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CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
 
ARTHROPLASTIE LOMBAIRE. L’EXPERIENCE DU CENTRE HOSPITALIER DE COLMAR (FRANCE) A PROPOS DE 100 PREMIERS CAS

LUMBAR ARTHROPLASTY. COLMAR EXPERIENCE ABOUT THE 100 FIRST CASES


  1. Department of neurosurgery, Ibn Rochd, University Hospital, Casablanca, Morocco
  2. Service de Neurochirurgie, CHU Oujda, Maroc
  3. Service de Neurochirurgie, Hôpital Pasteur Colmar, France

E-Mail Contact - ENNHAILI Zine el Abidine : zineelabidineennhaili@gmail.com


RESUME

Introduction

L’arthroplastie lombaire constitue un traitement de la discopathie dégénérative, réfractaire au traitement médical et à la réhabilitation chez le jeune. Sur le plan théorique les prothèses discales lombaires restaurent la hauteur de l’espace intervertébral et préservent la mobilité rachidienne, en contraste avec la fusion.

Matériel et méthodes

Notre travail est une étude rétrospective étalée sur 4 ans, concernant les 100 premiers cas réalisés par le même chirurgien, avec analyse des résultats cliniques de cette modalité chirurgicale.

Résultats

Les résultats à un an ont objectivé une amélioration notable de la douleur discogénique et de son retentissement sur la vie quotidienne des patients.

Conclusion

Les complications à craindre de cette technique restent dominées par les lésions vasculaires. La sélection des patients reste la seule garantie pour les éviter et en réduire l’incidence en optimalisant les .

Mots cles: Arthroplastie, Discopathie dégénérative, Lombalgies, Rachis lombaire.


ABSTRACT

Introduction

Lumbar arthroplasty is currently the treatment of choice for degenerative disc disease refractory to medical treatment and rehabilitation means in the young. On the theoretical level lumbar disc replacement restores the height of the intervertebral space and preserve spinal mobility, in contrast to the fusion.

Material and Methods

Our work is a retrospective study spread over 4 years, on the first 100 cases performed by the same surgeon, with analysis of clinical results of this surgical modality.

Results

Results at one year were objectified remarkable improvement of discogenic pain and its impact on the daily lives of patients.

Conclusion

Complications fear of this technique remain dominated by vascular lesions, and selecting the right profiles of patients is the only guarantee to prevent and reduce the incidence.

Keywords: Arthroplasty, Discopathy degenerative disease, Lumbar spine.

INTRODUCTION

L’arthroplastie discale lombaire consiste au remplacement d’un disque intervertébral dégénéré par une prothèse discale, afin de rétablir la hauteur normale de l’espace intervertébral tout en préservant la mobilité segmentaire rachidienne (16).

Le concept de prothèse rachidienne n’est pas nouveau (16,18). En effet il a été inspiré des prothèses des articulations de la hanche, et du genou, qu’on réalise souvent pour des problèmes de surfaces articulaires. La stabilisation rigide d’un ou de plusieurs segments rachidiens conduit à des anomalies de cinétique rachidienne autour de la fusion, sur le plan théorique l’arthroplastie laisse plus de mobilité au niveau de l’étage opéré et par conséquent moins de contraintes aux segments adjacents (10,4). La discopathie dégénérative sévère chez le sujet jeune mal contrôlée par le traitement médical est la principale indication (16,18,8).

Nous voulons montrer à travers ce travail, la place de l’arthroplastie comme technique attractive dans le traitement de la discopathie lombaire dégénérative.

MATERIEL ET METHODE

Il s’agit d’une étude rétrospective relatant l’expérience du service de neurochirurgie de l’hôpital Pasteur de Colmar, portant sur l’arthroplastie lombaire. De Novembre 2002 à Mars 2015, 556 prothèses discales ont été posées. 100 premiers malades ont été opérés par le même chirurgien.

RESULTATS

La première prothèse lombaire à l’hôpital Pasteur (Colmar) a été réalisée en Novembre 2002. Sur l’ensemble des 100 patients opérés, on retrouve 66 femmes et 34 hommes, avec mise en place de 127 prothèses lombaires (4 A-MAV et 123 PRODISCS) ; deux étages ont été opérés dans27 cas. La moyenne d’âge de notre série au moment de la chirurgie était 39 ans, avec des extrêmes de 20 à 57 ans.

La principale indication était la discarthrose dans 58 cas et la discopathie protrusive dans 41 cas, révélées par des lombalgies chroniques discogéniques pure dans 72 cas et associées à des radiculalgies dans 28 cas.

Tous nos patients ont bénéficié d’une IRM lombaire à la recherche de signes de discopathie dégénérative. La discographie a été réalisée que devant des discopathies multiples. L’angioscanner des vaisseaux iliaques a été réalisée systématiquement chez tous nos patients dans le cadre du bilan pré-opératoire.

Les étages les plus touchés étaient L5S1 dans 74 cas, L4L5 dans 43 cas, suivi de L3L4 dans 9 cas et L2L3 chez un seul patient. L’abord était transpéritonéal pour le disque L5S1 et rétro péritonéal pour les autres étages (figure 1).

Dans les abords par voie antérieure, nous rapportons 2 plaies de la veine cave et un cas de thrombose de l’artère iliaque ; un cas d’éjaculation rétrograde en post opératoire, et 2 cas d’irritation sympathiques qui étaient transitoires. En plus de ces complications liées à l’abord, nous rapportons des complications liées à la prothèse, notamment l’impaction de celle ci dans 2 cas, une fois en per- opératoire et une deuxième fois un an plus tard. Nous rapportons également une fracture du corps vertébral, et 4 cas de lombo radiculalgies post opératoires apparues suite à la distraction et qui étaient résolutives 3 mois après.

Le suivi de nos patients sur une durée de 12 mois, avec 3 contrôles à 6 semaines, 6 mois et à 12 mois, était clinique basé sur l’évaluation de la douleur (EVA échelle visuelle analogique) (figure 2) et de son retentissement psychologique et sur l’activité quotidienne (Test d’Oswestry) (figure 3) chez les 100 patients. Nous avons jugé que l’évolution (question posée au patient au 3 ème contrôle) était excellente dans 31 cas, bonne chez 32 cas, modérée chez 30 et mauvaise chez 7 autres (figure 4).

DISCUSSION

L’arthroplastie lombaire représente une alternative thérapeutique dans le traitement de la discopathie dégénérative chez le sujet jeune, après échec du traitement médical et bien sur en absence de contre indication à ce geste (8, 16,18). Le concept de l’arthroplastie est de retrouver la hauteur normale de l’espace intervertébral tout en gardant une mobilité rachidienne segmentaire acceptable, afin d’éviter les problèmes dégénératifs des étages adjacents. (8,16)

Dans notre série, nous avons suivi les patients sur une durée d’un an. Sur la base du recul de notre expérience cela représente toutefois une limite à notre étude.

L’unité fonctionnelle vertébrale est constituée de deux vertèbres adjacentes et le disque qui les séparent.la fonction principale des corps vertébraux est de supporter la charge du corps, grâce à leur texture trabéculaire. Le disque intervertébral qui est la plus grande structure avasculaire du corps humain, participe à l’amortissement de l’onde de compression, puis sa transmission au segment sous jacent. Les facettes articulaires et les ligaments guident et limitent les mouvements segmentaires. Ces mouvements sont souvent complexes et combinés : flexion, extension, inclinaison latérale et rotation, et c’est la sommation de ces petits mouvements segmentaires qui procure une mobilité rachidienne importante sur tous les plans(10).

Sur le plan biomécanique, et à travers une étude réalisée par une équipe taiwanaise (18) l’arthroplastie lombaire n’a pas montré d’instabilité au niveau des étages adjacents et donc un risque diminué de dégénérescence à ces étages, en contraste avec la fusion par voie postérieure qui a révélé la possibilité de dégénération accélérée au niveau des disques et facettes articulaires des niveaux adjacents.

Les prothèses lombaires peuvent être réalisées chez le jeune de 18 à 60 ans. Dans notre série l’âge moyen était de 39 ans ce qui rejoint la série de Van de Kelft ou l’âge moyen était de 37,1 ans , avec notion de discopathie dégénérative cliniquement symptomatique, invalidante (test d’Oswestry moins de 40%) résistante au traitement médical et aux moyens de réhabilitation, et confirmée radiologiquement (changement de signal IRM des disques et plateaux vertébraux surtout les MODIC 1 et 2 (figure 5), pincement discal sévère) (3)(8)(18). La discographie doit être réalisée de façon systématique en cas de discopathie multiples afin de déterminer le niveau pathologique qui concorde avec le tableau clinique (1)(17).

Avant de poser l’indication d’une arthroplastie lombaire, il faut préciser le profil des patients afin de relever certains critères d’exclusion :

  • contre indications anatomiques : canal lombaire étroit, spondylolisthésis dépassant le grade I, petits corps vertébraux, et pathologie facettaire.
  • ostéoporose.
  • pathologie métabolique de l’os.
  • obésité morbide (IMC > 40).
  • allergie au matériel.
  • infection active,
  • pathologies systémiques et auto immunes.

Technique chirurgicale :

Les voies d’abord antérieures directes sont de plus en plus utilisées pour aborder le rachis lombo sacré de L1 à S1, nécessitant des connaissances anatomiques parfaites de la région concernée. Cela pouvait se faire d’une manière rétro- péritonéale ou transpéritonéale selon les habitudes et les affinités de chacun.

Le patient est installé en décubitus dorsal avec des jambes juxtaposées, ou écartées (position de Da Vinci ou French position) (figure 6), le chirurgien se met à gauche pour les droitiers où entre les jambes en cas de French position (10).

L’incision cutanée est centrée sur le disque désiré après repérage de celui ci par scopie. Elle est paramédiane gauche verticale ou oblique. La préférence du coté gauche par rapport au droit vient du fait de la présence de l’aorte à gauche qui est relativement plus solide et résiste mieux à l’écartement.

Abord rétro péritonéal : Après incision cutanée, l’aponévrose du muscle droit de l’abdomen est incisée d’une façon verticale, puis le muscle est écarté en dehors, pour accéder à l’aponévrose profonde qui sera incisé le plus loin possible de la ligne médiane pour éviter les brèches péritonéales. L’ouverture de cette aponévrose permettra de visualiser le plan inter aponévro-péritonéal qu’on doit disséquer soigneusement jusqu’au rachis lombaire, ainsi le sac péritonéal avec son contenu est refoulé du coté contre latéral à l’abord. A cette étape, il faut faire attention aux branches nerveuses du plexus hypogastrique supérieur situé habituellement à l’angle dièdre formé par le psoas et le bord latéral du rachis( risque de survenu d’éjaculation rétrograde chez l’homme et de sècheresse vaginale chez la femme) (11)(10).

Abord transpéritonéal : l’installation et l’incision sont identiques à l’abord rétropéritonéal. L’ouverture du péritoine doit être verticale, puis les viscères seront refoulés pour faire passage jusqu’au feuillet profond du péritoine qui va être incisé verticalement sur la ligne médiane, exposant ainsi les vaisseaux iliaques et le disque. Dans notre série nous avons utilisé cet abord pour le disque L5S1 (11).

Par ailleurs, l’arthroplastie comme toute chirurgie n’est pas exempte de complications :

  • Complications vasculaires en rapport avec des lésions veineuses le plus souvent suite à des lacérations, au moment de l’écartement, représentant moins de 4% dans la littérature, ce qui concorde avec les résultats de notre série à 2% (2 cas de plaie de la veine cave), alors que les lésions artérielles restent moins fréquentes dans toutes les séries, représentées essentiellement par les accidents thrombo emboliques que nous avons noté chez un seul patient (2).
  • Complications neurologiques en rapport avec des lésions directes du plexus pré sacré (plexus hypogastrique supérieur) responsable de l’éjaculation rétrograde estimée entre 0 ,42 et 5,9% dans les séries , alors que dans notre série on rapporte un seul cas. En plus de cette complication on rapporte dans la littérature des complications en rapport avec des lésions de la chaine sympathique provoquant une vasodilatation artérielle périphérique responsable d’une sensation de membre chaud, mal estimée dans la majorités des séries mais reste autour de 10%, (irritation sympathique chez 2% dans notre série) (12,13).
  • Complications viscérales et urétérale, le plus souvent à type de perforation d’anse ou d’un uretère.
  • Complications liées à l’expérience du chirurgien et au matériel, souvent à type de prothèse mal centré, des fractures de corps vertébraux au moment de la distraction, impaction de la prothèse, ou des luxations de prothèse post opératoire nécessitant des reprises chirurgicales souvent par voie postérieure, vu le risque important de complications vasculaires lors d’un deuxième abord antérieur (fibrose). Dans notre série nous rapportons deux cas d’impaction de prothèse et un cas de fracture de corps vertébral repris chirurgicalement par voie postérieure, alors que dans les séries de Van de Kelft, et de J. Lazennec il n’a pas été rapporté ce genre de complications liées au matériel (9,14).
  • Complications communes à toutes les chirurgies, essentiellement les infections, les hématomes, l’embolie pulmonaire etc…

Dans la majorité des séries l’évolution clinique est très favorable après chirurgie, l’EVA est passée dans notre série de 9 en pré opératoire à 4 en 6 semaines , puis à 2 après un an, ce qui concorde avec les résultats de la série de Van de Kelft (15) (EVA à 8,2 en pré op puis à 3,3 en post opératoire) et de J. Lazennec et col (7). L’ODI est amélioré en post opératoire de 80 % à 6 mois et de 83 % à un an, ce qui est proche de la série de J. Lazennec à 82% à 6 mois et à 85% après un an.

CONCLUSION

L’arthroplastie lombaire est une alternative thérapeutique dans le traitement de la discopathie dégénérative chez le sujet jeune, après échec du traitement médical et des moyens de réhabilitation(5). Le jeune âge, la courte durée d’installation des lombalgies, une discopathie de type Modic I et II semblent être de bons prédicteurs de bons résultats à court terme après le geste chirurgical (18).


Figure 2


Figure 3


Figure 4


Figure 5


Figure 6



REFERENCES

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