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CASE REPORT / CAS CLINIQUE
 
KYSTE EPIDERMOÏDE DU QUATRIEME VENTRICULE : A PROPOS D’UN CAS

EPIDERMOID CYST OF THE FOURTH VENTRICLE: CASE REPORT


  1. Service de Neurochirurgie, CHU Hassan II, Fès, Maroc

E-Mail Contact - AGGOURI Mohammed : aggouri_mohamed@yahoo.fr


RESUME

Les kystes épidermoïdes sont des tumeurs bénignes rares développées à partir d’inclusions ectodermiques. Ils siègent habituellement au niveau de l’angle ponto-cérébelleux, la région para-sellaire et la fosse temporale. Leur siège au niveau du quatrième ventricule est inhabituel. Nous rapportons le cas d’une jeune patiente de 44 ans admise pour un syndrome d’hypertension intracrânienne associé à des troubles de la marche. Le diagnostic de kyste épidermoïde du V4 fut évoqué sur les données de l’IRM puis confirmé en per opératoire et en histologie. L’exérèse chirurgicale a été subtotale en raison d’une adhérence de la capsule à la partie supérieure du plancher du V4. Après un recul de 18 mois, la patiente ne manifeste aucun signe de ré-évolution tumorale.

Mots-clés : chirurgie, IRM de diffusion, kyste épidermoïde, quatrième ventricle.


ABSTRACT

The cysts épidermoïdes are benign tumours developed from ectodermal inclusions. They usually lay on the level of the cerebellopontine angle, the parasellar area and the temporal fossa. The localisation on the fourth ventricle is unusual. We report the case of young a 44 year old patient with an intracranial hypertension associated with gait disorders. The diagnosis of cyst epidermoïd cyst of V4 was suggested on the MRI and confirmed by the histology.

Keywords: Brain tumor, epidermoid cyst, fourth ventricle, intracranial tumors, intraventricular tumor

INTRODUCTION

Les kystes épidermoïdes, encore appelés cholestéatomes primitifs ou tumeur perlée de Cruveilhier, représentent des tumeurs bénignes rares (environ 2% des tumeurs intracrâniennes primitives), développées à partir d’inclusions ectodermiques. L’angle ponto-cérébelleux représente le siège de prédilection de ces tumeurs. Leur localisation au niveau du quatrième ventricule (V4) est très rare [8]. Seulement 83 cas ont été publiés à ce jour dans la littérature [9, 11, 13, 14, 18, 19, 21]. Nous rapportons le cas d’un volumineux kyste épidermoïde du V4 et nous discutons les particularités clinico-radiologiques, thérapeutiques et évolutives de cette localisation inhabituelle.

OBSERVATION CLINIQUE

Madame F.A est une patiente âgée de 44 ans, sans antécédents pathologiques notables, qui a été hospitalisée au service de Neurochirurgie pour un syndrome d’hypertension intracrânienne évoluant depuis 2 mois, récemment associé à des troubles de la marche. A l’admission, l’examen clinique a trouvé une patiente consciente, coopérante, ayant un syndrome cérébelleux stato-kinétique avec un nystagmus horizontal bilatéral. L’examen ophtalmologique, notamment le fond d’œil, a révélé un œdème papillaire bilatéral stade I.
La tomodensitométrie cérébrale a objectivé une lésion spontanément hypodense, de contours festonnés et de densité proche de celle du LCR, ne prenant pas le contraste, développée dans la lumière du V4. Il n’y avait pas d’hydrocéphalie sus jacente associée. L’imagerie par résonnance magnétique a montré une lésion hypointense hétérogène en T1 et hyperintense en T2, de contours irréguliers, comblant complètement le V4, refoulant le parenchyme cérébelleux vers le haut et comprimant le bulbe rachidien (Figure 1). Le diagnostic d’un kyste épidermoïde intraventriculaire a été évoqué et la décision d’aborder la lésion a été prise.

La patiente a été opérée en procubitus par une voie sous-occipitale médiane avec découverte per-opératoire d’une tumeur blanchâtre ayant un aspect perlé rappelant l’aspect caractéristique d’un kyste épidermoïde sans extension cisternale (Figure 2). L’exérèse chirurgicale a été subtotale avec respect d’une portion de la capsule qui était très adhérente à la partie supérieure du plancher du V4.

Les suites opératoires immédiates étaient simples et après un recul de 18 mois, la patiente ne manifeste aucun signe clinique pouvant évoquer une ré-évolution tumorale.

DISCUSSION

Anciennement appelé cholestéatome ou tumeur perlée de Cruveilhier, le kyste épidermoïde est une tumeur rare représentant moins de 2% des tumeurs intracrâniennes [2, 7, 8, 15, 22]. La fréquente latéralité des kystes épidermoïdes serait liée au développement concomitant des vésicules otiques et optiques [5]. La localisation habituelle se rencontre au niveau de l’angle ponto-cérébelleux (40 à 50% des cas selon les séries) [3, 4, 16] ainsi qu’au niveau des régions para-sellaires et temporales. Sa localisation au niveau du quatrième ventricule est très rare [15].

Il s’agit d’une tumeur bénigne secondaire soit à une inclusion ectopique d’éléments ectodermiques au moment de la fermeture du tube neural entre la 3ème et la 5ème semaine de gestation [10], soit, et moins souvent, à une pénétration post-traumatique [9, 24] ou iatrogène [12] de l’épiderme au niveau des espaces sous arachnoïdiens.
Malgré sa genèse au cours de la vie intra-utérine la découverte du kyste épidermoïde est tardive entre la 3ème et la 5ème décennie [19], comme c’est le cas de notre patiente. Sur le plan clinique, le syndrome cérébelleux est la manifestation la plus fréquente, alors que le syndrome d’hypertension intracrânienne est moins fréquent, étant donné que l’hydrocéphalie sus tentorielle est d’apparition tardive et ne se voit que dans moins de 50% des cas [19]. De même la croissance très lente de la tumeur et la probable persistance d’espace d’écoulement du LCR entre la capsule et les parois du ventricule explique l’absence de corrélation entre l’importance du volume tumoral et la présence d’hydrocéphalie au moment de découverte de la tumeur [23]. L’extension vers la citerne ponto-cérébelleuse par l’intermédiaire des trous de Luschka, se traduit par une atteinte des nerfs crâniens (nerfs mixtes, paquet acoustico-facial, nerf trijumeau).
L’aspect IRM des kystes épidermoïdes est identique quelle que soit leur localisation [14]. Ils sont isointenses en T1 et hyperintenses en T2, avec des limites nettes mais irrégulières, sans œdème périlésionnel ni de prise de contraste. En effet, le signal est souvent inhomogène ; il peut être variable en intensité en fonction du contenu protidique de la tumeur. Des formes atypiques ont été rapportées, avec une masse spontanément hyperintense en T1 et hypointense en T2, probablement du fait de la présence de calcifications et d’un contenu protidique élevé [20]. Les problèmes de diagnostic différentiel avec les kystes arachnoïdiens et les kystes tumoraux sont contournés grâce à l’aspect hétérogène en séquence Flair, l’augmentation du signal en séquence de diffusion et surtout à l’aspect hyperintense et hétérogène en séquence CISS-3D [6, 11, 14].
L’analyse histologique des kystes épidermoïdes est la même, quelle que soit la localisation intracérébrale. Sur le plan thérapeutique, l’exérèse totale du kyste et de sa capsule reste le seul garant d’une guérison définitive. Cependant, et comme dans notre cas, l’intime adhérence de la capsule au plancher du V4 limite cette option vu les risques neurologique et vital encourus. Ainsi, et sur une revue de la littérature réalisée par Tancredi A. et collaborateurs [19] concernant 66 patients opérés pour un kyste épidermoïde du V4 entre 1974 et 2003, l’exérèse totale n’a été pratiquée que dans 30% des cas. L’évolution postopératoire est habituellement simple ; toutefois, une méningite chimique peut survenir et engendrer une hydrocéphalie communicante, dont la prévention passe par l’exérèse totale tant que possible, l’éviction de la dispersion du contenu du kyste en per-opératoire, ainsi que l’irrigation du foyer opératoire par de l’hydrocortisone voire l’administration en postopératoire de la dexamethasone [1, 25].

Dans le cadre de surveillance postopératoire, l’imagerie de diffusion permet d’établir le caractère complet ou non de l’exérèse. En cas de résidu tumoral, une surveillance annuelle par IRM permet d’évaluer le potentiel évolutif du résidu [12].

CONCLUSION

Le kyste épidermoïde du 4ème ventricule est une tumeur bénigne rare dont le pronostic est le plus souvent favorable. L’IRM de diffusion reste l’examen clé en matière de diagnostic positif et de surveillance postopératoire. L’exérèse chirurgicale totale est conditionnée par la présence d’une portion capsulaire plus ou moins adhérente au plancher du V4.


Commentaire des figures

* Figure 1 :

IRM en coupe sagittale, séquence pondérée T1 après injection du gadolinium (A) et T2 (B) montrant une lésion hétérogène hypointense T1 et hyperintense T2, ne prenant pas le contraste, ayant des limites irrégulières, comblant complètement le V4 et se prolongeant dans l’obex en bas.

* Figure 2 :

Aspect per-opératoire du kyste épidermoïde à l’intérieur de la lumière du V4.


Figure 1A

Figure 1A


Figure 1B

Figure 1B


Figure 2

Figure 2


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