CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
INFECTIONS OPPORTUNISTES DU VIH/SIDA EN MILIEU HOSPITALIER NEUROLOGIQUE AU TOGO
OPPORTUNISTIC INFECTIONS OF HIV/AIDS IN A NEUROLOGICAL UNIT IN TOGO
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RESUME Introduction Méthodes Résultats Conclusion Mots-clés : infections opportunistes, VIH/sida, Togo SUMMARY Introduction Methods Results Conclusion Key words: cerebral toxoplasmosis, HIV/aids, meningeal cryptococcosis, opportunistic infections, Togo. INTRODUCTION Il y a une vingtaine d’années, les premières observations du syndrome d’immunodéficience acquis (sida), phase ultime de l’infection par le virus de l’immuno-déficience humaine (VIH) ont été rapportées (8). Le sida est caractérisé par la survenue des infections opportunistes (IO), causes majeures de morbi-mortalité liée au VIH/sida (7). Leurs localisations sont diverses avec fréquemment un décès lié à une atteinte du système nerveux central (SNC) (21, 27). De remarquables progrès ont été réalisés ces dernières années en ce qui concerne l’espérance et la qualité de vie des patients vivant avec le VIH/sida (PVVIH). Les anti-rétroviraux (ARV) ont prouvé leur efficacité en tant que meilleure approche dans la prévention des IO y compris celles qui touchent le SNC. Les ARV ont ainsi considérablement amélioré l’espérance et la qualité de vie des PVVIH (10, 11, 14, 16, 20). On estime que 11,7 millions d’années de vie ont été gagnées au niveau mondial entre 1996 et 2008 grâce aux thérapies antirétrovirales (19). En marge de ces progrès, l’Afrique subsaharienne supporte toujours la plus grande partie du fardeau de l’épidémie mondiale. Elle abrite 22 millions (66%) des 34 millions de PVVIH du monde. Elle a enregistré en 2008, 1.4 million (75%) des 2 millions de décès dus au VIH/sida dans le monde (19). L’infection à VIH s’y exprime encore essentiellement par des affections opportunistes (1). Le Togo n’échappe pas à cette règle. Malgré les efforts pour l’accès universel aux ARV, sur les 15000 à 20000 PVVIH nécessitant la mise sous ARV, seulement 7980 patients (50%) étaient sous ARV en 2007 (22). Dans ces conditions, il apparait nécessaire de mieux connaitre les IO afin de mieux les prendre en charge pour réduire la morbi-mortalité liée au VIH/sida. C’est dans ce cadre que nous avons réalisé sur tout le territoire national, une étude multicentrique pour déterminer le profil des IO en milieu hospitalier au Togo (3). Nous rapportons ici les données concernant le service de neurologie pour décrire en milieu neurologique, les principales IO et celles qui sont liées à un fort taux de létalité. METHODE Notre étude s’est déroulée dans le service de neurologie du CHU-Campus de Lomé. Le service accueille en moyenne par an, 900 hospitalisés dont 60 à 90 PVVIH. Une unité chargée des PVVIH leur offre une prise en charge médicale et psycho-sociale. Il s’agit d’une étude descriptive transversale sur une période de 12 mois (janvier à décembre 2008). Les patients inclus étaient ceux âgés d’au moins 15 ans, hospitalisés pour une symptomatologie neurologique, séropositifs au VIH ou présentant au moins l’un des signes suivants : altération de l’état général, fièvre au long cours, mycoses buccales ou génitales, diarrhée ou toux chronique, zona, crises convulsives et syndrome focal déficitaire d’installation progressive. Parmi ces patients sélectionnés, ceux dont la séropositivité au VIH n’était pas connue, ont bénéficié des tests de dépistage au VIH après un entretien et un consentement éclairé (exception faite des patients présentant des troubles de la vigilance). Les résultats du test ont été communiqués à chaque patient et les modalités de prise en charge ont été indiquées aux sujets séropositifs. Sont exclus de cette étude, les patients présentant les signes d’autres causes d’immunodépression (cancer, traitement immunosuppresseur). Le diagnostic des IO a été fondé sur la clinique et/ou les examens disponibles. Les examens d’imagerie disponibles étaient le CT-scan, l’échographie et la radiographie standard. Sur le plan biologique, nous disposions de la numération formule sanguine, de la vitesse de sédimentation, du dosage du taux de CD4, des examens cytobactériologiques avec recherche de bacille acido-alcoolo-résistant, cultures sur milieux spécifiques (Sabouraud, Lowenstein) ou non, de l’examen à l’encre de Chine et de la recherche des antigènes solubles cryptococciques. L’électroencéphalographie, l’examen du fond d’il et l’électrocardiogramme étaient également disponibles. Les examens paracliniques tout comme les frais d’hospitalisation étaient à la charge des patients. Les informations ont été recueillies au moyen d’un questionnaire renseignant sur les paramètres suivants : âge, sexe, durée de séjour, motif d’admission, indication de la sérologie à VIH et type de VIH, taux de lymphocytes CD4+ ou stadification clinique de l’OMS dans sa révision de 2005 (17), affection opportuniste (diagnostic certain ou non), autre pathologie, traitement et évolution. Le diagnostic de toxoplasmose a été considéré comme certain chez les patients présentant un tableau clinique d’encéphalite avec ou sans scanner cérébral évocateur, régressif dans les 10 jours sous traitement anti-toxoplasmique. Il est considéré comme probable lorsque l’évolution n’est pas favorable sous traitement anti-toxoplasmique alors que le scanner cérébral est évocateur. Les données ont été saisies à l’aide du logiciel Epi Data version 3.1 à partir d’un masque de saisie confectionné à cet effet. RESULTATS Durant la période d’étude, 940 patients ont été hospitalisés et le taux de décès global était de 25%. La sérologie au VIH a été réalisée chez 360 patients (38%) avec 68 patients séropositifs au VIH soit 7% des hospitalisés. Chez ces PVVIH, l’âge moyen était de 42 [24-78] ans. Le sex-ratio était de 0,45 : 47 femmes (69%) et 21 hommes (31%). Au sein des PVVIH, nous avons noté 66 cas d’IO (97% des PVVIH) et un taux de décès de 41% (28/68). Le déficit neurologique focal à type d’hémi parésie ou plégie, les céphalées et les crises convulsives étaient les motifs d’admission les plus fréquents (tableau I). Seuls 16 patients ont pu bénéficier d’un dosage du taux de CD4. Chez les autres patients, ce dosage n’a pas pu être réalisé soit par défaut de moyen financier, soit en raison d’un décès du patient ou encore en raison de la non disponibilité de réactif. Le taux variait entre 6 et 557 cd4/mm3 avec une moyenne de 139,25 cd4/mm3. La majorité des patients étaient aux stades IV (n=51 soit 75%) et III (n=11 soit 16%) d’immunodépression (tableau II) selon la stadification clinique de l’OMS. Sur les 44 indications de scanner cérébral, 23 scanners (52%) ont été réalisés. L’ensemble des IO rencontrées dans notre étude et leurs fréquences d’apparition respectives sont indiqués dans le tableau III. La toxoplasmose cérébrale était l’IO la plus fréquente avec 36 cas (54% des PVVIH). Le diagnostic de toxoplasmose a été considéré comme certain chez 24 PVVIH et probable chez 12. La CNM était la deuxième plus fréquente IO avec 7 cas (10% des PVVIH). Le taux de létalité était de 33% pour la toxoplasmose cérébrale et de 28% pour la CNM. Sept cas (10%) de méningoencéphalite d’origine indéterminée ont été notés avec tous une évolution défavorable. DISCUSSION Dans notre série, les motifs d’hospitalisation les plus fréquemment retrouvés étaient les troubles moteurs unilatéraux (38%), les céphalées (33%) et les crises convulsives (32%). Ces signes sont témoins de l’atteinte du système nerveux central (SNC). L’atteinte du système nerveux périphérique (SNP) paraît ainsi rare en hospitalisation. Cela pourrait être dû au fait que les atteintes du SNC se traduisent par des signes bruyants inquiétant le patient ou son entourage les amenant à la consultation médicale. Les atteintes du SNP se traduisent par des signes le plus souvent frustes n’inquiétant pas forcément le patient ou son entourage. Les signes accompagnateurs étaient la fièvre (20%), l’amaigrissement (2%), la candidose buccale (2%), la diarrhée (1%) et la toux (1%). L’existence de ces signes n’est pas obligatoire pour évoquer le diagnostic de l’infection par le VIH. Ceci souligne l’intérêt du dépistage systématique en milieu de soins actuellement promu par l’OMS (18). Le taux de mortalité durant la période d’hospitalisation a été de 45%. Notre résultat est proche de celui d’ATANGANA et al (4) à Yaoundé qui ont rapporté un taux de mortalité de 38% chez les malades séropositifs au VIH présentant une affection neurologique. Le fort taux de mortalité pourrait être lié à plusieurs facteurs dont le retard de prise en charge. En effet, la majorité des patients ont été admis au stade sida. Ce résultat est le corollaire d’une réalité. Dans nos pays en développement, les patients sollicitent une prise en charge à un stade avancé de leurs maladies après des passages par les tradi-praticiens. La sensibilisation permanente de nos populations reste d’actualité. La toxoplasmose cérébrale était de loin l’infection neurologique la plus rencontrée (54%). Notre résultat est comparable à celui rapporté par BALOGOU et al (5) dans le même service sur une période de 10 ans (43%). Après la toxoplasmose cérébrale, la CNM était la deuxième plus fréquente IO (10%). La prévalence de la CNM est estimée entre 5-30% en Afrique (2, 6, 9, 15, 24-26). La tuberculose neuroméningée (5%) se situait en 3ème position dans notre étude. SOUMARE et al (24) ont rapporté un taux plus élevé. Habituellement les malades souffrant d’une tuberculose quelle que soit la localisation, sont dirigés à Lomé vers le service des maladies infectieuses. Ceci pourrait expliquer ce relatif faible taux de prévalence. Nous avons observé comme signes cardinaux : les crises convulsives (16 cas), les troubles moteurs unilatéraux (14 cas) et les céphalées (13 cas). Ce cortège de signes nous paraît fréquemment fidèle dans le tableau clinique de toxoplasmose cérébrale comme en témoignent les résultats de plusieurs auteurs (5, 12, 13, 23). Dans notre étude, les céphalées (33%) et la fièvre (22%) au cours de la CNM sont souvent présentes comme dans d’autres travaux (2, 6, 9, 15, 24-26). Le diagnostic de la CNM devra être évoqué devant des céphalées persistantes chez les PVVIH. Le taux de mortalité dans la toxoplasmose cérébrale dans notre étude est inférieur aux taux rapportés dans le service quelques années plus tôt (5, 13). Cette diminution du taux de mortalité semble témoigner des progrès effectués dans la prise en charge de cette affection dans le service. Un traitement bien codifié habituellement débuté dès la suspicion serait bénéfique aux patients. Dans notre série, le taux de décès lié à la CNM (28%) paraît moins élevé que celui retrouvé à l’échelle nationale (62%) (3). Les effectifs des populations étudiées ne permettent pas de faire une comparaison statistiquement valable. Dans la littérature, la CNM reste une affection très létale (2, 6, 9, 15, 24-26). Une étude à plus grande échelle permettrait d’apprécier l’impact de la CNM dans les décès imputables au VIH/sida. CONCLUSION La CNM et la toxoplasmose cérébrale sont les IO à évoquer en cas d’atteinte du SNC chez le PVVIH. Au Togo, les patients sont en majorité admis au stade sida avec parfois plusieurs IO. On peut suggérer un dépistage systématique de l’infection au VIH en milieu de soins pour limiter ce retard au diagnostic. Cette étude permet une meilleure orientation des stratégies de diagnostic et thérapeutique des IO. Tableau I: Répartition des motifs d’hospitalisation de 68 patients vivant avec le VIH/sida dans le service de Neurologie au Togo.
* : signes d’accompagnement Tableau II: Répartition des infections opportunistes diagnostiquées chez 68 patients vivant avec le VIH/sida dans le service de Neurologie au Togo.
*Ces patients étaient au stade sida
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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