CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
LA STENOSE DU CANAL LOMBAIRE : RESULTATS CHIRURGICAUX ET FONCTIONNELS DANS UNE UNITE DE NEUROCHIRURGIE AU BENIN
LUMBAR CANAL STENOSIS: SURGICAL AND FUNCTIONAL OUTCOME IN A NEUROSURGERY WARD, BENIN
E-Mail Contact - FATIGBA Olatoundji Holden :
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RESUME Description Objectif Méthodes Résultats Conclusion Mots clés : Canal lombaire étroit, Claudication radiculaire, Laminectomie, Scanner lombaire, Sténose du canal lombaire ABSTRACT Background Objective Methods Results Conclusion Keys words: Lumbar canal stenosis, Lumbar Spinal Stenosis, Laminectomy, Neurogenic claudication. INTRODUCTION La sténose du canal lombaire est une diminution du diamètre physiologique du canal spinal ou des foramens intervertébraux au niveau lombaire [5,8,27]. Les mécanismes sont multiples: la sténose peut être congénitale ou acquise [4]. La conséquence est la genèse d’un conflit d’espace entre le contenant (osté-disco-ligamentaire) et le contenu (vasculaire et nerveux). Ce conflit d’espace est à l’origine de diverses manifestations cliniques, que sont les radiculalgies, la claudication intermittente neurogène ou un syndrome de la queue de cheval. En fonction de sa présentation clinique, le traitement d’une sténose du canal lombaire peut être médical ou chirurgical [30]. Au stade ultime des manifestations cliniques et lorsqu’une corrélation radio-clinique est avérée, la chirurgie devient le choix thérapeutique incontournable [7,10,15,24]. Au CHD-Borgou du Bénin, la sténose du canal lombaire est un motif fréquent d’admission et la prise en charge peut être médicale ou neurochirurgicale [11,20]. L’objectif de cette étude était de faire le point de l’activité neurochirurgicale occasionnée par cette affection au CHD Borgou. L’objectif a été de rapporter la fréquence et les résultats des sténoses du canal lombaire opérées dans notre unité de neurochirurgie. METHODE Il s’est agi d’une étude descriptive, rétrospective et transversale réalisée au CHD-Borgou (Bénin). Le CHD-Borgou est un hôpital départemental devenu Centre universitaire en 2002. Il est l’unique hôpital universitaire de référence de la région septentrionale du bénin et disposant d’une unité de neurochirurgie du Bénin. La région septentrionale (départements du Borgou, de l’Alibori, de la Donga et de l’Atakora) du Bénin couvre une superficie 83.288 km2 de pour une population de 3.161.163 habitants. Il dispose d’une unité de radiologie sans scanner. L’activité neurochirurgicale est effective dans ce centre depuis 2008. Nous ne disposons pour l’instant pas de microscope opératoire ni d’un amplificateur de brillance. La colonne d’instrumentation rachidienne permet de prendre en charge les affections dégénératives et dans quelques cas les affections rachidiennes traumatiques. L’étude a inclus tous les patients opérés de Janvier 2008 à Mars 2013 pour une sténose du canal lombaire. Les signes cliniques à l’admission ont été recensés et le diagnostic de sténose du canal lombaire a été confirmé par la saccoradiculographie, la tomodensitométrie (TDM) lombaire ou l’imagerie par résonnance magnétique (IRM). Toutes les sténoses, dégénératives acquises, constitutionnelles ou mixtes ont été considérées. Les cas de radiculalgies par hernie discale ont été exclus de même que les sténoses avec spondylolisthésis par lyse isthmique. Les variables étudiées étaient l’âge et le sexe, la profession, les signes d’examen clinique, les données de l’imagerie, les résultats chirurgicaux, l’évolution et les complications post opératoires. Le périmètre de marche a été considéré comme pathologique lorsqu’il ne pouvait excéder un (01) km et ce en dehors de toute autre cause pouvant induire une réduction de la distance de marche chez le patient. Le résultat fonctionnel a été évalué sur la base de critères définis dans le tableau 1. Il a été stratifié en quatre niveaux. Chaque pourcentage de guérison a été quantifié en calculant la moyenne des pourcentages des items par catégorie. Le recul minimum de cette étude était de neuf (09) mois. RESULTATS Durant la période d’étude, 434 patients ont été hospitalisés pour une affection rachidienne tout mécanisme confondu dans notre unité de neurochirurgie. Parmi ces patients, 187 ont été opérés pour une sténose du canal lombaire et 178 (41%) ont été retenus. Ces patients se répartissaient en 97 hommes (54,5%) et 81 femmes (45,5%). Ils ont été adressés par un neurologue dans 84 cas (47,2%), un rhumatologue dans 28 cas (15,7%), un médecin généraliste dans 1 cas (0,6%) et dans 65 cas (36,5%) les patients ont été recrutés en consultation neurochirurgicale. L’âge moyen des patients était de 52,36 ± 10,94 ans, le poids moyen de 75 ± 14,41 kg et la taille moyenne de 171 ±9,21 cm avec des extrêmes respectifs de 24 et 84 ans, 51 et 108 kg puis 157 et 185 cm. Parmi ces patients opérés, 133 (74,8%) avaient une occupation ou étaient actifs et un (0,6 %) avaient un antécédent de chirurgie rachidienne. La répartition des occupations des patients a été rapportée dans le tableau 2. La radiculalgie était observée chez tous les patients et une claudication neurogène avec une réduction progressive du périmètre de marche dans 165 cas (92,7%). Cette réduction du périmètre de marche était inférieure à 150 m dans 21cas (11,8%), comprise entre 150 et 500 m dans 96 cas (53,9%) et entre 500m et un kilomètre dans 48 cas (27%) Chez 6 patients (3,4%), un syndrome de la queue de cheval était présent. La répartition des signes cliniques observés chez les patients a été rapportée dans le tableau 3. La durée moyenne d’évolution des signes était de 3,55±2,46 ans avec des extrêmes de 1 et 15 ans. Le diagnostic de sténose du canal lombaire a été posé par la saccoradiculographie dans 28 cas (15,7%), la tomodensitométrie (TDM) lombaire dans 147 cas (82,6%) et l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) dans 3 cas (1,7%). Cette sténose était acquise, d’origine dégénérative chez 144 patients (80,9%), congénitale chez 24 patients (13,5%) et d’origine mixte chez 10 patients (5,6%). Une laminectomie associée à un recalibrage du canal lombaire a été réalisée chez tous les patients. Il s’agissait d’une laminectomie de L4, L5, L3-L4, L4-L5 et L3-L4-L5 dans respectivement 22(12,4%), 5(2,8%), 7 (3,9%), 94(52,8%) et 50 cas (28,1%). La laminectomie a été associée à une dissectomie chez 13 patients (7,3%). Aucune arthrodèse avec fixation rachidienne n’a été réalisée. La durée moyenne d’intervention chirurgicale était de 95,45 ± 17,98 minutes avec des extrêmes de 52 et 154 minutes et la durée moyenne d’hospitalisation était de 11,44 ± 3,57 jours avec des extrêmes de 2 et 30 jours. Aucune complication post opératoire n’a été observée chez 158 (88,8%) patients. Dans 10 cas (5,6%), il est survenu une brèche durale dont 4 avec une fuite de liquide cérébro spinal (LCS). Toutes les brèches durales avec une fuite de LCS ont été réparées. Une suppuration pariétale a été observée en période post opératoire dans 7 cas (3,9%) et toute ont été jugulée par une antibiothérapie adaptée. Une aggravation post opératoire faite d’un syndrome de la queue de cheval a été observée dans 1 cas (0,6%). La mortalité globale était de 1,1% (n=2). Il s’agit d’un cas de défaillance cardiaque survenue en fin d’intervention et d’un cas de mort subite survenue après une phase de réveil anesthésique. Sur la durée de la période de suivi, 19 (10,7%) patients ont été perdus de vue ou n’avaient pas un recul suffisant. L’évolution fonctionnelle en fonction des critères prédéfinis (tableau I) a été rapportée dans le tableau 4. Ces données nous ont permis de considérer les résultats fonctionnels comme excellents, bons, passables et mauvais dans respectivement 32,1%, 52,1%, 10,9% et 4,9% des cas. COMMENTAIRES Plusieurs études africaines et européennes ont été consacrées à la sténose du canal lombaire [3,9,11,18,20]. Dans notre hôpital sous médicalisé et au plateau technique modeste, cette étude nous a permis d’évaluer nos résultats en revisitant les conditions d’admission et de diagnostic des patients. Elle constitue une première au Bénin qui actuellement dispose de trois unités fonctionnelles de neurochirurgie dont deux sont dans des centres hospitaliers au sud du pays. Épidémiologie
La sténose du canal lombaire opérée représentait 41% des affections rachidiennes hospitalisées dans notre unité durant la période de l’étude ; Kabré et al.[17], au Burkina Faso rapportaient une fréquence similaire de 37,7% et Varlet et al.[29], en côte d’Ivoire une fréquence bien plus élevée de 67% mais observée au sein d’une population de patients ayant consulté pour des signes d’appel d’une sténose du canal lombaire. Oniankitan et al.[23], au Togo ont rapporté une fréquence de 5,8% observée au sein de l’ensemble des consultants dans le service de rhumatologie. Les fréquences ainsi rapportées quel que soit le biais méthodologique dénotent que la sténose du canal lombaire est une affection fréquente dans les services concernés en Afrique.
La sténose du canal lombaire considérée comme l’affection de la personne âgée [1,10,18,19] semble de survenue précoce chez le noir africain. Dans notre étude, l’âge moyen des patients était de 52,36 ± 10,94 ans. Cette moyenne d’âge était semblable à celles rapportées dans d’autres études réalisées en Afrique. Ainsi, au Ghana [2], au Togo [23], et au Niger [26], des moyennes d’âge respectives de 51 ans, 52 ans, et 51,47 ans ont été rapportées. D’autres études africaines réalisées au Burkina Faso [17] et au Gabon [21] ont rapporté des âges plus bas (48 ans) tandis qu’au Sénégal [3], l’âge moyen était de 50 ans. Toutes ces moyennes d’âge paraissaient bien inférieures à celles observées dans des séries occidentales qui variaient entre 57 et 63 ans [1, 10, 13,14,18,19,20,22]. Cette constatation a été corroborée par Kalichman et al.[19] qui ont rapporté une nette augmentation de la prévalence de la sténose du canal lombaire avec l’âge dans la population générale en occident.
La prédominance du sexe varie selon les études. Au Sénégal, au Burkina Faso, au Niger les auteurs [3,17,26] ont révélé une prédominance masculine avec des sexes ratio variant entre 2,5 et 3 hommes pour une femme. Dans notre étude comme celle réalisée par Andrews et al.[2] au Ghana il n’existait pas de prédominance de sexe. La prédominance était par contre féminine d’après les études réalisées au Cameroun, en Martinique et au Togo où le sexe ratio variait en 2,4 et 3 femmes pour un homme [9,23,24]. Facteurs Favorisants Toutes les professions étaient concernées dans notre étude (Tableau II). Malgré une prédominance de métiers pénibles (dockers, agriculteurs), il n’a pas été possible dans notre étude d’établir une relation entre la profession et la survenue de la sténose canalaire. Certains auteurs ont en effet, semblé faire le lien avec des professions dites « lourdes » où le rachis lombaire est très sollicité. Cette même théorie a permis à certains auteurs [17,26] d’expliquer la prédominance masculine observée dans leurs études. Quoi qu’il en soit l’impact de facteurs tels que l’âge, le poids, le sexe et la profession dans la survenue des sténoses du canal lombaire chez le noir africain devraient être étudié. Cela permettra de prévenir ou retarder la survenue de cette affection dans la population générale. Clinique La lomboradiculalgie, la claudication neurogène intermittente, les troubles sentivo-moteurs et les troubles génito-sphinctériens (respectivement 93,8%, 92,7%, 51,4%, 57,9%) étaient les signes majeurs observés chez nos patients. Ces signes étaient préoccupants par leur fréquence et leur sévérité. Si certains auteurs [17,19,26] ont incriminé la consultation tardive il faut aussi dire que ces signes sont déterminants dans les indications opératoires d’où cette constance clinique et épidémiologique. Imagerie Médicale L’imagerie médicale constitue la clé du diagnostic de sténose du canal lombaire [5, 14, 18, 24]. La saccoradiculographie (16%) et la TDM lombaire (82%) ont été les examens les plus réalisés chez nos patients. Dans les pays africains où la vulgarisation du scanner commence à être effective, la saccoradiculographie a encore droit de cité. Andrews et al.[2], au Ghana en 2007 et Djientcheu et al.[9], au Cameroun en 2010 ont eu recours à cette exploration pour respectivement 57% et 87% de diagnostic posé. Cet examen suffit au diagnostic de la sténose du canal lombaire [6,18] et est encore pratiqué dans nos services d’imagerie médicale malgré son caractère invasif et parfois pénible pour certains patients. La TDM lombaire et l’IRM quand elles sont faites renseignent davantage sur les éléments constitutifs et étiologiques de cette sténose canalaire [7,16,25]. Résultats Les indications opératoires d’une sténose du canal lombaire sont bien codifiées, et s’assurer d’une bonne corrélation radio clinique est une obligation [8,15,24,30]. Le respect de ces impératifs garantit un bon résultat fonctionnel post opératoire [7]. Lemaire et al.[20], ont toutefois mentionné l’impact du délai de consultation et rapportaient que, dans leur étude une durée d’évolution de plus de deux ans des symptômes influençaient le résultat. Ces résultats dans toutes les séries quel que soit les critères d’appréciation dépassent 70% de satisfactions à court terme. Dans notre étude ils étaient satisfaisants dans 84% des cas. Sur une série de 102 patients opérés et suivis pendant deux ans, Aalto et al.[1], ont fait remarquer que : un âge inférieur à 75 ans, l’absence d’un antécédent de chirurgie spinale lombaire et une bonne prise en charge de la douleur durant la période péri opératoire ont été les facteurs de très bon pronostic et de satisfaction. Notre attitude chirurgicale a été celle adoptée dans la majorité des séries africaines : une large décompression postérieure et surtout latérale du sac dural par laminectomie conventionnelle. Notre choix thérapeutique était basé sur la sévérité des signes d’examen (tableau III) au moment de l’admission des patients et nos possibilités thérapeutiques. Notre préférence pour la dissectomie complémentaire était plus prononcée chez les patients qui avaient une association sténose constitutionnelle et hernie discale. Nos bons résultats chirurgicaux et fonctionnels s’alignent ainsi sur ceux observés dans la littérature internationale malgré nos conditions inégales de pratiques neurochirurgicales. Ces bons résultats viennent conforter ceux rapportés par Weistein et al. [30] attestant que le traitement chirurgical était la meilleure option thérapeutique contre le traitement médical lorsque la sténose est avérée et que la clinique était parlante. Cette satisfaction des patients permet de lever les inquiétudes de ces derniers qui hésitent toujours à se faire opérer dans de délais raisonnables et qui sont souvent admis à un stade très avancé des signes cliniques. Il reste à mentionner le bref recul de toutes ces séries (6 mois à 5 ans). Des cas de récidives ont en effet été rapportés plusieurs années après une laminectomie malgré un très bon résultat fonctionnel observé dans un premier temps [5,24]. La prise en charge chirurgicale en Afrique des sténoses du canal lombaire pourrait évoluer vers des techniques moins abrasives [12,27,28] telle la chirurgie non invasive par voie endoscopique et introduisant le microscope opératoire mais en respectant les indications et le contexte clinique. Les complications opératoires de la sténose du canal lombaire sont connues. Les plus fréquentes restent les brèches durales, les suppurations, les hématomes, les affections thrombo-emboliques et les aggravations post opératoires qui elles, doivent être documentées, [13,24]. Le taux de complication était de 11,2% dans notre étude. Andrews au Ghana [2] rapportait un taux de 15% sur une série de 65 patients tandis que Fu et al.[13], sur une étude multicentrique concernant 10329 patients opérés rapportaient 7% de complications incluant les décès (0,1%). Qu’il s’agisse de brèches durales dont la fréquence était de 5,6% dans notre étude, 5% au Cameroun [8] et 4% au Niger [26] ou de suppurations 3,9% dans notre étude, 4% au Cameroun [8] la fréquence de ces complications peut être réduite avec l’expérience du chirurgien, une instrumentation adaptée et le respect des règles opératoires [1,10,13,15]. Le décès est exceptionnel dans les séries consacrées à la chirurgie de la sténose du canal lombaire [10,13]. Les deux cas observés dans notre étude étaient dus à une défaillance cardio respiratoire survenue dans des circonstances mal élucidée en salle de réveil. Ces décès étaient dû dans la série rapportée par Fu et al.[13], à une défaillance cardiaque ou respiratoire, une embolie pulmonaire ou rarement à une septicémie. Cette situation déplorable ne doit remettre en cause la légitimité chirurgicale des sténoses du canal lombaire. La consultation pré anesthésique et la surveillance de patients en période post opératoire après une anesthésie générale doivent rester rigoureuses. CONCLUSION La prise en charge neurochirurgicale des sténoses du canal lombaire est une activité fréquente à l’unité de neurochirurgie de Parakou. Les résultats tant chirurgicaux que fonctionnels sont satisfaisants et conforment aux données de la littérature. Cette activité pourrait s’enrichir par de nouvelles approches notamment endoscopiques et la possibilité pour les patients de bénéficier d’une ostéosynthèse au besoin. Il faudrait pour ce faire, optimiser le plateau technique, renforcer les moyens humains et diagnostiques. Tableau I : Items d’évaluation des résultats fonctionnels des patients opérés pour une sténose du canal lombaire.
Tableau II: La répartition des patients en fonction de leur occupation.
Tableau III : Distribution des signes cliniques observés chez les 178 patients opérés pour une sténose du canal lombaire.
IC* : Intervalle de confiance à 95% ; ** : Réflexes ostéo tendineux ; *** : Muscles para vertébraux. Tableau IV : Distribution du résultat fonctionnel en fonction des critères d’appréciation.
REFERENCES
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