CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
EPIDEMIOLOGIE ET DEVENIR DES PARAPLEGIQUES REEDUQUES AU CNHU DE COTONOU
EPIDEMIOLOGY AND BECOMING OF REHABILITED PATIENTS WITH PARAPLEGIA AT CNHU IN COTONOU
E-Mail Contact - KPADONOU Godonou Toussaint :
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RESUME Description Objectif Méthode Résultats Conclusion Mots clés Bénin, épidémiologie, évoltion, paraplégie, réhabilitation ABSTRACT Background Objective Method Results Conclusion Key words: Benin, epidemiology, evolution, paraplegia, rehabilitation INTRODUCTION Les progrès réalisés au plan thérapeutique et surtout en rééducation dans les pays industrialisés ont permis d’améliorer le pronostic vital, les capacités fonctionnelles, l’espérance de vie et la qualité de vie des paraplégiques [13, 37]. Malgré ces avancées, il existe des différences considérables entre et à l’intérieur de ces pays qui tiennent aux environnements socioculturels [20]. 1. PATIENTS ET METHODE 1.1. Patients La présente étude s’est déroulée dans le Service de Rééducation et de Réadaptation Fonctionnelle (S.R.R.F.) du C.N.H.U de Cotonou et a porté sur 40 paraplégiques suivis sur une période de cinq ans (1999 à 2003). Ces patients ont bénéficié chacun de 20 à 110 séances de rééducation et d’appareillage visant à leur assurer une autonomie dans les activités de la vie journalière (AVJ) professionnelle et récréative. L’appareillage utilisé a été fait d’orthèse cruropédieuse et suropédieuse avec ou sans cannes anglaises et de fauteuil roulant. La réhabilitation a consisté à utiliser des techniques classiques de rééducation motrice comportant : 1.2. Méthode d’étude Il s’agit d’une étude rétrospective à visée descriptive portant sur une cohorte de patients paraplégiques âgés de plus 15 ans admis et suivis en rééducation. Le recueil des données a été fait à partir des dossiers et fichiers informatisés de patients hospitalisés entre 1999 et 2003 pour paraplégie. 1.2.1. Echantillonnage. La population est composée de quarante (40) paraplégiques. Ces patients ayant bénéficié d’une réhabilitation, ont été revus en mars 2004 pour une enquête prospective en vue d évaluer leur évolution vitale, fonctionnelle, et socioprofessionnelle. Sont exclus les paraplégies infantiles, les poliomyélitiques, les para parésies, les tétraplégies et les patients n’ayant pu bénéficier de rééducation ni d’appareillage, les patients encore vivants mais non retrouvés à l’enquête prospective. Ce qui a permis de retenir 40 patients sur les 64 suivis. 1.2.2. Variables – Variables épidémiologiques : Age, sexe, profession. 1.3 Traitement et analyse des données de l’étude. Leur traitement a été réalisé avec le logiciel Epi info version 6,04 C. Le test statistique utilisé est le X2 avec un taux de signification de p de 5%. 2. RESULTATS 2.1. Aspects épidémiologiques 2.1.1. Les patients étaient âgés de 17 à 66 ans avec un âge moyen de 42,8ans. 2.1.2. 65% d’hommes pour 35% de femmes avec une sex- ratio = 1, 86 2.1.3. Situation professionnelle : Les différentes professions n’ont pas été envisagées ; mais nous avons considéré ceux qui exercent une activité professionnelle, les retraités, les étudiants et les apprentis. Ce qui donne la répartition observée dans le tableau n°1. 2.1.4. Etiologie des paraplégies : Dans la recherche des causes, nous avons réalisé une corrélation avec le sexe des patients. Ce qui a permis d’obtenir les résultats présentés dans le tableau n°2. 2.2. Aspects cliniques 2.2.1. Siège lésionnel: Les lésions lombaires basses et sacrées (50%) ont eu une expression clinique de type syndrome de queue de cheval complet tandis que les thoraciques et les lombaires hautes (5o%) se sont manifestées par une paraplégie avec choc spinal dans les secteurs lésionnel et sous lésionnel les premiers jours. Le tableau n°3 en donne une répartition détaillée. 2.2.2. Signes cliniques – 23 patients (57,5%) ont eu des troubles vésicosphinctériens importants (incontinence urinaire et fécale permanente, ou constipation) constituant d’emblée une préoccupation pour les patients et leurs entourages. A la fin, ils n’étaient que 17% à présenter une incontinence urinaire et 8% des troubles anorectaux à type de constipation et d’incontinence fécale. 2.3. Aspects évolutifs 2.3.1. Survie des patients : Plus on avance dans le temps, plus le nombre de décès augmente comme le montre la Figure n°1. 2.3.2 Evolution des patients en fonction des étiologies : Les étiologies de la paraplégie ont été un facteur déterminant du pronostic vital du patient. C’est qu’indique le tableau N°4. 2.3.3 Devenir familial, professionnel et fonctionnel des survivants : La réinsertion familiale synonyme de retour à domicile a été réalisée chez la plupart des survivants. Par contre, ils ont beaucoup de difficulté à bénéficier d’une réinsertion professionnelle comme le montre le tableau n°5 3. DISCUSSION L’âge moyen des patients a été de 42,8 ans, les extrêmes 17 et 66ans. C’est donc une pathologie de sujets jeunes constituant une tragédie pour les familles, la communauté et la société toute entière. En effet, l’état paraplégique suscite sous les tropiques, des problèmes de pronostic vital, de devenir fonctionnel, professionnel, socio- familial, génito-sexuel et de procréation. Dans la série de Nandjui en Côte d’Ivoire, les patients étaient plus jeunes avec un âge moyen de 39,98 ans, des extrêmes de 7 et 76 ans avec 62% âgés de moins de 45ans et 61, 9% exerçant une activité professionnelle [31]. Dans notre étude, les effectifs des sujets en activité professionnelle (47%) bien qu’étant moins nombreux que ceux de Nandjui, sont supérieurs aux autres catégories ; mais cette différence n’est pas statistiquement significative (p = 0,10). C’est seulement en considérant les sujets en activité professionnelle et le groupe apprentis/étudiants comparativement aux retraités, que nous avons une différence nette et marquée (p = 10-4). Dans tous les cas, la situation des apprentis/étudiants (33%) reste plus préoccupante. Car à ces derniers se posent des problèmes spécifiques de formation et de procréation. La paraplégie a frappé plus d’hommes (65 %) que de femmes (35%). Cette prédominance masculine est due à la grande tendance de l’homme à exercer des activités de plus en plus violentes surtout dans la conduite. En effet, les traumatismes constituant la principale cause de paraplégie ont touché 37,5% des patients dont 30% d’hommes et 7,5% de femmes avec une différence statistiquement significative (p= 0,02). Pour les autres causes, la différence n’est pas statistiquement significative comme on le constate dans le tableau n°2. L’importance des causes traumatiques (essentiellement traumatisme de la voie publique) se justifie à Cotonou par l’intensité du trafic routier, la promiscuité des engins à deux roues et des automobiles sur des chaussées étroites. Ces paraplégies post traumatiques sont également au premier plan au Togo et au Pays-Bas dans des proportions très élevées respectives de 90% et 76,4% [4,35]. Selon Haenel, les paraplégies post traumatiques pourraient avoir un substratum psychiatrique [17]. Les tumeurs (22,5%) ont constitué le deuxième type de causes après les traumatismes. L’importance des causes tumorales reste préoccupante, car la nature de la tumeur et le moment de l’intervention vont lourdement influencer le pronostic vital de ces patients. Aux Etats-Unis le nombre de métastases entraînant une compression médullaire est estimé à 20.000 cas par an [24]. Il peut s’agir de tumeurs intra ou extra médullaires, de métastases, de cancers primitifs ou de dégénérescence maligne [7,14,2]. Quant aux hernies opérées (22,5%) aussi nombreuses que les causes tumorales, elles posent un problème d’ordre médico-légal quand la responsabilité de l’acte opératoire est établie. Mais très souvent, il n’est pas facile d’établir la part de la hernie et celle de l’acte chirurgical. Des facteurs indépendants du chirurgien comme une hématomyélie, une myélite post opératoire, un infarcissement de la moelle … peuvent être à l’origine de la paraplégie post opératoire. Tout de même, trois cas du genre ont été rapportés par Houten à New York aux Etats-Unis [19]. La présence de causes infectieuses représentées par la paraplégie pottique (7,5%), constitue une spécificité de cette atteinte sous les tropiques. Ce type de paraplégie souvent d’emblée spastique, associée à une importante cyphoscoliose, nécessite outre la chimiothérapie spécifique, une rééducation intensive, et une chirurgie de reconstruction lourde [34]. Pour 10% des patients de notre série, aucune cause n’a pu être retrouvée pour la paraplégie. Cela pourrait s’expliquer par le manque le moyen d’investissement pour le diagnostic de certaines étiologies rares telles que la méningomyélite syphilitique, les tumeurs rares, la sarcoïdose, sans oublier les causes iatrogènes [21,16,18,3]. Le siège lésionnel reste également partagé entre lésions thoraciques et lombaires hautes (50%) marquées par une atteinte médullaire dont la manifestation est une paraplégie avec choc spinal dans les secteurs lésionnel et sous lésionnel les premiers jours et les lésions lombaires basses et sacrées (50%) marquées par un syndrome de queue de cheval. Les niveaux lésionnels thoraciques et lombaires hauts avec atteintes médullaires complètes correspondant à ASIA A sont pourvoyeuses de handicaps lourds. Les patients (52% des survivants) qui n’ont connu aucune récupération dans notre étude et qui sont contraints à se déplacer en fauteuil roulant sont à ranger dans cette catégorie. Vingt trois patients (57,5%) ont eu des troubles vésico sphinctériens importants à type d’incontinence urinaire et fécale permanente, ou de constipation, constituant d’emblée une préoccupation pour les patients et leurs entourages. A la fin, ils n’étaient que 17% à présenter une incontinence urinaire et 8% des troubles anorectaux à type de constipation et d’incontinence fécale. Le manque d’autonomie de la vessie dans les paraplégies est une variable commune prédictive autrefois d’une forte valeur pour la mortalité due aux complications infectieuses et surtout rénales [38]. La présence d’incontinence urinaire et fécale permanente reste difficile à gérer chez le paraplégique sous nos cieux compte tenu des difficultés fréquentes d’approvisionnement du petit matériel (sonde vésicale, péniflex, langes, gants) et du matériel lourd (lits pneumatiques, ou fluidisés, fauteuils motorisés). L’incontinence des sphincters anal et urinaire constitue le substratum des infections urinaires à l’origine de l’aggravation de la spasticité et même du décès du patient [42]. Les troubles sphinctériens chez les paraplégiques peuvent revêtir d’autres types de combinaisons à savoir incontinence urinaire ou rétention urinaire et/ou constipation ou incontinence fécale comme l’a observé Damplouse [10]. Dans tous les cas, la fonction anorectale chez le traumatisé médullaire est anormale comme l’indiquent les mesures de la pression intra rectale effectuées par plusieurs auteurs avec des variabilités en fonction du niveau lésionnel et de l’ancienneté de l’atteinte [22, 28, 26,41]. Pour y remédier Stone et al ont réalisé une colostomie [39] tandis que Riedy et al ont eu des résultats encourageants en réalisant une électrostimulation péri anale susceptible d’augmenter la pression intra rectale [36]. Mentes pense que la stimulation du nerf tibial postérieur constitue la voie d’avenir pour traiter l’incontinence fécale chez le blessé médullaire incomplet [30]. Quant aux escarres développées au début de la prise en charge (25%), elles se sont cicatrisées secondairement avec parfois des récidives. Pour Thomasson, les escarres constituent une complication sérieuse pour les patients avec atteinte médullaire [40]. Le traitement le plus efficace est d’éviter le décubitus au paraplégique en le faisant participer aux activités valorisantes de tout genre comme l’art, l’artisanat, la peinture, le sport pour handicapé… [32]. Enfin Garber pense que l’éducation individualisée au sujet de la prévention et de la gestion de l’escarre est efficace dans l’amélioration de la connaissance de l’escarre pendant l’hospitalisation et pour sa réparation chirurgicale [15]. Seize patients (40%) dont les thoraciques (27,5%) et une partie des lombaires hauts (12,5%) ont développé la spasticité au cours de leur prise en charge. A la fin, ils n’étaient que 12,5% à être spastiques. La spasticité est une donnée fréquente dans les atteintes centrales, facteur limitant les programmes de rééducation. Les paraplégiques spastiques éprouveraient des difficultés dans sept domaines à savoir : physique, activité, émotif, économique, interpersonnel, gestion, et cognitif [29]. Trois ans après leur retour à domicile, 32,5% des patients ont perdu leur vie avec leur courbe de survie qui décroît progressivement. Ils étaient âgés de 37 à 55 ans avec un âge moyen de 47,2 ans. S’il est vrai que l’espérance de vie du paraplégique est en général moins élevée que celle du sujet normal, l’important taux de décès observé dans notre série n’est pas à isoler des conditions de vie et de l’environnement [5] . Pour preuve, Paggliaci en Italie dans sa série composée de 511 blessés médullaires, a eu 36 décès en deux ans d’évolution soit un taux de décès de 7% [33]. Ces résultats sont le reflet des difficultés de la prise en charge de la paraplégie sous nos cieux. En effet le milieu environnant, l’insuffisance de moyen technique et parfois le manque de matériel adapté malgré l’existence de compétences, finissent par emporter le malade dans un état de désespoir. Cela appelle la conscience de toutes les personnes physiques ou morales impliquées dans la réadaptation de la personne handicapée. La prédominance des causes tumorales (9 cas sur 13) avec les métastases développées, explique en partie cette évolution fatale. Ailleurs la mise en uvre de thérapies adaptées comme la radiothérapie, la chimiothérapie (encore embryonnaires au Bénin), permet d’améliorer le niveau de récupération et le pronostic vital. Mais le paraplégique peut mourir d’autres causes comme les infections respiratoires, les pyélonéphrites et surtout des infections nosocomiales [8,25] La réinsertion familiale (synonyme de retour au domicile familial) de la plupart des paraplégiques survivants a été faite avec l’appui de la famille qui a soutenu les transformations de l’habitation adaptables au handicap du patient. Il s’agît là d’une preuve de la force du soutien moral et de la solidarité en milieu africain. Tout de même, dans 2 cas, des difficultés (refus de coopération de la famille) ont été retrouvées avec même divorce dans un cas. De même les acquisitions récentes en matière de stimulation électrique fonctionnelle qui permettent d’améliorer outre la locomotion, la fonction respiratoire par stimulation du nerf phrénique devraient apporter à ces patients un mieux être global [9]. Mais quand le petit matériel nécessaire manque souvent dans un centre de référence, l’optimisme doit être raisonné et les résultats ne reflètent pas la qualité des efforts consentis par le personnel soignant. CONCLUSION Le devenir des paraplégiques pose d’énormes problèmes dans les pays en voie de développement. L’espérance de vie, les capacités fonctionnelles et la qualité de vie de ces patients peuvent être améliorées si l’essentiel des thérapies existant à ce jour a été mis à leur disposition. Aux survivants se sont posés des problèmes de réinsertion professionnelle auxquels se sont ajoutées des difficultés de réadaptation dans une société où il n’existe pas de lois en faveur de la personne en situation de handicap. La réinsertion des personnes en situation de handicap doit bénéficier d’adoption d’une législation volontaire et la mise en oeuvre d’actions plus adaptées pour compléter l’assistance familiale et communautaire; la légendaire solidarité africaine étant devenue insuffisante pour affronter les nouveaux défis de la vie. REFERENCES
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