CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
EPILEPSIE ET PERMIS DE CONDUIRE AU MALI : CONNAISSANCES, ATTITUDES ET PRATIQUES DES MONITEURS D’AUTO-ÉCOLE ET DES CANDIDATS AU PERMIS DE CONDUIRE.
EPILEPSY AND DRIVING LICENCE IN MALI : KNOWLEDGE, ATTITUDES AND PRACTICES OF DRIVING SCHOOLS MONITORS AND THE CANDIDATES FOR THE LICENCE.
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RESUME Introduction Objectif Methode Resultats Conclusion Mots clés : Attitudes, Épilepsie, Mali, Permis de conduire, Conduite automobile. ABSTRACT Background Purpose Methods Results Conclusion Keywords : Epilepsy, Attitudes, Driving , Driving License, Mali. INTRODUCTION Près de 80% des malades épileptiques sont rencontrés dans les pays en développement où l’épilepsie est un problème majeur de santé publique avec des conséquences sociales, culturelles, économiques dues à la stigmatisation [12, 17]. L’un des sujets les plus controversés dans le domaine de l’épilepsie reste la problématique du permis de conduire. Mais si les conséquences potentiellement dramatiques d’une CE lors de la conduite paraissent évidentes, l’analyse des données de la littérature sur la part réelle des épileptiques dans la survenue des accidents de la voie publique montre clairement qu’il est excessif d’exclure systématiquement les épileptiques de la conduite automobile, comme c’est le cas dans la plupart des pays africains, dont le Mali. Une réglementation adaptée, tenant compte du rôle de l’épilepsie dans la survenue des accidents de la voie publique, devrait s’imposer [8, 9, 13]. Le Mali, à l’instar de la plupart des pays africains, dispose d’une réglementation (arrêté interministériel N ° 01 0008 MTPT- SG du 09 MAI 2001) qui fixe la liste des incapacités physiques incompatibles avec l’obtention du permis de conduire [13]. Chez les épileptiques, cette réglementation paraît dépassée au regard des législations européenne et nord-américaine [5]. Par ailleurs, l’augmentation de plus en plus croissante des usagers de la route sur notre continent fait aujourd’hui des accidents de la voie publique et de leurs conséquences un problème majeur de santé publique [3, 14, 16]. Dans ce contexte, l’amélioration des connaissances des usagers de la route et des autorités chargées de la délivrance du permis de conduire en matière de conduite chez les épileptiques, pourrait contribuer à améliorer la réglementation. Nous avons donc conduit une étude en collaboration avec l’Agence Nationale de la Sécurité Routière au Mali (ANASER) ayant pour but de faire l’état des lieux sur les connaissances, attitudes et pratiques en matière d’épilepsie des usagers de la route, des moniteurs d’auto-école et des inspecteurs chargés de délivrer le permis. METHODOLOGIE Patients et méthode Il s’agissait d’une étude longitudinale, prospective, descriptive et analytique qui s’est déroulée de juin 2009 à juin 2010. Elle a porté sur 31 auto-écoles du district de Bamako. Ont été retenues seulement les auto-écoles agréées par les autorités compétentes qui nous ont transmis cette liste. Recrutement de la population et considérations éthiques Nous avons interrogé de manière consécutive l’ensemble des moniteurs d’auto-école, les inspecteurs délivrant le permis et les candidats aux permis présents dans les auto-écoles pendant la période de l’étude. Recueil des données Les individus ont été soumis à une fiche d’enquête élaborée à partir du « questionnaire d’investigation de l’épilepsie dans les pays tropicaux » [17]. La fiche comportait 20 questions. L’enquête était de type semi-structurée. Les fiches individuelles comportaient les informations sur les paramètres socio-démographiques (âge et sexe), les connaissances sur l’épilepsie, le lien « épilepsie et accident de la voie publique », la réglementation malienne en matière de conduite automobile chez les épileptiques et les attitudes face à l’épilepsie. La traduction de notre questionnaire en bambara (langue nationale du pays) pour ceux qui ne parlaient pas français (langue officielle du pays) a été effectuée avec l’aide d’un expert linguistique en bambara du département chargé de la formation dans les langues nationales au Mali (DENAFLA). La saisie et l’analyse statistique des données ont été réalisées sur le logiciel SPSS (version 12.0 Chicago, IL ; USA). Des tableaux de fréquence et des calculs de moyenne ont été effectués. Le test de khi2 a été utilisé pour la comparaison des proportions avec un seuil de significativité fixé à p≤0,05. RESULTATS Nous avons interrogé 568 personnes dont 488 candidats au permis de conduire, 70 moniteurs d’auto-école et 10 inspecteurs. Données socio-démographiques La tranche d’âge de [25-35] ans était majoritaire (89 %). L’âge moyen était de 28 ans. Le sexe masculin prédominait (84,9%), avec une sex-ratio = 5,6. Environ 93% de la population était instruite : 224 du niveau primaire, 198 du niveau secondaire, 104 du niveau supérieur ; 42 personnes étaient analphabètes. Connaissances de l’épilepsie L’ensemble de la population avait déjà entendu parler de l’épilepsie. Environ 45,4% des personnes connaissaient la maladie à partir de leur entourage, 14,4% par l’école, 13,9% par des tradithérapeutes, 11,3% par des agents de santé et 5,6% par les médias. 59,7% accordaient une origine surnaturelle à la maladie. 66,2% pensaient que l’épilepsie était une affection curable par le traitement médical conventionnel (46,7%), par le traitement traditionnel (36,2%) et par la combinaison médecine moderne et médecine traditionnelle (17%). Épilepsie et conduite automobile 86,4% des personnes interrogées indiquait que l’épilepsie était incompatible avec la conduite automobile et seulement 13,6% autoriseraient l’épileptique à conduire avec réserve (tableau I). Dans le groupe de ceux qui pensaient que l’épileptique pouvait détenir un permis de conduire 13,3% proposaient de lui accorder un permis de véhicule léger et 0,4% un permis poids lourd. Environ 15% de la population proposaient le retrait du permis aux épileptiques (tableau II). Plus de la moitié de la population ignorait complètement l’existence d’une réglementation, 69% pensaient que l’épilepsie était une cause fréquente d’accident de la voie publique et seulement 14,5% indiquaient que l’épileptique n’était pas plus dangereux que les autres conducteurs. DISCUSSION Notre étude, à l’instar des autres études communautaires déjà effectuées, confirme la méconnaissance de la grande majorité de la population sur l’épilepsie dans notre pays [11]. La maladie se caractérise par un cortège de préjugés négatifs qui ont pour conséquence une stigmatisation et une marginalisation des personnes épileptiques [1 ; 10]. Chez les Dogons, la notion de contagion de la maladie est à l’origine d’un certain nombre de précautions, l’entourage évitant de manger avec le malade, lui fournissant une nourriture qu’il devra prendre dans une vaisselle personnelle [12]. Très peu d’études ont porté sur la problématique de la conduite automobile chez l’épileptique en Afrique. Nous avons noté que 85% de la population indiquaient que l’épileptique était inapte à la conduite automobile. Cette attitude de stigmatisation de notre population face à l’épileptique semble répandue dans le monde, puisqu’un constat similaire est rapporté au Japon où un amendement du code de la route vient d’interdire la conduite automobile aux épileptiques [6]. Cette position radicale des populations et des responsables de la conduite automobile impose la mise en place d’une réglementation adaptée et une large campagne de sensibilisation et d’éducation de la population et des autorités de délivrance du permis de conduire. La réglementation est loin d’être correctement appliquée dans les pays où elle existe. Ainsi la grande majorité des épileptiques ne conduit pas. A l’opposé, il reste une proportion d’épileptiques «irréductibles» qui continueront à conduire quelle que soit la loi ou la force de persuasion du médecin [2]. Le droit de conduire est un facteur de qualité de vie et d’insertion sociale. Aujourd’hui, conduire un véhicule dans les grandes capitales africaines qui sont de véritables mégapoles, n’est plus un luxe ou un privilège [7]. Une forte proportion des sujets interrogés a indiqué que l’épilepsie était une maladie pourvoyeuse d’accidents de la voie publique (AVP). En effet, un épileptique peut être responsable d’un accident, comme tout autre conducteur, sans que cet accident soit directement secondaire à la survenue d’une crise. Par contre, le risque de survenue d’accidents lors d’une crise au volant est estimé à 0,25% des accidents graves de circulation [20, 19]. Dans tous les cas, ce risque est 1,8 fois supérieur à celui de la population en général [15]. Ces données, relativement anciennes, ont été confirmées par une étude plus récente aux USA où 86 décès, sur 44 027 accidents mortels sur route, pour une population de 275 millions, étaient secondaires à la survenue d’une CE au volant [19]. CONCLUSION Cette étude a permis de mettre l’accent sur l’importance des connaissances erronées sur l’épilepsie dans l’environnement du permis de conduire au Mali. Elle a montré l’ignorance des professionnels du permis sur la réglementation et la nécessité de mettre en place des campagnes d’information de la population et de formation des autorités, chargées de délivrer le permis de conduire, des promoteurs d’auto-école, des candidats au permis de conduire, des médecins chargés de la visite médicale. Il apparaît également urgent d’adapter la réglementation malienne, en matière de conduite automobile, aux normes internationales grâce à une collaboration étroite entre le médecin chargé de la visite médicale, les promoteurs d’auto-école et le ministère de la santé. La ligue malienne contre l’épilepsie, nouvellement créée, devrait y contribuer. Conflit d’intérêt : aucun Tableau I : Réponses concernant les conditions de délivrance d’un permis à un épileptique.
Tableau II : Attitudes face à un épileptique détenant un permis de conduire.
REFERENCE
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