AJNS
CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
 
ENCEPHALOPATHIES EPILEPTOGENES PRECOCES AVEC SUPPRESSION BURST

EARLY EPILEPTIC ENCEPHALOPATHIES WITH SUPPRESSION BURST


  1. Service de Neurologie CHU de FANN, Dakar, Senegal

E-Mail Contact - BASSOLE Prisca-Rolande : rolandebassole@gmail.com


RESUME

Introduction

Les Encéphalopathies Epileptogènes précoces avec « suppression burst » sont graves du fait de leur pharmacorésistance et l’impact sur le développement psychomoteur des enfants atteints. Notre objectif est d’en identifier les déterminants chez des patients à Dakar.

Méthodologie

Il s’agissait d’une étude rétrospective et prospective à partir de dossiers médicaux allant de janvier 2013 à janvier 2015, réalisée à la clinique Neurologique du CHNU Fann et portant sur des enfants qui y sont suivis. Elle n’a intéressé que les patients avec épilepsie précoce, retard du développement psychomoteur et pattern de suppression burst à l’EEG. Les aspects anamnestiques, cliniques, électro-encéphalographiques et évolutifs sous traitement ont été évalués.

Résultats

Nous rapportons quatre observations d’enfants avec une notion d’épilepsie familiale non documentée chez deux, qui ont présenté une encéphalopathie précoce avec des crises épileptiques polymorphes dominées par des crises toniques. Celles-ci ont débuté le premier jour de vie chez deux enfants, à 30 jours de vie et en début du troisième mois de vie chez les deux autres. L’EEG de sommeil réalisé au moment du diagnostic a montré un pattern de suppression burst.
Aucune étiologie n’a été retenue du fait de la limitation du bilan complémentaire à visée étiologique tel que l’IRM cérébrale ou les bilans métaboliques. L’évolution électro-clinique est favorable pour certains patients avec le traitement entrepris, basé principalement sur le valproate de sodium à une dose de 20mg/Kg/jr en moyenne. Elle est marquée par la disparition des crises ou leur diminution en fréquence et par l’amélioration du tracé EEG de sommeil de contrôle avec disparition des bouffées suppressives chez trois patients, tandis que chez le quatrième, l’évolution s’est faite vers un autre type d’encéphalopathie épileptogène qu’est le syndrome de West. Le retard psychomoteur est resté patent chez la totalité des patients.

Conclusion

Les résultats de ce travail ouvrent la perspective à des études complémentaires notamment longitudinales qui permettraient de mieux individualiser ces pathologies graves à début précoce d’autant plus qu’il existe des causes curables.

Mots clés : Encéphalopathies, Epilepsie, Epileptogènes, Précoces, Suppression burst


ABSTRACT

Introduction

Early epileptic encephalopathies with « suppression burst » are serious because of their drug resistance and the impact on psychomotor development of children involved. Our objective is to identify the determinants of this pathology in Dakar.

Methodology

This is a retrospective and prospective study from medical records from January 2013 to January 2015, performed on children who followed at the Neurological clinic of Fann University Hospital of Dakar. It has interested patients with early epilepsy, delayed psychomotor development and EEG pattern of suppression burst. Anamnestic, clinical, electroencephalographic and progressive aspects under treatment were evaluated.

Results

We report four cases of children with epilepsy notion of family in two undocumented, who presented early encephalopathy with seizures polymorphic dominated by tonic seizures that began on the first day of life in two, 30 days of life and the beginning of the third month of life in the other two. The sleep EEG performed at diagnosis showed a pattern of suppression burst. No etiology was chosen because of the limitation of additional balance sheet etiological such as MRI cerebral or metabolic balance sheets. The electro-clinical evolution is favorable for some patients with the treatment undertaken, based mainly on sodium valproate at a dose of 20mg/Kg/day in average. It is marked by the disappearance of seizures or decreased in frequency and by improving the sleep EEG control monitoring with disappearance of suppression burst in three patients, while in the fourth, the change was made to another type of epileptic encephalopathy that is the West syndrome. Psychomotor retardation remained evident in all patients.

Conclusion

The results of this work open up the prospect for further studies including longitudinal that would better individualize these serious early diseases especially because it exists treatable causes.

Keywords: Encephalopathies, epileptic, Early, suppression burst


INTRODUCTION

On estime que 10,5 millions d’enfants de moins de 15 ans dans le monde ont une épilepsie active et que l’incidence de cette pathologie est encore plus élevée pendant la première année de vie [9]. Le cerveau, à cette période précoce, est en cours de maturation et va subir, du fait des crises épileptiques associées ou non à d’autres anomalies fonctionnelles ou biologiques, et/ou des anomalies électro-encéphalographiques (EEG) intercritiques, une détérioration des fonctions cérébrales définie sous le terme d’« Encéphalopathie Epileptogène (EE)». Des crises convulsives ont fréquemment été décrites dans le cadre d’encéphalopathie anoxo-ischémique (EAI) néonatale avec pronostic d’autant plus mauvais lorsque le tracé EEG est de type suppression burst [20]. De même, ont été décrites l’Encéphalopathie Myoclonique Précoce (EMP) par Aicardi et Goutières en 1978 [1] et l’Encéphalopathie Epileptique Infantile Précoce (EIEP) décrite par Ohtahara en 1976 [17]. Il s’agit de deux syndromes âge-dépendants d’épilepsies néonatales sévères qui ont en commun un pattern EEG de type ‘‘suppression burst » et se caractérisent par une épilepsie sévère de début précoce, des crises pluriquotidiennes, voire incessantes, une encéphalopathie profonde [2]. Le tracé « suppression burst » est un tracé discontinu, sans aucune organisation physiologique, avec des bouffées d’anomalies paroxystiques diffuses, alternant avec des périodes de silence électrique pouvant durer plusieurs secondes. Ces EEG précoces avec pattern de « suppression burst » ont des présentations cliniques, neuroradiologiques et évolutives très différentes.

Leur gravité réside dans leur pharmacorésistance, l’impact important sur le développement psychomoteur des enfants atteints et le handicap corollaire.

Nous présentons des observations de patients souffrant d’encéphalopathie épileptogène précoce avec tracé de type ‘‘suppression burst » dont nous identifierons les aspects cliniques, électro-encéphalographiques et évolutifs sous traitement.

PATIENTS ET METHODES

Il s’agissait d’une étude rétrospective et prospective à partir de dossiers médicaux de patients suivis à la clinique Neurologique du CHNU Fann dans le cadre d’une consultation spécialisée et allant de janvier 2013 à janvier 2015.

Elle n’a intéressé que les patients avec une épilepsie ayant débuté dans les 3 premiers mois de vie associant retard du développement psychomoteur et pattern de suppression burst à l’EEG.

Les aspects anamnestiques, cliniques, électro-encéphalographiques et évolutifs sous traitement ont été évalués grâce à une fiche d’enquête établie à cet effet. Comme autre donnée recueillie, il y avait les résultats de la TDM cérébrale.

RESULTATS

Quatre enfants aux initiales respectifs de (FM), (NNF), (GPML), (TSS) ont pu être suivis au cours de notre période d’étude.

a)Les aspects cliniques des crises épileptiques

Dans les antécédents de nos patients, on relevait des crises convulsives fébriles chez la mère à l’âge de 5 ans sans plus de détails pour l’un et la notion d’épilepsie chez une parente au premier degré de la mère pour l’autre (GPML – TSS). Dans 2 observations, on notait une notion de souffrance fœtale aiguë et celle d’un décollement prématuré du placenta (FM – GPML).

Les premières crises épileptiques sont survenues dans les trois premiers mois de vie soit à J1 de vie dans 2 observations, à J 30 de vie et en début du troisième mois de vie dans les deux autres.

Au cours des premières consultations spécialisées aux âges respectifs de 3 ans, 5 mois 22 jours, 3 mois et 6 mois, le retard du développement psychomoteur était manifeste chez la totalité de nos patients (troubles du tonus, retard du langage, aucun contact social).

Il existait un polymorphisme des crises observées dans notre étude oscillant entre les myoclonies, les crises toniques pures, les spasmes toniques et les accès de clonies oculaires. Les crises toniques étant cependant les plus observées.

b)Les aspects EEG des patterns de bouffées suppressives

Tous les EEG 1 de sommeil, au moment du diagnostic, réalisés chez tous nos patients mettaient en évidence un tracé désorganisé avec cet aspect d’alternance de bouffées d’activité paroxystique avec des périodes de silence ou d’hypo-activité caractéristique du pattern de « supression burst » à quelques variantes près:

– L’EEG 1 de sommeil réalisé à l’âge de 3 ans (figure 1) retrouvait pour l’observation 1 (FM), des bouffées polymorphes durant en moyenne 3 secondes suivies de périodes d’hypoactivité d’une durée à peu près semblable qui se répétait pendant quasiment tout le temps de l’enregistrement.
– Dans la seconde observation (NNF), l’EEG 1 de sommeil réalisé à 5 mois d’âge (figure 2), montrait un tracé avec des bouffées polymorphes hyper-amples, diffuses, de 4-5 secondes, à prédominance bifrontales, séparées par des phases d’hypoactivité relative de durée égale. On observait également de courtes bouffées de polypointe-ondes de haut voltage suivies d’une grande onde lente concomitante cliniquement à des crises myocloniques diffuses observées à la vidéo EEG, prédominant à gauche puis à des spasmes en flexion parfois suivis d’une crise tonique avec révulsion oculaire.
– L’enregistrement du tracé à 3 mois d’âge au cours de l’EEG 1 de sommeil (figure 3) de la troisième observation (GPML), mettait en évidence une activité discontinue, faite de bouffées sur 2 à maximum 4 secondes, séparées de phases d’hypoactivité relative sur 1 à 3 secondes.
– Dans l’observation 4 (TSS), l’EEG 1 de sommeil réalisé à l’âge de 6 mois (figure 4), objectivait une alternance de bouffées polymorphes diffuses sur 3 à 6 secondes séparées par des périodes d’hypoactivité sur 3 à 4 secondes.

c)Les autres bilans complémentaires (TDMc)

Une TDM cérébrale a pu être réalisée chez trois patients. Elle était normale chez un seul patient. Chez les deux autres (figures 5 et 6), elle mettait en évidence des aspects non spécifiques (atrophie sous corticale, lacunes périventriculaires sans aspect de leucomalacie, ectasie des sinus transverses sans signes de thromboses) (figures 5 et 6).

d)Evolution électro-clinique sous traitement

Le traitement anti convulsivant a été médicamenteux avec comme molécule principale le valproate de sodium (VPA) à une dose moyenne de 20 mg/Kg/jr. Ce traitement pris seul, a permis une amélioration de la symptomatologie avec un amendement des crises chez deux patients (NNF – GPML).

En association avec d’autres molécules telles que le clonazépam, le phénobarbital ou le vigabatrin, ces traitements médicamenteux ont permis une amélioration de la symptomatologie en terme de diminution de l’intensité et de la fréquence des crises épileptiques qui sont demeurées persistantes dans les deux autres observations (FM – TSS). Des EEG 2 de sommeil de contrôle ont été réalisées chez la totalité de nos patients. Ils mettaient en évidence une bonne évolution électrique caractérisée par une détersion du tracé de contrôle avec retour des grapho-éléments physiologiques du sommeil (figure 7, 8 et 9) par rapport au tracé initial chez trois patients (FM – NNF- GPML) et une évolution vers un tracé de sommeil mal organisé pour l’âge avec une hypsarythmie fragmentée et des signes irritatifs prédominant en région pariéto-temporale droite compatible avec une encéphalopathie épileptique type WEST (figure 10) retrouvé chez le quatrième (TSS).

Le retard du développement psychomoteur est resté persistant chez tous les patients.

DISCUSSION

Nous avons eu quelques limites dans la collecte des données ce qui explique que quatre patients seulement ont pu faire l’objet de notre étude. Ces limites sont:

– L’EEG ne fait pas encore partie en pratique courante du bilan systématique à réaliser chez tous nouveau-nés à risque.
– Le pronostic de ces affections étant sévère et la consultation spécialisée tardive, bon nombre de patients pourraient avoir eu une évolution fatale sans jamais avoir été vus par un spécialiste.
– Le retard pour diverses raisons à une consultation spécialisée et les difficultés relatives à l’obtention exacte des informations concernant le déroulement de la grossesse, de l’accouchement et la sémiologie des premières crises: les carnets de consultation prénatale (CPN) et les carnets de santé des enfants étaient le plus souvent peu informatifs, non disponibles voire inexistants.
– Enfin, la difficulté liée à l’accessibilité et au coût des examens complémentaires à visée étiologique. L’IRM cérébrale et le bilan métabolique voire génétique n’ont été réalisés chez aucun de nos quatre patients.

Nos cas présentent des analogies évidentes avec les différentes observations d’EE précoces données dans la littérature [1 ; 4 ; 6 ; 7 ; 14 ; 20].

Dans notre étude, la survenue des premières crises épileptiques se situe bien dans les trois premiers mois de vie. Ceci est bien en adéquation avec la définition des syndromes épileptiques néonataux dans lesquels pour certains les premières crises peuvent survenir jusqu’à 3 mois de vie rentrant dans le cadre des épilepsies précoces [3 ; 15].

Au cours des premières consultations en neurologie, le retard du développement psychomoteur (RPM) était manifeste chez la totalité de nos patients. Ce RPM était associé aux crises épileptiques précoces, nous permettant d’emblée d’évoquer les hypothèses d’encéphalopathies épileptogènes précoces dans les quatre observations.

Du point de vue des antécédents, il existait une notion d’épilepsies familiales chez deux patients. Certaines anomalies génétiques ont été mises en cause dans la survenue des EE précoces à savoir des anomalies du gène ARX, des mutations du gène GC1, des mutations ou délétions du gène STXBP1 ou MUNC 18-1 [2, 12 , 19]. De ce fait et vu qu’aucun test génétique n’a été réalisé dans la recherche étiologique chez nos patients, nous ne pouvons conclure formellement à une absence de transmission héréditaire de cette pathologie, d’autant plus qu’il existe des mutations de novo. Cependant, l’absence de consanguinité parentale ne milite pas pour une origine génétique familiale. Dans 2 observations, il existe des situations à haut risque d’anoxie périnatale [10] et donc d’EE précoce suivant les complications inhérentes.

L’éventail clinique des EE précoces décrites dans la littérature oscille essentiellement entre les myoclonies et les spasmes toniques (1, 4, 6, 14, 20). Dans notre série, les crises toniques sont les plus fréquentes, observées au cours des enregistrements EEG, ce qui corrobore les travaux d’Ohtahara (1976), de Estivill (1984), de Yamatogi et Ohtahara (2002) et de Sarnat et Sarnat (1976). Associés aux crises épileptiques dans nos quatre observations, nous retrouvions des signes neurologiques à type de trouble du tonus (hypotonie axiale et hypertonie des membres) comme l’avaient indiqué Vigevano (1982) dans son article sur les encéphalopathies myocloniques précoces associées à des niveaux élevés d’acide propionique [23].

L’EEG revêt une importance capitale dans le diagnostic et le pronostic de ces EE précoces. En effet, 10% des crises convulsives précoces sont d’expression uniquement électro-encéphalographique et 15% des convulsions s’accompagneraient d’un EEG normal. Ceci montre le risque de sous-estimation ou de surestimation des convulsions précoces, et la nécessité d’un enregistrement EEG chez tout nouveau-né à risque [13]. Dans notre étude, tous les patients ont bénéficié d’un EEG initial et d’un EEG de contrôle mais aucun EEG n’a pu être réalisé en période néonatale ou dès l’observation des premières crises. Il semble exister une unanimité entre les différents auteurs préalablement cités. L’aspect caractéristique des tracés au cours de ces encéphalopathies est constitué par des bouffées à début et fin brusques, à voltage très élevé, parfois asynchrones, formées par un mélange anarchique d’ondes aiguës et de pointes, suivies de périodes d’hypoactivité d’une durée à peu près similaire (3-7 s). Ces caractéristiques donnent à l’EEG un aspect périodique, facilement reconnaissable qui demeure invariable pendant l’état de veille et de sommeil spontané, identifié sous le nom de suppression burst [5, 7, 22]. Des EEG de veille n’ont pu être réalisés dans notre série du fait de la difficulté d’enregistrement, les patients n’étant pas coopératifs à l’éveil.

Les EEG 1 de sommeil réalisés chez tous nos patients présentaient tous cet aspect d’alternance de bouffées d’activité paroxystique avec des périodes de silence ou d’hypo-activité caractéristique du pattern de « suppression burst » à quelques variantes près :

– Pour l’EEG 1 de sommeil réalisé à l’âge de 3 ans (FM) dans la première observation, on notera dans ce contexte particulier de survenue des crises convulsives suite à une souffrance fœtale aiguë, le caractère particulier de la brève durée des bouffées – inférieure à 6 secondes – qui se révèle être délétère d’un point de vue du pronostic au vue des conclusions des travaux de D’Allest (1998) et Sinclair (1999) [5, 22].
– Dans la seconde observation (NNF), pour l’EEG 1 de sommeil réalisé à 5 mois d’âge, il est important de signaler ici les particularités constituées par l’importante asymétrie d’amplitude des bouffées et leur prédominance au niveau des régions frontales. Martin (1981) décrivait dans son observation sur une encéphalopathie épileptique néonatale à bouffées périodiques avec évolution fatale, des crises convulsives polymorphes (myocloniques, spasmes toniques) avec une présentation semblable du pattern EEG de SB à celle de notre patient, marquée par une prédominance de grapho-éléments paroxystiques au niveau de certaines régions corticales. Le bilan neuroradiologique scannographique réalisé dans l’observation de Martin (1981) était en faveur d’une anomalie crânio-encéphalique localisée à type d’hémi-hypertrophie droite. Elle était associée à d’autres anomalies retrouvées à l’examen anatomo-pathologique ainsi que des anomalies du métabolisme oxydatif neuronal à l’histo-enzymologie, lui faisant conclure ainsi à un syndrome d’Ohtahara [14].
– Concernant l’enregistrement du tracé à 3 mois d’âge au cours de l’EEG 1 de sommeil de la troisième observation (GPML), bien qu’il existe chez ce patient un contexte fort probable d’anoxo-ischémie périnatale pouvant expliquer le tableau clinique d’EE précoce avec SB de même que dans la première observation, contrairement à cette dernière, le caractère relatif de l’hypoactivité en plus de la durée sensiblement plus longue des bouffées non continues pourraient expliquer le pronostic moins péjoratif [5, 22].
– Enfin, la singularité du tracé dans l’observation 4 (TSS), a résidé d’emblée dans la précision du cadre nosologique du tableau électro-clinique. En effet, devant le délai de survenue des premières crises à 3 mois d’âge, la présentation des crises sous forme de spasmes toniques en flexion dans le contexte de RPM et le pattern EEG de SB, potentiellement rencontré dans certains cas de syndrome de West [8], cette dernière entité syndromique épileptique a d’abord été évoquée puis cette hypothèse a été révisée devant le caractère typique des bouffées suppressives lors du premier tracé. Monod et Dreyfus-Brisac (1962) ont par ailleurs décrit dans le cadre de souffrance cérébrale néonatale post anoxique, l’existence d’un « tracé paroxystique » pseudo-périodique type suppression burst qui se normaliserait au cours de la période néonatale [16]. Les tracés décrits dans les observations 1 et 3 se distinguent aisément de ce tracé paroxystique du fait de la persistance du pattern de SB au-delà d’un mois de vie nous servant à établir le diagnostic différentiel et à retenir l’encéphalopathie épileptogène précoce comme étiologie de ce tracé de type SB.

L’hétérogénéité des présentations cliniques au cours des encéphalopathies épileptogènes précoces avec SB, témoigne de l’existence de causes diverses. Leur diagnostic et la précision de leurs caractères distinctifs, bien que plusieurs facteurs puissent être incriminés simultanément, implique une recherche étiologique soigneuse. Cette recherche inclue particulièrement une IRM cérébrale à la recherche de malformation. En effet, des anomalies structurelles du cerveau ont été incriminées comme facteur étiologique des encéphalopathies épileptiques néonatales principalement dans l’EIEP [11, 14, 18, 21]. Les investigations doivent prendre en compte également un bilan métabolique exhaustif, notamment à la recherche d’une anomalie dans le système de clivage de la glycine (hyperglycinémie sans cétose ; augmentation de la glycine dans le LCR), d’une maladie mitochondriale (anomalies de la chaîne respiratoire mitochondriale) et d’une recherche d’acidurie organique ou d’une hyperammoniémie. Une fois cette première étape réalisée, une analyse génétique est utile à savoir en particulier la recherche d’une anomalie du gène ARX, une mutation ou délétion du gène STXBP1/MUNC18-1.
L’IRM cérébrale et le bilan métabolique n’ont pu être réalisés chez aucun de nos patients pour leurs coûts. Les tests génétiques ne sont pas disponibles à Dakar. A défaut, une TDM cérébrale a pu être réalisée chez trois patients et revenue anormale dans deux cas (FM – NNF). Elle montrait des aspects aspécifiques scannographiques ce qui à un si jeune âge est sans doute le témoin de lésions anoxo-ischémiques voire de lésions préexistantes à type d’anomalies structurelles ou de maladies métaboliques évolutives. Quoi qu’il en soit, l’IRM demeure l’examen de référence dans la définition des anomalies incriminées dans la survenue de ces EE précoces avec SB.

Sur le plan nosologique, le cadre des encéphalopathies précoces à bouffées périodiques reste cependant toujours à préciser. En effet, Ohtahara (1976) définit, pour l’EIEP, un syndrome reconnaissant des étiologies diverses – mais essentiellement malformatives ou dysplasiques dans les cas décrits – tandis qu’Aicardi et Goutières (1978) décrivent un tableau électro-clinique, l’EMP, pouvant correspondre soit à des étiologies du même ordre, soit secondaire à des anomalies métaboliques. En tout état de cause, lorsque les recherches biochimiques sont négatives, un tracé à bouffées périodiques a alors toutes les chances de correspondre à une encéphalopathie dysplasique ou malformative. La part respective de chaque étiologie demeure jusqu’à présent inconnue au sein de cohortes de patients présentant une EE précoce avec SB de même que la proportion de patients pour lesquels aucune étiologie n’est retrouvée.

Les EE sont pharmacorésistantes [23]. Dans nos observations, le traitement anti convulsivant a été médicamenteux avec comme molécule principale utilisée chez la totalité des patients, seule ou en association, le valproate de sodium (VPA) à une dose moyenne de 20 mg/Kg/jr.

Les EEG 2 de sommeil de contrôle réalisées chez tous nos patients mettaient en évidence une bonne évolution électrique chez trois patients dont 2 sous monothérapie par VPA et une évolution vers un tracé désorganisé type hypsarythmique retrouvé chez le dernier patient. Martin (1981) décrit des cas d’encéphalopathies épileptogènes précoces qui évoluent vers un syndrome de West avec un tracé EEG de type hypsarythmique [14].

Le retard psychomoteur était toujours présent lors du contrôle chez tous nos patients. Le pronostic des EE précoces avec SB reste sévère. Selon Yamatogi et Ohtahara, bien que les crises soient éventuellement supprimées vers 5-6 ans dans environ la moitié des cas, le pronostic du développement et de la vie sont très pauvres. Tous les patients qui ont survécu sont gravement handicapés, mentalement et physiquement. La mortalité est élevée, en particulier au stade précoce de la maladie avec quatre décédés avant 2 ans [24].

CONCLUSION

Les encéphalopathies épileptogènes précoces représentent une entité nosologique très vaste et grave. A travers la littérature et nos observations, elles semblent constituer une réponse non spécifique à des lésions encéphalopathiques de nature variée liée à l’état de maturation cérébrale au moment où s’installe le processus épileptogène.
L’expression aspécifique des crises épileptiques au sein d’une même entité nosologique, semble leur accorder le même substratum physiopathologique. Qu’on se situe dans l’hypothèse d’entités clairement distinctes ou d’une seule et même maladie avec des variantes, la description précise de ces syndromes reste utile pour la compréhension du diagnostic et la prise en charge de ces encéphalopathies épileptogènes âge-dépendantes.

Les résultats de ce travail ouvrent donc la perspective à des études complémentaires notamment longitudinales qui permettraient de mieux individualiser ces pathologies à début précoce. Elles pourront prendre en compte en plus des différents aspects que nous avons traités, l’aspect épidémiologique, rationaliser le bilan étiologique de ces encéphalopathies précoces surtout qu’il existe des causes curables parmi elles et déterminer des profils de réponses thérapeutiques permettant une meilleure prise en charge des patients. La recherche doit donc se poursuivre avec des bilans anatomo-pathologiques afin d’éclaircir les étiologies possibles et délimiter avec plus d’exactitude ces encéphalopathies épileptogènes précoces.


Figure 1: FM, 3 ans, EEG 1 de sommeil avec une amplitude à 100 microvolts/cm (04/07/13)


Figure 2: NNF, 5mois, EEG 1 de sommeil avec une amplitude à 100 microvolts/cm (26/08/13)


Figure 3: GPML, 3mois, EEG 1 de sommeil avec une amplitude à 100 microvolts/cm (03/06/14)


Figure 4: TSS, 6mois, EEG 1 de sommeil avec une amplitude à 100 microvolts/cm (03/06/14)


Figure 5: FM, TDM cérébrale sans injection de produit de contraste, coupe axiale

Figure 5: FM, TDM cérébrale sans injection de produit de contraste, coupe axiale


Figure 6: NNF, TDM cérébrale sans puis avec injection de produit  de contraste, coupe axiale

Figure 6: NNF, TDM cérébrale sans puis avec injection de produit de contraste, coupe axiale


Figure 7: FM, 5 ans ½, EEG 2 de sommeil avec une amplitude à 100 microvolts/cm (16/06/15)


Figure 8: NNF, 1an 5mois, EEG 2 de sommeil avec une amplitude à 100 microvolts/cm (22/08/14)

Figure 8: NNF, 1an 5mois, EEG 2 de sommeil avec une amplitude à 100 microvolts/cm (22/08/14)


Figure 9: GPML, 15 mois, EEG 2 de sommeil avec une amplitude à 100 microvolts/cm (18/06/15)


Figure 10: TSS, 18 mois, EEG 2 de sommeil avec une amplitude à 100 microvolts/cm (08/06/15)


Conflit d’intérêt Aucun

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