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CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
 
ASSOCIATION ENTRE TRAITEMENT DE L’ASCARIDIOSE ET DIMINUTION DE LA FREQUENCE DES CRISES CHEZ LES PATIENTS EPILEPTIQUES A ALEXANDRIE (EGYPTE)

IMPACT OF AN ANTI-HELMINTHIC TREATMENT ON THE COURSE OF EPILEPSY IN THE NEUROPSYCHIATRY DEPARTMENT OF ALEXANDRIA IN EGYPT : A LINK BETWEEN ASCARIDIASIS AND EPILEPSY ?


  1. Département de Neuropsychiatrie, Hôpital Général Ras Etin d’Alexandrie, Egypte
  2. Institut d’Epidémiologie Neurologique et de Neurologie Tropicale, Limoges, France

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RESUME

Description et objectif : ce travail recherche une association entre ascaridiose et épilepsie.

Méthodes : une étude d’impact du traitement anti-helminthique a été réalisée dans le service de Neuropychiatrie d’un hôpital général d’Alexandrie en Egypte.

Résultats : 537 patients épileptiques ont été inclus. Le niveau d’infection d’ascaridiose était sévère à modéré pour 68 % d’entre eux. Après traitement anti-helminthique, le nombre moyen de crises d’épilepsie partielle s’est réduit de 10 % (p< 0,001) alors que le nombre moyen de crises généralisées ne variait pas. Cette diminution a bénéficié surtout aux patients ayant un niveau sévère d'infection. Conclusion : cette étude donne des arguments indirects incitant à poursuivre les études épidémiologiques ou physiopathologiques à la recherche d'un lien causal entre ascaridiose et épilepsie. Mots clés: Afrique, ascaridiose, Egypte, épilepsie


SUMMARY

Background and objective : this work looks for a link between ascaridiasis and epilepsy.

Methods : This work has looked for the impact of an anti-helminthic treatment on the course of epilepsy and was performed in the Neuropsychiatry department of a general hospital of Alexandria in Egypt.

Results : 537 patients with epilepsy have been included. The level of ascaridiasis infection was severe to moderate for 68 % of them. After anti-helminthic treatment, the average number of partial epilepsy fits has reduced in 10 % (p<0.001), whereas the mean number of generalised fits had not varied. This decrease has particularly been profitable to patients with severe infection level. Conclusion : this study gives indirect arguments prompting to continue epidemiological or pathophysiological studies in search of a correlation between ascaridiasis and epilepsy. Keywords : Africa, ascaridiasis, Egypt, epilepsy

INTRODUCTION

L’épilepsie et l’ascaridiose posent dans les zones tropicales du globe et en particulier en Afrique deux problèmes majeurs de Santé Publique. Les conséquences médicales, sociales, culturelles et économiques qu’elles entraînent sur la société en font toute la gravité.
Les études épidémiologiques indiquent qu’environ 1 à 2 % de la population mondiale ont, ou ont eu, des crises récurrentes d’épilepsie au cours de leur vie (10, 15, 17). La prévalence de l’épilepsie dans les pays tropicaux est plus élevée que dans les pays industrialisés (4). En Afrique, sa prévalence varie entre 5 et 40 ‰ (avec une moyenne entre 15 et 20 ‰). La prévalence de l’épilepsie à Alexandrie est estimée entre 5 et 6 ‰, arrivant au deuxième rang des pathologies neurologiques après les accidents vasculaires cérébraux. 75 % des cas d’épilepsie sont idiopathiques ou cryptogéniques. 80 % des cas débutent avant l’âge de 25 ans.
La fréquence élevée de certaines étiologies spécifiques expliquent en partie les différences entre les prévalences d’épilepsie observées entre les pays industrialisés et les pays en développement. L’ascaridiose est une maladie parasitaire cosmopolite, répandue et fréquente surtout dans les pays tropicaux ( 5, 7, 16, 17 ). L’infection est très répandue en Egypte, en particulier dans le delta du Nil. Les manifestations cliniques classiques de l’ascaridiose résultent d’une migration des larves dans les poumons (syndrome de Löffler) ou de la présence des vers adultes dans l’intestin grèle ou leur migration à travers les parois (douleurs abdominales, diarrhée, anorexie, abcès hépatique … ). L’infection est une cause fréquente de toux chronique chez l’enfant. Récemment, une association entre l’ascaridiose et des troubles de la mémoire a été mise en évidence aux Philippines (4).
L’association entre épilepsie et ascaridiose est une observation classique en clinique, dans les contrées où l’ascaridiose est endémique et où la prévalence de l’épilepsie est également élevée (3, 11). L’ascaridiose, associée à un bas niveau sérique de vitamines et des constituants protéiques, à une malabsorption de lipides et de glucides, et à une toxicité (6, 12, 17) par migration des larves, pourrait être un facteur étiologique ou déclenchant d’épilepsie (1, 13).
Cette étude avait pour objectif de détecter une relation épidémiologique entre l’infestation par l’Ascaris lumbricoïdes et la survenue d’une épilepsie.

MATERIEL ET METHODES

Inclusion des patients

Cette étude à la fois rétrospective et prospective a été réalisée dans le service de Neuropsychiatrie de l’Hôpital Général « Ras Etin » d’Alexandrie et s’est déroulée sur deux années. Tous les patients épileptiques examinés dans ce service en hospitalisation ou en consultation en 1995 et atteints d’ascaridiose ont été inclus dans l’étude. Ces sujets devaient suivre un traitement régulier avec le même anti-épileptique par lequel ils étaient traités avant l’étude. Ces sujets ont été suivis pendant une année après leur inclusion.
Les patients épileptiques inclus étaient classés selon les critères de la « Classification Internationale des crises d’épilepsie » définie par la Ligue Internationale Contre l’Epilepsie (2). Cette classification permet de différencier les crises généralisées, les crises partielles et les crises inclassables.
Ont été considérés comme atteints d’ascaridiose tout patient chez qui l’examen coprologique des selles a révélé des œufs d’ascaris dans les selles. La sévérité de l’infection a été déterminée par le test de Stoll qui quantifie le nombre d’œufs d’ascaridiose dans un échantillon de selles. Le degré d’infection par l’ascaridiose était calculé à partir du débit total d’œufs et classé en 3 catégories : < 2 œufs par mg de selles correspondait à une infection légère, entre 2 et 10 œufs par mg de selles à une infection modérée et > à 10 œufs par mg de selles à une infection sévère (8, 13).

Traitement des patients

Une fois inclus dans le protocole, les patients ont reçu un traitement anti-helminthique, le lévamizole, permettant une élimination totale des parasites d’ascaridiose. Le lévamizole agit en paralysant les nématodes intestinaux. La prise du traitement était unique et la posologie dépendait de l’âge du patient : 1 comprimé de 40 mg de lévamizole pour les enfants entre 1 et 4 ans, 2 comprimés pour les enfants entre 5 et 15 ans et 3 comprimés pour les adultes. L’efficacité de ce traitement a été confirmée par un examen parasitologique des selles 48 heures après la prise. Au cours de l’étude, toute nouvelle infestation du patient entraînait un traitement anti-helminthique. Le test de Stoll était renouvelé tous les mois afin d’éliminer toute nouvelle infestation du patient au cours de l’étude. Une éducation sanitaire a aussi été dispensée à ces sujets lors de l’inclusion dans l’étude afin de diminuer le risque de recontamination (éducation sanitaire générale et spécifique pour la lutte contre l’ascaridiose : lavage, brossage puis rinçage des fruits et légumes à l’eau courante).

Déroulement de l’étude

Le neurologue du service a recueilli par interrogatoire la fréquence et le type de crises d’épilepsie des patients, avant et après le traitement anti-helminthique. La fréquence et le type des crises d’épilepsie durant l’année précédant ce traitement a été évaluée d’après le carnet de santé du patient, ces sujets étant suivis dans des centres hospitaliers ou à l’hôpital général d’Alexandrie. Les patients étaient ensuite examinés mensuellement durant l’année qui a suivi leur inclusion dans l’étude. A chaque consultation, la fréquence des crises d’épilepsie et leur type étaient notés.

Analyses statistiques

La relation entre le degré d’infection par Ascaris lumbricoïdes et la modification de la fréquence des crises épileptiques, avant et après l’élimination de l’ascaridiose, a été explorée.
Afin de quantifier l’importance de la modification du nombre de crises épileptiques avant et après le traitement antihelminthique, la variation de fréquence des crises a été calculée à partir de la formule suivante : (nombre de crises annuelles après traitement – nombre de crises annuelles avant traitement) / (nombre de crises annuelles avant traitement).
Les données recueillies ont été saisies sur le logiciel Excel 5 (Microsoft®) et analysées grâce au logiciel Statview F-4.5 (Abacus Concept Inc, USA).
Les statistiques descriptives ont été effectuées par simple dénombrement des cas et des témoins de l’échantillon. Les comparaisons de fréquence ont fait appel aux tests du chi-2 de Pearson, chi-2 de Yates et test exact de Fisher selon les effectifs théoriques ; les comparaisons de moyennes ont été réalisées grâce au test t de Student, à l’analyse de variance, aux tests U de Mann-Whitney ou H de Kruskall-Wallis selon les effectifs et le nombre de groupes à comparer ; les corrélations ont été effectuées par calcul du coefficient de corrélation ou par le test des rangs de Spearman.

RESULTATS

Dans cette étude, 537 patients épileptiques ont été inclus. La population étudiée était constituée de 224 femmes (41,7 %) et 313 hommes (58,3 %), soit un sex ratio de 1,4. La moyenne d’âge s’élevait à 23,8 ans (± 15,1). 50,3 % de cette population avait moins de 20 ans. Les patients présentaient dans 69,5 % des cas des crises d’épilepsie généralisées, les 2/3 étant des crises tonico-cloniques (tableau I). Le niveau d’infection par l’ascaridiose était modéré dans 46,2 % des cas, sévère pour 22,0 % des patients et léger pour les autres (31,8 %). Deux cas seulement ont été réinfectés durant toute la période de l’étude ; l’un 5 mois après l’inclusion dans l’étude et l’autre 8 mois après. Ces sujets ont bénéficié d’une nouvelle cure thérapeutique anti-helminthique avec contrôle de son efficacité.

Avant le traitement anti-helminthique, les patients présentaient en moyenne 25,4 crises d’épilepsie par an (± 21,3) et après le traitement, 23,1 crises (± 20,3). La diminution du nombre de crises était donc de 2,3 crises (± 7,6) en un an.
La variation du nombre de crises par patient (en pourcentage) entre la période avant et la période après traitement anti-helminthique s’élevait à + 2,5 % (± 3,9) pour les crises généralisées et 9,8 % (± 14,3) pour les crises partielles. Cette variation a été calculée pour chaque type de crises (tableau II).

En moyenne, une diminution du nombre de crises est retrouvée pour tous les types d’épilepsie, crises partielles ou crises généralisées (Tableau I). Cependant, en calculant la variation en pourcentage du nombre de crises, celle-ci est différente entre les crises partielles et les crises généralisées. Elle est négative pour les partielles (donc diminution des crises, – 9,8 %) et positive pour les généralisées (augmentation des crises, + 2,5 %). La diminution des crises partielles est significative (p < 0,001) alors que l'augmentation des crises généralisées ne l'est pas. Les patients ayant, au moment de leur inclusion dans l'étude, une infection à ascaridiose sévère ont présenté une diminution significative du nombre de crises par an (p < 0,001), par rapport aux patients ayant une infection légère ou modérée. Pour les infections sévères, il était observé une diminution de 26,0 % (± 36,9) du nombre de crises, alors que pour les infections modérées la diminution était de 3,9 % (± 31,1) ; pour les infections légères, une augmentation de 19,6 % (± 35,1) était relevée. Une diminution du nombre de crises a été retrouvée chez les sujets de moins de 30 ans, alors que pour les classes d'âge plus élevé, il a été noté une augmentation des crises (p < 0,001). Pour les moins de 30 ans, le pourcentage de diminution s'élevait à 1,3 % (± 37,6) alors que chez les plus de 30 ans, l'augmentation des crises était de 5,8 % (± 38,0). DISCUSSION

Cette étude réalisée chez 537 épileptiques a permis de retrouver une différence significative du nombre de crises épileptiques partielles, avant et après l’élimination de l’ascaridiose. Les patients infectés par ascaridiose de manière sévère ont présenté une diminution plus importante du nombre de crises que les malades moins infectés.
Cette étude s’est faite en zone urbaine et l’ascaridiose est une pathologie plus rurale qu’urbaine. Le terrain agricole humide essentiel à la fertilisation des œufs de l’Ascaris n’est pas présent à Alexandrie qui se situe au Nord ouest du delta du Nil. Cette ville dépend toutefois totalement pour son apport en fruits et légumes, des régions rurales des alentours et l’ascaridiose reste donc une pathologie fréquemment rencontrée à Alexandrie. La grande diversité des légumes disponibles à prix modérés fait de ces aliments l’élément principal de l’alimentation des égyptiens.
L’infection par l’ascaridiose était un critère d’inclusion des patients dans l’étude, mais il était impossible de connaître la durée exacte de l’infestation par l’ascaris pour chacun des patients. Il n’existe pas d’examen périodique de routine appliqué à la population générale de la ville d’Alexandrie. L’ascaridiose étant une affection chronique, il est très probable que cette durée d’infestation était très longue.
En Egypte, l’épilepsie n’est pas une maladie cachée. Suivant le système de santé de la ville d’Alexandrie, les patients épileptiques doivent se rendre dans le service de Neurologie une fois par mois, pour un examen de contrôle avec le neurologue et pour recevoir le traitement anti-épileptique qui leur est donné gratuitement. Ces visites régulières ont ainsi facilité le suivi mensuel dans cette étude.

Il a été observé que les patients souffrant à la fois d’épilepsie et d’ascaridiose suivaient et respectaient beaucoup plus consciencieusement les instructions du programme d’éducation sanitaire que les patients atteints uniquement d’ascaridiose. Cette conduite était probablement due à la fréquence très élevée des crises.

Dans cette étude, il a effectivement été trouvé que le groupe âgé de moins de 30 ans était amélioré par le traitement de l’ascaririose, ce qui pourrait être un argument supplémentaire en faveur d’une relation épidémiologique (9, 14).

La différence significative entre la fréquence des crises épileptiques partielles avant et après l’élimination du parasite ainsi que le degré d’amélioration directement proportionnel au degré de la sévérité de l’infection font suggérer que l’ascaridiose pourrait être un facteur étiologique d’épilepsie partielle ou un facteur aggravant l’épilepsie, en déclenchant des crises épileptiques.
L’existence de crises partielles chez les patients infectés par l’ascaride pourrait être attribuée à la migration de la larve du parasite, produisant des lésions dans certaines régions du cerveau.
Il n’a pas été retrouvé de publication portant sur des études épidémiologiques recherchant un lien entre l’épilepsie et l’ascaridiose. Cette étude transversale appelle d’autres études notamment cas-témoins afin de confirmer ou d’infirmer cette relation entre épilepsie et ascaridiose.

Tableau I : Description des types de crises d’épilepsie au total et par sexe (n = 537, Egypte, 1995).

Types de crises Nombre Pourcentage
Hommes Femmes Total Hommes Femmes Total
Crises Généralisées
Absences 13 10 23 4,1 % 4,5 % 4,3 %
Myocloniques 9 9 18 2,9 % 4,0 % 3,4 %
Cloniques 11 10 21 3,5 % 4,5 % 3,9 %
Toniques 20 14 34 6,4 % 6,2 % 6,3 %
Tonico-cloniques 147 102 249 47,0 % 45,5 % 46,4 %
Atoniques 15 13 28 4,8 % 5,8 % 5,2 %
Total Généralisées 215 158 373 68,7 % 70,5 % 69,5 %
Crises partielles
Partielles simples 41 37 78 13,1 % 16,5 % 14,5 %
Partielles complexes 20 12 32 6,4 % 5,4 % 5,9 %
Partielles secondaires 37 17 54 11,8 % 7,6 % 10,1 %
Total Partielles 98 66 164 31,3 % 29,5 % 30,5 %
Total 313 224 537 100,0% 100,0% 100,0 %

Tableau II : Moyenne annuelle du nombre de crises d’épilepsie apparues avant le traitement antihelminthique et variation (en pourcentage) de ces crises d’épilepsie, en fonction du type de crises.

Fréquence des crises Avant le traitement Variation en % avant et après
Moyenne Ecart-type Moyenne Ecart-type
Crises Généralisées
Absences 77,9 ± 61,9 + 1,0% ± 24,3%
Myocloniques 31,9 ± 16,9 + 5,6% ± 21,1%
Cloniques 23,2 ± 11,5 + 2,4% ± 20,2%
Toniques 24,1 ± 13,5 + 1,0% ± 39,8%
Tonico-cloniques 22,2 ± 14,0 + 1,8% ± 42,3%
Atoniques 13,9 ± 6,4 + 9,4% ± 27,0%
Total Généralisées 25,7 ± 24,2 + 2,5% ± 38,3%
Crises Partielles
Simples 27,1 ± 12,9 – 12,4% ± 31,8%
Complexes 20,2 ± 9,1 – 1,5% ± 30,7%
Secondairement généralisées 23,7 ± 12,0 – 11,0% ± 31,8%
Total Partielles 24,6 ± 12,1 – 9,8% ± 34,4%
TOTAL 25,4 ± 21,3 – 1,3% ± 37,6%

RÉFÉRENCES

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