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CASE REPORT / CAS CLINIQUE
 
ETIOLOGIE PARTICULIERE DE L’ENCEPHALITE LIMBIQUE : LA NEUROSYPHILIS (A PROPOS DE DEUX CAS)

A SPECIFIC AETIOLOGY OF LIMBIC ENCEPHALITIS: NEUROSYPHILIS (ABOUT TWO CASES)


  1. Service de Neurologie, CHU Hassan II, Fès, Maroc
  2. Service de Radiologie, CHU Hassan II, Fès, Maroc

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RESUME

L’encéphalite limbique syphilitique est une affection rare et son incidence est inconnue nous rapportons l’observation deux patients hospitalisés pour troubles du comportement, troubles de mémoire et crises épileptiques, l’IRM cérébrale montrait un hypersignal sur les séquences pondérées en T2 et FLAIR des régions temporo-limbiques, la sérologie de la syphilis fut positive dans le sang et le LCR. Le diagnostic d’encéphalite limbique syphilitique fut retenu sur un ensemble d’arguments clinique, biologique et radiologique. Le traitement spécifique de la neurosyphilis a permis une amélioration de l’état neurologique des deux patients.

Mots-clés : Encéphalite limbique, IRM cérébrale, Neurosyphilis.


SUMMARY

A specific aetiology of limbic encephalitis: neurosyphilis (about two cases)
Syphilitic limbic encephalitis is a rare clinical entity; we report two cases presenting seizures, behaviour disturbance and loss of memory. Cerebral MRI revealed hyper intensity on T2 and FLAIR in the temporo-limbic regions. The serology tests of syphilis were positive in blood and cerebrospinal fluid. The diagnosis of limbic encephalitis secondary to syphilis was made considering clinical, biological and radiological arguments. Specific treatment of neurosyphilis was followed by neurological improvement.

Key words: Cerebral MRI, Limbic encephalitis, Neurosyphilis

INTRODUCTION

L’encéphalite limbique se manifeste typiquement par des signes aigus ou subaigus orientant vers un dysfonctionnement des structures limbiques. Ses étiologies sont dominées par les désordres auto-immuns, paranéoplasiques et les infections virales. La neurosyphilis est rarement en cause et seulement quelques cas ont été décrits dans la littérature.
Nous rapportons deux cas d’encéphalite limbique syphilitique avec des images IRM encéphalique similaires à celles de l’encéphalite limbique classique.

Observation N° 1

Patient âgé de 37 ans, ancien militaire, tabagique chronique, suivi en psychiatrie depuis 1 ans pour psychose dysthymique non schizophrénique avec troubles du comportement, idées délirantes de grandeur mégalomaniaque, déficit de l’attention et des troubles de mémoire d’aggravation insidieuse, traité par neuroleptiques et thymorégulateurs mais sans amélioration évidente. Six mois avant son admission au service, le patient a présenté des crises épileptiques partielles somatomotrices hémicorporelles gauches secondairement généralisées parfois précédées d’automatisme gestuel et oro-alimentaire. L’évolution est marquée par l’apparition d’une lourdeur de l’hémicorps gauche et de trouble de la parole. Un syndrome confusionnel subfébrile suivi d’un état de mal épileptique a motivé son admission aux urgences. L’examen après stabilisation de son état trouvait un patient désorienté dans le temps et dans l’espace, ralenti sur le plan psychomoteur. Son discours comportait un délire de persécution avec des hallucinations auditives. Son examen neurologique trouvait un syndrome tetrapyramidal, une dysarthrie paralytique et un déficit mnésique portant sur la mémoire antérograde et rétrograde à l’examen des fonctions supérieures avec un score MMS à 6/30.

L’IRM cérébrale montrait des plages d’hypersignal bilatérales au niveau des régions amygdalo-hippocampiques, du cortex insulaire et du gyrus cingulaire sans effet de masse sur les structures avoisinantes ni prise de contraste après injection de gadolinium (figure1). Le bilan biologique était normal, notamment il n’y avait pas de syndrome inflammatoire biologique. La sérologie syphilitique était positive dans le sang (TPHA à 5120 et VDRL à 1/32). L’étude cytochimique du LCR a monté 8 éléments blancs avec une protéinorachie à 0,58 g/l sans hypoglycorachie. La sérologie TPHA-VDRL était positive dans le LCR (TPHA à 1280 et VDRL à 2).
Les sérologies pour les infections au virus de l’immunodéficience humaine, aux virus VHB, VHC et de Borrelia burgdorferi étaient négatives. Un bilan immunologique comportant les Anticorps anti DNA natif et anti nucléaire était négatif. La radiographie pulmonaire et l’échographie abdomino pelvienne étaient sans anomalies.

Le diagnostic de l’encéphalite limbique syphilitique a été retenu sur des arguments cliniques, biologique, radiologique et sur l’évolution favorable sous traitement spécifique de la neurosyphilis basé sur la pénicilline G : 4 bolus espacés de trois mois à raison de 20 million par jour pendant 10 jours, associé à la Carbamazépine 600 mg/j et au traitement neuroleptiques phénothiazines 100 mg/j.
Après 4 cures de pénicilline G, on a noté une amélioration partielle des manifestations psychiatriques, des troubles du langage et un arrêt des crises épileptiques. Biologiquement, une négativation de la sérologie VDRL. Une régression nette des hypersignaux à l’IRM de contrôle réalisée après la dernière cure de traitement. (Figure 2).

Figure 1

Figure 2

Observation N° 2

Patient de 45 sans antécédents pathologiques, admis aux urgences pour un état de mal épileptique tonico-clonique généralisé avec déficit postcritique de l’hémicorps gauche. L’interrogatoire avec sa famille trouvait la notion de crises épileptiques partielles motrices de l’hémicorps gauche quelques mois avant son admission associées à des troubles de l’humeur type irritabilité et de discrets troubles de mémoire. L’IRM cérébrale montrait des lésions en hypersignal T2 et Flair cortico-sous-corticales bilatérales plus marquées à droite touchant les lobes temporaux sans prise de contraste après injection de Gadolinium (Figure 3).
Le bilan biologique montrait une légère accélération de la vitesse de sédimentation à 25 mm à la première heure, 45 mm à la 2ème heure, une sérologie VDRL positive au 1 / 128 et TPHA positive au 1/ 10240.
La sérologie de l’hépatite B et C ainsi que la sérologie VIH étaient négatives. La cytochimie du LCR objectivait une hyperproteinorachie à 0,81g/l avec un pic gammaglobulines à 27,7 % avec une sérologie syphilitique positive (TPHA au 1/10240 et TPHA au 1/36). Le patient a été mis sous traitement de la neurosyphilis : 4 bolus de Pénicilline G espacés de trois mois à raison de 20 million par jour pendant 10 et l’évolution était favorable aussi bien sur le plan clinique que radiologique (Figure 4).

Figure 3

Figure 4

DISCUSSION

L’encéphalite limbique se manifeste typiquement par des troubles mnésiques antérogrades qui sont un élément majeur du diagnostic bien qu’ils ne soient pas toujours au premier plan à la phase initiale. Ils sont d’intensité variable allant de simples oublis jusqu’à une atteinte massive de la mémoire. Une détérioration intellectuelle et une épilepsie partielle souvent temporale ou d’emblée généralisée (8) complètent le tableau clinique. Des états de mal épileptiques inauguraux ne sont pas rares et peuvent révéler la maladie. Le mode de présentation est très variable selon l’étiologie et d’un patient à l’autre (9).

A l’IRM, il existe des plages en hypersignal T2 et FLAIR uni ou bilatérales, plus marquées au niveau du cortex, situées dans la partie interne des lobes temporaux, du cortex insulaire et du gyrus cingulaire, il n’existe ni effet de masse ni prise de contraste après injection de Gadolinium. Parfois l’IRM initiale est normale puisque les altérations du signal peuvent apparaître après un certain délai. Une surveillance et un suivi en imagerie sont donc parfois nécessaires. (6)
Les anomalies de signal peuvent s’étendre, se stabiliser, régresser partiellement ou totalement. Il persiste alors une atrophie temporale avec une discrète dilatation des cornes temporales.
Cet aspect radiologique observé dans cette forme de neurosyphilis peut mimer aussi une encéphalite herpétique. (1)
Le terme d’encéphalite limbique était initialement attribué aux patients présentant des désordres neuropsychiatriques avec des lésions néoplasiques et inflammatoires au niveau du lobe temporal en post-mortem (2). On parlait alors d’encéphalite limbique paranéoplasique. Elle accompagnait ou précédait la découverte d’un cancer. Un carcinome bronchique y était associé dans 50 % des cas. Cependant d’autres cancers peuvent se voir : testicule (20 %), sein (8 %), thymus, lymphome (3).

Récemment, des tableaux cliniques similaires secondaires à une cause infectieuse ou auto-immune non paranéoplasique ont été décrits (8). L’encéphalite limbique peut aussi rentrer dans le cadre de connectivites et de vascularites tel que le lupus érythémateux systémique, la maladie de Behçet et le syndrome de Gougerot Sjogren (4)
Les causes infectieuses peuvent également être responsable d’une encéphalite limbique et elles sont dominées par les infections à Herpes virus, par conséquent un traitement par Acyclovir doit être instauré immédiatement devant toute suspicion d’encéphalite limbique. En revanche la syphilis comme cause n’a été rapportée que dans quelques articles, et seulement quatre cas ont été rapportés dans la littérature. (11-10).

La neurosyphilis reste parfois sous diagnostiquée du fait de la non réalisation systématique des sérologies TPHA-VDRL dans certains centres médicaux et aussi à la variabilité des symptômes initiaux qu’elle peut prendre (5). Elle peut être asymptomatique au début ou se manifester par des symptômes non spécifiques: céphalées, crises comitiales, insomnie, changement de la personnalité, irritabilité, et troubles de mémoire, par contre les tableaux les plus classiques de la neurosyphilis qui sont la méningo-vascularite, la paralysie générale et le tabès sont de moins en moins retrouvés. De même les aspects radiologiques ne sont pas spécifiques par rapport aux autres étiologies inflammatoires affectant le système nerveux central (7).
Un de nos patients a présenté des manifestations psychiatriques inaugurales et isolées pendant un an pour lesquels il a été suivi en psychiatrie. Ce n’est qu’au moment de l’apparition d’une confusion et d’un état de mal épileptique qu’une pathologie organique a été suspectée.
L’aspect radiologique à l’IRM cérébrale n’étant pas évocateur d’une neurosyphilis, le diagnostic n’a été posé que par la réalisation systématique des sérologies syphilitiques, vu que la syphilis reste encore fréquente au Maroc et en Afrique subsaharienne, on assiste alors à la recrudescence de la neurosyphilis due essentiellement à l’insuffisance des méthodes de prévention des maladies sexuellement transmissibles notamment la syphilis et le SIDA

L’évolution clinique de nos patients était satisfaisante sous traitement spécifique de la neurosyphilis associé aux traitements symptomatiques des crises comitiales et des troubles psychiatriques avec une durée de surveillance de 3 ans pour le premier malade et de 2 ans pour le deuxième malade. Aucun autre signe neurologique ou extra neurologique n’a été observé durant cette période de surveillance.

CONCLUSION

Les troubles psychiatriques peuvent être inauguraux et rester longtemps isolés au cours de l’encéphalite limbique. L’étiologie syphilitique d’une encéphalite limbique doit être recherchée, surtout dans des pays ou la syphilis reste fréquente d’autant plus qu’un diagnostic et un traitement précoce permettront l’amélioration sinon la stabilisation des symptômes.
La syphilis devrait être une étiologie à évoquer dans toute manifestation neurologique pour lesquelles il n’y a pas de causes évidentes.


REFERENCES

  1. BASH.S, HATBOUT.G.M, COHEN.S. Mesiotemporal T2 Weighted hyperintensity: neurosyphilis mimicking herpes encephalitis. Am J Neuroradiology 2001;22:314 -316
  2. CORSELLIS JA, GOLDBERG GJ, NORTON AR. “Limbic encephalitis” and its association with carcinoma. Brain 1968;91: 481-96.
  3. DABBECE.C, GUYON D, LOUBES-LACROIX F. Encéphalite limbique paranéoplasique et carcinome épidermoïde du poumon . J Neuroradiol. 2005, 32, 278-280
  4. HASEGAWA T, KANNO S, KATO M Neuro-Behcet’s disease presenting initially as mesiotemporal lesions mimicking herpes simplex encephalitis. Eur J Neurol 2005; 12: 661-2
  5. Hiroshi F, Toshihiro I.Neurosyphilis Showing Transient Global Amnesia-like Attacks and Magnetic Resonance Imaging Abnormalities Mainly in the Limbic System. Internal Medicine 2001; 40:5-8.
  6. MESSORI A, LANZA C, SERIOA, SALVOLINIU. Resolution of limbic encephalitis with detection and treatment of lung cancer: clinical-radiological correlation. Eur J Radiol 2003; 45:78-80.
  7. PATEL V, MOTALA A, CONNOLLY C. Neurosyphilis: A clinico-radiological study. Afr J Neur Sci 2008; 27:73- 84.
  8. SCHOTT J . Limbic encephalitis: a clinician’s guide. Practical neurology 2006; 6: 143-153
  9. TÜZÜN E, DALMAU J. Limbic encephalitis and variants: classification, diagnosis and treatment. Neurologist 2007; 13: 261-71.
  10. VIEIRA A, MATIAS S, SARAIVA P. Differential diagnosis of mesiotemporal lesions: case report of neurosyphilis. Neuroradiology 2005 47(9):664-67
  11. ZIFKO U, WIMBERGER D, LINDNER K, ZIER G, GRISOLD W, SCHINDLER E. MRIZIFKO U. MRI in patients with general paresis. Neuroradiology 1996; 38: 120-123



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