CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
HEREDOGENERATIVE DU SYSTEME NERVEUX CENTRAL DANS UN SERVICE DE NEUROLOGIE A NOUAKCHOTT
HEREDODEGENERATIVE DISEASES OF THE NERVOUS SYSTEM IN MAURITANIA
BA A.
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RESUME Les auteurs rapportent les cas cliniques de 12 patients mauritaniens atteints d’une pathologie hérédodégénérative du système nerveux. Ces 12 patients se répartissent en deux groupes: un premier groupe de 9 patients pour lequel un caractère familiar est retrouvé et un deuxieme groupe ou l’affection semble présenter un caractère sporadique. Les affections neurologiques du premier groupe sont lamaladie de Friedreich et l’atrophie olivo-ponto-cérébelleuse; dans le deuxieme groupe, l’hérédo-ataxie de Pierre-Marie, la maladie de Ramsay-Hunt et la maladie de Friedreich. Les partictilarités cliniques sont relevées. Les auteurs attirent l’attention sur cette pathologie hérédodegenerative mal connue en Mauritanie. Mots clés : Afrique, neuropathies hérédo-dégénératives, Mauritanie SUMMARY The authors report 12 clinical cases of Mauritanian patients suffering from heredodegenerative diseases of the nervous system. These patients could be separated in two groups: the first group of nine patients for whom a family history of heredo-de-generative disorders was found and a second group where the diseases seemed sporadic. The disorders in the first group were Friedreich disease, olivo-ponto-cerebellar atrophy and in the second group an heredo-ataxia (Pierre-Marie disease), a Ramsay-Hunt disease and a Friedreich disease. The clinical charateristics are noted. For the first time, the authors underline the presence ofheredo-degenerative disorders in Mauritania. Keywords: Africa, Heredo-degenerative diseases, nervous system, Mauritania INTRODUCTION Le service de Neurologie du Centre Neuro-Psychiatrique (CNP) de Nouakchott a été crée en 1991 avec une capacité d’hospitalisation de 20 lits, une division de kinésithérapie et une division d’electrophysiologie (EEG, EMG). La moyenne annuelle des consultants est de 2.500 malades et 250 patients sont admis en hospitalisation par an. Malgré la prédominance de A.V.C, des épilepsies et de la pathologie périphérique, on rencontre comme partout ailleurs des pathologies rares parmi lesquelles les hérédodegenerescences du système nerveux central (S.N.C). Cette pathologie de plus en plus étudiee grâce à la génétique moléculaire demeure un problème médico-social réel du fait de ses conséquences physiques. Cette étude qui porte sur 12 patients, a pour but de rapporter les aspects cliniques de cette pathologie mal connue en Mauritanie. PATIENTS ET METHODES Méthodologie Notre étude représente une série prospective de 12 cas de pathologie hérédodégénérative du S.N.C colligés de Mai à Decembre 1997 dans le Service de Neurologie du Centre Neuro-Psychiatrique de Nouakchott en Mauritanie. Notre travail s’appuie sur l’étude clinique des patients: neurologique, ophtalmologique et cardiaque. Les explorations complémentaires (scanner cerebral, électromyogramme) ont ete réalisees chez certains patients. Patients Les 12 patients se repartissent en deux groupes:
-un deuxieme groupe ou l’affection semble présenter un caractère sporadique et qui est composé de 3 patients agés de 10 ans, 20 ans et 49 ans. Dans les antécédents familiaux de ce groupe, seul un patient suspect de maladie de Friedreich a des parents qui sont cousins au 3e degre . RESULTATS Les différentes manifestations cliniques des patients sont décrites ci-dessous: 1. une premiere serie familiale de l’ethnie maure noire ou 4 enfants, tous de sexe masculin, sont atteints de la maladie de Friedreich; – leur âge est de 18 ans, 16 ans, 12 ans et 3 ans; – le motif de consultation est d’ordre social les parents de ces enfants désirant une aide des pouvoirs pour leur prise en charge médico-sociale et scolaire; – le début des troubles se situerait à l’age de 3 à 4 ans pour l’ainé, à l’age de 3 ans pour le second et le quatrieme et à l’âge de 4 ans pour le troisième frère. Les symptomes cliniques étaient faits de tremblements du chef, d’un retard de la marche et d’une instabilité du regard. Au fil des années, il s’installa un tremblement d’action et d’attitude, une dysarthrie et une difficulté accrue à la marche. L’ainé de ces 4 enfants est grabataire au moment de l’examen. Le cadet de cette fratrie présente un début de signes semblables: tremblement du chef, retard a la marche et instabilite du regard. Leurs parents sont vivants et bien portants sans lien de consanguinité. Dans la fratrie, il existe une fille ainée qui ne présente aucun élement significatif de cette maladie. A l’examen neurologique, on note un syndrome cérébelleux cinetique et statique aux différentes épreuves: adiadococinesie, hypermétrie, instabilité à la marche. Une dysarthrie est presente chez les 3 patients plus âges avec une voie explosive. Un syndrome pyramidal est quasi-constant avec des réflexes ostéo-tendineux vifs, diffusés, polycinétiques avec trépidation épileptoide et clonus de la rotule et un signe de Babinski bilateral. Les second et troisieme frères ont une démarche ataxique avec fauchage. L’examen general montre unsyndrome dysmorphiqueavec des pieds creux chez les 3 frères les plus âges. L’examen ophtalmologique est normal chez les 4 patients en dehors d’un nystagmus d’installation precoce. L’examen cardiologique ne montre pas d’anomalie clinique. L’association d’un syndrome cérébelleux statique et cinetique, d’un syndrome pyramidal d’aggravation progressive et d’un syndrome dysmorphique fait évoquer le diagnostic d’heredodenerescence, imposant des explorations complementaires: – Electromyogramme montrant une atteinte axonomyélinique proximale chez les 3 patients plus ages. 2. Une deuxieme série familiale d’ethnie maure blanche composée de 4 patients, un de sexe feminin âgé de 29 ans et trois de sexe masculin, âgés de 27, 22et 18 ans. Le motif deconsultation est lie a une inquietude des parents devant des troubles divers d’aggravation progressive: tremblements, troubles de la deglutition. – Le debut des troubles se situerait a l’adolescence avec des ages differents: 17 ans pour l’aine, 15 ans pour le second, 18 ans pour le troisieme et 11 ans pour le 4e frère. Les symptomes de début étaient des tremblements des le moindre mouvement avec installation progressive d’une dysarthrie chez le 3e et le 4e frere, des troubles de la déglutition chez les 2e et 4e et des troubles de la marche aggravés par le syndrome cérébelleux chez l’ainee. – Leur père est vivant et bien portant et la mère est décédée alors qu’elle semblait etre atteinte d’un syndrome cérébelleux et des troubles de la déglutition. Chez ces parents il existe une consanguinité vers la 7e génération. Cette famille a 6 enfants dont une fille et un garcon qui ne présentent aucun symptome particulier. – L’examen neurologique montre un syndrome cérébélleux cinetique et statique chez tous les patients avec un tremblement d’action et une dyssynergie. Ce syndrome cérébelleux est plus accentué chez l’ainée entreinant un trouble de la marche. La dysarthrie est cérébelleuse avec une voie scandée et explosive; cette dysarthrie cérébelleuse est retrouvée chez deux patients (3e et 4e freres). II existe de plus un trouble de la L’examen général ne montre aucun syndrome dysmorphique. L’examen ophtalmologique revèle une ophtalmoplegie supranucléaire. L’examen cardio-vasculaire est normal. Devant ces différents syndromes (syndrome cérébelleux cinetique et statique, une ophtalmoplegie et des troubles inconstants de la déglutition), des explorations complémentaires ont ete realisees: – Electrocardioographie et echographie cardiaques normales chez les 4 patients.
-Tomodensitometrie cérébrale réalisee chez 1’ainée montrant une atrophie pontique et chez le deuxieme patient une atrophie cérébelleuse. Le diagnostic d’atrophie olivo-ponto-cérébelleuse est retenu dans cette famille. 3. Une patiente, fille unique âgée de 18 and, d’ethnie soninke est née de parents cousins au premier degré. Son père vivant est bien portant et sa mère est décédée d’une affection s’exprimant par une ataxie à la marche aggravée par la grossesse, des troubles du langage et de la deglutition. Son décès etait survenu apres un accouchement. Le début des troubles chez cette patiente serait survenu à l’âge de 18 ans, marqué par une instabilite à la marche et des tremblements. Progressivement, ces symptomes s’aggravèrent avec au moment de l’examen une grande difficulté à se tenir debout et à marcher. L’examen neurologique met en évidence un syndrome cérébelleux statique et cinetique très marqué. L’exploration ophtalmologique est normale. L’exploration scanographique cébrale montre une atrophie cérébelleuse. Cette symptomatologie fait évoquer le diagnostic d’atrophie olivo-ponto-cérébelleuse. 4. Une série de 3 patients dans laquelle la survenue des différentes symptomatologies est sporadique. Patient 1 Un premier patient de 50 ans, maure blanc, de sexe masculin, cadre supérieur, ne présente pas d’antécédents pathologiques notables en dehors d’une notion de dysarthrie de survenue tardive chez la mère et un oncle maternel. II n’existe pas de consanguinité des parents. Le début de sa maladie remonterait à 1969 à l’age de 20 ans avec apparition lentement progressive de troubles de l’équilibre et de la marche. II s’installa quelques années plus tard des troubles de la coordination aux membres supérieurs et des troubles de la parole. Ces troubles ont occasionneé de nombreuses consultations chez divers medicins et devant la normalité du bilan biologique et radiologique, le diagnostic d’une affection hérédodegénérative du systeme nerveux était evoque. Depuis trois ans, le patient rapporte une aggravation de troubles de la parole surtout en fin de joumée, des difficultés d’écriture et de déplacement sans aide. L’examen neurologique montre une importante ataxie à la marche, un syndrome tétrapyramidal et un syndrome cérébelleux stato-cinétique. II n’existe par ailleurs ni trouble sensitif ni trouble de la déglutition. Le réflexe photmoteur est present Le voile est mobile et le réflexe nauséeux est présent. L’examen ophtairnologique met en évidence une ophtalmoplégie supranucléaire. Les examens biologiques réalises à Rabat au Maroc out montré un bilan lipidique normal; un taux de vitamine B12 a la limite inférieure de la normale; une électrophorese des protides sériquesvnormale; un bilan thyroidien normal; une glycémie à jeun et post-prandiale normale; une numération formule sanguine, une vitesse de sédimentation, un ionogramme sanguin et un bilan hépatique normaux: le dosage de la vitamine E à la limite inférieure de la normale; des dosages de apolipoproteines A et B normaux; un cuivre sérique et urinaire normal; une céruleoplasmine normale. Patient 2 Un deuxieme patient âgé de 19 ans, d’ethnie maure noire et de sexe masculin, est vu en consultation de Neurologie pour la premiere fois en 1995 pour tremblement. Ce patient a présenté des crises convulsives depuis 1986 avec mise en route de traitement ambulatoire anticomitial sans grande efficacité. C’est l’aggravation des tremblements de facon progressive associée a une agressivite vis a vis de sa mère qui amène les parents a presenter ce patient en consultation de facon plus reguliere. Aucune consanguinite n’est retrouvée chez les parents qui sont vivants et bien portants. L’examen neurologique montre unquotient intellectuel bas, un syndrome cérébelleux cinetique avec dysmetrie, adiadococinesie et dvsarthrie cérébelleuse. L’examen général est strictement normal. L’électroencéphalographie montre des anomalies irritatives survenant parfois par bouffées bilaérales pseudopériodiques. L’exploration tomodensitométrique encéphalique est normale. Devant cette triade constituée d’une épilepsie, d’un syndrome cérébelleux et d’une démence, une maladiede Ramsay’ Hunt est évoquee. Lévolution de la comitialité est bonne sous carbamazépine et clonazépam. Patient3 Un troisieme patient, né en 1988, de l’ethnie maure blanche, est venu en consultation de neurologie pour troubles de la marche atype d’instabilité. Le debut en fait se situerait a l’âge de 5 ans et l’évolution a été progressive. Dans les antécédents, il existe une consanguinité au 3e degre entre les parents. Ce patient a deux soeurs indemnes de toute maladie. L’examen neurologique montre un syndrome cérébelleux statique et cinétique, une ataxie mixte cérébelleuse et sensitive, des réflexes ostéo-tendineux abolis aux 4 membres, un signe de Babinski bilatéral. L’examen géneral montre un syndrome dysmorphique avec des pieds creux et une scoliose verteébrale. II s’agit probablement d’une maladie de Friedreich. DISCUSSION L’existence d’un syndrome cérébelleux statique et cinétique d’évolution chronique et lentement progressifchez laplupart de nos patients est très evocatrice d’une dégénérescence du S.N.C. Les donnees de la litterature concernant la pathologie hérédodégénérative sont nombreuses et les études portent actuellement sur les aspects genetiques. Cette première étude réalisée en Mauritanie porte sur les données cliniques. Chez les patients qui presentent des signes evocateurs de maladie de Friedreich, plusieurs – L’age de survenue précoce (entre 3 et 4 ans) de la maladie chez les 5 patients differe de ce qui est classiquement decrit. En effet, cet age de début se situe habituellement autour de l’adolescence notamment vers 10-12 ans(2). – Les signes dysmorphiques à type de pieds creux ne sont retrouves chez tous les patients presentant cette affection, alors que la scoliose n’est retrouvée que chez le patient presentant le caractère sporadique. -Les signes cliniques sont dominés par ie syndrome cérébelleux et le syndrome pyramidal qui alterent considérablement la marche. L’électromyographie faite chez 2 patients de cette famille retrouve une atteinte axonomyelinique avec atteinte proximale. Cet aspect pathologique de l’électromyographie de stimulation est frequemment rencontre dans la maladie de Friedreich. La maladie de Freidreich fait partie des ataxie autosomiques récessives précoces et n’a pas, dans cette étude un caractère génétique défini. En effet, dans les 2 types de cette affection (type I lie au chromosome 9 et type II avec déficit isolé en vitamine E lié au chromosome 8), le tableau clinique est globalement similaire en dehors de quelques particularités comme le tremblement du chef retrouvé chez 4 malades. Les dosages biochimiques plus approfondis (vitaminiques notamment), et l’étude chromosomique ne peuvent être réalises actuellement à Nouakchott. L’age de début des symptomes du patient atteint d’une de Pierre-Marie se situe a 29 ans. L’evolution lentement progressive a abouti actuellement a la dépendance du sujet vis a vis de son entourage pour toutes ses activités de la vie quotidienne. L’existence d’un syndrome tétrapyramidal et d’une ophtalmoplégie les supranucléaire est de description classique. Les explorations complèmentaires ont ete plus poussées chez ce patient ou l’on retrouve: II a été possible de détecter une discrète fuite mitrale sur un ventricule gauche hyperkinetique, associee à une hypertrophie ventriculaire gauche. L’hérédo-ataxie de Pierre-Marie fait partie des ataxies autosomiques récessives précoces. Même si les ataxies héréditaires représentent un groupe hétérogène difficilement classable, l’étude génotypique semble mieux conforme à une classification acceptable que les études anatopathologiques et phénotypiques (7). On distingue les ataxies héréditaires (de type autosornal récessif et un type autosomal dominant) et les ataxies no héréditaires de type symptomatique et de type idiopathique (4). Chez les patients considerés comme attemts d’une atrophie-olivo-ponto-cérébelleuse (AOPC), la precocite des signes de debut (8-17 ans) semble différent des données de la littérature ou le début se situe habituellement entre les 3e et qe décennies (2). Les troubles ophtalmologiques rencontres chez les 4 patients de la même famille sont marqués par unedegenerescence retinienne avec myopie. Dans cette fratrie, la soeur présente en plus une atrophie optique. II est classique de retrouver dans cette pathologie une baisse de l’acuité visuelle avec ophtalmoplegie supranlicléaire et atrophie optique. L’absence de signe extrapyramidal de démence et de mouvements anormaux de type choréique et dystonique, rapproche ces patients du type III de l’AOPC où ie support génétique est encore inconnu. Cependant d’autres tableaux cliniques décrits ailleurs avec une démence, des signes cérébelleux et des signes extrapyramidaux ont montré un déficit héréditaire en céruleoplasmine en association avec une hémosidérose (5). La tomodensitométrie cérébrale réalisee chez deux des patients de ce groupe montre une atrophie cérébelleuse. Dans le syndrome de Ramsay-Hunt, la précocite des signes de début est retrouvée classiquement (6). Les crises epileptiques avec un électroencéphalogramme qui montre des bouffées irritatives bilatérales pseudo-périodiques, le syndrome cérébelleux et un profil intellectuel has caractérisent ce syndrome. CONCLUSION La pathologie hérédodegénérative du systeme nerveux central est bruyante par les signes cliniques qu’elle représente et dramatique par ses conséquences sociales. Le développment actuel de la génétique, les progrès de la recherche médicale entrament un regain d’intéret pour cette pathologie. Si l’apport de la tomodensitometrie et de l’imagerie par resonance magnetique est remarquable, car pouvant montrer une atrophie cérébelleuse (3), l’intéret de la tomodensitomérie a également permis dans cette étude, d’éliminer une autre pathologie evolutive notamment tumorale. Quant aux»problèmes socioprofessionnels qui découlerait de ces affections, seule une prise en charge spécifique pent apporter un certain confort chez ces patients souvent grabataires et dépendants. REFERENCES
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