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ORIGINAL PAPERS / ARTICLES ORIGINAUX
ASPECTS CLINIQUES ET PRONOSTIQUES DES ESCARRES AU SERVICE DE NEUROLOGIE DU CHU DE COCODY
CLINICAL AND PROGNOSTIC ASPECTS OF PRESSURE ULCERS AT THE NEUROLOGY DEPARTMENT OF COCODY UNIVERSITY HOSPITAL
E-Mail Contact - OFFOUMOU FIACRE DELORS :
fiacredelorsoffoumou@gmail.com
Résumé Introduction : L’escarre est une pathologie débilitante qui représente un énorme fardeau pour les personnes touchées. Sa prévention est un indicateur de la qualité de soins d’un service hospitalier. Objectif : Evaluer la mortalité et la morbidité des escarres des patients hospitalisés. Méthode : Il s’est agi d’une étude de cohorte prospective qui s’est déroulée de janvier 2024 à juin 2024 au service d’hospitalisation de neurologie du Centre Hospitalier Universitaire de Cocody. Ont été inclus, dans l’étude, tous les patients hospitalisés au service de neurologie et qui ont accepté de participer à l’étude. L’échelle de BRADEN était l’échelle utilisé pour évaluer le risque de survenu des escarres. Résultats : Sur les 221 patients inclus, 57,9% étaient des femmes, avec une moyenne d’âge de 53 ans (9 à 85 ans). Les patients qui avaient un risque élevé ou très élevé à l’échelle de BRADEN ont eu des escarres dans 65,2% des cas. L’incidence des escarres en cours d’hospitalisation était de 07,1%. La durée moyenne d’hospitalisation des patients avec escarres était de 15,4 jours contre 10,2 jours pour ceux n’ayant pas d’escarres. Les patients ayant une escarre sont décédés dans 37,8% des cas et ceux sans escarre sont décédés dans 11,9% des cas. Conclusion : L’escarre, complication de décubitus majeure et fréquente, est responsable du prolongement de la durée d’hospitalisation, d’un risque élevé de décès et de la survenue d’autres complications. Mots clés : Escarre ; Décès ; Morbidité.
SUMMARY Introduction: Pressure ulcers are a debilitating disease that is a huge burden on those affected. Its prevention is an indicator of the quality of care in a hospital department. Objective: To evaluate the mortality and morbidity as well as the determinants of pressure ulcers in hospitalized patients. Method: This was a prospective cohort study which took place from January 2024 to June 2024 in the neurology hospitalization department of the Cocody University Hospital Center. All patients hospitalized in the neurology department and who agreed to participate in the study were included in the study. The BRADEN scale was the scale used to assess the risk of pressure ulcers occurring. Results: Of the 221 patients included, 57.9% were women, with a mean age of 53 years (9 to 85 years). The patients who had a high or very high risk on the BRADEN scale had pressure ulcers in 65.2% of cases. The incidence of pressure ulcers during hospitalization is 07.1%. The mean length of hospital stay for patients with pressure ulcers was 15.4 days compared to 10.2 days for those without pressure ulcers. Patients with a pressure ulcer died in 37.8% of cases and those without a pressure ulcer died in 11.9% of cases. Conclusion: Pressure ulcers, a major and frequent complication of decubitus, are responsible for prolonged hospital stays, a high risk of death and the occurrence of other complications. Keywords: Pressure ulcer; Death; Morbidity. INTRODUCTION Selon le National Pressure Ulcer Advisory Panel (NPUAP) définir une lésion cutanée d’origine ischémique liée à une compression des tissus mous entre un plan dur et les saillies osseuses (2, 10). La prévalence des escarres est en augmentation dans plusieurs régions du monde (15). En France, sa prévalence était estimée à 8,4% en 2014 (4). Et en Afrique, une Méta-analyse réalisée en 2020 montrait que la prévalence ponctuelle des escarres était de 11% en Afrique (3). De plus, malgré l’augmentation des connaissances médicales et de nouvelles préventions et traitements efficaces, l’escarre reste une pathologie courante et débilitante qui représente un énorme fardeau pour les personnes touchées, les soins de santé, les systèmes et coûts socio-économiques (11, 15). La plupart des études menées sur les escarres dans le monde, sont axées sur la prévalence et l’incidence des escarres (4, 7, 15). D’autres études se sont intéressées aux facteurs de risque et à la prévention des escarres et à sa prise en charge (1, 6). Peu de données sont retrouvées dans la littérature sur la mortalité hospitalière liée aux escarres. En neurologie du fait du handicap des patients, ceux-ci pourraient être exposés à l’alitement prolongé et éventuellement au risque de survenu d’escarre. Mesurer son ampleur dans un service tel que la neurologie et en évaluer son impact fourniraient des indicateurs pertinents de décision en santé publique. Les escarres pourraient être significativement liées à la mortalité et prolongeraient la durée d’hospitalisation des patients hospitalisés au service de neurologie. Nous avons ainsi réalisé cette étude afin d’évaluer la mortalité et la morbidité ainsi que les déterminants des escarres en hospitalisation de neurologie. MATERIEL ET METHODE Il s’est agi d’une étude cohorte, prospective portant sur tous les patients hospitalisés du 1er janvier 2024 au 30 juin 2024 au service de neurologie du CHU de Cocody à ABIDJAN. Sa capacité d’accueil est de 37 lits. Il est subdivisé en 2 sous-unités soit une de neurologie générale et une neurologie vasculaire. Ont été inclus dans l’étude tous les patients hospitalisés durant la période d’étude. Les différentes variables étudiées étaient les données sociodémographiques (l’âge, le sexe, la profession, le niveau scolaire, le statut matrimonial), les données cliniques (le motif d’hospitalisation, les antécédents, la température, le tour de taille, le score prédictif de survenue d’escarres BRADEN (cette échelle comprend six items tels que la perception sensorielle, l’humidité, l’activité, la mobilité, la nutrition, la friction et le cisaillement. Chaque item est noté de 1 à 4 sauf l’item friction et cisaillement qui est noté de 1 à 3. Le score total de cette échelle est de 23. Plus le score bas, plus le risque de survenu d’escarre est élevé), les syndromes neurologiques à l’admission, le diagnostic retenu, le type de complication de décubitus, le siège de l’escarre, le stade de l’escarre, la dimension, le délai d’apparition de l’escarre), les données biologiques (la glycémie veineuse, le taux d’hémoglobine, la CRP, l’hémoculture, la procalcitonine), les données thérapeutiques et évolutifs (le type de matelas, la présence de coussin, l’intervalle d’immobilisation, la fréquence de nettoyage de l’escarre, les moyens de prise en charge des escarres, l’évolution en cours d’hospitalisation, la durée d’hospitalisation). Les variables quantitatives ont été exprimées par leur moyenne ± écart type ou par leur médiane ± étendue. Les variables qualitatives quant à elles ont été exprimées par leur effectif et proportion. L’analyse statistique a été faite à l’aide des tests de Chi2 et de Ficher avec un seuil de significativité p ˂ 0,05. RESULTATS Sur les 221 patients inclus, 57,9% étaient des femmes, avec une moyenne d’âge de 53 ans et un sex ratio de 0,7 (tableau I). Le déficit moteur et le trouble de la vigilance étaient les motifs d’hospitalisation les plus retrouvés. Les patients avaient un déficit moteur sévère (plégie) dans 68,6% des cas et un trouble de la vigilance avec un score de Glasgow inférieur ou égal à 10 dans 16,5% des cas (tableau II). Les patients qui avaient un risque élevé ou très élevé à l’échelle de BRADEN ont eu des escarres dans 65,2% des cas (figure 1). L’escarre était présente chez 37 des patients soit une prévalence de 16,7%. Chez les patients n’ayant pas d’escarre à l’admission, l’incidence des escarres en cours d’hospitalisation était de 07,1%. Elle se localisait dans 59,5% des cas au niveau du sacrum (tableau III). Le stade III était retrouvé dans 54%, suivi du stade II (37,84%) et le stade I représentait seulement 2,7% des patients (tableau IV). Parmi l’ensemble de nos patients ayant une anémie, 51,9% avaient des escarres (figure 2). Le sérum physiologique ou chlorure de sodium à 0,9 % était utilisé pour le nettoyage des escarres chez 36 sur 37 patients ayant des escarres (tableau V). La durée moyenne d’hospitalisation des patients sans escarres était 10,2 jours avec un maximum de 21 jours et celle des patients avec escarres était de 15,4 jours avec un maximum de 31 jours (figure 3). Tous les patients avec ou sans escarres qui avaient un risque très élevé à l’échelle de BRADEN étaient décédés (tableau VI). Les patients ayant une escarre sont décédés dans 37,8% des cas et ceux sans escarre sont décédés dans 11,9% des cas. La présence d’escarre était significativement associée au décès et augmentait de plus de 3 fois le risque de mortalité chez nos patients (tableau VII). Le décès est également lié significativement avec l’échelle de Braden (tableau VII). DISCUSSION Ce travail a présenté l’impact des escarres chez 221 patients hospitalisés en neurologie. Il a objectivé que sur l’ensemble des patients, la prévalence des escarres était de 16,7%. Cependant, l’incidence de survenue des escarres en cours d’hospitalisation chez les patients était de 07,1%. Cette incidence était conforme aux données de la littérature où l’incidence variait de 0,4% à 38% en fonction des services d’hospitalisation (9, 14, 15). Cette incidence, est relativement plus faible que celle retrouvée en Europe en 2007, dans une étude multicentrique, incluant plusieurs pays où l’incidence des escarres des patients de neurologie était de 15,1% (14). Cela pourrait s’expliquer par le jeune âge relatif de nos patients et par le fait que notre service s’est doté depuis décembre 2023 de matelas anti escarre à air. L’incidence des escarres augmentait avec l’âge avec un pic de fréquence situé entre 51 et 65 ans. Ce résultat corrobore avec celui de Oukit au Maroc qui rapportait un âge moyen de 54,8 ans (11). Tandis que la littérature occidentale rapportait un pic de fréquence situé entre 76 et 84 ans (13). Ceci pourrait s’expliquer par le fait qu’en Afrique, la population est relativement jeune. Le sexe féminin était discrètement plus représenté avec un sex-ratio de 0,7. Ce résultat était différent du résultat avancé par Briggs et al, lors d’une étude menée au Royaume-Uni qui notait une légère prédominance masculine (5). Cependant dans la littérature la prédominance de sexe varie d’une étude à l’autre (7, 8, 12, 13). Les patients qui avaient un risque élevé ou très élevé à l’échelle de Braden ont eu des escarres dans 65,2% des cas. Ce qui était conforme aux données de la littérature (1, 13). En effet, l’échelle de Braden fait partie des échelles d’évaluation du risque d’escarre. C’est une échelle simple, facile à utiliser, dont la sévérité est corrélée au risque de survenue d’escarre. La présence d’escarre prolongeait la durée d’hospitalisation de nos malades. En effet la durée moyenne d’hospitalisation des patients, avec ou sans escarre était de 11,1 jours ; celle des patients sans escarres était de 10,2 jours avec un maximum de 21 jours, et celle des patients avec escarres était de 15,4 jours avec un maximum de 31 jours. Ce qui était conforme aux données de la littérature où la présence d’escarre prolongeait la durée d’hospitalisation (5, 11). En effet, Oukit dans son étude a trouvé une durée moyenne d’hospitalisation de 19,6 jours (11). Jiang et al en Chine dans leur étude, retrouvaient une durée d’hospitalisation majoritairement comprise entre 6 et 30 jours (79,49%) chez les patients avec escarre (8). Plusieurs raisons pourraient expliquer cette différence. Premièrement, l’escarre est une complication de décubitus qui entraine une prise en charge supplémentaire et sa guérison est très difficile. Secondairement, le stade III était le stade le plus fréquent (54%), suivi du stade II (37,8%) et le stade I représentait seulement 2,7% des patients ayant des escarres. Enfin, la localisation sacrée était la localisation la plus fréquente des escarres (59,5%) ce qui rend la prise en charge difficile du fait des difficultés de décharge. Le taux de décès des patients avec des escarres était de 37,8% contre 11,9% de décès chez les patients sans escarres. La présence d’escarre était significativement associée au décès et augmentait de plus de 3 fois le risque de mortalité chez nos patients. Les résultats étaient conformes aux données de la littérature. En effet, selon la littérature la présence d’escarre multiplie par 2 le risque de mortalité des patients (13). Ce taux élevé de décès chez les patients avec escarres dans l’étude pourrait s’expliquer par le fait que 59,4% des patients avaient des escarres au stade III ou IV et n’avaient pas, par conséquent, un protocole de traitement adapté. De plus la présence des escarres était responsable d’autres complications telles que : le sepsis (5% des cas), l’anémie (51,9% des cas). Cependant d’autres déterminants de mortalité ont été retrouvés dans notre étude. Il s’agissait de la présence d’un risque très élevé à l’échelle de Braden et d’un trouble de la vigilance avec un score de Glasgow inférieur ou égal à 10. En effet, l’échelle de Braden était significativement associée au décès et tous les patients avec ou sans escarres qui avaient un risque très élevé à l’échelle de BRADEN étaient décédés. De même les patients avec un score de Glasgow inférieur ou égal à 10 avaient un risque élevé de décès. CONCLUSION Cette étude prospective est l’une des rares études à évaluer des escarres sur le devenir des patients hospitalisés dans un service de neurologie en Afrique noire. Même si elle comporte certaines limites en rapport avec la petite taille de l’échantillon, l’étude a montré que la présence d’escarres chez les patients hospitalisés était corrélée à un prolongement de la durée d’hospitalisation, à un risque élevé de décès et à la survenue d’autres complications telles que le sepsis et les anémies. Il faudrait donc mettre l’accent sur les mesures de prévention car ceux-ci diminuent considérablement l’incidence des escarres. ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Conflit d’intérêt : aucun REFERENCES
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