82 % contre 74 %) (8). Nous n’avons pas eu recours à la radiothérapie du fait de sa non disponibilité.

Le pronostic du LB dépend de son degré d’extension initiale et de la rapidité d’instauration du traitement. L’atteinte neuro-méningée au cours du LB endémique avec une tumeur de la mâchoire n’a pas de valeur péjorative car un taux de guérison de plus de 90% après traitement est obtenu (11,13). Dans le cas rapporté, la chimiothérapie sans radiothérapie ni chirurgie a permis une bonne évolution clinique avec disparition de la masse tumorale maxillo-faciale et une récupération quasi complète de la paraplégie à un an.

CONCLUSION

La localisation intra-rachidienne d’un lymphome de Burkitt, bien que rare peut se révéler par un syndrome de compression médullaire lente. Il faut donc y penser surtout si ce syndrome s’installe dans un contexte de tumeur maxillo-faciale chez l’enfant. L’histologie, l’IRM et le contexte clinique permettent le diagnostic. La chimiothérapie isolée peut permettre une récupération fonctionnelle.


Figure 1a

Figure 1a


Figure 1b

Figure 1b


Figure 2

Figure 2


Figure 3

Figure 3


Figure 4

Figure 4



REFERENCES

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