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CASE REPORT / CAS CLINIQUE
 
HYDATIDOSE DU RACHIS CERVICAL : A PROPOS D’UN CAS



  1. Service de Neurochirurgie, CHU Hassan II, Fès, Maroc

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RESUME

L’hydatidose intéresse l’os dans 0,5 à 2 % des cas, dont 44 % de localisations au niveau rachidien. L’étage cervical est la moins fréquente des localisations rachidiennes. Cette atteinte est grave par le risque de compression médullaire haute, et surtout par son caractère récidivant. Les auteurs présentent l’observation d’un jeune patient admis pour une tétraplégie progressive, due à une hydatidose vertébro-médullaire cervicale ; son diagnostic a été évoquée sur l’imagerie par résonance magnétique et confirmée par l’étude anatomopathologique.


INTRODUCTION

Le kyste hydatique est le résultat du développement chez l’homme de la forme larvaire de l’échinoccocus granulosis [8]. L’hydatidose osseuse est une affection rare représentant 0,5 à 2% malgré son caractère endémique dans les pays du Maghreb [1]. Les localisations rachidiennes sont les plus graves et fréquentes liées vraisemblablement à la richesse vasculaire du rachis [3]. Elle associe parfois une atteinte médullaire justifiant le terme d’hydatidose vertébro-médullaire. La localisation au niveau du rachis cervical est exceptionnelle. Le diagnostic est souvent tardif par son manque de spécificité et sa latence cliniques et soulève des problèmes diagnostiques résolus ces dernières années par l’avènement de l’IRM. La problématique de l’hydatidose vertébro-médullaire cervicale est surtout thérapeutique et pronostique [7].

OBSERVATION

Il s’agit d’un patient âgé de 40 ans, sans antécédents pathologique notable, admis dans le service de neurochirurgie pour la prise en charge d’une tuméfaction de la région postérieure du cou associée à une lourdeur des quatre membres. Le début de la symptomatologie remontait à 4 mois. Le patient avait été victime d’une chute de sa hauteur avec un impact cervical. La symptomatologie s’est aggravée par l’installation progressive d’une lourdeur des quatre membres plus marquée à gauche dans un contexte d’apyrexie, d’amaigrissement non chiffré et d’altération de l’état général.

À l’examen clinique, le patient était conscient. Il était noté une tuméfaction cervicale postérieure, mobile par rapport au plan superficiel, fixée au plan profond, indolore et non inflammatoire. L’examen neurologique relevait une tétraparésie plus marqué à gauche, un syndrome tétra pyramidal et des troubles de sensibilité profonde.

L’IRM médullaire, réalisée en séquences pondérées T1 et T2 sagittales, T2 en écho de gradient en coupes axiales et T1 après injection intraveineuse de produit de contraste révélait la présence d’un processus lésionnel ostéolytique du corps vertébral et de l’arc postérieur de la troisième vertèbre cervicale responsable d’une compression médullaire cervicale avec une extension dans les parties molles para vertébrales mesurant 30 mm x 20 mm de grand axe, en hypo signal T1 hyper T2 rehaussé après injection intraveineuse de produit de contraste (Figure 1) Un complément scannographique et une radiographie standard du rachis cervicale ont été réalisés et ont visualisé un aspect hétérogène des vertèbres C2 et C3 avec présence d’images lacunaires osseuses intéressant les corps vertébraux et les arcs postérieurs, s’étendant par endroit aux parties molles adjacentes avec un recul du mur postérieur associé à une luxation antéro-postérieure C2-C3 .

Le patient a été opéré par voie postérieure avec réalisation d’une laminectomie décompressive de C2 et C3 avec ostéosynthèse C1-C4 pour stabilisation rachidienne (Figure 2) Le diagnostic d’hydatidose a été confirmé par l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire (Figure 3). La radiographie pulmonaire et l’échographie abdominale étaient sans anomalie. Le patient a été mis sous traitement anti helminthique au long cours. L’évolution sur une durée de 6 mois a été marquée par une récupération d’une force motrice permettant la marche avec double aide.

DISCUSSION

L’hydatidose est une anthropozoonose due au développement chez l’homme de la forme larvaire d’un cestode de l’espèce échinoccocus granulosis. Elle atteint préférentiellement le foie et le poumon. L’hydatidose vertébrale est rare et ne représente que 1 à 2% de toutes les localisations viscérales. Elle reste néanmoins la localisation la plus fréquente des hydatidoses osseuses (44%) [9]. Cette fréquence peut s’expliquer par la richesse de la vascularisation vertébrale et/ou par le phénomène de l’embolie paradoxale : lors d’une augmentation brutale de la pression intra-abdominale, le sang des veinules du système porte se drainerait dans le plexus rachidien. Du fait de cette inversion de courant veineux, l’embryon hexacanthe parviendrait au tissu spongieux vertébral en évitant le filtre hépatique et pulmonaire [2]. Sa localisation est généralement dorsale (80%), rarement lombaire (18%) et exceptionnellement cervicale.

La localisation du kyste hydatique au niveau des régions cervico et maxillo-faciales est extrêmement rare avec seulement quelques rares cas rapportés dans la littérature (environ 0,2 %) [5]. L’hydatidose vertébrale atteint souvent le sujet jeune entre 10 et 30 ans, avec une légère prédominance masculine (60%). L’atteinte hydatique rachidienne est souvent primitive, alors que les lésions médullaires sont secondaires à la migration des vésicules hydatiques à travers les trous de conjugaison ou à des destructions osseuses. Comme c’est le cas dans notre observation, les larves affrontées à la résistance mécanique de l’os se développent par vésiculation exogène, les espaces sous-périostés sont progressivement envahis. Le périoste est ensuite rompu permettant la constitution de collections ossifluentes dans les parties molles, réalisant des «abcès froids hydatiques» pouvant migrer à distance. Dans notre cas, le syndrome rachidien cervical a précédé le tableau de compression médullaire qui est due principalement à des destructions osseuses majeures, À l’inverse des infections bactériennes et en l’occurrence la tuberculose, le disque intervertébral reste intact au début [8].

L’état général reste longtemps conservé et la température souvent normale en dehors des surinfections. Les rachialgies, souvent inaugurales, dominent le tableau clinique [2]. La localisation cervicale est grave car elle peut entraîner une tétraplégie complète par la compression de la moelle par le matériel hydatique et la récidive fréquente après traitement. Les collections ossifluentes peuvent constituer un mode de révélation de l’affection sous forme d’une tuméfaction locale fistulisée ou non. La radiographie standard permet de préciser la topographie, les rapports et la multiplicité des lésions, de suivre l’évolution et d’orienter les explorations radiologiques ultérieures. L’image lacunaire d’ostéolyse est la plus caractéristique. Les destructions corticales aboutissent à un tassement cunéiforme ou en galette des corps vertébraux [1], ce qui augmente le risque d’atteinte médullaire. A la tomodensitométrie l’ostéopathie hydatique se traduit par des images hypodenses, plus ou moins bien limitées, de taille et de forme variables, de densité inférieure à celle de l’os et sans reconstruction osseuse. Elle apprécie l’atteinte des parties molles et l’extension intracanalaire. En post-opératoire, elle permet un «second look radiologique» à la recherche de lésions résiduelles ou récidivantes [1]. L’IRM est actuellement l’examen de choix devant toute compression médullaire. Elle permet grâce aux coupes multiplans d’étudier directement le contenu canalaire, d’apprécier le degré de souffrance médullaire et de préciser les rapports des vésicules hydatiques avec le fourreau dural [6]. Les vésicules hydatiques sont en hyposignal sur les séquences pondérées T1, non modifiées par l’injection de produit de contraste et en hypersignal sur les séquences pondérées T2. Dans les kystes multivésiculaires, les cloisons apparaissent de signal intermédiaire en T1 et hypointense en T2. Un rehaussement des parois et des cloisons peut se voir si les kystes sont remaniés [4,10] c’est le cas de notre cas . A l’heure actuelle, le traitement de l’hydatidose vertébrale ne peut être que chirurgical permettent l’éradication aussi complète que possible des lésions rachidiennes et extra-rachidiennes. Son indication et ses résultats dépendent de l’étendue des lésions, de leur localisation et de la présence ou non de complications [8] Le traitement médical à base de Mebendazole n’a pas encore fait ses preuves dans la localisation vertébro-médullaire. Il est destiné aux formes inopérables ou de mauvais pronostic, mais aussi comme thérapeutique adjuvante de la chirurgie. Les récidives sont très fréquentes (30 à 40% des cas) et la mortalité se situe entre 3 et 14%.

CONCLUSION

L’hydatidose vertébro-médullaire cervicale est grave du fait de sa localisation au niveau d’un véritable carrefour neurologique, du nombre de vertèbres atteintes et du degré de compression médullaire, aboutissant à un état grabataire souvent important. La TDM et surtout l’IRM, toujours précédées par un bilan radiologique standard, permettent de caractériser les lésions, de dresser un bilan d’extension précis et de rechercher les lésions résiduelles ou récidivantes en post-opératoire.

ICONOGRAPHIE


Figure 1 : IRM médullaire en coupe sagittales réalisée en séquences pondérées

Figure 1 : IRM médullaire en coupe sagittales réalisée en séquences pondérées


Figure 2 : Radiographie de contrôle du rachis cervical

Figure 2 : Radiographie de contrôle du rachis cervical


Figure 3 : Etude histologiqque de la masse cervicale

Figure 3 : Etude histologiqque de la masse cervicale



BIBLIOGRAPHIE

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