NEUROEPIDEMIOLOGY / NEUROEPIDEMIOLOGIE
EPILEPSIE EN MILIEU SCOLAIRE EN CÔTE D’IVOIRE DONNEES D’UNE ENQUETE REALISEE DANS LA COMMUNE DE YOPOUGON A ABIDJAN
EPILEPSY IN SCHOOLS IN IVORY COAST A SURVEY AT YOPOUGON, ABIDJAN DC
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RESUME Description Objectif Méthodes Résultats Conclusion Mots clés: Côte d’Ivoire, Epilepsie, milieu scolaire, prévalence. ABSTRACT Background Objective Methods Results Conclusion Keywords: Epilepsy, School, Prevalence, Ivory Coast, Africa INTRODUCTION L’épilepsie est l’une des maladies neurologiques les plus fréquentes. Sa prévalence dans les pays développés est estimée à 5. En Afrique, elle est supérieure à 10 (1) et en Côte d’Ivoire, elle est estimée à 7 (9). La connaissance de cette affection a été améliorée au cours des dernières années par le développement de la neuro-imagerie. Une attention accrue est portée actuellement à la qualité de la vie, c’est-à-dire aux problèmes psychologiques et sociaux auxquels sont confrontées les personnes atteintes d’épilepsie, notamment l’accès à l’éducation. Le but de ce travail est de décrire les caractéristiques épidémiologiques et cliniques de l’épilepsie en milieu scolaire en Côte d’Ivoire, dans la commune de Yopougon, à Abidjan. PATIENTS ET METHODES Il s’agit d’une étude transversale descriptive qui s’est déroulée de janvier 2006 à Juillet 2008, dans 30 établissements primaires publics (EPP) des 5 inspections d’enseignement primaire (IEP) de la commune de Yopougon. La population étudiée est constituée de l’ensemble des élèves du cours préparatoire 1ère année (CP1) fréquentant les établissements d’enseignement choisis. L’échantillonnage a été calculé par la formule suivante: n n = ∑(alpha)^2pq/i^2 (risque & = 5%, p = prévalence de l’épilepsie en étude de population en Côte d’Ivoire = 7, i = 0,01). Nous avons réalisé un échantillonnage stratifié à deux degrés au niveau des 5 inspections d’enseignement primaire: – 1er degré: 30 écoles tirées au hasard sur 240 à raison de 5 à 7 par inspection – 2ème degré: 28 élèves tirés au sort dans chacune des classes Les données ont été collectées en utilisant le questionnaire d’investigation de l’épilepsie (chapitre du dépistage) dans les pays tropicaux (11). Après avoir sollicité et obtenu l’autorisation des différentes autorités administratives scolaires, l’enquête s’est déroulée en 2 phases. Pendant la phase de dépistage, nous avons parcouru chacun des établissements retenus et interrogé individuellement les parents des écoliers retenus, avec leur consentement. Au cours de la phase de confirmation, les écoliers dépistés ont été reçus dans le service de neurologie du Centre Hospitalier et Universitaire (CHU) de Yopougon, accompagnés de leurs parents, pour un examen clinique et un électroencéphalogramme (EEG). Les sujets ayant présenté au moins 2 crises convulsivesont été inclus dans l’étude. Ont été exclus les sujets qui avaient des crises se produisant lors de circonstances exceptionnelles telles que les convulsions fébriles. La saisie et l’analyse des données ont été faites à l’aide du logiciel EPI-INFO version 6-04 C. Les comparaisons de fréquence ont été faites par le test de X2 de Pearson ou le test exact de Fischer. Les comparaisons de moyenne ont été faites par le test t de Student. Une valeur de p < 0,05 a été considérée comme statistiquement significative. Certaines contraintes ont été relevées: les absences aux convocations, puis aux rendez-vous de confirmation pouvant induire des biais de sélection; le manque de moyens financiers, empêchant la réalisation systématique d'un EEG et d'une tomodensitométrie (TDM) chez les patients confirmés. RESULTATS Notre étude incluait 834 élèves. Etant donné que l’enquête concernait les élèves du CP1, la présence de leurs parents s’imposait lors de l’entretien. Au terme de l’enquête, seulement 426 sujets constituaient notre population, soit un taux de participation de 51,1%. 197 enfants étaient de sexe masculin (46,2%), soit un sex-ratio de 0,9. L’âge moyen était égal à 7 ± 4,2 ans avec des extrêmes de 4 et 10 ans. Tous les groupes ethniques ivoiriens étaient représentés : kwas (36,2%), krous (24,6%), mandés du Nord (16,2%), mandés du Sud (9,6%) et gurs (9,2%). Les non ivoiriens représentaient 4,2% de l’échantillon. 70,2% des sujets étaient chrétiens, 25,6% musulmans et 4,2 % sans religion Les enfants disposaient de toilettes intérieures dans 78,6% des cas, de latrines externes dans 21,1%. Les 0,2% restants faisaient leurs besoins dans la nature. Parmi les 426 sujets inclus dans l’étude, 24 ont été sélectionnés pour la phase de confirmation clinique, soit une fréquence de 5,6%. De ces 24 sujets suspects, 15 ont été confirmés épileptiques, soit une fréquence de 62,5%, ce qui donne une prévalence de 35,2 (IC: 17,6 – 70,2) pour les 426 sujets enquêtés. Nous avons recherché l’influence de certains facteurs sur la prévalence de l’épilepsie. Le sexe, la religion et le lieu de défécation n’avaient pas d’influence significative. La prévalence était significativement plus élevée chez les sujets âgés de plus de 7 ans. On retrouvait plus de sujets épileptiques dans le groupe ethnique Kwa (prévalence de 51,9), alors qu’il n’y en avait aucun dans les groupes Gur et Mandé du Sud (X2 = 15,52 p = 0,008). Sur les 15 sujets dépistés, seulement 4 ont participé à la phase de confirmation clinique, et 2 se sont présentés au laboratoire d’EEG. Les 11 autres patients ont été retenus à partir de la description clinique faite par l’entourage (famille et enseignants) lors de la phase de dépistage. 6 ont été perdus de vue, car ayant changé d’établissement et/ou de domicile. Quant aux 5 autres, leurs parents se sont opposés à la poursuite de l’enquête, malgré tous nos efforts pour les convaincre. Par ailleurs, 3 enfants avaient déjà été dépistés avant l’enquête. Sur les 15 sujets considérés comme épileptiques, il y avait 7 garçons (46,7%) et 8 filles (53,3%). Leur moyenne d’âge était de 6,6 ± 1,2 ans avec des extrêmes de 5 à 9 ans. Dans 86,6%, aucun facteur déclenchant n’a été identifié. Aucun lien de consanguinité n’a été constaté chez les parents. 2 patients (13,3%) présentaient des antécédents familiaux d’épilepsie dans leur fratrie. Dans 1 cas (6,7%), on retrouvait des antécédents neurologiques et 5 enfants (33,3%) avaient des antécédents de convulsions fébriles. 2 cas d’accouchement dystocique (13,3%), ont été signalés. Au terme de 2 années scolaires, parmi les 15 sujets confirmés épileptiques, nous avons constaté 1 renvoi de l’établissement (6,7%), 3 redoublements (20%), 3 retraits de l’école par les parents (20%), pour diverses raisons (déménagement, fréquence élevée des crises). 8 enfants avaient une scolarité normale (53,3%). DISCUSSION La prévalence de l’épilepsie en milieu scolaire a été estimée à 35,2 dans la présente étude. Ce taux est largement supérieur à celui d’Avodé et al., 2003 (7,9) relevé en milieu scolaire à Cotonou où le taux de prévalence dans le sous groupe des élèves du CP est égal à 12,3 (1) et au chiffre de 7, antérieurement rapporté par des enquêtes de population générale en Côte d’Ivoire (9). La prévalence est plus faible dans les travaux de Cavazutti et al., (4) (4,5) en Italie. Au Togo, Grunitzky et al. (7) ont cité des taux de prévalences de 16 et 12,3 Mais toutes ces études ont été menées dans la population générale et incluent toutes les tranches d’âge. Notre étude notait une prédominance féminine, également rapportée en milieu scolaire par Avodé et al. (1) et Bellalem et al. (2). D’autres études en milieu scolaire notent plutôt une prédominance masculine (4,14), qui reflète la situation dans la population générale (7,14). La majorité des enfants (86,6%) n’a signalé aucun facteur susceptible de déclencher les crises. Chez les 2 autres patients (13,4%), le facteur déclenchant était le manque de sommeil. Avodé et al. (1) ont retrouvéla fatigue dans 3 cas, le manque de sommeil et l’émotion dans 1 cas, l’abandon du traitement dans 1 cas. Dans l’étude de Kouamé-Assouan et al. (8) réalisée chez l’enfant, le principal facteur déclenchant des crises est l’hyperthermie chez 35,7% des patients, suivi du manque de sommeil chez 23% des patients, de l’arrêt du traitement antiépileptique et de l’émotion dans respectivement 7,9 et 6,3% des cas. Les facteurs déclenchants rapportés par Grunitzky et al. (7) au Togo, ont été: l’arrêt du traitement (37%), la consommation d’alcool (16%), l’existence d’un facteur émotionnel (10%), la privation de sommeil (7%) et une fatigue excessive. Les causes classiques de l’épilepsie de l’enfant sont dominées par la pathologie pré- et périnatale, mais aussi, en Afrique noire, par les séquelles des maladies infectieuses (méningite, neuropaludisme) (5). Nous avons retrouvé un accouchement dystocique dans 2 cas et des antécédents familiaux d’épilepsie dans 2 cas. Aucune consanguinité n’a été constatée. Les conditions d’accouchement étaient beaucoup plus incriminées (9/11) dans l’étude d’Avodé et al. (1) qui notaient par ailleurs, 1 cas de consanguinité et 1 cas d’épilepsie familiale.Dans une étude de prévalence dans la population générale au Togo, Grunitzky et al. (7) ont rapporté en première ligne, l’épilepsie familiale, suivie par la consanguinité et l’association des deux facteurs. Notre étude a révélé une prédominance des crises généralisées: absences (53,3%) et crises généralisées tonico-cloniques (CGTC) (46,7%). En Afrique, la prédominance des CGTC est rapportée dans presque toutes les études de prévalence de l’épilepsie (1,6). Les CGTC qui sont les plus spectaculaires sont en effet facilement identifiées par l’entourage (10). Il est possible que le nombre de crises partielles secondairement généralisées, dont le début partiel est difficile à reconnaître par la seule clinique soit sous estimé. Dans notre étude, seulement 1 patient (6,7%) bénéficiait d’un traitement antiépileptique au long cours. Les autres recevaient des traitements d’appoint le plus souvent de type traditionnel lors des crises, A Cotonou, Avodé et al. (1) ont rapporté que 7 épileptiques sur 11 (63,6%) n’avaient pas de traitement antiépileptique au cours de la période d’étude. Parmi les 4 patients (36,4%) qui étaient sous traitement, 2 (50%) avaient un traitement traditionnel, 1 avait un traitement moderne tandis que le 4e associait les deux types de traitement. La pratique courante du traitement traditionnel pose la question de la perception de l’épilepsie en Afrique où les crises épileptiques sont supposées avoir un lien avec la sorcellerie ou la malédiction. Plus de la moitié (7/11) des épileptiques identifiés dans notre étude ont rencontré des difficultés scolaires. L’école est souvent le lieu révélateur de certains handicaps intellectuels chez les enfants épileptiques, en échec dans leurs apprentissages (3). Quelque soit la qualité de l’adaptation scolaire, les difficultés qui peuvent entraver la scolarité ou la retarder sont complexes, liées à la gravité de l’épilepsie, à la fréquence des crises (absentéisme), aux effets secondaires des antiépileptiques (agitation, agressivité ou lenteur d’idéation et d’exécution) ou, plus rarement, à des troubles du caractère ou du comportement directement liés à l’épilepsie elle-même. On estime que près de 25% des enfants épileptiques ne peuvent suivre une scolarité que dans des établissements spécialisés. Dans les établissements ordinaires, 20 à 70% des épileptiques ont une scolarité retardée ou devant être adaptée et/ou orientée (12). Seuls 43% des enfants souffrant d’épilepsie achèvent leur premier cycle scolaire alors que ce taux atteint 73% dans la population générale (13). L’étude réalisée dans l’ouest de l’Algérie sur la prévalence de l’épilepsie en milieu scolaire (14) confirme que l’épilepsie peut être à l’origine de difficultés scolaires. CONCLUSION Cette étude montre une prévalence relativement élevée de l’épilepsie en milieu scolaire à Abidjan dans la commune de Yopougon (35,2)Les absences sont les crises les plus fréquentes. La prise en charge thérapeutique des élèves épileptiques est insuffisante et le traitement traditionnel est leur premier recours. Ils présentent souvent des difficultés scolaires à l’origine de leur exclusion du système scolaire. Ces résultats suggèrent le dépistage de cette pathologie dans la visite d’entrée à l’école primaire, pour améliorer l’adaptation scolaire des élèves épileptiques.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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