AJNS
CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
 
BILAN DE FONCTIONNEMENT D’UNE CLINIQUE DE LA MEMOIRE SENEGALAISE

ASSESSMENT OF A SENEGALESE MEMORY CLINIC


  1. Service de Psychiatrie, CHU de Fann, Dakar-Sénégal
  2. Département de Médecine Préventive et Santé Publique, Faculté de Médecine, Pharmacie et Odontostomatologie, Université HFaCheikh Anta Diop, Dakar-Sénégal

E-Mail Contact - NDIAYE Ndongo Ndéye Dialé : dialouchandongo@yahoo.fr


RESUME

Description

La démence correspond à l’altération progressive des fonctions cognitives vers la détérioration complète avec retentissement sur la vie quotidienne. Des stades ont été identifiés comme précurseurs de démence notamment le mild cognitive impairment MCI ou trouble cognitif léger ou encore oubli bénin lié à l’âge. La dépression signe aussi très souvent le début d’un processus démentiel.

Objectif

L’objectif de la présente étude est, à partir d’une année de fonctionnement d’une clinique de mémoire, de préciser le profil cognitif en montrant les prévalences de démence avérée, de MCI, et de dépression.

Méthode

Ont été inclus tous les patients ayant consulté pour plaintes mnésiques dans la clinique de mémoire, tout sexe et tout âge confondus. Tous les patients ont été soumis à une évaluation neuropsychologique à l’aide du questionnaire « vieillir au Sénégal ».

Résultats

L’échantillon est composé de 132 patients âgés de 67 ans ± 13, dont 91 hommes. Cent un patients (76,5 %) étaient mariés. Le niveau d’instruction était le secondaire pour 30 patients (22,8 %). Les patients étaient adressés par un psychiatre dans 31,8 %, par un médecin généraliste dans 29,5 % et par un neurologue dans 16,7 % des cas. Les principaux facteurs de risque retrouvés étaient une HTA (65,2%) et une histoire familiale de démence (25,8%). Cent trente patients (98,5 %) vivaient en famille, 96,2 % avaient des enfants, et 93,2 % des frères et sœurs.

La démence était retrouvée dans 57 cas (43,2 %), le MCI dans 19 cas (14,4 %) et la dépression dans 7 cas (5,3 %). Quarante neuf patients ne présentaient aucun trouble.

La démence de type Alzheimer était la plus fréquente (64,9 %), suivie de la démence vasculaire (17 %), de la démence frontotemporale (9 %), de la démence mixte (7 %) et de la démence à corps de Lewy (2 %).

La plus grande prescription médicamenteuse était représentée par les antihypertenseurs suivie des antidépresseurs. Les anticholinestérasiques, qui constituent le seul traitement stabilisateur, n’ont été prescrits que chez 12 patients (9,1 %) par le neurologue.

Conclusion

La démence est un problème de santé publique qui concerne un pourcentage non négligeable de la population âgée sénégalaise. Elle constitue une pathologie encore mal maîtrisée sur le plan thérapeutique d’où la nécessité d’un dépistage précoce.

Mots clés: Démence – MCI – Dépression – Troubles cognitifs – Afrique sub saharienne


SUMMARY

Objective

The aim of the study is to give results concerning prevalence of different cognitive profiles: MCI, dementia and depression.

Methods

The study concerned 132 patients who were submitted to a neuropsychological evaluation with instrument “vieillir au Senegal”, and to a clinical examination.

Results

The average age is of 67 years, 63 % are male, 76.5 % married. The level of studies is 22.8 % for secondary level, 25.8 % have a family history of dementia and 33, 3% a depression in their medical history.

98 % of patients live in family, 96.2 % have children, and 93.2 have sisters and brothers.

42 patients (31.8 %) are referred by a psychiatrist 29.5 % by a general practitioner and 16.7 % by a neurologist. Dementia is found in 43.2 %, MCI in 14.4 % and normal subjects are about 37.10 %.

Alzheimer dementia is the most frequent (64.9 %). Vascular dementia is about 17 %, fronto temporal dementia 9 %, mixt dementia 7 %, Lewy bodies dementia 2 %.

The antihypertensive drugs are mostly prescribed. The cholinesterase inhibitors, drugs of choice are prescribed for only 12 patients because of their expensive cost and availability in Africa.

Conclusion

A better training of health personal for an early diagnosis would be helpful for adequate management of dementia.

Key words: cognitive impairment – memory clinic – dementia – Alzheimer disease – mild cognitive impairment – sub Saharan Africa


INTRODUCTION

Les troubles cognitifs désignent la détérioration des facultés intellectuelles: la mémoire, l’orientation, la concentration, l’attention, la capacité d’apprentissage, la pensée abstraite, le jugement, le langage. Cette détérioration peut atteindre une ou plusieurs de ces capacités, donnant des degrés croissant d’insuffisance cérébrale. Les troubles cognitifs majeurs sont représentés par la démence qui correspond à l’altération d’une ou plusieurs facultés intellectuelles, avec un retentissement important sur le mode de vie de l’individu. L’oubli bénin lié à l’âge ou MCI recouvre une altération cognitive intéressant plus la mémoire sans retentissement sur la vie quotidienne. Une évolutivité vers la démence de type Alzheimer est décrite. Environ 50% des cas d’oubli bénin lié à l’âge évoluent après quatre ans vers la maladie d’Alzheimer [25]. D’autre part, la dépression chez la personne âgée peut s’accompagner de troubles de la mémoire et du comportement, simulant ainsi un syndrome démentiel curable. Elle peut aussi parfois signer le début d’une démence.

La présente étude a pour objectif de préciser la prévalence des MCI, de la dépression et de la démence dans une population de 132 personnes ayant consulté dans une clinique de mémoire au Sénégal.

MATERIELS ET METHODE

L’étude s’est déroulée au CHN de Fann dans la clinique de mémoire durant la période du 02 Janvier 2004 au 30 Juin 2005. En Décembre 2003, une clinique de Mémoire a été mise en place au niveau de la Clinique Neurologique du CHN de Fann. Jusqu’à ce jour, elle est au stade embryonnaire fonctionnant uniquement avec 3 personnes, un neurologue, une psychiatre et un étudiant en année de thèse, médecin généraliste qui s’intéressent aux troubles cognitifs. Cette clinique vise à prendre en charge tout patient référé pour troubles de la mémoire Les données sont celles collectées après un an de fonctionnement de la clinique de mémoire.

Nous avons inclus tous les patients qui avaient consulté pour des troubles cognitifs, tout sexe, tout âge confondu. Ont été exclues toutes les personnes présentant une maladie empêchant l’administration de l’instrument de collecte de données: coma, psychose, aphasie, baisse importante de l’acuité visuelle et auditive.

Cette recherche a reçu l’approbation du comité d’éthique du Ministère de la Santé et de la Prévention Médicale du Sénégal avant son démarrage. Un consentement éclairé avec la personne âgée ou son accompagnant était obtenu.

Nous avons effectué le recueil des données à partir d’un questionnaire comportant les attributs socio démographiques, les antécédents médicaux, psychiatriques et familiaux, ainsi que le mode de vie (consommation d’alcool et de tabac), le réseau social.

Les patients ont été soumis à un examen clinique (guide de l’examen clinique). L’évaluation neuropsychologique a été réalisée à l’aide du questionnaire «vieillir au Sénégal» qui comporte 4 parties: une partie évaluant les caractéristiques socio démographiques, la perception de la santé, les antécédents médicaux, psychiatriques et familiaux, les médications en cours, le mode de vie, le réseau social, une grille d’évaluation des capacités fonctionnelles [9], le test du Sénégal, et le test de HodKinson modifié et adapté [16].

Après évaluation neuropsychologique et examen clinique, un diagnostic est posé, un traitement et un suivi proposés.
Les critères utilisés pour la démence sont ceux du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 4th (DSMIV) [1], pour le MCI, les critères de Petersen [25], pour la dépression les critères de Center of Epidemiological Study of Depression (CESD) [26].

Les données recueillies ont été saisies et analysées à l’aide d’un ordinateur type PC avec le logiciel SPSS version 10.0 pour windows. Les résultats ont été exprimés avec un risque d’erreur de 5%.

RESULTATS

Cent trente deux patients ont été vus durant la période d’étude. La prédominance était masculine avec un sex ratio de 0,45. L’âge moyen était de 67ans +/- 13, avec des extrêmes de 18 et 90 ans.

Vingt cinq patients (18,9 %) n’avaient aucune instruction. Trente patients (22,7 %) avaient le niveau secondaire complet. La majorité des patients était mariée 101 (76,5 %). Vingt patients (15,2 %) étaient veufs et seuls 5 patients (3,8 %) étaient célibataires. La majorité était envoyée par le psychiatre (31,8 %). Trente neuf cas (29,5 %) étaient envoyés par le médecin généraliste et 22 patients (16,7 %) par le neurologue. Douze patients (9,1 %) étaient amenés par leur famille.

Trente quatre patients (25,8 %) présentaient des antécédents familiaux de trouble mnésique (tableau I).
Cent trente patients (98,5 %) vivaient en famille (tableau II), 25 patients (18,9 %) appartenaient à une association religieuse, et 9 (6,8%) à une association communautaire. Seuls 2 patients (1, 5 %) vivaient seuls.

Les anti hypertenseurs étaient les plus prescrits (tableau III), suivis des anti dépresseurs dans 37 cas (28%), et des neuroleptiques dans 18 cas (13,6%). Les anticholinestérasiques étaient prescrits dans 12 cas (9,1 %).

Nous avons retrouvé 57 cas de démence (43,2 %) avec une prédominance de démence de type Alzheimer (64,7 %). Le MCI était présent dans 10 cas (14,4 %), et la dépression dans 7 cas (5,3 %).

DISCUSSION

•Age

L’âge moyen était de 67 ans avec des extrêmes de 18- 90. Cet âge moyen est voisin de celui retrouvé dans les séries occidentales. Touré [30] à Montréal a trouvé un âge moyen de 73,3 ans en 2000.

Ces résultats confirment les nombreuses théories selon lesquelles l’âge est le principal facteur de démence [21]. En effet, en Europe [21], au Nigeria [14], comme dans beaucoup d’autres études la démence était significativement associée à l’âge de la personne.

•Sexe

Dans notre travail, le sex-ratio est de 0,45 en faveur des hommes. Nos résultats sont différents de ceux retrouvés par plusieurs auteurs. Ainsi Stewart [28] a trouvé en Corée 60,8% de femmes. Ces résultats confirment la thèse de certains auteurs qui estiment que les différences hormonales et biologiques en particulier les œstrogènes pourraient expliquer la prédominance féminine des troubles démentiels [28]. La disparité entre nos résultats et ceux de la littérature pourrait s’expliquer par le fait que dans nos pays, les hommes ont beaucoup plus de responsabilités religieuses, professionnelles et sociales. Leurs troubles sont donc beaucoup plus visibles et conduisent à un plus grand besoin de consultation.

•Statut matrimonial

A propos du statut matrimonial, nos constats sont les mêmes que ceux d’autres études. Yiloski [35] soutient que le fait d’être veuf ou divorcé entraine une baisse de performance au Mini Mental State Examination (MMSE), baisse qui n’est pas observée chez les personnes âgées mariées. L’hypothèse d’un rôle de maintien social du mariage pourrait être évoquée. Au Sénégal, où la polygamie est une pratique sociale et religieuse, on pourrait s’attendre à trouver beaucoup de personnes âgées évoluant dans des ménages multiples. La quantité et la qualité de réseaux sociaux émanant de ce type d’union pourrait constituer un facteur de protection contre la détérioration cognitive.

•Réseau social et mode de vie

Cent trente patients (98,5 %) vivaient en famille. La majorité avait des enfants, des frères et sœurs, des amis. Ces patients recevaient des visites régulières des membres de leurs familles. Le risque de démence est corrélé à l’importance du réseau social. Fratiglioni [10] a montré que les sujets célibataires ou vivant seuls ont un risque double de développer une démence comparée à ceux qui vivent en couple. Il a par ailleurs trouvé qu’un réseau social fermé accroît le risque de 60%. La stimulation cognitive au sein du couple ou d’un réseau social plus développé, protégerait contre la démence, ou retarderait la phase clinique [10].

Nous avons retrouvé dans notre série 25 patients (18,9%) qui appartiennent à une association religieuse et 9 soit 6,8% à une association communautaire. Peter [24] a trouvé une association inverse entre pratiques religieuses et survenue de troubles cognitifs. Il soutient que le désengagement social est un facteur de risque de troubles cognitifs de la population âgée. Or, la non appartenance religieuse est l’une des 6 composantes du désengagement social. Dans la même lancée, Idler et Kasl [18] ont montré que l’appartenance à une association religieuse était associée à de faibles degrés d’incapacité fonctionnelle dans la population âgée.

Baiyewu [3] a trouvé que les personnes âgées en Afrique vivent avec une famille élargie faite de plusieurs générations. 6 ,7 % vivent seules, ce qui contraste avec celles vivant seules en Europe entre 35-39 % [2].
Nos résultats reflètent l’importance du réseau social en Afrique et particulièrement au Sénégal. Ce réseau social riche pourrait expliquer la faible prévalence de la démence dans nos sociétés.

Malheureusement, ce réseau social a tendance à s’appauvrir avec les mutations survenues dans le mode de vie marqué par une urbanisation progressive induisant de plus en plus un isolement des individus.

Néanmoins, il ne faut pas aussi perdre de vue que ces affections sont sous diagnostiquées.

•Itinéraire thérapeutique

Quarante deux patients (31,8 %) sont adressés par le psychiatre, trente neuf (29,5 %), par le médecin généraliste.

Au Ghana, la démence a constitué le deuxième motif de consultation à la clinique psychiatrique d’Accra [29].
Dans l’étude de Touré menée à Montréal en 2000 [30], 84 % des patients reçus en clinique de mémoire étaient envoyés par le généraliste et 25 % par le psychiatre.

En Hollande, 58 % étaient envoyés par le généraliste et seuls 12 % par le psychiatre [17].

Cette différence entre notre série et celles d’études réalisées dans des pays du Nord pourrait s’expliquer par une meilleure connaissance des troubles cognitifs par les médecins généralistes de ces pays. Cette bonne connaissance fait que le dépistage et la référence vers le service compétent se font plus tôt. En effet, une politique de vulgarisation des troubles cognitifs et la formation des médecins pour un diagnostic et une prise en charge précoce a été entreprise très tôt dans ces pays notamment au Canada par le Canadian Consensus Conference on the Assessment of Dementia CCCA en direction des praticiens généralistes [8,23]. La grande proportion de patients adressée par le psychiatre dans notre étude s’explique par l’expression psychiatrique fréquente des troubles cognitifs avec hallucinations, délire, déshinibition, irritabilité. Devant de tels tableaux, le premier réflexe des familles est d’amener les patients vers les structures où sont pris en charge les troubles du comportement, à savoir les services de psychiatrie.

•Antécédents

Nous avons trouvé 34 patients (25, 8 %) qui avaient une histoire familiale de démence. Ceci est en accord avec la littérature. En effet, les études révèlent une association fréquente des démences avec une histoire familiale de démence [7, 11, 22].

Ces chiffres confirment les théories génétiques de la démence. En effet des facteurs génétiques sont reconnus comme déterminants dans la démence, mais un seul fait l’objet de consensus: la présence de l’allèle E4 du gène codant pour l’apolipoproteine E [7].

Nous avons trouvé 44 patients (33,3%) qui avaient des antécédents de troubles dépressifs. La dépression est très souvent associée à la démence dont elle constitue un diagnostic différentiel aussi. Plusieurs études ont attesté cette association fréquente [7, 13, 19, 22]. Jorm AF confirme l’association démence dépression avec un risque relatif de 1,16 à 13,5 [19].

Quatre vingt six patients (65,2%) avaient des antécédents d’HTA. L’HTA est associée à un risque accru de survenue de maladie d’Alzheimer [17].

•Démences

Nous avons trouvé une prévalence non négligeable de démence avec 57 cas (43,1 %). Des taux plus élevés sont retrouvés 63% par Van der Cammen [34].

Touré au Canada [28] a trouvé des taux voisins de démence dans une clinique de mémoire.

Des études à Lagos [4] ont trouvé des taux voisins avec 48 % de démence.

Au Mali, Traoré a retrouvé une prévalence de 39,7 % sur une population de 65 ans et plus [32].

A Dakar, Touré trouve une prévalence de 10,7 % sur une population de 872 personnes âgées de plus de 55 ans [31]. La prévalence plus faible de Touré se justifie par le mode de recrutement qui n’était pas basé sur des plaintes cognitives, qui s’intégrait plus dans le cadre de consultations générales de personnes de plus de 55ans.

Ces chiffres montrent l’existence de la démence en Afrique.
Les troubles cognitifs, très souvent mis sous le compte de la vieillesse normale donc ne nécessitant aucune prise en charge sont sous diagnostiqués dans nos pays. Ceci pourrait expliquer les taux relativement faibles de démence au Sénégal.

Même si les taux retrouvés en Afrique sont inférieurs à ceux retrouvés dans les pays occidentaux [15], la prévalence de la démence d’Alzheimer est à peu près la même dans cette tranche de la population.

En effet, on retrouve autour de 66% de démence d’Alzheimer dans la plupart des sociétés [2].

Nos résultats sont conformes à ceux de la littérature avec 64 % de démence type Alzheimer.

En Angleterre des études montrent 44 % d’Alzheimer [6]. Touré au Canada [30] a trouvé une prédominance d’Alzheimer avec 46 %.

De tels résultats appellent des implications dans des sociétés comme les nôtres où les politiques de santé ne sont pas orientées vers les populations âgées.

•Dépression

Nous avons trouvé 7 cas de dépression. Une étude au Nigeria [5] a trouvé 5,4 % dans une population de 60 ans et plus. Baiyewu a trouvé 17 % de dépression [4].

Les dépressions passent très souvent inaperçues, la plupart des symptômes dépressifs étant considérés comme relevant de la démence. Ce qui en fait une mauvaise estimation. Or, une prise en charge adéquate des troubles dépressifs chez ces personnes âgées pourrait constituer un facteur préventif. Chez des personnes âgées fragiles, un état dépressif peut suffire à entraîner des troubles du comportement et de la mémoire similaires à ceux d’un syndrome démentiel, mais curables. La règle doit donc être de traiter tout syndrome dépressif du sujet âgé, même en cas de détérioration intellectuelle associée.

•MCI

Notre étude fait état de 19 cas de MCI soit beaucoup moins que dans les pays développés à l’instar du Canada où l’on retrouve une augmentation des cas de MCI entre 1992 et 2000 qui sont passés de 19 cas à 42 [30]. Ce qui s’explique par le fait que le MCI constitue une préoccupation essentielle des cliniques de mémoire dans ces pays développés. En effet les études montrent que le MCI a un taux de conversion de 15 % vers la démence selon Petersen [25].

A Indianapolis, Unverzagt a retrouvé sur une population de 87 patients qui présentaient un MCI, que 16,1% ont développé une démence [33] après un suivi de 2 ans.

Les taux encore faibles dans notre étude reflètent le retard de consultation et par ailleurs la méconnaissance de tels troubles d’où leur sous diagnostic.

Le vieillissement normal n’est pas synonyme de détérioration. Les plaintes mnésiques bénignes sont, dans la majorité des cas, liées à des facteurs psychoaffectifs (deuils, éloignement des proches, solitude). Il faut savoir prendre en charge les plaintes de changement des capacités. Au moindre doute, un bilan dans un centre spécialisé de la mémoire peut lever l’inquiétude ou permettre un traitement précoce dans les pays où de telles structures existent.

•Traitement

Les traitements les plus largement prescrits dans notre étude sont les antihypertenseurs 28,8% suivis des antidépresseurs 28 % et des anti anémiques 21,2 %.

Un soutien psychologique ainsi qu’une sensibilisation des familles ont été effectués dans tous les cas. Ces traitements sont encore uniquement symptomatiques et dans une certaine mesure préventive [12,21]. Dans les pays développés, les anticholinestérasiques seuls traitements réellement stabilisateurs sont plus largement prescrits. Touré a trouvé que 39 % de patients sous anti cholinestérasiques en 2000 [30] au Canada. Dans notre étude 12 patients (9,1 %) ont eu des anticholinestérasiques prescrits par le neurologue . Cette faible prescription s’explique par le fait de leur indisponibilité sur le marché et leurs prix élevés par ailleurs. En effet seuls les plus nantis parmi les patients recrutés ont pu commander les anticholinéstérasiques depuis l’Europe.

Une politique de santé visant une meilleure accessibilité des médicaments serait d’un grand apport.

CONCLUSION

La démence correspond à une détérioration intellectuelle globale d’évolution progressive avec un retentissement important sur la vie quotidienne.

Dans l’attente des avancées pharmacologiques sur la prise en charge, l’accessibilité financière des nouvelles molécules comme les anticholinestérasiques, le rôle du médecin en Afrique doit s’articuler autour de la prévention et de l’accompagnement de la famille. Cela implique une prise en charge adéquate des troubles dépressifs du sujet âgé, un diagnostic précoce des stades initiaux de la maladie et de larges informations éducatives sur l’intérêt des activités occupationnelles, physiques et intellectuelles, des réseaux sociaux et du mode de vie.


Tableau I : Antécédents des patients consultant pour troubles mnésiques.

Antécédents Nombre Pourcentage
HTA 86 65,2
Médications antérieures 74 56,1
Dépression 44 33,3
Démence familiale 34 25,8
Rhumatisme 30 22,7
Traumatisme crânien 25 18,9
AVC 16 12,1
Diabète 14 10,6
Affection respiratoire 13 9,8
Affection cardiaque 10 7,6
Parkinson 5 3,8
Fracture 4 3
Cancer ou tumeur bénigne 1 0,75

Tableau II : Activités physiques de 132 patients consultant pour troubles mnésiques au Sénégal.

Activité physique régulière Nombre Pourcentage
Marche 91 68,9
Vélo 3 2,3
Danse 2 1,5
Jardinage 2 1,5

Tableau III : Traitement habituel de 132 patients consultant pour troubles mnésiques au Sénégal

Traitements Nombre Pourcentage (%)
Antihypertenseur 38 28,8
Antidépresseur 37 28
Antianémique 28 21,2
Vasodilatateur 26 19,7
Aspirine 24 18,2
Neuroleptique 18 13,6
Anticholinestérasiques 12 9,1
Ldopa 9 6,8
Pénicilline 6 4,5
Diamox 4 3
Anticoagulants 1 0,8

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