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CASE REPORT / CAS CLINIQUE
 
THROMBOSE DU SINUS LATERAL ET DE LA VEINE JUGULAIRE APRES UN TRAUMATISME CRANIEN FERME

LATERAL SINUS AND JUGULAR VEIN THROMBOSIS FOLLOWING CLOSED HEAD INJURY


  1. Service de Neurologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc

E-Mail Contact - DANY Fatima : dany.neuro.84@gmail.com


RESUME

Introduction

Les traumatismes crâniens fermés représentent une étiologie exceptionnelle des thromboses veineuses cérébrales (TVC). Seule une trentaine de cas sont rapportés, contrastant avec la grande fréquence des traumatismes crâniens. Cette situation pose des difficultés diagnostiques pouvant expliquer le pronostic relativement mauvais des TVC post traumatiques.

Objectif
Rapporter un cas de thrombose veineuse après un traumatisme crânien fermé.

Observation

Un patient de 23 ans suivi pour une schizophrénie, a présenté suite à une tentative de suicide, un traumatisme crânien fermé sans anomalie clinique ou à la TDM cérébrale initiale. Après un intervalle de 48 heures, un syndrome d’hypertension intracrânienne est apparu de façon rapide. Une thrombose du sinus latéral droit, étendue à la veine jugulaire a été découverte fortuitement sur la TDM cérébrale et confirmée par l’angio-IRM. Le reste du bilan étiologique de cette TVC est resté négatif et les anticoagulants ont permis une amélioration rapide des symptômes.

Conclusion

Dans les suites d’un traumatisme crânien, l’apparition de symptômes neurologiques, en particulier d’une HTIC doit faire rechercher une TVC après avoir éliminé des causes plus classiques à ce contexte (hématomes intracrâniens).

Mots clés: Thrombose veineuse cérébrale; traumatisme crânien; anticoagulants.

INTRODUCTION

Les étiologies des thromboses veineuses cérébrales (TVC) sont très variées et les traumatismes crâniens (TC) en représentent une cause rare mais classique (7-8). Il existe une trentaine d’observations publiées contrastant avec la grande fréquence des TC, ce qui suggère que cette étiologie serait exceptionnelle ou probablement sous-diagnostiquée. En effet, le contexte post traumatique explique le retard diagnostic, ce qui pourrait aggraver le pronostic de cette TVC (5).

OBSERVATION

Un homme de 23 ans suivi pour une schizophrénie, a eu suite à une tentative de suicide (chute d’une voiture en mouvement) un traumatisme crânien fermé avec perte de connaissance initiale d’une trentaine de minutes. L’examen neurologique à l’admission était normal de même que la tomodensitométrie (TDM) cérébrale qui ne montrait pas d’anomalie parenchymateuse ou osseuse. La possibilité d’un impact cervical n’a pas été précisé. Quarante-huit heures plus tard, le patient a consulté aux urgences pour des céphalées intenses et des vomissements sans convulsions ni signe de focalisation. L’examen neurologique était normal et le fond d’œil montrait une papille congestive (œdème papillaire stade I).

La TDM cérébrale objectivait une hyperdensité spontanée (Figure 1) évocatrice d’une thrombose du sinus latéral droit. Celle-ci a été confirmée par l’angiographie par résonnance magnétique (ARM) qui objectivait une extension de cette thrombose à la veine jugulaire interne homolatérale (Figure 2), associé à un infarcissement hémorragique temporal droit (Figure 3). L’examen ORL et un bilan étiologique à la recherche d’une thrombophilie (dosage de la protéine C et S, antithrombine III, homocystéinémie, recherche d’une mutation du gène des facteurs II et V) était négatif.

Un traitement par héparine non fractionnée puis antivitamine K a permis une amélioration rapide des symptômes, sans séquelles neurologiques. Ce traitement a été arrêté après 6 mois sans récidive après 4 ans de recul.

DISCUSSION

La chronologie des événements neurologiques chez ce patient (TC avec perte de connaissance puis apparition des symptômes après un intervalle libre de 48 heures) est suggestive d’un hématome intracrânien, en particulier extradural, mais celui-ci a été éliminé après la réalisation de la TDM cérébrale. Une TVC a été découverte fortuitement lors de cet examen radiologique puis confirmée par l’ARM, permettant de rattacher a posteriori le syndrome d’hypertension intracrânienne à cette TVC.
La fréquence des TVC après un TC est diversement appréciée dans la littérature selon le mode de recrutement neurologique (TVC) ou neurochirurgical (TC) des patients. Dans une étude observationnelle multicentrique, 7 TVC parmi 624 (1.1%) étaient secondaires à un TC (8). Dans une autre étude de patients présentant un traumatisme crânien grave, la fréquence d’une TVC était de 19,5% après la réalisation systématique d’un scanner cérébral avec veinographie (4). Dans cette série, les traumatismes crâniens ouverts étaient plus souvent en cause notamment lorsque le trait de fracture s’étend à un ou plusieurs sinus veineux. Chez l’enfant, cette proportion est plus importante vraisemblablement à cause de la fragilité du système veineux (3). Après un traumatisme crânien fermé, le risque de TVC est exceptionnel. En effet, après la publication initiale de Bageleyen 1934 (in 3), une trentaine d’autres observations sont rapportés (1-9) contrastant avec la grande fréquence des TC fermés.

Comme dans le cas décrit ici, la TVC post traumatique ne semble pas présenter de particularités sémiologiques mais les circonstances de sa survenue expliquent la difficulté d’y penser. Le délai d’installation des signes neurologiques après le TC est variable allant de quelques heures à plusieurs jours (9). Ce délai était court, autour de 48 heures chez notre patient.

Les signes cliniques sont variés, mais généralement, on retrouve un syndrome d’hypertension intracrânienne (HTIC) éventuellement associé à des signes de focalisation. Chez l’adulte, le système veineux collatéral est bien développé et exerce une fonction compensatrice expliquant probablement le caractère moins bruyant du tableau clinique et par conséquence, une plus grande proportion de diagnostics méconnus. Chez l’enfant, la croissance incomplète des collatérales veineuses pourrait faciliter le diagnostic de la thrombose veineuse, en rendant le syndrome d’HTIC plus évident (6). Le diagnostic positif est fortement suggéré par l’imagerie par tomodensitométrie qui peut montrer une hyperdensité linéaire spontanée sur le trajet d’un sinus veineux ou l’absence d’opacification du confluent des sinus par le produit de contraste, qualifiée de signe du triangle vide ou signe du delta. Cependant, l’examen le plus spécifique est l’imagerie par résonnance magnétique couplée aux séquences angiographiques qui permet de confirmer l’absence de visualisation d’un ou plusieurs sinus. Classiquement, le sinus longitudinal supérieur est le plus touché au cours des TVC (2). Par contre, si l’étiologie est traumatique, l’atteinte du sinus latéral semble plus fréquente et peut s’étendre à la veine jugulaire comme chez notre patient. Les veines profondes sont plus rarement touchées (3).
La physiopathologie de la TVC après un TC n’est pas bien établie et plusieurs hypothèses sont émises (3): hémorragies intramurales par rupture des petits sinus, compression des sinus par l’œdème cérébral ou encore une extension de la thrombose à partir des veines émissaires du scalp. Le rôle de la thromboplastine libérée par les vaisseaux dans l’activation de la voie de la coagulation est aussi suggéré. Lorsque le traumatisme crânien est ouvert, une compression d’un sinus par une embarrure ou l’extension veineuse d’une infection de voisinage est possible. La recherche d’une coagulopathie sous-jacente, négative dans notre cas, est obligatoire car elle semble prédisposer à la survenue d’une TVC après un TC (3).
Il n’existe pas de consensus sur la stratégie thérapeutique. La priorité du traitement à la phase aigüe sera de stabiliser l’état du patient par des traitements symptomatiques selon la gravité du tableau clinique (3). Les anticoagulants sont le traitement de choix, mais leur utilisation peut s’avérer problématique dans certains cas où la TVC est associée à des hémorragies intracrâniennes (3-7) (hématome sous dural, extradural, intracérébral ou hémorragie sous arachnoïdienne). Chez notre patient, ce traitement a été instauré malgré la présence d’un hématome intracérébral qui était secondaire à la TVC (et non pas au traumatisme crânien) ce qui ne contre-indiquait pas l’utilisation des anticoagulants. L’évolution était bonne mais une telle évolution favorable n’est pas toujours rapportée car un retard diagnostic reste fréquent dans ce contexte (5). Le taux de mortalité est compris entre 4.3 et 30%, et dans les cas de survie, les séquelles neurologiques déficitaires sont prédominantes lorsqu’il s’agit du sinus latéral gauche, l’hémisphère gauche étant le plus souvent dominant dans la population générale (3).

CONCLUSION

Dans les suites d’un traumatisme crânien, l’apparition de symptômes neurologiques, en particulier d’une HTIC doit faire rechercher une TVC après avoir éliminé les causes classiques dans ce contexte.


Figure 1

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Figure 2

Figure 2



Figure 3

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