CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
ETIOLOGIES DES HYDROCEPHALIES DE L’ENFANT AU CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE YALGADO OUEDRAOGO (CHU-YO) DU BURKINA FASO
ETIOLOGIES OF HYDROCEPHALUS AMONG CHILDREN AT THE YALGADO OUEDRAOGO UNIVERSITY HOSPITAL (YO-CHU) OF BURKINA FASO
E-Mail Contact - ZABSONRE Denléwendé Sylvain :
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RESUME Introduction L’hydrocéphalie se définit comme la distension progressive des cavités ventriculaires en rapport avec une hyperpression du liquide cérébrospinal (LCS). Les étiologies sont diverses. Une étude réalisée en 2010 au CHU-YO sur les hydrocéphalies de l’enfant avait retrouvé une prédominance des causes infectieuses (43,4%). Après une décennie, nous nous proposons d’actualiser le profil étiologique des hydrocéphalies de l’enfant. Methodes : Il s’agissait d’une étude rétrospective transversale et descriptive réalisée dans le service de neurochirurgie du CHU-YO sur une période de 2 ans. Ont été inclus, les enfants âgés de 0 à 15 ans, hospitalisés pour une hydrocéphalie. Les patients n’ayant pas bénéficié d’une prise en charge chirurgicale ont été exclus. Resultats : Quatre-vingt-dix-sept patients ont été inclus. L’âge moyen était de 33,6 mois (01 mois à 15 ans); le sex-ratio de 0,7. Le délai moyen de consultation était de 4,76 mois. Le scanner cérébral avait noté une hydrocéphalie non communicante dans 57,7 % des cas et communicante dans 42,3%. L’étiologie malformative (61,9%) était la plus fréquente. Les tumeurs étaient incriminées dans 15,5% des hydrocéphalies et l’origine infectieuse dans 3,1% des cas. Parmi les malformations, la myeloméningocèle et la sténose de l’aqueduc du mésencéphale représentaient chacune 31,7% des cas. La malformation de Dandy-Walker était présente dans 28,4%. Concernant les tumeurs, la fosse postérieure était la localisation la plus fréquente (53,3%). Conclusion : L’étude du profil étiologique des hydrocéphalies de l’enfant montre une prédominance des causes malformatives par rapport aux causes infectieuses jadis prédominantes dans notre contexte. Mots clés : Enfants, Etiologie, Hydrocéphalie, Ouagadougou ABSTRACT Introduction: Hydrocephalus is an active distension of the brain ventricular system related to hyperpressure of cerebrospinal fluid. Etiologies can be infectious, malformative, vascular or neoplastic. Previous study at the Yalgado Ouedraogo university hospital in 2010 showed that infections were the major cause (43.4%) of hydrocephalus among children from 0 to 15 years. After a decade, we propose to study again the etiologies of hydrocephalus among children. Methods: It was a descriptive and transversal study performed from two years among children from 0 to 15 years at the neurosurgery department of YO-CHU. Each hospitalized child during the study period was included. Children who had not receive surgical treatment were excluded. Results: Ninety-seven children were included in the study. The mean age of hydrocephalus discovery was 33.6 months (range: 1 month-15 years). The sex ratio was 0.7. The mean consultation time was 4.76 months. Radiological assessment showing obstructive hydrocephalus in 57.7% of cases and communicating hydrocephalus in 42.3%. Malformative etiology was the most frequent (61.9%). Neoplastics injuries was implicated in 15.5% of hydrocephalus and infectious causes was found in 3.1%. Among malformatives causes, myelomeningocele and congenital aqueduct stenosis each represented 31.7% of cases. Dandy-walker complex represented 28.4% of malformatives causes. Among tumors, the posterior cranial fossa was the most frequent location (53.3%). Conclusion: The etiological approach of hydrocephalus in children showed a predominance of malformatives causes compared to infectious etiologies that were predominant previously in our context. Keys words: Children, Etiology, Hydrocephalus, Ouagadougou. INTRODUCTION L’hydrocéphalie se définit comme un trouble de l’hydrodynamique du LCS, entrainant une distension progressive des cavités ventriculaires cérébrales et parfois des citernes et des espaces sous-arachnoïdiens péri-cérébraux en rapport avec une hyperpression du LCS. C’est une pathologie qui est souvent responsable de séquelles neuropsychiques pouvant engager le pronostic vital. Les principales étiologies sont regroupées en causes malformatives, infectieuses, tumorales et vasculaires/hémorragiques. En Afrique sub-saharienne, on enregistre plus de 200000 nouveaux cas d’hydrocéphalie par an chez les enfants et l’origine infectieuse prédomine de façon générale (11). Une étude réalisée en 2010 au CHU-YO de Ouagadougou avait retrouvé une prédominance des causes infectieuses (43,4%) des hydrocéphalies chez l’enfant (12). Après une décennie, nous nous proposons d’actualiser le profil étiologique des hydrocéphalies de l’enfant au CHU-YO. PATIENTS ET METHODE L’étude s’est déroulée dans le service de Neurochirurgie du centre hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO) au Burkina Faso. Il s’agissait d’une étude rétrospective descriptive et transversale sur une période de 2 ans allant du 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2019. Etaient concernés par l’étude, les enfants de 0 à 15 ans hospitalisés dans le service pour hydrocéphalie confirmée par au moins un scanner cérébral. Les patients n’ayant pas bénéficié d’une prise en charge chirurgicale ont été exclus. Les données épidémiologiques, les antécédents obstétricaux et médicaux, les signes d’examen physique et les résultats d’imagerie étaient les variables étudiées. RESULTATS Quatre-vingt-dix-sept (97) cas d’hydrocéphalies infantiles répondaient à nos critères d’inclusions et ont été admis pour l’étude. L’âge moyen à l’admission était de 33,6 mois avec des extrêmes de 1 et 180 mois. On notait un sex ratio de 0,7. Les nouveau-nés et les nourrissons représentaient 68% de notre échantillon. Le délai moyen de consultation était de 4,76 mois. Les principaux signes cliniques étaient la macrocranie (73,2%) avec un périmètre crânien moyen de 51,7 cm, le bombement de la fontanelle antérieure (42,3%), le syndrome d’hypertension intracrânienne (29,9%), le signe de Parinaud (20,7%) et le retard psychomoteur (16,5%). La tomodensitométrie cérébrale a été réalisée chez tous les patients. Huit patients ont pu bénéficier en plus, d’une imagerie par résonance magnétique afin d’affiner le diagnostic étiologique et de proposer une meilleure stratégie thérapeutique. L’hydrocéphalie était non communicante dans 57,7% des cas et communicante dans 42,3%. L’étiologie était malformative (n=60 soit 61,9%), tumorale (n=15 soit 15,5%), infectieuse (n=3 soit 3,1 %) et vasculaire (n=2 soit 2%). L’étiologie de l’hydrocéphalie était indéterminée dans 17,5% (n=17) des cas. Le Tableau 1 présente la répartition des patients selon l’étiologie de l’hydrocéphalie. Les malformations associées à l’hydrocéphalie (n=60) étaient représentées par la myeloméningocèle (31,7%), la sténose congénitale de l’aqueduc du mésencéphale (31,7%), la malformation de Dandy-Walker (28,4%), le kyste arachnoïdien intracrânien (5%), la céphalocèle (1,6%) et l’atrésie congénitale des foramens de Monro (1,6%). La figure 1 illustre une malformation de Dandy-Walker sur le plan scanographique et le tableau 2 donne la répartition des hydrocéphalies d’origine malformative. Concernant les étiologies tumorales (n=15), la tumeur était localisée au niveau de la fosse crânienne postérieure dans 53,3% des cas et en sus-tentoriel dans 46,7% où elles siégeaient exclusivement sur la ligne médiane composés et comme suit : région suprasellaire (33,3%), région pinéale (6,7%) et troisième ventricule (6,7%). La figure 2 illustre une hydrocéphalie d’étiologie tumorale. Les étiologies infectieuses étaient représentées par 3 cas d’hydrocéphalie avec antécédent d’hospitalisation en pédiatrie pour une méningite bactérienne devant le tableau clinique et l’aspect du liquide cérébro-spinal très évocateurs. Les germes impliqués n’avaient pas été mis en évidence par la bactériologie. Concernant les étiologies vasculaires/hémorragiques (n=2), il s’agissait d’un cas de malformation artério-veineuse et un cas d’hémorragie sous-arachnoïdienne post-traumatique. Pour la prise en charge chirurgicale, la dérivation venticulo-peritonéale était réalisée dans 76,3% des cas. Elle était associée à la cure d’une myeloméningocèle dans 14,9% des cas. La ventriculo-cisternostomie endoscopique avait été pratiquée chez 20,7% des patients. Les autres traitements étaient : dérivation ventriculaire externe (1%), dérivation kysto-péritonéale (1%), marsipuilisation du kyste arachnoïdien dans le ventricule latéral (1%). Parmi les patients qui présentaient des tumeurs (n=15 soit 15,5%), l’abord chirurgicale de la lésion tumorale a été pratiqué dans 40% (n=6) des cas en plus de la dérivation de LCS: les diagnostics anatomo-pathologiques étaient les suivants : astrocytome pilocytique, astrocytome sous épendymaire à cellules géantes, craniopharyngiome, médulloblastome, hémangioblastome, pinéaloblastome. Dans notre série (n=97), l’évolution post-opératoire à moyen terme (3 à 6 mois) était simple dans 72,2% des cas et compliquée dans.22,7%. Le décès était survenu dans 5,1% des patients. DISCUSSION Notre étude révèle une nette prédominance des étiologies malformatives dans les hydrocéphalies chez les enfants de 0 à 15 ans pris en charge dans notre service. Ces résultats constituent une inversion des tendances épidémiologiques jadis retrouvés aussi bien dans notre pays (12) qu’ailleurs (2,10,11). En effet, les causes infectieuses occupent une part importante dans le profil étiologique des hydrocéphalies en Afrique subsaharienne. En témoignent les études réalisées au Burkina par Tapsoba et al. en 2010 (12) qui avait retrouvé une prédominance infectieuse avec des proportions respectives de 43,4%. Les travaux réalisés dans d’autres pays notamment au Benin (Fatigba en 2010) et au Sénégal (Ba en 2012) avaient retrouvé des résultats similaires avec une prédominance infectieuse dans respectivement 80,7% (10) et 46% (2). Toutefois cette inversion du profil étiologique des hydrocéphalies de l’enfant marquée par la prédominance des causes malformatives qui surpassent celles infectieuses a été également constatée par d’autres auteurs en Afrique. Il s’agit de Broalet et al. en 2011 en côte d’ivoire (5) , Diarral et al. en 2018 (9) au Mali et Dakurah et al. au Ghana en 2016 (7) Cette inversion du profil étiologique de l’hydrocéphalie de l’enfant dans notre contexte pourrait être expliquée d’une part par la baisse des causes infectieuses et d’autre part la persistance de causes malformatives qui sont de mieux en mieux diagnostiquées avec l’arrivée récente du scanner ou mieux de l’imagerie par résonance magnétique dans nos pays. En effet, la baisse des causes infectieuses dans notre service pourrait s’expliquer par un diagnostic et traitement précoce des pathologies infectieuses comme les méningites; rendus possible par la gratuité des soins chez les enfants de moins de 5 ans (Décret du Président du Faso en 2016) et par l’efficacité de la mise en œuvre du programme élargi de vaccination dont la couverture vaccinale pour les vaccins anti-pneumococcique et anti-Haemophilus influenzae B atteignait 100% en 2018 (annuaire statistique 2018, ministère santé du Burkina Faso). Par contre la persistance des causes malformatives pourrait s’expliquer par le taux faible de suivi des grossesses et le manque de prévention des malformations du système nerveux central. Selon l’annuaire statistique 2018 du ministère de la santé du Burkina, seulement 37,8% des femmes enceintes avaient bénéficié d’une consultation prénatale (CPN) au 1er trimestre de leur grossesse. Les CPN étant une occasion pour supplémenter les femmes enceintes en acide folique. Du reste, cette supplémentation au cours de la grossesse demeure insuffisante car elle devrait commencer bien avant la conception. Plusieurs études (1,3,4,8) ont démontré l’intérêt de la supplémentation pendant la période péri-conceptionnelle en acide folique dans la prévention des anomalies de fermeture du tube neural qui constituent une part importante des associations lésionnelles responsables d’hydrocéphalie dans notre étude. Les causes tumorales représentaient 15,5% des étiologies d’hydrocéphalie avec une prédominance des tumeurs de la fosse crânienne postérieure (53,3%). Ces résultats corroborent ceux de la littérature. En effet, Togo et al. en 2019 (13) au Mali trouvaient que la localisation sous-tentorielle représentait 83% des tumeurs de l’enfant. En outre, selon Caire et al. en 2015, les tumeurs représentaient 20% des causes d’hydrocéphalie de l’enfant et étaient dominées par les tumeurs de la fosse cérébrale postérieure et de la ligne médiane: médulloblastome, tumeurs de la région pinéale, astrocytome, épendymome, craniopharyngiome (6). Dans notre étude, seulement 40% patients porteurs d’une tumeur avaient bénéficié d’un abord chirurgical de la tumeur avec étude anatomo-pathologique. Le faible taux de chirurgie des tumeurs retrouvées dans notre contexte s’expliquerait par l’état clinique précaire de certains patients, la localisation profonde de la tumeur, le manque de moyens financiers et parfois l’insuffisance du plateau technique (neuro réanimation, traitement adjuvant à la chirurgie). Les étiologies vasculaires/hémorragiques représentaient 2% des étiologies. Ces résultats pourraient s’expliquer par l’âge de notre population d’étude. En effet, ces étiologies sont fréquentes chez les prématurés avec la rupture des vaisseaux lié à leur fragilité (6,11). Dans les pays développés, l’hémorragie intraventriculaire du prématuré est une étiologie fréquente d’hydrocéphalie de l’enfant (11). L’absence de prématuré dans notre échantillon pourrait expliquer cette proportion d’hydrocéphalie d’origine vasculaire/hémorragique. Dans notre étude, 17,5% des patients avaient une étiologie indéterminée. Il s’agissait des cas d’hydrocéphalie communicante (sans malformation, ni tumeur, ni saignement visualisé a la TDM) sans antécédent d’infection cérébro-méningée ou de traumatisme crânio-encéphalique et chez qui l’examen physique ne retrouvait pas de syndrome infectieux ou méningé. Nous pensons qu’il pourrait s’agir des cas dont le diagnostic étiologique nécessiterait des examens paracliniques comme l’imagerie par résonnance magnétique. Les principales limites de notre étude sont relatives à son caractère rétrospectif et au problème d’archivage des dossiers cliniques qui ne nous ont pas permis de recueillir toutes les informations concernant les antécédents anténataux, per et postnataux de nos patients. CONCLUSION Notre étude montre une prédominance des malformations dans le profil étiologique des hydrocéphalies de l’enfant de 0 à 15 ans. Comparée aux études antérieures du service, il s’agit d’une inversion du profil étiologique des hydrocéphalies de l’enfant marquée par la prédominance des causes malformatives qui surpassent celles infectieuses. Cela s’expliquerait par une efficacité dans la prévention (Programme Elargi de Vaccination), le diagnostic et le traitement des infections cérébro-méningées. Ces résultats suggèrent beaucoup d’efforts dans la surveillance des grossesses et l’adoption des mesures de prévention des malformations du système nerveux central telle que la supplémentation péri-conceptionnelle en acide folique.
Tableau 1 : Répartition des patients selon l’étiologie de l’hydrocéphalie
Tableau 2 : Répartition des patients selon le type de malformation associée à l’hydrocéphalie
REFERENCES
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