CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
COMPRESSIONS MEDULLAIRES LENTES (CML) D’ORIGINE TUMORALE ET PSEUDO-TUMORALE A YAOUNDE (CAMEROUN)
NEOPLASTIC AND NEOPLASTIC-LIKE SPINAL CORD COMPRESSIONS IN YAOUNDE (CAMEROON)
E-Mail Contact - DJIENTCHEU Vincent de Paul :
vincent_djientcheu@yahoo.com
RESUME But Patients et méthodes Résultats Conclusion Mots Clés: Cameroun, compressions médullaires lentes, tumeurs. ABSTRACT Purpose Patients and methods Results Conclusion Key words: Progressive cord compressions, tumours, pulpectomy. INTRODUCTION Les compressions médullaires lentes (CML) sont des lésions fréquentes en milieu hospitalier Camerounais (21, 22, 24). Il semble y avoir une particularité Africaine avec une prédominance de l’étiologie tuberculeuse suivie des métastases rachidiennes même si certaines séries Africaines retrouvent une prévalence plus élevée de l’étiologie métastatique (5, 22). Le pronostic fonctionnel est lié à la précocité diagnostique et thérapeutique alors que le pronostic oncologique est fonction de l’étiologie et du grade histologique. En dehors des tumeurs bénignes (25) où la chirurgie radicale reste l’option thérapeutique, la prise en charge des CML d’origine tumorale et pseudo-tumorale nécessite une approche multidisciplinaire impliquant les neurochirurgiens, les oncologues et les radiothérapeutes (4, 7, 11, 15, 18). Les auteurs rapportent l’expérience du jeune service de neurochirurgie de l’Hôpital Central de Yaoundé sur la prise en charge des CML tumorales et pseudo-tumorales au cours des cinq dernières années. Il s’agissait plus spécifiquement d’établir le profil histologique, les aspects cliniques et thérapeutiques des CML (et de la queue de cheval) d’origine tumorale et pseudo-tumorale. METHODOLOGIE Patients et méthodes Les dossiers des patients opérés d’une CML incluant la queue de cheval identifiés à partir des registres opératoires, ont été revue rétrospectivement. Entre Janvier 2000 et Octobre 2005, 240 patients ont ainsi été opérés parmi lesquels soixante-treize (73) pour CML tumorale ou pseudo-tumorale. Six des soixante-treize dossiers ont été rejetés pour insuffisance de données notamment pour absence de données histologiques. L’hôpital Central de Yaoundé est le plus grand hôpital universitaire du Cameroun, doté du service de neurochirurgie le plus performant où deux neurochirurgiens travaillent en permanence. Les informations démographiques, les éléments cliniques et para cliniques, les modalités thérapeutiques ainsi que l’évolution ont été revus. Certains patients ont été contactés par téléphone pour des renseignements complémentaires et le suivi. L’analyse histologique était effectuée dans le laboratoire d’anatomopathologie de référence de la ville de Yaoundé et dans celui de l’Hôpital central de Yaoundé. Devant des lésions rares, ou lorsque les résultats étaient discordants, un autre avis était demandé auprès d’un laboratoire de neuropathologie basé en Suisse. RESULTATS Population d’étude L’âge moyen de la série était de 41,3 ans (extrêmes: 11 et 70 ans). Le sexe ratio était de 1,8 hommes pour 1 femme. Les enfants (patients âgés de moins de 18ans) représentaient 10% des patients de la série. Aspects cliniques Au moment du diagnostic, 89,6% des patients présentaient des troubles moteurs. Il s’agissait de déficits complets dans 33,4% des cas (paraplégies : 31,7% et tétraplégies : 1,7%) et de déficits partiels dans 66,7% des cas (paraparésies : 60%, tétraparésies : 6,7%). Les troubles sensitifs étaient retrouvés chez 59,7% des patients. Un syndrome rachidien caractérisé par des rachialgies était présent dans 71,9 % des cas. Les troubles sphinctériens étaient à type d’incontinence urinaire et fécale (53,1%), d’incontinence urinaire isolée (15,6%), de rétention urinaire (18,8%) ou d’effort mictionnel (9,4%). Au moment de l’intervention chirurgicale, 64% des patients présentaient un syndrome sous lésionnel partiel, 27% un syndrome sous lésionnel complet et 9% des patients n’avaient pas de déficit. Sur le plan évolutif, 23% des patients étaient au stade de plégie flasco-spastique et 19% au stade de plégie flasque. Aspects étiologiques (Tableau I) Les lésions extradurales étaient dominées par l’étiologie métastatique (23,7%), le lymphome (17,9%), et les tumeurs osseuses primitives. Les tumeurs intradurales extramédullaires étaient représentées par le neurinome (11,9%), le méningiome (7%), les kystes arachnoïdiens (4,5%) et neurentérique (1,5%). Dans leur localisation intramédullaire, le type histologique des tumeurs médullaires était l’astrocytome bénin (1,5%), le glioblastome (1,5%) et le lipome (1,5%). Les kystes arachnoïdiens étaient associés à la neurofibromatose dans un cas. Les lymphomes étaient des lymphomes malins non Hodgkiniens (11 cas) et le lymphome de Burkitt (1 cas). Les métastases les plus fréquentes étaient l’adénocarcinome de la prostate (11,8%) et l’hépatocarcinome (4,5%). L’adénocarcinome de la prostate était fréquent entre 50 et 70 ans, l’hépatocarcinome entre 30 et 50 ans et le neurinome entre 50 et 70 ans. Le lymphome était retrouvé dans toutes les tranches d’âges. Chez le jeune de moins de 20 ans, les types histologiques les plus fréquents étaient le kyste anévrismal, le sarcome d’Ewing, l’ostéosarcome, l’angiolipome et le kyste arachnoïdien. Les quatre cas d’hépatocarcinome étaient tous retrouvés chez les hommes. Il existait également une prédominance masculine pour le lymphome (83,3%), l’angiosarcome et l’ostéosarcome alors que le neurinome et le méningiome étaient retrouvés chez les femmes respectivement dans 75% et 71% des cas. Traitement chirurgical Les voies d’abord chirurgicales étaient postéro médianes (laminectomie) dans 94% des cas, postéro latérales thoraciques (costo transversectomies) et lombaire dans 3% des cas, cervical antérieur (1,5%) et trans buccal (1,5%). L’abord antérieur a été effectué au niveau cervical dans un cas de kyste anévrysmal (corpectomie sub-totale, greffe osseuse iliaque et une contention externe par halo veste) et un cas de métastase d’hépatocarcinome (corpectomie, greffe osseuse iliaque et ostéosynthèse). Au total, 17 patients ont eu une chimiothérapie après la chirurgie. Elle constituait le traitement des lymphomes après décompression chirurgicale chez 7 patients (55%); les autres patients avec lymphomes ayant refusé cette modalité thérapeutique. La récupération neurologique était complète et prolongée chez les sept patients puisque après un recul de 24 à 36 mois aucune récidive n’a été rapportée. Les autres indications de chimiothérapie adjuvante étaient représentées par l’hépatocarcinome (2 cas) puis l’ostéosarcome, le chondrosarcome, le sarcome d’Ewing, l’angiosarcome, le myélome multiple, le plasmocytome, l’astrocytome et le glioblastome. La radiothérapie était la modalité thérapeutique adjuvante chez six patients. Elle a été effectuée seule chez un patient avec un kyste anévrismal après résection partielle et greffe et chez un second patient présentant un ostéosarcome. Chez les quatre autres patients qui ont en plus de la radiothérapie reçu un traitement cytotoxique, le type histologique était représenté par l’angiosarcome, le plasmocytome, l’ostéosarcome et une métastase d’un hépatocarcinome. Dans ce dernier groupe, l’évolution a été favorable chez le seul patient avec un plasmocytome; les autres étant décédés. Le kyste anévrysmal intéressait le corps vertébral de C2 et l’arc neural. La tumeur résiduelle a complètement disparu à la suite de la radiothérapie et le tissu osseux s’est reconstitué. La guérison radiologique et la récupération neurologique ont été obtenues et aucune récidive n’a été notée après un recul de 5 ans. L’hormonothérapie a été le traitement adjuvant des métastases des adénocarcinomes de la prostate. Il consistait en une pulpectomie. DISCUSSION Cette série rétrospective sur cinq années consécutives (de janvier 2000 à Décembre 2005) de compressions médullaires tumorales et pseudo-tumorales a intéressé les patients opérés à l’Hôpital Central de Yaoundé, structure hospitalo-universitaire dotée d’un plateau technique neuroradiologique et neurochirurgical. Le choix des cinq dernières années (2000 – 2005) correspond à une période où le personnel a été quantitativement revu à la hausse et maintenu constant (2 neurochirurgiens, 1 neurologue et 1 neuroradiologue) dans le site du recrutement, et où le système d’archivage de dossiers des patients a été amélioré. Le nombre réduit de dossiers incomplets (six) en est probablement la conséquence logique; en effet dans un travail effectué sur les compressions médullaires lentes entre 1996 et 2001 par ONGOLO et al (22) dans la même structure hospitalière, près la moitié des dossiers retrouvés étaient incomplets. Le diagnostic de compression médullaire lente à Yaoundé reposait essentiellement sur la myélographie isolée ou couplée au scanner. Ces deux dernières techniques d’imagerie continuent d’être les méthodes de choix dans l’étude des CML l’IRM étant indisponible au Cameroun. La myélographie est plus utilisée dans les formes infectieuses (22) alors que le myéloscanner est prescrit dans les formes d’allure tumorale. Pour des contraintes économiques, l’exploration chirurgicale (7,5%) était entreprise lorsque le niveau sensitif clinique corrélait avec le niveau lésionnel radiologique (ostéolyse, ostéo condensation, fractures pathologiques). Le traitement chirurgical était indiqué essentiellement pour la décompression et le diagnostic histologique. Les techniques associant la stabilisation étaient rarement utilisées. Ceci relèverait de plusieurs facteurs dont l’état général du patient, les limites financières mais surtout l’incertitude histologique et pronostique pré opératoire. Dans notre série, la plupart des patients arrivaient avec une compression soit sévère, soit associée à une fracture pathologique limitant les indications de la cimentoplastie vertébrale. Cette technique n’est utilisée que lorsque le mur postérieur est intact afin d’éviter le passage intra canalaire du ciment et l’aggravation de la compression (18). Même les tumeurs considérées comme des indications privilégiées de la vertébroplastie (angiomes du corps vertébrale) ont été abordées par voie postérieure (une laminectomie décompressive couplée à une ostéosynthèse par 4 vis trans pédiculaires et 2 plaques, et une greffe osseuse postéro latérale). La chimiothérapie et la radiothérapie ne sont pas encore utilisées à grande échelle dans notre environnement. Parmi les patients chez qui les indications ont été posées, Seuls 48% ont effectivement reçu l’un ou l’autre de ces traitements. Leur coût élevé, couplé aux croyances de certains patients (orientation vers la médecine traditionnelle) et à l’absence de bénéfice clairement établi dans certaines formes de tumeurs malignes constitueraient des écueils à l’utilisation large de ces formes de traitement. Un peu plus de la moitié des patients (55%) avec des lymphomes ont effectué la chimiothérapie; les autres ont été perdus de vue et un dernier est décédé avant. L’intérêt du traitement par irradiation se démontre dans le kyste anévrysmal après chirurgie radicale (un cas) ou partielle (un cas). En effet, aucune récidive n’a été rapportée après 5 ans de recul. L’étiologie des compressions médullaires tumorales est répartie classiquement en topographie extradurale (45% des cas) et intradurale (55% des cas, dont environ 40% des causes intradurales extramédullaires et 15% de causes intramédullaires) (3, 13, 23, 27, 28). Les métastases représentent 90% des causes extradurales; les neurinomes (20%) et les méningiomes (20%) sont les tumeurs les plus fréquentes au niveau intradural extramédullaire (3, 27, 28). La particularité de notre environnement est la faible proportion des métastases en général et en particulier la rareté des métastases d’origine pulmonaire et mammaire. En outre, les métastases d’origine hépatique (hépatocarcinome) y sont fréquentes. Cette particularité qui est retrouvée dans d’autres séries Africaines (5) serait en rapport avec la forte prévalence des hépatocarcinomes en milieu intertropical (10, 19, 20). Le diagnostic tardif des compressions médullaires lentes expliquerait que certaines métastases d’évolution rapide échappent au diagnostic. Le lymphome a été considéré comme une tumeur osseuse primitive; le bilan d’extension ou le bilan à la recherche d’une lésion primaire était limité et comportait une radiographie pulmonaire, une numération de la formule sanguine et une échographie abdominale. Ce bilan n’est pas aussi fiable que la TDM pour distinguer les localisations primitives des formes secondaires (17). Le lymphome malin non Hodgkinien est la forme la plus fréquente alors que le lymphome de Burkitt est extrêmement rare comme étiologie de la CML (12, 17). Les tumeurs intramédullaires sont rares dans notre série (8, 9). L’indisponibilité de l’IRM qui est l’examen le plus important (2, 8, 9, 14, 26) dans l’indication chirurgicale et tout l’ensemble de la stratégie thérapeutique, puis les prévisions quand à la qualité de l’exérèse et la morbidité post opératoire constituerait probablement un biais de sélection. Les tumeurs primitives du rachis sont peu fréquentes. L’angiolipome (1, 3, 26), le plasmocytome (3, 26) sont des lésions rares. Les kystes neurentériques sont exceptionnels (24). La fréquence des tumeurs primitives du rachis dans cette série s’expliquerait probablement par la rareté relative des métastases. CONCLUSION Les compressions médullaires lentes d’origine tumorale et pseudo-tumorale sont des affections fréquentes en milieu hospitalier à Yaoundé. La particularité du profil étiologique est la rareté des métastases d’origine pulmonaire et mammaire, la fréquence relative de l’origine hépatocellulaire comparée aux séries occidentales. Le pronostic fonctionnel lié à la prise en charge précoce constitue encore de nos jours un handicap important dans notre environnement. Malgré la bonne codification du traitement pour les formes chirurgicales pures comme les neurinomes et les méningiomes, la prise en charge des métastases et d’autres tumeurs malignes nécessite davantage une culture de l’approche multidisciplinaire ainsi qu’une évaluation du bénéfice du traitement, en particulier dans notre contexte où les ressources financières sont limitées. Une meilleure éducation du patient permettrait une bonne adhésion thérapeutique. Le dépistage et la prise en charge précoce de la pathologie tumorale pourraient avoir un impact sur la survenue des compressions médullaires lentes d’origine tumorale à Yaoundé. Tableau I : Distribution des tumeurs en fonction du type histologique
REFERENCES
|