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CASE REPORT / CAS CLINIQUE
 
DERMATOMYOSITE AVEC ATTEINTE CARDIAQUE : A PROPOS D’UN CAS OBSERVE AU SENEGAL

DERMATOMYOSITIS ASSOCIATED WITH CARDIAC INVOLVEMENT: A CASE OBSERVED IN SENEGAL


  1. Service de Neurologie, CHNU Fann de Dakar (Sénégal)
  2. Service de Neurologie, Hôpital National Amirou Boubacar DIALLO, Niger

E-Mail Contact - HASSANE DJIBO Fatimata : fatimatahassanedjibo@gmail.com


RÉSUMÉ

Introduction :

La dermatomyosite est une myopathie inflammatoire chronique caractérisée essentiellement par une faiblesse musculaire associée à des lésions cutanées caractéristiques.

Cas clinique :

Nous rapportons l’observation d’une patiente de 20 ans qui a présenté 6 mois auparavant une faiblesse musculaire d’installation progressive associée à des troubles de la déglutition. L’examen clinique retrouvait un déficit moteur des 4 membres à 1/5 en proximal et 3/5 en distal avec des lésions dermatologiques érythémato-squameuses, et une tachyarythmie à l’auscultation cardiaque. L’électroneuromyogramme a montré des potentiels d’unités motrices polyphasiques, d’amplitude et de durée limitée, avec des vitesses de conduction nerveuse motrice et sensitive normales. L’écho-Doppler cardiaque a montré une fraction d’éjection systolique à 40%. Le dosage des enzymes musculaires révélait une élévation des CPK à 1200 UI/L, LDH à 1284 UI/L et des aldolases à 35 UI/L. Le diagnostic de dermatomyosite associée à une atteinte cardiaque a été retenu. La patiente a été traitée par corticothérapie avec une bonne évolution clinique.

Conclusion :

Notre observation souligne l’intérêt de rechercher systématiquement une atteinte cardiaque chez les patients présentant un tableau de dermatomyosite.

Mots-clés : cardiopathie, corticothérapie, dermatomyosite.


ABSTRACT

Background:

Dermatomyositis is a chronic inflammatory myopathy characterized by muscle weakness associated with characteristic skin lesions.

Case report:

We report the case of a 20-year-old woman who presented 6 months before muscle weakness and swallowing disorders. Clinical examination showed a motor deficit of four limbs (1/5 proximal and 3/5 distal) with dermatological lesions and tachyarrhythmia in cardiac auscultation. Electromyography showed multiphase motor unit potentials, with decreased amplitude and duration, and normal motor and sensory nerve conduction velocities. Echocardiography showed a reduced left ventricular ejection of 40%. The dosage of the muscle enzymes revealed a high rate of Creatine Phosphokinase at 1200 IU/L, LDH at 1284 UI/L and aldolase at 35 UI/L. Diagnosis of dermatomyositis associated with cardiac involvement was retained. The patient was treated with steroids with a good clinical response.

Conclusion:

Our observation underlines the value of systematically looking at cardiac involvement in patients with dermatomyositis.

Keywords: cardiac involvement, steroids, dermatomyositis.

INTRODUCTION

La dermatomyosite (DM) est une pathologie inflammatoire chronique rare et d’étiologie inconnue qui affecte essentiellement le muscle strié et la peau. Les troubles de la déglutition et l’atteinte cardiaque sont rares et surviennent essentiellement dans les formes sévères. La DM survient à tout âge avec un pic de fréquence entre 5 et 14 ans et après 40 ans (4). Le diagnostic de DM se fait selon les critères de Bohan et Peter 1975 (1) : 1) déficit musculaire proximal, 2) élévation des enzymes musculaires, 3) EMG caractéristique, 4) histologie caractéristique et 5) lésions cutanées caractéristiques. Nous rapportons un cas de DM associée à une atteinte cardiaque et des troubles de la déglutition.

OBSERVATION

Une femme de 20 ans, sans antécédent pathologique connu, a consulté pour des troubles de la déglutition associés à un déficit moteur progressif d’abord des membres supérieurs puis de la ceinture pelvienne et des membres inférieurs survenus 6 mois auparavant. A l’admission, l’examen clinique retrouvait une patiente apyrétique, stable sur le plan hémodynamique et respiratoire, avec une force musculaire à 1/5 en proximal et 3/5 en distal aux 4 membres. On notait une abolition du reflexe nauséeux. Les réflexes ostéotendineux étaient présents, symétriques et normaux. On ne notait pas de trouble sensitif, ni de trouble sphinctérien. A l’auscultation cardiaque on notait une tachyarythmie avec une fréquence cardiaque à 120 battements/min. Ailleurs, on notait la présence des lésions dermatologiques érythémato-squameuses au niveau des parties photosensibles. L’électroneuromyogramme (ENMG) révélait des potentiels d’unités motrices polyphasiques, d’amplitude et durée limitée. Les vitesses de conduction nerveuse motrice et sensitive étaient normales. La protéine C réactive était à 12 mg/L, la vitesse de sédimentation était de 7 mm à la 1ère heure et 50 mm à la 2ème heure. L’électrophorèse des protéines sériques était normale ainsi que le bilan rénal. La numération formule sanguine révélait une thrombopénie à 62000/µ3. Les sérologies syphilitiques, HIV, hépatites C et B étaient négatives. Le dosage des enzymes sériques musculaires et hépatiques révélait une élévation du taux d’ASAT à 1053 UI/L et d’ALAT à 625 UI/L, de CPK à 1200 UI/L, de LDH à 1284 UI/L, d’aldolase à 35 UI/L. Les tests au latex et Waaler Rose étaient positifs avec respectivement 32 UI/mL et 50 UI /L. La radiographie pulmonaire et l’échographie abdomino-pelvienne était normales. L’Echo-Doppler cardiaque montrait une fraction d’éjection systolique à 40% qui est effondrée. La biopsie musculaire n’a pas été pratiquée chez notre patiente. Au terme de ces analyses, le diagnostic de dermatomyosite avec atteinte cardiaque a été retenu selon les critères de Bohan et Peter (1975) (1). Un traitement par bolus de methylprednisolone 1g/jour a été institué pendant 3 jours puis relayé par une corticothérapie orale à la dose de 1mg/kg/jour de prednisone pendant un mois associé à une rééducation motrice avec une bonne évolution clinique.

DISCUSSION

Notre observation décrit un cas de dermatomyosite (DM) avec une atteinte cardiaque. Le diagnostic de DM a été posé selon les critères de Bohan et Peter (1). Dans la littérature, l’atteinte cardiaque survient dans 6 à 75% des cas de DM et pourrait être à l’origine du décès dans 10 à 20% des cas (6). Il s’agit d’une myopathie inflammatoire chronique idiopathique (3). Dans certaines situations, un cancer associé doit être recherché lorsque la maladie ne régresse pas plusieurs mois après le traitement et surtout chez les personnes âgées (2). La DM se caractérise, cliniquement, par une faiblesse musculaire proximale et des lésions dermatologiques caractéristiques à type de lésions érythémato-squameuses au niveau des parties photosensibles (1). Dans les formes sévères de la DM, on retrouve des troubles de la déglutition et des troubles du rythme cardiaque comme le suggère le cas de notre patiente, une pneumopathie interstitielle, un phénomène de Raynaud, des polyarthralgies ou une polyarthrite, une atteinte gastro-intestinale (6). Les troubles de la déglutition sont dus à l’atteinte des muscles striés du pharynx et de l’œsophage. L’étude histologique de la biopsie musculaire, qui aurait dû être faite chez notre patient, pourrait mettre en évidence des foyers de nécrose focale des fibres musculaires avec des foyers de régénération et des infiltrats inflammatoires à cellules mononucléées (5). L’IRM est de plus en plus employée car elle permet d’éviter d’autres examens plus invasifs comme l’électromyogramme et la biopsie. Néanmoins, l’électroneuromyogramme fait toujours partie des examens pratiqués en première intention dans la majorité des cas, et montre des potentiels d’unité motrice polyphasiques, d’amplitude et de durée diminuées avec des vitesses de conduction nerveuse motrice et sensitive normales (3). C’est ce que nous avons observé chez notre patiente. Le bilan immunologique systémique est non spécifique et permet d’éliminer les autres étiologies inflammatoires.

Le traitement de la DM repose essentiellement sur la corticothérapie permettant d’éliminer l’inflammation et de récupérer les fonctions musculaires (1). Les immunosuppresseurs peuvent être utilisés en cas de corticodépendance ou corticorésistance (3). Les immunoglobulines intraveineuses, les bolus de corticoïdes IV et la plasmaphérèse sont administrés dans les formes sévères de DM avec troubles de la déglutition (3). Le rituximab est administré en cas de DM sévère avec atteinte cardiaque (6).

CONCLUSION

En conclusion, notre observation souligne l’intérêt de rechercher systématiquement une atteinte cardiaque chez les patients présentant un tableau de dermatomyosite.

Déclaration d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article.


RÉFÉRENCES

  1. BOHAN A, PETER J. Polymyositis and dermatomyositis (first of two parts). N Engl J Med. 1975;292(7):344-7.
  2. CHÉRIN P. Les dermatomyosites. Janvier 2002. [en ligne] disponible sur : http://www.esculape.com/generale/dermatomyosites.htm. Consulté le 24/07/2016.
  3. CHRISTOPHER-STINE L. Neurologists are from Mars. Rheumatologists are from Venus: differences in approach to classifying the idiopathic inflammatory myopathies. Curr Opin Rheumatol. 2010;22(6):623-6.
  4. CLIMENT-ALBALADEJO A, SAIZ-CUENCA E, ROSIQUE-ROMAN J, CABALLERO-RODRIGUEZ J, GALVEZ-MUNOZ J. Dermatomyosite sans atteinte musculaire dans le cadre d’un syndrome des antisynthétases. Rev Rhum. 2002;69(1):80-3.
  5. DALAKAS MC, HOHLFELD R. Polymyositis and dermatomyositis. Lancet. 2003;362(9388):971-82.
  6. TOUMA Z, ARAYSSI T, KIBBI L, MASRI AF. Efficacité du Ritixumab dans le traitement d’une dermatomyosite avec atteinte cardiaque. Rev Rhum. 2008;75(5):471-4.



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