CASE REPORT / CAS CLINIQUE
GROSSESSE ET HYPOPHYSITE : UNE NOUVELLE OBSERVATION
PREGNANCY AND HYPOHPYSITIS : A CASE REPORT
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RESUME Introduction Observation Conclusion Mots clés : pseudotumeur inflammatoire, hypophysite, grossesse, IgG4 ABSTRACT Introducion Case report Conclusion Key words : inflammatory pseudotumor ; hypophysitis ; pregnancy ; IgG4 INTRODUCTION La pseudotumeur inflammatoire de l’hypophyse est une entité rare, dont le diagnostic préopératoire est habituellement celui d’un adénome hypophysaire [3,5]. A travers une observation, nous discutons les particularités anatomo-cliniques de cette entité. OBSERVATION Madame BB âgée de 40 ans, sans antécédents pathologiques particuliers, enceinte, consulte au terme de 20 semaines d’aménorrhée (SA) pour l’installation progressive de céphalées et d’un flou visuel. Une toxémie gravidique était retenue devant des chiffres tensionnels élevés à 160 mmHg de systolique. Elle a été mise sous traitement anti hypertenseur. Malgré l’équilibration de la tension artérielle, l’évolution a été marquée par la persistance des céphalées devenant résistantes aux antalgiques avec installation d’une baisse de l’acuité visuelle. Une IRM hypophysaire réalisée au terme de 28 SA a conclu à un macroadénome hypophysaire de 21 mm de grand axe au contact du chiasma optique. L’exploration du champ visuel a montré une hémianopsie bitemporale non symétrique. L’hypophysiogramme a montré une TSH: 0,04 µUI/ml(0,35-4,94 µUI/ml) et une FT4 à 10 pmol/l (9-19 pmol/l);le reste de bilan hormonal est sans anomalies : PRL : 90 ng /ml ; cortisol :174 ng/ml (37-194 ng/ml). La conduite était la surveillance clinique. La patiente a accouché au terme de 36 SA par césarienne. L’accouchement s’est déroulé normalement ; une absence de montée laiteuse était notée. L’évolution a été marquée par l’installation brutale à dix jours en post-partum d’un syndrome tumoral hypophysaire associant des céphalées, vomissements et des troubles visuels à type de diplopie visuelle. L’IRM cérébrale et hypophysaire ont montré une légère augmentation en taille du macroadénome intra et suprasellaire de signal homogène mesurant 25 mm de grand axe avec discrète compression du chiasma optique. Le bilan hormonal avait montré une insuffisance antéhypophysaire globale : insuffisance thyréotrope (TSH : 0,16 µUI/ml et FT4 : 9,3 pmol/l), une insuffisance corticotrope avec une cortisolémie à 7,35 ng/ml, une insuffisance gonadotrope et une insuffisance lactotrope (PRL à 0,5 ng/ml). La patiente a été mise sous hydrocortisone (30 mg/jour) et Lévothyroxine (100 µg/j). Devant le caractère compressif de l’adénome, la patiente a eu une exérèse complète de la tumeur hypophysaire par voie transphénoïdale. L’examen anatomopathologique montrait un tissu fibreux siège d’un abondant infiltrat inflammatoire riche en plasmocytes auxquels s’associent des lymphocytes et des polynucléaires éosinophiles. Il existait de nombreux corps de Russel. Cette fibrose comportait de nombreux vaisseaux par endroit comblés de lymphocytes et plasmocytes. Des acini résiduels du tissu hypohysaire sont retrouvés en périphérie de ces remaniements fibro-inflammatoires. L’étude immunohistochimique confirme la richesse de l’infiltrat inflammatoire en plasmocytes (CD138 positifs). Le diagnostic anatomopathologique retenu était une hypophysite lymphocytaire. Les suites opératoires étaient marquées par l’installation d’un diabète insipide central. Une amélioration spectaculaire de l’acuité visuelle était notée et l’examen ophtalmologique était sans anomalies. Le bilan hormonal réalisé en post opératoire montrait la persistance de l’insuffisance antéhypophysaire .L’IRM hypophysaire de contrôle montrait une selle turcique partiellement vide avec persistance d’un reliquat parenchymateux hypophysaire de 3 mm plaqué contre la paroi sellaire. L’enquête immunologique faite dans le cadre de l’exploration de l’hypophysite avait montré des anticorps anti thyroïdiens positifs avec des anti-thyroglobuline à 788 UI/ml (<150 UI/ml) et des anti-thyroperoxydase à 434 UI/ml(<75UI/ml). Le reste de l'enquête immunologique était négatif. DISCUSSION L’hypophysite est une pathologie rare. Elle représente 0,24 à 0,88% de toutes les lésions hypophysaires [1,5]. Elle peut être classée en deux groupes : hypophysite primitive d’étiologie indéterminée et classé histologiquement en hypophysite lymphocytaire, granulomateuse et xanthomateuse. Le second groupe est secondaire à une anomalie de voisinage telsques un craniopharyngiome, adénome ou tumeur germinale ou dans le cadre d’une maladie systémique infectieuse ou inflammatoire (tuberculose, sarcoïdose, vascularite,…) [1, 8]. Récemment, un sous-groupe d’hypophysite a été décrit. Il s’agit de l’hypophysite liée à IgG4 [9]. Leporati et al. ont proposé des critères diagnostiques histopathologiques, radiologiques (IRM), sérologiques et thérapeutiques pour cette entité [6]. Les critères histopathologiques sont la présence d’un infiltrat inflammatoire mononuclé de l’hypophyse riche en plasmocytes et lymphocytesavec plus de 10 cellules IGg4 positives au champ au fort grossissement et une preuve histologique d’une atteinte d’autres viscères par une lésion liée à IgG4. Les critères radiologiques sont la présence d’une masse ou d’un épaississement de la tige pituitaire à l’IRM. Les critères sérologiques est la présence d’un taux d’IgG4 > 140 mg/dl. Les critères thérapeutiques sont l’amélioration symptomatique et radiologique sous corticoïdes. Le diagnostic clinique de l’hypophysite est déroutant du fait de la diversité des formes cliniques et le caractère non spécifique de ces manifestations. Classiquement la pseudotumeur hypophysaire se manifeste par des céphalées, un hypopituitarisme, un diabète insipide et des troubles visuels [3]. Ce tableau rejoint la présentation clinique de notre observation. L’hypophysite lymphocytaire est la forme la plus fréquente des hypophysites ; Elle touche surtout la femme entre 30 et 40 ans, souvent pendant la grossesse ou au cours du post partum et fréquemment associé à une thyroïdite d’Hashimoto [1,2,7]. Ce qui concordait avec les données de notre observation. Notre patiente présentait également une hyperprolactinémie qui est décrite dans 30% des cas [2]. Dans une revue de la littérature de 12 cas d’hypophysite liée à IgG4 rapportée par Leporati et al. 9 patients était de sexe masculin et 9 patients étaient d’origine asiatique. L’âge des patients variait de 55 ans à 77 ans [6]. Les caractéristiques radiologiques de l’hypophysite à l’IRM sont un épaississement diffus de la tige pituitaire avec un élargissement pyramidal ou arrondie de la glande pituitaire avec une prise de contraste homogène du produit de contraste [2,7]. Dans note observation, l’IRM a montré une masse de l’hypophyse suggérant pour les radiologiqes un macroadénome. Ceci est rapporté dans presque 50% des patients présentant une hypophysite [7]. Gutenberg et al. ont proposé en 2009 un score radiologique pour différencier les hypophysites des adénomes. Ce score prend en considération l’âge du patient, un lien avec la grossesse, le volume de l’hypophyse, l’intensité et l’homogénéité du réhaussement après injection du produit de contraste, la symétrie de la lésion, la perte ou non du bright spot de la neurohypophyse, la taille de la tige et l’existence d’un épaississement de la muqueuse sphénoïdale. La présence de ces signes doit faire évoquer une hypophysite. Ce score a une valeur prédictive positive de 97% et sa valeur prédictive négative est de 97%. Le diagnostic histologique des hypophysites permet de différencier entre les différentes formes des hypophysites. L’hypophysite à IgG4 montre une infiltration plasmocytaire dense avec des zones de sclérose et de thrombose vasculaire. L’étude immunohistochimique montre la présence de plasmocytes exprimant IgG4. L’hypophysite lymphocytaire est caractérisée par un infiltrat plasmocytaire formant des follicules lymphoïdes avec une population plasmocytaire minime. L’hypophysite granulomateuse se caractérise par une inflammation granulomateuse épithélioïde et giagantocellullaire [1,10]. Le diagnostic différentiel des hypophysites dans leurs formes riches en plasmocytes est le plasmocytome. Dans ce cas l’infiltration plasmocytaire est dense et les plasmocytes montrent des atypies cytonucléaires. L’étude immunohistochimique ou d’hybridation in situ montre une restriction à une chaine légère [10]. Les aspects histologiques de notre observation suggèrent une hypophysite lymphocytaire. Ceci est également supporté par la notion de grossesse et la découverte d’une thyroïdite autoimmune de Hashimoto au décours de cette présentation clinique d’hypophysite. L’indisponibilité aussi bien d’un anticorps anti IgG4 en immunohistochimie ou du dosage sérique en IgG4 ne permet pas d’écarter formellement le diagnostic d’une hypophysite liée à IgG4. Concernant le traitement des hypophysites, plusieurs auteurs s’accordent sur l’intérêt de l’exérèse chirurgicale pour les patients présentant une masse hypophysaire, des troubles visuels et des céphalées intenses [3,4]. Pour les patients non candidatas à un traitement chirurgical pour une grossesse ou dans le cadre d’une maladie auto-immune, un traitement à base de corticoïdes est indiquée avec une bonne réponse ; cette réponse est d’autant plus important qu’il s’agit d’une forme inflammatoire plutôt que fibreuse [5]. En conclusion, l’hypophysite est une maladie rare et doit être considérée dans le diagnostic différentiel des désordres hypophysaires durant la grossesse. Conflits d’intérêts : aucun Figure 1 : IRM hypophysaire pré-opératoire : masse sellaire et supra-sellaire avec une prise de contraste intense et homogène après injection de gadolinium REFERENCES
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