CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
L’ENREGISTREMENT EEG DE LONGUE DUREE DANS LA SURVEILLANCE DES CONVULSIONS NEONATALES AU CHU DE NANTES (FRANCE)
INTEREST OF A CONTINUOUS EEG MONITORING (CEEG) IN A NEONATOLOGY INTENSIVE CARE UNIT IN NANTES (FRANCE)
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RESUME Introduction Objectif Méthodes Résultats Conclusion Mots clés : EEG Longue Durée, Convulsion, Nouveau-né, Soins intensifs, Surveillance ABSTRACT Introduction Objectif Method Results Conclusion Key words: EEG, Intensive care, Newborn , Seizures. INTRODUCTION Les crises convulsives, pauci symptomatiques ou asymptomatiques sont fréquentes chez les nouveau-nés admis en réanimation néonatale, elles sont favorisées par l’immaturité du système nerveux central (SNC) du nouveau-né [3, 8]. A défaut d’une prise en charge adéquate, les crises néonatales peuvent avoir des conséquences dramatiques sur le développement psychomoteur du nouveau-né [19], en altérant le développement neuronal, en induisant une réorganisation synaptique aberrante et en modifiant la plasticité neuronale [16]. Cette situation particulière justifie une surveillance rigoureuse dans les contextes à risque, en vue d’une prise en charge rapide et efficace de toute situation pouvant compromettre le pronostic à court ou à long terme [15]. C’est pourquoi différents systèmes EEG de monitorage et de surveillance des convulsions néonatale en continu ont été développés. Deux sont essentiellement utilisés : le monitorage EEG de longue durée (EEGLD) et le monitorage d’analyse de l’EEG (Cerebral Function Monitor, CFM) [17]. METHODES Patients Les dossiers de 22 enfants âgés de moins d’un mois, admis dans le service de néonatologie du CHU de Nantes de janvier 2003 à juillet 2006 ont été colligés dans cette étude rétrospective. Pour chacun d’entre eux, les données cliniques incluant le déroulement de la grossesse et de l’accouchement, l’adaptation à la vie extra-utérine pendant les premiers moments de vie, le devenir neurologique à la sortie du service de néonatalogie ont été colligées. Enregistrements EEG Les EEG ont été réalisés au lit de l’enfant dans le service de néonatalogie avec un appareil EEG numérique de marque Nicolet. Le recueil a été effectué à l’aide de 8 électrodes cupules placées sur le scalp selon le montage habituel du laboratoire (FP2-C4, C4-O2, FP2-T4, T4-O2, FP1-C3, C3-O1, FP1-T3, T3-O2) et de 2 électrodes ECG. Du fait des capacités de stockage réduites sur les appareils EEG, le monitorage était réalisé avec un stockage programmé de 5 à 10 minutes toutes les 30 à 40 minutes afin d’étudier l’évolution de l’activité de fond. En cas de crise repérée, un enregistrement continu était effectué. Analyse des tracés L’analyse des EEG a porté sur l’activité de fond et sur la recherche d’anomalies critiques. RESULTATS Les données cliniques et électrophysiologiques sont présentées dans le Tableau I. Il y avait 22 nouveaux nés (11 filles et 11 garçons) d’âge gestationnel moyen de 39 semaines d’aménorrhée (extrême de 36 à 41semaines). Le poids de naissance moyen était de 3130g. L’indice d’Apgar à 5 minutes était en moyenne égal à 7. Sur l’effectif, 16 enfants avaient bénéficié d’une ventilation assistée pendant une durée moyenne de 8 jours (extrêmes de 1 à 21 jours). L’EEGLD a été réalisé en moyenne à J5 mais dans 68% des cas dès le premier jour de vie. Les indications étaient une encéphalopathie anoxo-ischémique (11 enfants), des convulsions néonatales sans notion de souffrance ftale aiguë (8 enfants), des malaises graves non étiquetés (2 enfants) et un état de choc hémodynamique (1 enfant). La durée moyenne des enregistrements était de 533 minutes (extrêmes de 190 à 960 mn). L’analyse du rythme de fond a montré les altérations de type 4 pour 6 enfants. Parmi ces 6 enfants, 5 sont décédés et le dernier avait un examen neurologique de sortie anormal. Le tracé était discontinu de type 3B pour 5 enfants. Chez ces 5 enfants, il y a eu 1 décès, 3 avaient un examen de sortie anormal, un seul avait un examen normal. Le tracé de fond était de type 3A pour 8 patients dont 3 sont décédés, 4 avaient un examen de sortie anormal et un seul avait un examen normal. Le tracé de fond était peu altéré c’est-à-dire de type 2 pour 2 enfants dont l’un est décédé, et l’autre avait un examen de sortie normal. Enfin le tracé était très peu altéré, à la limite de la normale, de type 1 pour un patient, qui avait un examen de sortie normal. 80 crises ont été enregistrées chez 19 patients (86% des enfants), avec plus d’une crise pour 18 d’entre eux. Il s’agissait d’un état de mal dans 3 cas. Pour 49 de ces crises, aucun signe clinique n’a été constaté par le personnel de surveillance. L’ensemble des 8 enfants admis pour suspicion de crises néonatales a eu au moins une crise. Sur les 27 crises enregistrées dans ce groupe, 19 (70%) étaient infracliniques. Sur les 19 enfants ayant eu des crises sur l’ensemble de l’étude, 7 patients ont eu uniquement des crises infra cliniques, un seul a eu uniquement des crises symptomatiques. Enfin, 11 enfants sur 19 ont présenté les deux types de crises. La durée moyenne des crises excepté les états de mal était de 8 minutes. 32 crises (40%) avaient une durée de moins de 2 minutes. Le délai moyen de survenue des crises par rapport au début de l’enregistrement était de 210 minutes (Extrêmes 12-540). Sur 6 enfants ayant reçu une monothérapie antiépileptique par phénobarbital, 3 avaient un examen normal à la sortie, 2 présentaient encore des troubles neurologiques et 1 est décédé. 13 enfants ont reçu une bithérapie par phénytoïne et phénobarbital. Dans ce groupe, 9 sont décédés et 4 avaient un examen neurologique anormal à leur sortie. DISCUSSION Nous avons observé une fréquence élevée des crises, dont la grande majorité est infra clinique, ou de durée brève (32 crises sur 80 enregistrées, soit 40% de l’ensemble des crises, avaient une durée inférieure à 2 minutes.) et risque de passer inaperçues au cours d’un enregistrement standard. Nous avons également montré l’intérêt de prolonger l’enregistrement aussi longtemps que possible afin d’optimiser les chances d’enregistrer une crise, car le délai moyen de survenue de crises au cours de cette étude était de 210 minutes. L’EEGLD demeure donc un outil indispensable dans la surveillance des convulsions néonatales. Cette technique a toute sa place dans les pays en développement où les situations potentiellement pourvoyeuses de convulsions néonatales sont fréquentes [13] et où les convulsions néonatales sont un facteur de risque important de survenue de séquelles neurologiques [10] .Au Nigeria, Ogunlesi et al ont montré d’une part la fréquence des convulsions en milieu pédiatrique, d’autre part, l’intérêt de l’EEG dans le suivi des enfants à risque [13]. Ainsi, dans les situations de souffrance néonatale, l’EEG doit pouvoir contribuer à définir l’activité de fond inter-critique qui est un excellent reflet de la sévérité de la souffrance neurologique, de l’étendue des lésions anatomiques, et du pronostic neurologique ; à confirmer la présence de crises convulsives électriques associées ou non à des manifestations cliniques ; à détecter une activité paroxystique chez les nouveau-nés soumis à une forte neurosédation et/ou curarisés ; à vérifier l’efficacité des médicaments anti-convulsivants [18].Dans un travail récent réalisé en 2009, portant sur l’évaluation de 137 professionnels de santé dans le diagnostic des crises néonatales, Malone et al montrèrent le rôle incontournable de l’EEG dans le diagnostic et le traitement des convulsions néonatales [11]. Si l’intérêt d’une surveillance de l’activité EEG paraît évident, les techniques utilisées restent discutées, opposant l’EEG conventionnel à des méthodes d’analyse du signal dont la plus connue dans cette indication est le Cerebral Function Monitoring (CFM). Mona et al [12] ont comparé ces deux techniques et ont relevé des inconvénients majeurs pouvant limiter la sensibilité du CFM par rapport à l’EEGLD. Il s’agit de l’utilisation des filtres passe-bas à 2 Hz, qui comporte le risque d’ignorer des décharges paroxystiques de basse fréquence (1 Hz ou moins) qui sont fréquentes chez le nouveau-né, de la détection limitée de l’activité électrique ne provenant que d’un seul canal représentatif de l’ensemble du cortex empêchant ainsi l’individualisation de l’activité régionale ; et de l’impossibilité de réaliser une comparaison inter hémisphérique. Pour évaluer l’intérêt pronostique de l’EEG de longue durée au cours des convulsions néonatales, Domenech-Martinez et al ont fait une analyse rétrospective des tracés EEG de 74 enfants hospitalisés pour des crises néonatales : 74 à 100% des patients qui avaient un tracé modérément ou sévèrement altéré ont eu une évolution défavorable, alors que 15% des patients qui avaient un tracé de fond normal ou très peu altéré sont sortis sans séquelle [6]. En outre, dans les situations de souffrance périnatale avec atteinte encéphalique, l’incidence de survenue de crises convulsives est grande et varie selon les auteurs de 20 à 80% [4, 3]. Dans notre étude, la proportion relativement élevée de patients ayant eu des crises s’explique en partie par le profil de nos patients qui présentaient une susceptibilité d’emblée très importante à faire des crises. Nos résultats sont cependant concordants avec les données de la littérature sur la fréquence des crises en général et celle des crises infracliniques en particulier [4, 9]. Il convient cependant de relativiser la notion de crise infraclinique en réanimation pédiatrique, car certaines manifestations électriques peuvent s’accompagner de manifestations cliniques très discrètes. Ainsi est née la notion de convulsions frustes, ou « subtle seizures » qui sont définies comme étant des manifestations cliniques d’allure critique, aussi bien motrices, comportementales que végétatives, et qui ne sont pas cloniques, toniques ou myocloniques [9, 20]. Toutes ces raisons justifient un enregistrement EEG-Vidéo qui peut être informatif dans ce contexte [16]. Le fait que certaines crises d’allure convulsive ne s’accompagnent pas de manifestations paroxystiques à l’EEG, pourrait être partiellement expliqué par l’origine sous-corticale (régions limbiques, tronc cérébral), des décharges électriques hyper synchrones, qui ne sont pas détectées par l’EEG de surface [21]. Nous avons constaté dans notre population un taux de mortalité élevé, surtout chez les patients dont l’état a nécessité une bithérapie par phénobarbital et phénytoïne. La taille de notre échantillon relativement petite, et le profil clinique des patients ne nous permet pas de tirer une conclusion pertinente sur la part réelle du traitement dans le pronostic. Cependant, nos résultats sont concordants avec certaines données de la littérature. Il faut signaler que très peu d’études ayant un niveau de preuve suffisant ont été consacrées aux molécules actuellement utilisées dans la prise en charge des crises néonatales [1]. CONCLUSION Malgré le développement des techniques d’explorations fonctionnelles du système nerveux de plus en plus sophistiquées, L’EEGLD, reste une technique privilégiée dans la détection et la surveillance des convulsions néonatales suspectées ou avérées car elle permet une surveillance précoce plus précise continue et prolongée. Les résultats de cette étude posent le problème de la pertinence de développer cette technique dans les pays du tiers monde et en Afrique en particulier Tableau I : Données cliniques et électrophysiologiques
Abréviations : AG : âge gestationnel ; PN : poids de naissance ; G : Gardénal (phénobarbital) ; D : Dilantin (Phenitoïne) ; SFA : souffrance ftale aiguë ; Durée EEG : durée de l’enregistrement ; C : Crise ; DCD décès ; N : examen de sortie normal ; A : examen de sortie anormal ; TTT : traitement BIBLIOGRAPHIE
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