AJNS
EDITORIAL
 
FRANCIS….SYRINGOMYELIE….EUTHANASIE




E-Mail Contact - DECHAMBENOIT Gilbert : gdechambenoit@gmail.com


J’ai reçu ces deux emails au mois de mars :

29 mars 2007 11:56:10

bonjour,
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une info pour vous. je passe sur France Culture le mercredi 4 avril 2007 à 20 H 30 dans l’émission  » les pieds sur terre  » le sujet est « l’euthanasie  »

Francis

30 mars 2007 17:49:12

Bonjour à tous mes amies et amis… Quand vous lirez mes lignes… Je ne serais plus de votre monde … OUI…

Francis RIGONI est mort. Il a choisi de mourir euthanasié en Suisse. Avant le geste létal, il nous a expliqué sa décision au cours d’une interview enregistrée sur France Culture.

Il y a 6 ou 7 ans, l’éditeur de mon Manuel de neurochirurgie m’avait sollicité afin de savoir s’il pouvait donner mes coordonnées à une personne qui souhaitait échanger sur une maladie qui l’accablait, une syringomyélie sur une malformation d’Arnold Chiari. J’ai bien entendu accepté et le contact a été pris avec Francis RIGONI. Nos chemins se sont croisés par des échanges d’emails, au début professionnel puis amical. Il me faisait part de sa rage de terrasser cette maladie dite « orpheline ». En toute lucidité, il a fait son choix . Malgré cette issue fatale, cette relation habituelle et inhabituelle entre un malade et un neurochirurgien interpelle et doit se poursuivre par un message d’espoir émis de notre part, le monde soignant.

Francis RIGONI souffrait depuis près de 50 ans de cette affection qui évoluait inéluctablement. Les multiples prises en charge thérapeutiques s’étaient soldées par un échec et son invalidité s’aggravait. Il souffrait de manière chronique. Physiquement, psychologiquement, socialement.

Ce décès m’a affecté et sans vouloir intervenir sur le bien-fondé de l’euthanasie active qui donne lieu à de nombreux et légitimes débats passionnés, il a suscité en moi un sentiment d’échec. Cette émotion, nous l’avons souvent éprouvée dans nos spécialités qui traitent des affections du système nerveux car l’impossibilité thérapeutique n’est pas exceptionnelle. Au cours de notre exercice, la distanciation que nous adoptons devant des « cas difficiles », affleurant parfois un cynisme, relève d’une attitude de résistance à ces agressions professionnelles et affectives, et traduit en fait une posture préalable à un élan, à un assaut contre un ennemi qui nous accompagne dès que nous sommes conçus : la mort. J’ai toujours vécu ce métier comme étant une lutte, un combat contre un ennemi semblant imbattable, inaccessible. Nous avons subi des défaites, mais le solde est plutôt positif car l’histoire montre que notre longévité s’accroît et plusieurs maladies ont disparu grâce à nos victoires. La lutte continue !

Ces quelques mots sont dédiés à Francis qui était amer et fort critique à l’encontre de la médecine et des médecins. Juste pour lui dire que cette défaite de notre Art peut être considérée comme étant celle d’une bataille. Mais la guerre continue et les combattants – médecins et personnel paramédical- sont nombreux à se battre pour préserver et prolonger la Vie, en tenant compte de plus en plus de la qualité de celle-ci. Il en a été, il en est, et il en sera ainsi… en sachant que la quête de l’immortalité suscite une autre problématique.





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