CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
LES PLAIES CRANIO-ENCEPHALIQUES : ASPECTS EPIDEMIO-CLINIQUES ET THERAPEUTIQUES A DAKAR (SENEGAL)
CRANIO-ENCEPHALIC WOUNDS: EPIDEMIOLOGICAL, CLINICAL AND THERAPEUTIC ASPECTS IN DAKAR (SENEGAL)
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RESUME Objectif Introduction Malades et méthodes Résultats Conclusion Mots clefs : Plaies crânio-encéphaliques, Sénégal, traitement ABSTRACT Objective Introduction Patients and methods Results Conclusion Keywords: Cranio-encephalic wounds, Senegal, treatment INTRODUCTION Les plaies crânio-encéphaliques résultent de la mise en communications des structures encéphaliques avec le milieu ambiant par la présence d’une solution de continuité allant du cuir chevelu à la dure mère au moins. PATIENTS ET METHODES Il s’agissait d’une étude rétrospective allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 portant sur 16 dossiers de patients ayant présenté une plaie crânio-cérébrale et pris en charge à l’hôpital principal de Dakar. Les patients avaient fait l’objet d’un examen clinique à l’admission, d’une exploration radiographique du crâne et du rachis cervical et d’une tomodensitométrie crânio-encéphalique. Le diagnostic de plaie crânio-cérébrale a été confirmé à l’intervention chirurgicale par la mise en évidence du franchissement dural par l’agent vulnérant. Les fractures de la base du crâne ont été exclues. Les patients ont fait l’objet d’une évaluation clinique après la chirurgie. RESULTATS Du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 nous avions reçu 268 cas de traumatisme crânien qui ont nécessité une hospitalisation d’au moins 24 heures dont 16 (5,97 %) avaient une plaie crânio-cérébrale. La moyenne d’âge était de 33 ans ± 18,46 voir (figure 1 ) avec un sex ratio de 4,33. Les accidents de la circulation représentaient la moitié (huit cas) des circonstances de survenue (cf tableau I). Le délai moyen d’évacuation était de 35 ± 40 heures. Tous les patients ont été évacués par voie terrestre : sapeurs pompiers (2 patients), véhicules individuels (10 patients), taxis (4 patients). A l’admission, trois patients avaient une hypotension artérielle et une hypoxie ayant nécessité des mesures de réanimation. Les résultats de l’examen physique ont été présentés dans le tableau II. Ces lésions étaient survenues dans un contexte de polytraumatisme chez un patient. Elles étaient associées à une fracture du tibia dans un cas et à une fracture stable de la vertèbre C2 dans un autre cas. L’exploration radiologique surtout scannographique montrait diverses lésions dont 13 de type contusionnelles (tableau III et figure 2) siégeant en divers endroits de la voute crânienne (tableau IV). La fermeture durale s’était effectuée avec une greffe autologue prélevé au niveau de l’épicrâne (figure 4b) ou de l’aponévrose du muscle temporal. La fermeture durale a été étanche chez 14 patients et incomplète chez deux patients. Le volet a pu être fixé. Le volet osseux a été reposé et fixé en une pièce ou reconstitué à partir des fragments (figure 4c) chez six patients tandis que dix patients ayant fait l’objet de craniectomie à os perdu ont fait l’objet de crânioplastie à distance La durée moyenne d’hospitalisation de nos patients était de 18 jours. Le tableau V résume l’évolution suivant le « Glasgow outcome scale : GOS » sur une période de six à 24 mois. Quatre patients avaient gardé un déficit hémi corporel dont deux cas d’hémiparésie. Un patient avait des troubles de la mémoire associé à des crises épileptiques. Deux patients ont été perdus de vue. DISCUSSION Les plaies crânioencéphaliques représenteraient entre trois et huit pour cent des traumatismes crânioencéphaliques [12,15,16,] confortant les 5,6% de notre série. La nette prédominance masculine (sex-ratio de 4,33) s’expliquerait par une exposition plus marquée des hommes aux circonstances de survenue dominées dans nos pays pauvres, aux routes défectueuses et au parc automobile vétuste, par les accidents de la circulation [16]. Les agressions représentaient la deuxième cause. Elles survenaient pour trois cas sur quatre en zone rurale (conflits entre agriculteurs et pasteurs). Aussi cette confrontation expliquerait également le siège frontal des lésions. Un de nos patients a eu une plaie pénétrante occipitale par arme à feu. Ces plaies par projectile sont classées par ICZI [7] en plaies tangentielles, pénétrantes et perforantes. Ces dernières accuseraient plus de mortalité que les autres surtout dans les trajets transversaux (83% de mortalité) comparé aux trajets antéropostérieurs (25% de mortalité). En cas de plaie perforante, la notion de croisement de la ligne médiane semble être corrélée à une plus grande mortalité. La position postéro-inférieure dans la boite crânienne procure au cervelet une certaine protection et justifierait la rareté des plaies de cet organe. Ainsi un seul cas par chute d’un arbre en élagage avec incrustation de la vis de son sécateur dans le lobe cérébelleux droit, a été rapporté dans notre série avec un tableau asymptomatique. Toutefois les lésions de cette fosse postérieure touchant le tronc cérébral seraient génératrices d’une mortalité entre 80 et 100% [4,17] justifiant la rareté des cas vus à l’hôpital. L’évaluation clinique initiale des patients en cas de traumatisme crânien permet de définir des facteurs prédictifs pronostiques et une stratégie thérapeutique. Elle débute par la recherche et l’évaluation des détresses vitales respiratoire et circulatoire qu’il faut corriger avant d’évaluer la détresse neurologique dont elles peuvent être la cause. Le score de Glasgow à l’admission serait corrélé au taux de mortalité [5,10]. Ainsi 98% des patients avec un score de Glasgow ≤ 8 décèderaient (un seul de nos patients avec un GCS à 8 décédera par la suite) tandis que 91% de ceux qui avaient un score de Glasgow > 8 survivraient (treize cas de notre série) [5,10]. Dans les plaies crânio-encéphaliques, l’énergie traumatisante est en grande partie absorbée au point d’impact par le cuir chevelu et le crâne ce qui provoque des fractures et limite la diffusion de cet énergie dans le parenchyme cérébral ce qui atténuerait l’intensité des troubles de la conscience [11,15]. La faiblesse du taux de déficit focal neurologique dans notre série pourrait être expliquée par la prédominance des lésions frontales. Ces lésions hormis un cas de poly traumatisme étaient isolées malgré la fréquence des accidents de la circulation et contrairement à la série marocaine de Sami [15]. La radiographie du crâne de face et profil est d’une grande utilité pour préciser la topographie et la taille de corps étrangers surtout métalliques (projectile par arme à feu : figure 3B). Toutefois, le scanner X cérébral demeure l’examen de première intension surtout à la phase précoce des traumatismes crânio-encéphaliques. Il a considérablement modifié l’approche diagnostique des lésions et a permis aux neurochirurgiens d’affiner leur stratégie thérapeutique. Outre les fractures et embarrures elle peut objectiver plusieurs lésions isolées ou en association. La contusion cérébrale était la lésion la plus fréquente suivit de l’hémorragie méningée chez nos patients. La pneumencéphalie témoigne d’une brèche ostéo-durale. Le scanner permet d’établir également un pronostic et de guider la réanimation. Le taux de survie serait significativement meilleur chez les patients ayant une atteinte unilobaire [17] par rapport aux atteintes multilobaires. Les traumatismes unilatéraux multiples auraient un moins bon pronostic que les traumatismes concernant un seul lobe [9,10]. La mortalité serait également liée aux caractères bi-hémisphériques des lésions à l’exception des traumatismes bipolaires (bi-frontaux et bi-occipitaux notamment) [5,18]. L’atteinte ventriculaire aurait également un pronostic péjoratif [4,5]. L’angiographie est recommandée lorsqu’on suspecte une lésion vasculaire : en cas d’atteinte de la vallée sylvienne, du sinus caverneux, de la carotide interne ou d’un sinus veineux. Le traitement médical, précédant toujours la chirurgie, est centré sur la réanimation et la prévention de l’infection : sérovaccination antitétanique, antibioprophylaxie probabiliste visant en premier lieu le staphylocoque (association céphalosporine de 3ème génération, d’aminosides et d’imidazolés). Rappelons qu’avant l’ère des antibiotiques, le taux d’infection des plaies crânio-cérébrales était de 58,8% avec un taux de mortalité par infection de 83 % durant la première guerre mondiale [6]. Au cours de la deuxième guerre mondiale, l’application locale de poudre de sulfate et injection de sulfonamide avaient permis d’avoir une réduction de la mortalité autour de 21% à 31%. Quand la pénicilline a été introduite dans le traitement ce taux était descendu alors de 5,7% à 13%. De nos jours, plusieurs molécules sont utilisées en prophylaxie permettant d’avoir un taux d’infection entre 4% et 11% et réduisant le risque d’abcès cérébral de 8,5% durant la deuxième guerre mondiale à 1,6% à 3,1% dans des séries récentes [1,13,14]. L’utilisation de molécules à large spectre est alors recommandée. Tous nos patients avaient bénéficié d’une antibiothérapie à base d’amoxicilline + acide clavulanique. La sérothérapie antitétanique doit être systématique en cas de doute sur le statut vaccinal du patient (situation fréquente en Afrique. L’absence de consensus sur la systématisation d’emblée du traitement anticonvulsivant a fait que nous ne l’avions mis en uvre que chez sept de nos patient ayant eu des crises convulsives. Cependant, eu égard au risque élevé de comitialité en cas de corps étranger intracrânien surtout métallique, il conviendrait ici de mettre en route très tôt ce traitement anti-comitial. L’importance du délai d’intervention a été soulignée pour la première fois par Cushing [6] et Jefferson [8] ; ils avaient insisté sur l’importance d’une intervention précoce pour prévenir la septicémie. L’intervention doit obéir aux règles d’asepsie rigoureuses de la chirurgie encéphalique. L’intervention comprend plusieurs temps : Le temps cérébral consiste à l’ablation des foyers contus, dilacérés et nécrosés. Il se fait de la périphérie vers la profondeur, avec au fur et à mesure une hémostase des vaisseaux. Le débridement doit être prudent pour minimiser les lésions cérébrales. En cas de plaie par balle seuls les corps étrangers accessibles seront enlevés (le cas chez un de nos patients). Pour ce temps encéphalique, l’irrigation au sérum physiologique tiède suffira pour enlever les tissus mortifiés. La duroplastie constitue le temps essentiel du traitement des plaies crânio-cérébrales. Il s’agit d’une fermeture étanche de l’ouverture durale. Abbe en utilisant du caoutchouc et Beach en utilisant des feuilles d’or furent les premiers à combler des pertes de substance dure-mériennes [3]. Par la suite, l’utilisation de substituts autologues s’est généralisée (fascia lata, galéa). Les dure-mères synthétiques utilisées actuellement développés malgré sont d’un coût élevés pour beaucoup de nos unités de neurochirurgie en Afrique. De ce fait l’utilisation des substituts autologues offre d’excellents résultats dans nos conditions de pratique. il faut en prélever une surface suffisante pour éviter une tension de la plastie. CONCLUSION Les plaies crânio-encéphaliques constituent une entité neuro-traumatique assez fréquente dont la principale complication est l’infection méningée. Une prise en charge précoce avec parage et antibioprophylaxie permettraient d’obtenir des résultats satisfaisants dans le contexte africain. Tableau I : Répartition des patients selon les caractéristiques de l’accident du traumatisme.
Tableau II : Répartition des patients suivant les signes neurologiques.
Tableau III : Répartition de la population suivant les types de lésions cérébrales
Tableau IV : Répartition des patients suivant le siège des lésions
Tableau V : Répartition des patients suivant leur devenir post-opératoire. (GOS)
REFERENCES
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