CASE REPORT / CAS CLINIQUE
ENCEPHALITE LIMBIQUE PARANEOPLASIQUE, UN SYNDROME MAL CONNU : A PROPOS D’UN CAS A LOME (TOGO)
PARANEOPLASTIC LIMBIC ENCEPHALITIS, A BADLY KNOWN SYNDROME: A CASE REPORT IN LOMÉ (TOGO)
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RESUME Introduction : Les encéphalites limbiques pures sont des complications rares des cancers. Elles affectent aussi bien les hommes que les femmes. La tumeur associée est le plus souvent un cancer du poumon à petites cellules. Cas clinique : Nous rapportons le cas d’un patient de 78 ans, tabagique actif, hospitalisé pour un trouble de comportement à type d’agressivité verbale avec propos incohérents dans un contexte d’amaigrissement et d’asthénie d’aggravation progressive. L’examen clinique retrouvait une amnésie antérograde avec des fabulations associées à une adénopathie sus claviculaire droite. Les explorations paracliniques ont permis de retrouver un carcinome pulmonaire avec à l’IRM encéphalique, un hypersignal T2 dans la région hippocampique gauche permettant de poser le diagnostic d’encéphalite limbique paranéoplasique. L’évolution sous chimiothérapie et radiothérapie a été favorable. Conclusion : L’encéphalite limbique paranéoplasique constitue une entité rare et mérite d’être suspectée au même titre que les autres causes d’encéphalopathies. Mots clés : encéphalite limbique ; paranéoplasique ; Togo SUMMARY Background: Pure limbic encephalitides are unusual complications of cancers. Both men and women can be affected. The associated tumor is most often a small cell lung cancer. Case report: We reported the case of a 78-year-old patient who was an active tobacco addict. He was hospitalized for a behavioral disorder like verbal aggression with incoherent speech in a context of progressive weight loss and asthenia. Clinical examination revealed anterograde amnesia with confabulations associated with right supraclavicular lymphadenopathy. Paraclinical explorations revealed a pulmonary carcinoma with at MRI, a T2 hypersignal in the left hippocampal region.Therefore, the diagnosis of paraneoplastic limbic encephalitis has been made. The evolution with chemotherapy and radiotherapy was favorable. Conclusion: Limbic paraleoplastic encephalitis is a rare clinical entity and should be rouled out during a work-up for every case of encephalitis. Keywords: limbic encephalitis ; paraneoplastic; Togo INTRODUCTION Les encéphalites limbiques pures sont des complications rares des cancers. Elles affectent aussi bien les hommes que les femmes (1). La tumeur associée est le plus souvent un cancer du poumon à petites cellules et plus rarement un autre type de carcinome (en particulier un cancer du testicule), une maladie de Hodgkin ou un thymome (6). L’encéphalite limbique paranéoplasique a été décrite en 1960 et son association à un cancer en 1968. Elle se manifeste cliniquement par un tableau neuro psychiatrique qui accompagne ou précède souvent la découverte du cancer. L’imagerie, notamment l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) joue un rôle important dans le diagnostic en révélant des anomalies de signal dans les régions temporo limbiques (3). Nous rapportons le cas d’un togolais qui a présenté une encéphalite limbique paranéoplasique associée à un cancer du poumon. OBSERVATION Mr S. K. est un patient de 78 ans droitier, tabagique actif à 25 paquets-année, admis en urgence au CHU Sylvanus Olympio de Lomé pour des troubles de comportement à type d’agressivité verbale, de propos incohérents depuis 48h associés à une insomnie. Il présentait depuis plus de trois mois, un état d’amaigrissement progressif et d’asthénie responsables d’une réduction de sa mobilité. Le patient tenait également des discours dont le thème principal était une persécution de la part de ses enfants et une « séquestration » selon lui. A son admission, l’examen retrouvait une altération de l’état général, une température et une glycémie capillaire normales. La conscience était normale. On notait une logorrhée, une amnésie antérograde avec des fabulations. Il n’y avait pas de trouble d’orientation temporo spatiale ni de trouble praxique. La motricité était conservée avec cependant une discrète amyotrophie des quadriceps en rapport avec la réduction de sa mobilité. Il existait une hyperesthésie cutanée avec hyperpathie prédominant aux membres supérieurs. Il n’avait pas de signe d’irritation méningée. L’examen cardio vasculaire était normal. Sur le plan respiratoire, il était eupnéique et l’auscultation retrouvait une baisse du murmure vésiculaire dans le champ pulmonaire droit. L’examen des aires ganglionnaires retrouvait une adénopathie sus-claviculaire droite. Les explorations paracliniques suivantes ont été réalisées : 1) un scanner cérébral sans et avec injection de produit de contraste qui était normal ; 2) une IRM encéphalique (figure 1) qui révélait un hypersignal dans la région hippocampique gauche sur les séquences T2 ; 3) l’électroencéphalogramme (EEG) qui montrait des activités épileptiques en région fronto temporale gauche avec des ondes lentes diffuses ; 4) une ponction lombaire (PL) avec examen cytochimique du liquide cérébro-spinal (LCS) normal et recherche de cellules tumorales négative dans le LCS; 5) le scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP) montrait des lésions hépatiques diffuses en rapport avec des lésions de transfert, des nodules lobaires moyen et inférieur droit fortement suspects d’une tumeur maligne primitive pulmonaire et des poumons emphysémateux quasi diffus (figure 2). Les sérologies virales VIH, hépatites B et C et herpétiques étaient négatives. Une biopsie pulmonaire avec examen anatomopathologique a confirmé le diagnostic d’adénocarcinome pulmonaire. Le traitement a consisté alors en une chimiothérapie anti cancéreuse ; une cure par mois durant deux mois associée à une radiothérapie centrée sur le médiastin et les régions sus claviculaires. Ce traitement a permis une amélioration clinique du patient au bout de trois mois. L’IRM encéphalique de contrôle a montré une nette régression de l’hypersignal (figure 3) et le scanner TAP de contrôle a révélé également une quasi disparition des lésions pulmonaires d’allure tumorale. Le diagnostic d’encéphalite limbique paranéoplasique sur carcinome pulmonaire a été retenu. DISCUSSION L’encéphalite limbique paranéoplasique est une affection rare, d’installation habituellement subaiguë. Elle accompagne ou précède le plus souvent la découverte du cancer (6). Un carcinome bronchique est associé dans 50 % des cas. Dans 80 % des cas il s’agit alors d’un carcinome à petites cellules (5, 10). D’autres cancers peuvent se voir : testicule (20%), sein (8%), thymus, lymphome (6). La pathogénie de cette affection n’est pas complètement déterminée, mais l’hypothèse la plus admise est celle d’une réponse immunitaire dirigée contre les antigènes exprimés par les cellules du système nerveux similaires aux antigènes tumoraux, entrainant une perte neuronale et une infiltration lymphocytaire et microgliale périvasculaire. Les symptômes cliniques peuvent s’installer en quelques heures ou quelques jours, ou parfois être plus insidieux. Anxiété et dépression sont généralement les troubles les plus précoces, mais le trouble caractéristique est l’atteinte de la mémoire antérograde avec oubli à mesure. Les autres manifestations cliniques possiblement associées sont l’agitation, la confusion, l’hypersomnie, les hallucinations et les crises convulsives partielles ou généralisées. Certains de ces troubles peuvent initialement masquer les troubles de la mémoire antérograde caractéristiques de l’affection (3). A l’exception de crises épileptiques, l’ensemble de ces symptômes a été retrouvé chez notre patient. L’analyse du LCS contribue au diagnostic en montrant l’absence de cellules malignes permettant avec l’absence de prise de contraste méningée à l’IRM d’éliminer des métastases leptoméningées (5, 6). Tel a été le cas de notre patient chez qui la recherche de cellules tumorales dans le LCS était négative. Cependant l’examen du LCS peut montrer un syndrome inflammatoire dans 64% des cas (6). Ce syndrome inflammatoire du LCS est marqué par une hyperlymphocytorachie, une hyperprotéinorachie modérée, la présence d’une synthèse intrathécale d’immunoglobulines et/ou la présence de bandes oligoclonales à l’électrophorèse des protéines du liquide céphalo-rachidien (4). Notre patient n’avait pas ce syndrome inflammatoire, ce qui ne permettait pas d’écarter le diagnostic vu que dans la littérature, ce syndrome n’est pas un élément indispensable au diagnostic (6). Le scanner cérébral est habituellement normal, mais l’IRM occupe une place prépondérante dans le diagnostic. En effet l’IRM encéphalique montre dans 64 à 82% des cas, des anomalies de signal uni ou bilatérales des régions amygdalo hippocampiques (6, 7). Typiquement il s’agit d’un hypersignal sur les séquences pondérées en T2 mieux visibles sur les séquences FLAIR et sur les séquences de diffusion (7). L’IRM peut être normale au stade de début d’où l’importance d’un suivi en imagerie (8). L’électroencéphalogramme peut montrer des ondes lentes ou des décharges focalisées aux lobes temporaux. Le diagnostic d’encéphalite paranéoplasique nécessite une confirmation histologique ou la présence des 4 critères suivants : 1) présentation clinique caractéristique, 2) intervalle de moins de 4 ans entre les symptômes neurologiques et le diagnostic de la tumeur, 3) élimination d’une autre complication neuro oncologique, 4) au moins un des éléments paracliniques suivants : syndrome inflammatoire sans cellule maligne sur le LCS, anomalie de signal temporal, activités épileptiques temporales à l’EEG (3). L’ensemble de ces critères étaient réunis chez notre patient. Le test immunologique du LCS est un élément fondamental dans le diagnostic des encéphalites limbiques. En effet, il révèle un taux élevé d’IgG ou des bandes oligoclonales dans environ 50% des cas (5). L’insuffisance du plateau technique n’a pas permis de faire l’examen immunologique du LCS de notre patient. Cependant l’absence de ce test n’exclut pas le diagnostic. Devant un tableau clinique évoquant une encéphalite limbique, il faut impérativement éliminer les autres causes de lésions hippocampiques, notamment les encéphalites virales, et particulièrement une infection à Herpès virus (signes initiaux en IRM comparables mais tableau clinique et évolution clinique différents), le syndrome de Korsakoff carentiel (hypersignal bilatéral et symétrique sur les séquences pondérées T2 et FLAIR des régions péri-aqueducales, les corps mamillaire et de part et d’autre du 3è ventricule), les crises focales temporales idiopathiques et une possible méningite carcinomateuse (2). Enfin quelques cas d’encéphalite non paranéoplasiques ont été rapportés dans la littérature. Certains auteurs pensent qu’un cancer sous-jacent était présent mais non détecté (6, 9). L’évolution et le pronostic de l’encéphalite limbique paranéoplasique dépendent de ceux de la tumeur primitive et de son traitement ; une régression des lésions et une amélioration de l’état neurologique est particulièrement nette pour certains patients (1). Cette évolution favorable a été observée chez notre patient qui a bénéficié d’une prise en charge adéquate et précoce. CONCLUSION L’encéphalite limbique paranéoplasique constitue une entité rare et mérite d’être suspectée au même titre que les autres causes d’encéphalopathies. Dans nos pays à plateau technique limité, la confrontation de la clinique et des données de l’imagerie notamment de l’IRM encéphalique contribueraient à l’envisager puis la diagnostiquer pour permettre une recherche de la tumeur en cause en vue d’une prise en charge précoce.
REFERENCES
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