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CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
 
LES MUCOCELES DU SINUS FRONTAL EN MILIEU NEUROCHIRURGICAL. A PROPOS DE 6 CAS DAKAROIS

FRONTAL SINUS MUCOCELES. REPORT OF SIX CASES


  1. Service de Neurochirurgie CHU de FANN, Dakar, Senegal
  2. Service d’ORL, CHN Aristide le DANTEC, Dakar SENEGAL
  3. Service de Radiologie Générale CHU de FANN, Dakar, Senegal

E-Mail Contact - BA Momar Code : momarcodeba@yahoo.fr


RESUME

Introduction
Les mucocèles du sinus frontal réalisent des formations pseudokystiques, lentement évolutives. Elles sont bénignes mais peuvent évoluer vers l’endocrane.

Objectif
L’objectif de notre étude est de décrire les aspects cliniques,paracliniques et thérapeutiques d’un telle affection.

Patients et méthodes
Il s’agit d’une série rétrospective de six patients colligée de Janvier 1994 à Décembre 2003. Tous les patients ont bénéficié d’un examen clinique et d’explorations radiologiques : radiographie standard et tomodensitométrie. Une voie d’abord neurochirurgicale a été effectuée dans tous les cas. Le diagnostic est confirmé par un examen histologique. Le suivi est assurée pour une durée minimale de 6 mois.

Résultat
Il s’agit de trois hommes et trois femmes. L’âge moyen est de 33 ans. Le signe clinique le plus fréquent est la tuméfaction frontale progressive. Le délai de consultation varie de 1 à 6 ans. Aucun déficit neurologique n’est noté. Le signe radiologique standard le plus fréquent est la lyse de la paroi sinusale. La tomodensitométrie montre une extension intra cranienne dans 2 cas. Une voie d’abord frontale a permis une exérèse complète dans tous les cas.

Conclusion
Malgré leur bénignité,les mucocèles du sinus frontal peuvent présenter d’importantes extensions intracrâniennes sources de souffrance cérébrale. Le diagnostic tardif explique l’étendue des lésions.


ABSTRACT

Introduction
Frontal sinus mucoceles are benign mass lesions developing slowly. They can involve intra cranial areas et make brain tissues compression.

Objective
The aim of our work is to describe clinical, radiological and therapeutical aspects of such affection.

Patients and methods
Six patients are received from 1993 to 2003. Three Xrays examination and three CT scans are performed. All patients are operated by neurosurgical approach. Diagnosis is confirmed by histological examination.

Results
The main clinical sign is frontal tumefaction growing during one till six years. None neurological deficit is found. Radiological examinations show lytic frontal sinus wall destruction with intracranial involvement in two cases. Bilateral approach is performed and therefore permit complete mass lesion removal.

Conclusion
Frontal sinus mucoceles can induce important bone destruction because in developing countries, diagnosis is made lately.


Mots clés: Afrique, Mucocèle, Sénégal, Sinus frontal, Frontal sinus tumors, Mucoceles

INTRODUCTION

Les mucocèles sont des tumeurs bénignes, se développant aux dépens de la muqueuse des cavités sinusiennes de la face. Elles réalisent de véritables formations pseudokystiques expansives des sinus, lentement évolutives , dont la paroi est constituée par la muqueuse plus ou moins modifiée, et dont le contenu est un liquide aseptique, épais et glaireux (11).
Quoique bénignes, ces formations peuvent éroder l’os et s’étendre soit vers l’orbite, soit vers l’endocrâne (16), pouvant déterminer des signes neurologiques. On distingue les formes antérieures frontales pures ou ethmoïdo-frontales, les plus fréquentes, et les formes postérieures sphénoïdales plus rares. La localisation au niveau du sinus maxillaire est également rare.

Nous rapportons notre expérience dans la prise en charge des mucocèles du sinus frontal à travers une série neurochirurgicale de 6 cas.

MATERIEL ET METHODES

L’étude est rétrospective, ayant pour cadre le service de Neurochirurgie du Centre Hospitalo-Universitaire (CHU) de FANN à Dakar. Elle a été menée pour la période allant de janvier 1994 à décembre 2003, et a concerné 6 patients porteurs de mucocèles du sinus frontal.Ils ont été opérés après un bilan clinique et radiologique. Un examen tomodensitométrique (TDM) a concerné la moitié des patients. L’exérèse a consisté en un abord par voie externe de Cairne-Unterberger. Il a comporté les temps suivants :
l’incision bitragale ou bicoronale
l’évacuation du contenu, et le curetage de la poche mucocélique avec prélèvement pour examen anatomo-pathologique.

La crânialisation du sinus et le comblement de la cavité avant la fermeture cutanée.
Un examen histologique a été effectué dans tous les cas.
Tous nos patients ont bénéficié d’un suivi post-opératoire clinique de six à dix huit mois.

RESULTATS

Notre série est composée de 3 femmes et de 3 hommes. L’âge moyen est de 33 ans avec des extrêmes de 18 et 60 ans. Les aspects cliniques, radiologiques, thérapeutiques et évolutifs sont résumés dans le tableau I.

COMMENTAIRES

Les mucocèles sont des tumeurs bénignes rares des sinus (15). Elles siégent le plus souvent au niveau des sinus frontaux ou éthmoïdaux (3-6-7-8-10-15).
La distribution est identique dans les 2 sexes, ce qui est conforme aux données de la littérature (16). Nos patients, avec un âge moyen de 33 ans et des extrêmes de 18 ans et 60 ans sont relativement plus jeunes par rapport à ce qui est rapporté (8-10-12-16).

Les mucocèles surviennent rarement avant l’adolescence (6,16). Quelques rares cas de mucocèles survenues à l’âge pédiatrique ont été rapportés (6,12) , y compris chez le nourrisson (12).Quant à la pathogénie, l’obstruction ostiale et l’inflammation chronique sont les 2 facteurs les plus communément admis dans la genèse des mucocèles.
Néanmoins, il semblerait qu’une infection surajoutée puisse précipiter la formation de la mucocèle. LUND (5) a montré que cette inflammation chronique aboutit à la libération de cytokines responsables des processus de modifications osseuses en périphérie de la mucocèle.
Les facteurs traumatiques, particulièrement la iatrogénie chirurgicale sur le canal naso-frontal a été beaucoup invoqué (3-7-15).

La moitié de nos patients opérés par une équipe oto-rhino-laryngologiste semblent rentrer dans ce cadre. Les autres mécanismes sont représentés par les antécédents de sinusite frontale chronique ou et de pansinusite, les polypes naso-sinusiens, l’allergie, les abcès du lobe frontal et les empyèmes orbitaires (8, 10, 12). Relevant du mécanisme obstructif, la mucocèle peut être simplement réactionnelle à une néoplasie bénigne ou maligne des sinus, un ostéome, un fibrome ossifiant, une dysplasie fibreuse de l’os frontal (3, 8). Le délai de consultation est généralement très long du fait de la longue latence clinique, et du caractère insidieux de l’évolution des mucocèles (3, 9). Pour NDIAYE (10), ce délai variait de 2 mois à 25 ans. Il a été en moyenne de 2,5 ans avec des extrêmes de 1 et 6 ans dans notre série.

Les mucocèles évoluent classiquement en deux phases évolutives (16), une phase initiale qui est asymptomatique, et une phase d’extériorisation ou de complication, correspondant à l’expression clinique . C’est à cette phase qu’elle est diagnostiquée.
Les signes cliniques de découverte sont représentés par des manifestations oculo-orbitaires, naso-sinusiennes ou neurologiques. Ainsi retrouve t’on à l’examen : les céphalées, la tuméfaction frontale ou fronto-orbitaire, l’obstruction nasale, la rhinorrhée, les algies fronto-orbitaires, l’exophtalmie, et la baisse de l’acuité visuelle (3, 4, 6, 7, 8, 10, 12, 15). Ces signes nous les avons relevés chez nos patients (Observations 1, 2, 4, 5, 6). Le tableau peut parfois se résumer à une suppuration chronique sus-orbitaire, signant la pyocèle ou mucocèle surinfectée (Observation 3).
Dans tous les cas, l’association d’une tuméfaction de siège frontal, ou au niveau de l’angle supéro-interne du cadre orbitaire, donnant l’aspect de balle de celluloïde, à une exophtalmie sont les signes pathognomoniques de mucocèle du sinus frontal (10).

Les radiographies standards peuvent être utiles dans l’approche diagnostique, et mettent en évidence la classique image de la mucocèle : grand sinus frontal opaque, tonalité homogène, perte de l’aspect festonné des contours, érosion ou lyse osseuse des tables antérieure et/ou postérieure des sinus frontaux, effraction orbitaire, ostéite frontale (1, 4, 6, 7, 10, 12). Les radiographies standards ont été jusqu’au milieu des années 90, nos seuls moyens d’exploration radiologique au niveau du domaine cervico-facial et crânio-encéphalique.

Nous l’avons réalisé dans 3 cas avec des images indirectes assez évocatrices de mucocèles (Observations 1, 2, 3)

La TDM et l’imagerie par résonance magnétique (IRM), qui sont indispensables au diagnostic, précisent l’extension de la mucocèle, et guident le neurochirurgien dans le choix de la voie d’abord (3, 7, 8, 10, 12, 15). Elles permettent la confirmation des données radiographiques standards (6, 7, 12), la précision du siège frontal, ou fronto-éthmoïdal, ainsi que l’aspect de la mucocèle (4, 6, 7, 8). La réalité d’une extension intra-crânienne (4, 6, 7), sous durale (8, 14), ou orbitaire (6, 7) peut être affirmée par la TDM. Elle permet la recherche de lésions associées et/ou de complications à type d’ostéomes des sinus paranasaux (6, 8) de dysplasie fibreuse crânio-faciale (6). L’image scannographique classique de la mucocèle est l’aspect soufflé des structures osseuses, l’absence de rehaussement après injection de produit de contraste, les limites nettes et arrondies de la formation tumorale, le caractère hypo ou isodense de la masse (13) (Fig 1 et 2) L’imagerie par résonance magnétique (IRM), par une meilleure résolution du contraste tissulaire, permet de mieux apprécier les rapports avec les organes nobles de voisinage des sinus (l’orbite, l’endocrâne) (12, 15), ce qui constitue un atout pour les choix thérapeutiques.

Le traitement de la mucocèle est toujours chirurgical. Il y a essentiellement 2 voies d’abord : les voies externes, et la voie d’abord endonasale ou chirurgie endoscopique par voie endonasale . Les voies externes sont représentées par la voie gingivo-jugale de Caldwell-Luc pratiquée par les oto-rhino-laryngologues (ORL) pour les mucocèles maxillaires, la voie sourcillaire de Jacques, pratiquée aussi par les ORL, et la voie bicoronale de Cairne Unterberger des neurochirurgiens pour les mucocèles frontales ou fronto-éthmoïdales (14, 17).

Le traitement étiologique comprend 2 options : réintégration du sinus abritant la mucocèle dans le système respiratoire, d’où il a été exclu (c’est la nasalisation) ou la technique d’exclusion par comblement ou crânialisation. Le principe des voies externes est identique : c’est la mise en communication large des sinus avec le système de drainage normal (17). La voie externe avec abord bicoronal et crânialisation du sinus a été notre option dans cette série, opérée exclusivement par des neurochirurgiens. Elle permet une meilleure exploration de l’envahissement endocrânien.

La voie endonasale présente des limites certaines telles une marsupialisation insuffisante, sources de synéchies et de récidives. Dans les formes latérales,l’exposition complète est difficile,surtout dans les mucocèles fistulisées pour lesquelles il est nécessaire de procéder à l’exerese du trajet fistuleux. Enfin, elle ne permet pas une exploration satisfaisante en cas de suspicion d’une pathologie tumorale associée. Ainsi la voie externe avec abord bicoronal répondait parfaitement au profil clinique de nos malades, qui présentaient des indications indéniables à cette voie : mucocèle récidivante (Observations 1, 3, 4), forme fistulisée (pyocèle) (Observation 3).

L’évolution a été jugée favorable chez nos patients jusqu’au 6e mois après l’intervention. Le suivi post-opératoire parfois court dénote de la difficulté à suivre les malades en Afrique, une fois opérés. Ainsi NDIAYE (10) sur sa série de 35 cas, n’a pu obtenir qu’un suivi moyen de 4 mois. Il en est tout autrement ailleurs ; ainsi pour PERIE (12), le suivi post-opératoire était de 27 mois avec des extrêmes de 6 mois et 70 mois. Dans tous les cas, la surveillance doit être aussi prolongée que possible, car les mucocèles des sinus paranasaux peuvent récidiver plusieurs années après cure chirurgicale (3, 10). Ce taux de récidive varie de 3 à 35 % selon les auteurs (2).

CONCLUSION

Les mucocèles des sinus frontaux, sont des affections bénignes. Leur gravité tient au risque de compression d’organes nobles de voisinage avec possibles retentissements fonctionnels voire vitaux.
Elles ont bénéficié de l’apport de l’imagerie et des techniques de chirurgie fonctionnelle.
En Afrique, la chirurgie par voie externe notamment l’option neurochirurgicale est nous semble préférable du fait du diagnostic tardif à l’origine de l’importante expansion endocranienne.

Tableau 1: Résumé des observations

Tableau 1: Résumé des observations

Figure 1

Figure 1

Figure 2

Figure 2

Figure 3

Figure 3


REFERENCES

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