CASE REPORT / CAS CLINIQUE
CEREBELLAR HYPOPLASIA : ANTENATAL DIAGNOSIS OF TYPE 3 LISSENCEPHALY. CASE REPORT
HYPOPLASIE CEREBELLEUSE DE DIAGNOSTIC ANTENATAL REVELATRICE D'UNE LISSENCEPHALIE DE TYPE 3: A PROPOS D'UN CAS
- Service de Radiologie Générale CHU de FANN, Dakar, Senegal
- Service de Pédiatrie CHU de FANN, Dakar Senegal
- Service de Neurochirurgie CHU de FANN, Dakar, Senegal
E-Mail Contact - LY BA Aissata :
RESUME
La lissencéphalie ou « cerveau lisse » est un terme regroupant l’agyrie et la pachygyrie forme atténuée de la première. Les anomalies de la giration peuvent être localisées ou diffuses, isolées ou associées à des malformations cérébrales, viscérales ou osseuses en particulier distales, rentrant dans le cadre de syndromes complexes dont le soubassement est génétique. La morphologie corticale, les malformations associées retrouvées à l’IRM, la nature de l’atteinte chromosomique permettent de distinguer trois types. Le type 1 regroupe une forme isolée, une forme liée à l’X et le syndrome de Miller-Dieker qui se caractérise par une dysmorphie cranio-faciale, une dysgénésie du corps calleux et des anomalies des extrémités. Dans le type 2, on retrouve diverses atteintes neuromusculaires. Un troisième type de découverte plus récente est représenté par les lissencéphalies avec hypoplasie cérébelleuse. Les lissencéphalies sont en rapport avec des délétions ou des mutations chromosomiques entraînant des anomalies de la prolifération et de la migration neuronales et de l’organisation corticale au niveau aussi bien cérébral que cérébelleux. Nous rapportons le cas d’un patient prématuré de sexe masculin et d’origine sénégalaise. L’examen clinique montre une camptodactylie et une aphalangie distale. La tomodensitométrie révèle une lissencéphalie, une agénésie du corps calleux avec kyste inter hémisphérique et une hypoplasie cérébelleuse. Le diagnostic anténatal de cette association a été en partie possible à l’échographie. L’intérêt de cette observation réside dans sa rareté et dans ses aspects étiopathogéniques, pronostiques et éthiques.
Mots-clés: Agénésie calleuse, Hypoplasie cérébelleuse, Imagerie par Résonance Magnétique, IRM, Lissencéphalie
SUMMARY
The lissencephaly or “smooth brain” is a term that associated agyria and pachygyria, the last being an attenuated form of the first. Gyral abnormalities may be located or generalised, isolated or associated with cerebral, visceral or bony malformations, particularly of the extremities, responsible of complex genetic syndromes. MRI signs of cortical morphology and associated malformations, chromosomal anomalies determine tree types. The type 1 include an isolate form, an X-linked-form, and Miller-Dieker syndrome whose characteristic is cranio-facial dysmorphy, callosal dysgenesis and extremities anomalies. In the type 2, various neuro-muscular attacks are seen. The type 3 recently organised as a distinct category, represents affections with cerebellar underdevelopment. Lissencephaly is related to deletions or mutations, involving neuronal proliferation and migration, and cortical organisation of both cerebral and cerebellar cortex. We report the case of a male premature Senegalese patient. Clinical examination shows camptodactilia and distal aphalangia. CT scan reveals lissencéphalie, callosal agenesis with interhemispheric cyst and cerebellar hypoplasia. Antenatal diagnosis of this association was partly possible at US examination. Interest of this case lies in its rarity and in its etiopatogenic, prognostic and ethic problems.
Keys-words: Callosal agenesis, Cerebellar hypoplasia, Lissencephaly, Magneting Resonance Imaging, MRI
INTRODUCTION
La lissencéphalie ou « cerveau lisse » est un terme regroupant l’agyrie ou absence totale de sillons et la pachygyrie forme atténuée de la première où seuls les sillons primaires et parfois quelques sillons secondaires sont présents. Ces anomalies de la giration peuvent être localisées ou diffuses, isolées ou associées à des malformations cérébrales ou somatiques rentrant dans le cadre de syndromes complexes dont le soubassement est génétique. Les gènes identifiés sont impliqués dans le contrôle de la prolifération et de la migration neuronale, du guidage axonal et de l’organisation corticale. Selon l’aspect du cortex et les malformations associées retrouvées à l’IRM, la nature de l’atteinte chromosomique, on distingue trois types de lissencéphalies. Nous rapportons le cas d’un prématuré présentant une pachygyrie, une hypoplasie cérébelleuse, une agénésie du corps calleux avec kyste inter hémisphérique, une camptodactylie et une aphalangie distale, association malformative dont le diagnostic anténatal a été en partie possible. L’intérêt d’une telle observation réside dans sa rareté mais aussi dans ses aspects étiopathogéniques, pronostiques et éthiques.
OBSERVATION
Il s’agit d’un prématuré de 7 jours, de sexe masculin, admis en Pédiatrie pour crises convulsives, fièvre et refus de téter. Une échographie anténatale à 35 semaines d’aménorrhée montre une ventriculomégalie, une formation anéchogène de la fosse postérieure et l’absence du vermis avec présence de deux masses paramédianes asymétriques convexes vers l’arrière correspondant aux hémisphères cérébelleux (Figure 1). L’accouchement s’est fait par voie basse, au terme de 36 semaines et 5 jours. Il est le dernier d’une fratrie de 4 dont l’un décédé à J7 d’une infection néonatale. Il n’y a pas de notion de consanguinité parentale ni d’antécédent familiaux similaires. Les constantes anthropométriques témoignent d’un retard de croissance intra-utérin avec un poids à 2000 g (- 2 DS), une taille 46 cm (-2 DS), et un périmètre crânien à 31,5 cm (- 2 DS). L’examen neurologique montre une hypotonie généralisée et des réflexes archaïques médiocres. Par ailleurs, on note un aspect en « griffes » des mains. Sur les radiographies du squelette, on note une camptodactylie et une aphalangie distale (Figure 2). L’échographie cérébrale par voie transfontanellaire (ETF) montre l’absence de corps calleux avec l’image classique en « cornes de taureau », une petite formation anéchogène inter hémisphérique, l’absence du vermis cérébelleux, une formation anéchogène de la fosse postérieure communiquant avec le quatrième ventricule et l’élargissement des ventricules latéraux et du troisième ventricule. Le scanner cérébral (Figures 3 et 4) met en évidence une scissure interhémisphérique large arrivant au contact d’un troisième ventricule également large et ascensionné, sans interposition de corps calleux et un kyste inter hémisphérique. Le septum lucidum est également absent. Les ventricules latéraux sont larges avec des cornes frontales concaves vers le haut et des corps parallèles. Le vermis et une partie des hémisphères cérébelleux surtout gauche sont absents. Le quatrième ventricule communique avec une hypodensité liquidienne occupant la quasi-totalité de la fosse cérébrale postérieure. Le cortex est épais, les scissures centrales bien individualisées, et les scissures pariéto-occipitales et calcarines ébauchées. Les espaces péricérébraux sont larges et les vallées sylviennes sont mal enfouies. L’évolution se fait vers le décès à l’âge de deux mois.
COMMENTAIRES
Sur le plan historique, le terme de lissencéphalie est un néologisme d’origine franco grecque créé au 19ème siècle par le biologiste Geoffroy Saint-Hilaire pour décrire l’encéphale lisse des mammifères inférieurs (8). On parle d’agyrie en cas de lissencéphalie complète et de pachygyrie si elle est incomplète. Les lissencéphalies sont classées en trois types sur des bases génétiques, cliniques et morphologiques où l’IRM joue un rôle essentiel (14, 4, 1). La lissencéphalie de type 1 regroupe quatre formes dont la première, en rapport avec une mutation ou une délétion du gène LIS 1 sur le chromosome 17p13.3, est une forme isolée (Isolate Lissencephaly Sequence ou ILS) et se caractérise par une hypertonie, une épilepsie, un retard mental, une agyrie ou une pachygyrie (13). Il n’y a pas de dysmorphie faciale et le cervelet et le tronc cérébral sont normaux. La seconde appelée syndrome de Miller-Dieker (Miller Dieker Syndrome ou MDS) décrit par Bielschowsky (22 , 2) associe à l’ILS une dysmorphie caractéristique dans sa forme complète avec microcéphalie, front étroit du, petit nez, lèvre supérieure saillante, fosses temporales déprimées et micrognatisme, une atteinte neurologique à type de retard mental, d’hypotonie massive et de spasmes infantiles et d’autres malformations pouvant être cérébrales ou somatiques en particulier cardiaques, rénales, génitales ou osseuses surtout des extrémités (6, 11). L’atteinte corticale est plus sévère dans le MDS que dans l’ ISL (10). Alors que dans l’ILS l’anomalie peut être une délétion ou une mutation, le MDS n’est retrouvé que chez les patients présentant une délétion du gène LIS1 en 17p13.3 (21, 20). La raison pour laquelle la délétion d’un même gène donne des phénotypes différents, s’expliquerait par une atteinte plus distale dans le MDS (5, 7). La plupart de ces patients étant des filles, une forme liée à l’X est évoquée, la troisième, confirmée par le séquençage du gène XLIS encore appelé DCX sur le chromosome Xq22.3-q23, responsable des lissencéphalies liées à l’X chez les garçons et des hétérotopies en bandes sous corticales (HBSC) ou double cortex (DC) (Subcortical Bandes Heterotopia ou SBH) chez les mères. La lissencéphalie de type 2 ou lissencéphalie en « pavés » du fait de l’aspect irrégulier du cortex regroupe des affections à TAR, à symptomatologie géographiquement variable, rapidement létales, comme le syndrome de Walker-Warburg (WW) décrit en France et rapporté sous l’éponyme HARD±E – syndrome (hydrocéphalie, agyrie, dysplasie rétinienne, Dandy-Walker avec ou sans encéphalocèle) dont le gène inconnu siège en 1p32-p34 et se manifeste par des anomalies oculaires à type de microphtalmie, colobome, opacités cornéennes, décollement de rétine et neuromusculaires à type d’hypotonie, agénésie du corps calleux et du vermis, hydrocéphalie; comme dans la dystrophie congénitale musculaire de Fukuyama décrite au Japon (Fukuyama’s Congenital Muscular Dystrophy ou FCMD) en rapport avec une mutation du gène du même nom en 9q31-33 et qui associe une dystrophie musculaire congénitale, une dysplasie corticale diffuse, des dysplasies oculaires et une hypomyélinisation; ou comme dans la maladie muscle-yeux-cerveau (Muscle-Eye-Brain Disease ou MEBD) décrite en Finlande (15, 24, 12). L’existence d’une hypoplasie cérébelleuse fait évoquer un troisième type (Lissencephaly with Cerebellar Hypoplasia ou LCH) (23, 19) avec six sous-types (LCHa à LCHf) classés selon les critères suivants : microcéphalie, stigmates de Miller-Dieker, morphologie cérébelleuse, aspects du cortex et du tronc cérébral, présence ou non de corps calleux, mode de transmission et anomalies chromosomiques retrouvées (23). Le sous- type a présente deux formes, l’une de transmission autosomique dominante avec une hypoplasie cérébelleuse prédominant sur le vermis et une atteinte corticale à prédominance postérieure, en rapport avec une mutation du gène LIS1 localisé en 17p13.3 et l’autre liée à l’X à prédominance antérieure en rapport avec à la fois le gène LIS 1 et le gène DCX ou X LIS par délétion en Xq22.3-q23 (5). Le sous-type b dont la transmission est autosomique récessif, est en rapport avec des gènes dits RELN localisés en 7q22 et impliqués dans la survenue non seulement d’une atteinte cérébelleuse diffuse mais aussi de malformations hyppocampales. Le sous-type c est létal avec microcéphalie sévère, fente palatine, hypoplasie marquée du cervelet et du tronc cérébral. Le sous-¬type d, plus fréquent, atteint volontiers les hémisphères cérébelleux. Dans le sous-type e, le tronc cérébral est normal. Si les sous- types c, d, e sont de transmission autosomique récessive celui du f reste inconnu. Le f associe une dysplasie corticale, une hypoplasie cérébelleuse modérée à sévère mais surtout une agénésie calleuse complète qui n’est retrouvée que dans ce sous- type.
Sur le plan de l’imagerie, les échographies anténatales permettent dès la 23ème semaine de suspecter le diagnostic de lissencéphalie devant l’absence des scissures pariéto-occipitales et calcarines et la morphologie anormale des scissures de Sylvius. (18, 17). Six grades sont décrits à l’IRM; 1 : agyrie diffuse ; 2 : agyrie diffuse en dehors de quelques sillons superficiels frontaux ou postérieurs ; 3 : pachygyrie frontale et agyrie postérieure ; 4 : pachygyrie diffuse ; 5 : pachygyrie associée à une HBSC ; 6 : HBSC isolée (16). La sévérité des lésions observe deux types de gradients, antéropostérieur chez la plupart des patients et observé dans la lissencéphalie secondaire à la mutation du gène LIS1 ou postéroantérieur plutôt caractéristique des mutations du gène XLIS, tandis que dans l’HBSC le gradient antéropostérieur est associé à une mutation du gène XLIS le plus souvent (3).
Sur le plan histologique (9), la lissencéphalie de type 1 se caractérise par un cortex épais constitué de quatre couches avec des hétérotopies neuronales et des dysplasies. L’HBSC consiste en de larges bandes de substance grise symétriques, circonférentielles sous corticales séparées du cortex sus-jacent qui est normal ou simplifié par une fine bande de substance blanche. Dans la lissencéphalie de type 2, la désorganisation corticale est maximale et la stratification en couches est absente. On note des neurones de disposition irrégulière, des hétérotopies et des cicatrices glio-vasculaires. Ces anomalies seraient dues à une migration excessive des neurones au travers de la membrane gliale limitante.
Sur le plan étiopathogénique (9) la malformation du cortex suppose la perturbation de phénomènes tels que la prolifération neuronale, la différenciation des neuroblastes, la mort cellulaire programmée et le guidage axonal, aboutissant à des anomalies de positionnement et d’organisation des cellules migratoires. Les gènes LIS1 et XLIS codent pour des protéines associées aux microtubules qui sont essentiels pour la migration des neurones de la matrice germinale jusqu’au cortex en suivant l’unité gliale radiaire. Les gènes RELN codent pour la reeline humaine qui est une protéine extracellulaire secrétée par les cellules de la couche moléculaire (19). Elle a pour rôle de stopper la migration des neuroblastes en interagissant avec des récepteurs situés à la surface des cellules migrantes.
Chez ce patient qui présente des stigmates de SMD, une pachygyrie une hypoplasie cérébelleuse et une agénésie calleuse, une LCH et particulièrement un sous-type f paraît probable. Nous n’avons malheureusement eu les moyens ni de réaliser une IRM afin de mesurer l’épaississement cortical et de préciser la morphologie du tronc cérébral, ni surtout une étude génétique pour déceler l’anomalie en cause.
CONCLUSION
L’association d’une lissencéphalie, d’une agénésie calleuse, d’une hypoplasie cérébelleuse et de malformations des extrémités est rare. Elle pose des problèmes nosologiques, pronostiques, éthiques et étiopathogéniques dans la mesure où les gènes impliqués ne sont pas tous clairement identifiés. Elle témoigne de l’urgence de la mise en place de plateaux d’imagerie performants, de l’importance du diagnostic anténatal et du conseil génétique dans nos pays où les mariages ethniques et partant les pathologies malformatives sont fréquents.
Figure 1: (Echographie anténatale à 35 semaines)
Figure 2: (Radiographie de face des mains)
Figure 3 a, b,c: (TDM cérébrale coupes axiales sans injection)
Figure 4 a, b: (TDM cérébrale reconstructions coronale et sagittale)
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