ORIGINAL PAPERS / ARTICLES ORIGINAUX
HYDRANENCEPHALIE A COTONOU (BENIN) A PROPOS DE 3 CAS CLINIQUES
HYDRANENCEPHALY AT COTONOU (BENIN): 3 CASES REPORTS
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RESUME L’hydranencéphalie est une malformation rare du système cérébral. Elle est caractérisée par une disparition des hémisphères cérébraux bilatéraux qui sont remplacés par le liquide céphalorachidien. Nous rapportons 3 cas cliniques. Le diagnostic repose sur le scanner cérébral et l’IRM et pose un problème thérapeutique et éthique car aucun traitement n’améliore le développement neurologique. Mots-clés : hydranencéphalie, hydrocéphalie, malformation, système nerveux central, Bénin. SUMMARY Hydranencephaly is a rare malformation of the brain system. It is characterized by the absence of bilateral cerebral hemispheres which are replaced by cerebrospinal fluid. We present three clinical cases. Brain CT- scan was performes for diagnosis. Therapeutic and ethic problems are discussed. Keywords: hydranencephaly, hydrocephalus, malformation, central nervous system, Benin. INTRODUCTION L’hydranencéphalie est une malformation cérébrale congénitale rare. La fréquence des malformations du système nerveux central est estimée entre 5 et 10 pour 1000 naissances [14]. L’hydranencéphalie a été entièrement décrite comme une entité différente de l’hydrocéphalie en 1972 par Crome [6]. Elle est caractérisée par la disparition de la majeure partie des hémisphères cérébraux qui sont remplacés par un kyste que borde une fine membrane limitée sur sa face externe par la leptoméninge [12]. Son incidence est inférieure à 1 cas pour 10 000 naissances [13]. La réalisation du scanner cérébral dans l’exploration des macrocrânies, nous a permis d’observer 3 cas d’hydranencéphalie durant le mois de Novembre 2012. Nous rapportons les difficultés thérapeutiques et éthiques que pose la prise en charge de cette malformation au Bénin. OBSERVATION N°1 Un nourrisson de sexe féminin a été admis pour une macrocrânie de survenue progressive depuis l’âge de 3 mois. Durant la grossesse, la mère avait une infection urinaire au troisième trimestre de sa grossesse. Une échographie au cours du troisième trimestre de la grossesse avait permis de noter une malformation de type hydrocéphalie. Elle était issue d’un accouchement eutocique à 38 semaines d’aménorrhée. Son score d’APGAR était évalué à 6 à la première minute, 7 à la cinquième minute et à 8 à la dixième minute. Son poids était de 2,7 Kg, sa taille était de 50 cm et son périmètre crânien de 35 cm. Il n’y avait pas de consanguinité parentale. Elle était la dernière d’une fratrie de 4. Il n’y a pas de maladie familiale connue. OBSERVATION N° 2 Un prématuré de sexe masculin né à 31 semaines d’aménorrhée. La grossesse n’avait pas été suivie. La mère aurait eu un syndrome infectieux traité comme paludisme au premier trimestre de la grossesse. Aucun bilan prénatal n’a été fait. L’échographie faite avant le travail d’accouchement avait permis d’évoquer une hydrocéphalie ftale. Elle a accouché par une césarienne pour une macrocéphalie. Le score d’APGAR du nouveau-né était de 10 à la première minute. Son poids était de 3,450 Kg, sa taille 50 cm et son périmètre crânien 56 cm. A son admission, les fontanelles antérieure et postérieure étaient tendues avec une disjonction des sutures et une circulation veineuse collatérale turgescente. Les yeux étaient en coucher de soleil, les réflexes de succion et le grasping étaient normaux. Le réflexe de Moro et la marche automatique n’ont pu être appréciés. Il avait une hypotonie généralisée. Nous avions observé une trans-illumination diffuse du cuir chevelu lorsque l’on appliquait une source lumineuse au niveau des fontanelles. Le scanner cérébral a permis d’objectiver une hydranencéphalie (figure2). Une abstention chirurgicale a été décidée. Nous l’avons suivi pendant quatre semaines en hospitalisation. Il avait une augmentation régulière du périmètre crânien d’un centimètre par semaine avec à sa sortie un périmètre crânien de 60 cm. Un suivi périodique a été instauré, mais le prématuré et ses parents n’ont plus été revus. OBSERVATION N° 3 Un nouveau-né de sexe masculin né à 41 semaines d’aménorrhée dont La grossesse aurait été suivie (2 consultations prénatales).La mère aurait eu une infection génitale basse durant la grossesse. Il n’y avait pas de notion de consanguinité parentale. L’accouchement s’est fait par césarienne pour présentation de siège et macrocéphalie. A la naissance, son périmètre crânien était de 50 cm, le score d’APGAR à 5 à la première minute puis de 6 à la 5ème minute. Il pesait 3,900 kg. Il a eu une hématémèse et des mélénas. A l’examen clinique, il avait une macrocrânie à 50 cm, une disjonction des sutures du crâne, une fontanelle antérieure tendue et les yeux en coucher de soleil. L’épreuve de la trans-illumination était positive. Il était réactif et tonique mais très irritable. Il avait un syndrome d’immobilisme ftal caractérisé par : une hyperlordose lombaire ramenant les membres pelviens vers la tête, associée à une inversion des membres pelviens et une raideur des articulations des coxo-fémorales, des genoux et des chevilles. Les chevilles présentaient une pilosité abondante, et on observait une agénésie des orteils des deux pieds (figure 3). Son scanner cérébral a permis d’objectiver une hydranencéphalie (figure 4). L’évolution s’est soldée par le décès de l’enfant au 4ème jour de vie dans un contexte d’hémorragie digestive dont l’étiologie n’avait pu être déterminée. DISCUSSION L’hydranencéphalie est une malformation congénitale rare du système nerveux central. De janvier 2000 jusqu’en octobre 2012, 38 articles ont été publiés dans la base de données Medline rapportant 80 cas [2]. La plus grande série a été rapportée par Malheiros JA et al. avec 17 cas [15]. En Afrique, Adeloye a rapporté la plus grande série avec 15 cas observés au Malawi [1]. Nous avons observé 3 cas en un mois. Depuis lors nous n’avons plus observé d’autre cas. Le diagnostic anténatal peut être posé par une échographie dès la 13ème semaine de grossesse [3, 19, 22]. Cependant, l’échographie est un examen opérateur dépendant. Dans nos observations, l’échographie anténatale avait été faite au troisième trimestre de grossesse chez les deux premiers nouveau-nés et avait permis d’évoquer le diagnostic d’hydrocéphalie. Ce diagnostic a également été évoqué dans les publications de Witter et Pant [22, 16]. Cette difficulté diagnostique justifie un recours de plus en plus croissant à l’imagerie par résonance magnétique nucléaire anténatale [9, 7]. Un diagnostic anténatal pourrait faire recourir à un avortement thérapeutique. Au Bénin, il n’existe pas une législation sur les avortements c’est le code de déontologie médicale qui fait office de loi. Dans son article 37 il est écrit : ‟ il ne peut être procédé à un avortement thérapeutique que si cette intervention est le seul moyen susceptible de sauver la vie de la mère.”[23] La loi ne nous permet donc pas d’envisager un avortement thérapeutique même si le diagnostic anténatal d’hydranencéphalie était posé. A la naissance, l’examen clinique de ses nouveau-nés ne révélait aucun signe clinique permettant de distinguer l’hydranencéphalie d’une hydrocéphalie. Nous avons observé une macrocrânie chez les trois enfants. Ce signe n’est ni spécifique ni constant. Parmi les cas publiés et recensés par Cecchetto 18 avaient une normocrânie, 13 avaient une macrocrânie et 5 avaient une microcrânie [2]. Les anomalies du périmètre crânien peuvent faire penser à plusieurs malformations cérébrales dont l’holoprosencéphalie. L’holoprosencéphalie résulte d’un défaut d’induction du neurectoderme par la plaque préchordale, au cours de la troisième semaine de la vie embryonnaire, qui a pour conséquence une anomalie du développement du prosencéphale consistant en une absence d’évagination des vésicules prosencéphaliques responsable : de la présence d’une masse hémisphérique médiane remplaçant les deux hémisphères cérébraux ; d’une absence de structures médianes, notamment de commissures ; d’une absence de différenciation ou d’une différenciation anormale des structures dérivées des vésicules prosencéphaliques et de la vésicule diencéphalique [10]. Il apparaît que différents degrés de différenciation des noyaux gris centraux, de l’hypothalamus et des thalami peuvent être observés [18]. Les anomalies de la face sont constantes, allant de la cyclopie ou de la « gueule de loup » aux anomalies labiovélopalatines plus modestes, « bec-de-lièvre », fente labiale unilatérale, voire dans certains cas simple hypotélorisme, anomalie de la dentition (incisive médiane unique, dents surnuméraires, persistance des dents de lait), macrocrânie et luette bifide [14]. La positivité de l’épreuve trans-illumination crânienne, rapportée dans nos deuxième et troisième observations ne permet pas de distinguer l’hydranencéphalie d’une hydrocéphalie majeure. De même, une épreuve de la trans-illumination négative peut être due à une opacification du liquide cérébro-spinal par une complication hémorragique d’une hydranencéphalie [11]. Les réflexes archaïques étaient présents et normaux dans les trois cas, de même que les grandes fonctions vitales. Cette vitalité observée était due à la préservation sous-corticale des régions du tronc cérébral qui contiennent le circuit neuronal nécessaire pour maintenir la température corporelle, la pression artérielle, cardiorespiratoire et d’autres fonctions vitales [5]. La macrocrânie nécessite des explorations paracliniques pour faire le diagnostic différentiel. L’électroencéphalogramme montre une absence d’activité électrique en cas d’hydranencéphalie, alors que l’activité électrique est présente en cas d’hydrocéphalie [11]. L’échographie trans-fontanellaire peut permettre d’observer que la totalité du parenchyme cérébral est remplacé par du liquide [1]. Mais c’est un examen opérateur dépendant. Quatorze des 15 cas rapportés par Adeloye ont été diagnostiqués par une échographie [1]. Notre premier cas a bénéficié d’une échographie qui avait conclu à une hydrocéphalie. Le scanner cérébral permet d’observer la disparition du parenchyme cérébral qui est remplacé par du liquide cérébro-spinal mais une préservation du tissu sous cortical comme les thalami [13].Certains auteurs ont eu recours à l’imagerie par résonnance magnétique nucléaire [5, 7, 15, 17] Le scanner cérébral de notre deuxième cas correspond à cette description. Nous pouvions observer la présence de tissu cérébral à l’étage sous-tentoriel (figure 2). Le scanner cérébral de notre premier patient ne montre qu’une mince couche de tissu cérébral au niveau des lobes frontaux et au niveau des pédoncules cérébraux (figure 1). La description du scanner cérébral de notre troisième cas est difficile parce qu’il n’avait pas pu être positionné en décubitus dorsal, du fait de sa lombo-plicature. Toutefois, on y observe une fine couche de tissu cérébral au niveau des lobes frontaux (figure 4). Ce nouveau-né souffrait d’une polymalformation, associant l’hydranencéphalie, une lombo-plicature, une arthrogrypose et une pilosité anormale des jambes. Il avait une hémorragie digestive dont l’étiologie n’a pu être déterminée. Ce syndrome polymalformatif a été décrit pour la première fois en 1972 par Fowler et al. [8]. Il associe une vasculopathie gloméruloïde proliférative cérébrale et rétinienne, une hydranencéphalie ou une hydrocéphalie, un syndrome d’immobilisme ftal et une hypoplasie musculaire. Les causes des malformations du système nerveux central (SNC) sont à la fois génétiques et environnementales, souvent intriquées, multifactorielles, avec différents types d’interactions entre les gènes et les facteurs environnementaux. Les mécanismes pathogéniques sont complexes et commencent seulement à être élucidés. Le développement du SNC est assuré par un enchaînement harmonieux et précis, dans le temps et l’espace, de divisions cellulaires, migrations, différenciations, apoptose, modulées par différents types d’interactions cellulaires et contrôlées par l’expression de gènes. Toute anomalie génétique ou environnementale qui interrompt son déroulement va provoquer une succession de modifications en cascade dont l’aboutissement final est l’apparition de la malformation. La survenue et le phénotype d’une malformation du SNC dépendent essentiellement de la période où elle a été induite, c’est-à-dire du stade embryonnaire ou ftal où le déroulement normal du programme a été interrompu. Une même cause aura des conséquences différentes selon le moment où elle intervient. Des causes très différentes sont susceptibles d’induire une même malformation si elles affectent le SNC au même stade de développement [14]. Les causes des hydranencéphalies ne sont pas encore claires. L’hypothèse la plus souvent décrite dans la littérature est l’occlusion bilatérale du segment supra-clinoïde des artères carotidiennes internes [20]. Cette hypothèse pourrait expliquer les hydranencéphalies avec absence bilatérale d’hémisphères cérébraux mais avec présence du tissu sous-cortical et du parenchyme sous tentoriel qui est dépendant de la circulation cérébrale postérieure comme rapporté sur le scanner cérébral de notre deuxième observation (figure 2). L’absence de parenchyme cérébral observé à l’étage sus et sous tentoriel dans notre première observation (Figure 1) fait appel à d’autres hypothèses : La seconde hypothèse est l’infection intra-utérine [4]. Les germes impliqués sont essentiellement : le cytomégalovirus, la varicelle, la rubéole, et de façon moins fréquente, le toxoplasme, l’herpès et la syphilis. L’infection entraîne une atteinte multi-viscérale. Le type de lésions cérébrales dépend de la date de contamination du ftus. Pendant les quatre premières semaines de l’infection, surviennent des lésions de cytolyse et de vascularite. Elles sont responsables de la constitution, au cours des semaines suivantes, de zones de nécrose et de sclérose, de thromboses et de nodules micro-gliaux. Il en résulte une destruction plus ou moins étendue du tissu cérébral [4]. L’autre hypothèse est l’hypoxie ftale par exposition maternelle au monoxyde de carbone ou gaz butane aboutissant à la nécrose tissulaire massive avec cavitation et résorption du tissu nécrosé [13]. Les cas de survie observés sont dus à la préservation de la sous-corticale et des régions du tronc cérébral qui contiennent le circuit neuronal nécessaire pour maintenir la température corporelle, la pression artérielle, cardiorespiratoire et d’autres fonctions vitales [5]. Alors que la plupart des patients ne survivent pas au-delà du stade néonatal. La durée de vie dépasse rarement la période néonatale. Une survie jusqu’à l’âge de 32 ans a été observée chez une patiente n’ayant bénéficié d’aucun traitement chirurgical. Mais elle vivait dans un état végétatif [5]. CONCLUSION L’hydranencéphalie est une malformation cérébrale rare mais grave qui pose un problème de diagnostic différentiel avec l’hydrocéphalie. Le diagnostic anténatal repose sur l’échographie mais il est opérateur dépendant ; d’où la nécessité d’une spécialisation des radiologues et gynécologues dans la détection échographique des malformations ftales. L’exploration d’une macrocéphalie chez les nouveau-nés et les nourrissons nécessite alors la réalisation d’un scanner cérébral et d’un électro-encéphalogramme. Il n’existe pas de traitement pouvant améliorer le développement neurologique des enfants atteints de cette malformation. Dans notre contexte, elle pose un problème éthique qui interpelle sur la nécessité de revoir la législation en vigueur. |