CASE REPORT / CAS CLINIQUE
CRISES EPILEPTIQUES VS CRISES PSYCHOGENES NON EPILEPTIQUES : QUAND L’HEMATIDROSE PERMET DE TRANCHER.
EPILEPTIC SEIZURES VS NON-EPILEPTIC PSYCHOGENIC SEIZURES : WHEN HAEMATIDROSIS MAKES IT POSSIBLE TO CUT THROUGH.
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RESUME L’hématidrose est un trouble de la sécrétion sudorale caractérisé par la présence de globules rouges, de leucocytes et de plaquettes dans la sueur. Ses facteurs potentiels de déclenchement sont la survenue d’un épisode de stress émotionnel intense ou la présence lors d’un événement traumatique. Elle peut s’associer à des manifestations cliniques paroxystiques stéréotypées pouvant simuler des crises épileptiques. Nous rapportons le cas d’une jeune adolescente, suivie pendant longtemps pour des crises épileptiques, chez qui la survenue d’une hématidrose dans un contexte de stress familial intense a permis de poser le diagnostic de crises psychogènes non épileptiques. Mots clés : hématidrose, crises épileptiques, crises psychogènes non épileptiques. ABSTRACT Haematidrosis is a disorder of sweat secretion characterized by the presence of red blood cells, leukocytes and platelets in the sweat. Its potential triggering factors are the occurrence of an episode of intense emotional stress or the presence during a traumatic event. It can be associated with paroxysmal stereotypical clinical manifestations that can simulate epileptic seizures. We report the case of a young adolescent girl, followed for a long time for epileptic seizures, in whom the occurrence of haematidrosis in a context of intense family stress led to the diagnosis of non-epileptic psychogenic seizures. Key words: hématidrose, crises épileptiques, crises psychogènes non épileptiques. INTRODUCTION : L’hématidrose est un trouble de la sécrétion sudorale caractérisé par un suintement de sang par la peau, également appelée sueur de sang. Elle est rare et est habituellement rattachée à des croyances religieuses. Elle peut traduire une situation alarmante chez le patient et son entourage et peut s’associer à des manifestations paroxystiques parfois difficiles à identifier. OBSERVATION : Nous rapportons l’histoire d’une adolescente de 13 ans, qui a été suivie pour des crises convulsives généralisées associées à des crises de paniques survenant exclusivement à l’école et sur le chemin de l’école depuis l’âge de 10 ans en raison de 3 à 4 crises par mois. Elle est fille unique 2ème enfant d’une fratrie de trois. Dans ses antécédents personnels et familiaux il n’y avait aucune particularité et elle avait un bon développement psychomoteur. Elle a effectué plusieurs consultations spécialisées en neurologie où des électroencéphalogrammes et des imageries par résonnance magnétique cérébrales réalisés étaient tous revenus normaux, ainsi que des bilans biologiques métaboliques et inflammatoires. La répétition des crises convulsives, stéréotypées, et des attaques de panique, ont conduit à sa mise sous valproate de sodium à la dose de 15 mg/kg/jour pendant 6 mois sans amélioration. Devant la persistance des crises, le valproate a été remplacé progressivement par la carbamazépine qui avait amélioré transitoirement la symptomatologie sur une année avec en moyenne 2 crises par mois. Après 2 ans de traitement anti épileptique bien conduit sans amendement notable des crises, associé à l’apparition d’une hématidrose sur le visage de l’adolescente (voir figures 1 et 2), à intervalles proches, lors de moments de stress, le diagnostic de crises convulsives de nature épileptique a été remis en cause. Un interrogatoire plus poussé a permis de révéler l’existence d’un conflit familial qui datait de plus de 4 ans et qui faisait souffrir silencieusement la jeune adolescente. Un bilan biologique complet, y compris celui de l’hémostase, est revenu normal. Une psychothérapie de soutien a été entreprise de même qu’un éloignement avec la famille conflictuelle, ce qui a été cliniquement bénéfique pour la patiente. Le diagnostic de crises psychogènes non épileptiques a finalement été retenu. Le traitement anti épileptique a été arrêté progressivement et du propranolol à la dose de 5 mg matin et soir instauré. L’évolution a été favorable avec un arrêt définitif des crises convulsives et de panique et une disparition de l’hématidrose avec un recul de 2 ans. DISCUSSION : L’observation que nous rapportons est un cas de crises psychogènes non épileptiques qui ont été différenciées des crises d’épilepsie par la survenue d’une hématidrose chez une jeune adolescente dans un contexte de stress familial intense. L’hématidrose est un trouble de la sécrétion sudorale caractérisé par un suintement de sang par la peau, également appelée sueur de sang. Elle reste mal comprise mais, ces dernières années, plusieurs cas ont été colligés avec précision, permettant de mieux individualiser cette affection bénigne mais alarmante pour les patients et leur famille (3). L’hématidrose se caractérise par la présence de globules rouges, de leucocytes et de plaquettes dans la sueur, confirmée à la cytologie. La survenue d’un épisode de stress émotionnel intense, l’existence d’un événement traumatique sont des facteurs potentiellement déclenchants (1). Ainsi, ce stress, s’il est intense et chronique, peut être à l’origine de manifestations cliniques diverses et parfois stéréotypées comme dans le cas de cette jeune adolescente. Ces manifestations sont souvent paroxystiques et sont assez fréquemment prises pour des crises épileptiques comme le corrobore le cas décrit par une équipe marocaine en 2016 chez une jeune fille de 11 ans avec un trouble de conversion associé à une hématidrose (8). L’hématidrose touche principalement des jeunes filles entre 10 et 15 ans, mais un cas a été rapporté chez un homme de 72 ans (2). Les épisodes surviennent avec une fréquence et une durée variable, habituellement de quelques minutes (9) à un quart d’heure (1) selon les patients, souvent en période d’anxiété, et toujours en période d’éveil (6). Elles sont souvent précédées par des symptômes locaux, picotements (1) ou douleurs (2). Elles peuvent survenir sur différents sites : front, ombilic (1), paumes, plantes, cuir chevelu, membres (7), abdomen (2), tronc (5) ou ailleurs (9). La peau est normale, indemne de toute inflammation ou de cicatrice. Les patients sont en bon état physique. Hormis le possible stress « naturel » lié au saignement lui-même, les patients peuvent être sains sur le plan psychique (5) ou souffrir de dépression (1,2). C’est un phénomène rare dont l’étiopathogénie est discutée. Plusieurs théories sont dégagées dont la plus admise stipule que le système nerveux sympathique, activé sous l’effet du stress, serait responsable d’une vasoconstriction des vaisseaux situés autour des glandes sudorales. Lorsque l’anxiété se résout, la relaxation vasculaire serait intense au point d’aboutir à une rupture de ces vaisseaux. Le sang se déverserait dans les glandes sudorales et serait ensuite chassé avec la sueur à la surface sous la forme de gouttelettes de sang mêlées à la sueur (1,5). A notre connaissance, ce cas clinique est le deuxième décrit en Afrique Noire après un cas similaire décrit en 2019 chez un garçon de 14 ans d’origine tchadienne dans un contexte anxiodépressif (4). Ce cas avait, comme le nôtre, évolué favorablement sous propranolol en 3 mois. CONCLUSION L’hématidrose est une entité diagnostique peu connue bien que répertoriée dans la classification internationale des maladies (ICD-9CM : 705-89). Elle survient très souvent dans un contexte de stress et s’associe fréquemment à des manifestations paroxystiques d’allure épileptiforme. Elle mérite d’être identifiée et prise en charge de manière globale par une équipe pluridisciplinaire afin d’aider au diagnostic de certaines pathologies surtout psychogènes et d’éviter la survenue de complications.
FIGURES
RÉFÉRENCES
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