ORIGINAL PAPERS / ARTICLES ORIGINAUX
L’IMPACT DES CONCEPTIONS SOCIOCULTURELLES ET ANTHROPOLOGIQUES DU PEUPLE BAOULE NANAFOUE DU GROUPE AKAN DE COTE D’IVOIRE SUR LE PROCESSUS DE PRISE EN CHARGE MEDICALE MODERNE ET REEDUCATIVE DE L’HEMIPLEGIE VASCULAIRE
THE IMPACT OF THE SOCIOCULTURAL AND ANTHROPOLOGICAL CONCEPTIONS OF THE NANAFOUÈ PEOPLE BAOULÉ OF THE GROUP AKAN OF IVORY COAST ON THE PROCESS OF MODERN MEDICAL COVERAGE AND REHABILITATION OF THE UNILATERAL STROKE
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RESUME Objectifs Méthodes Résultats Elle était composée en majorité par des analphabètes dans 72,8% des patients hémiplégiques, 63,72 % des aidants et 70 % des tradithérapeutes. Selon la population de l’étude, le handicap moteur dû à l’hémiplégie était curable dans 64,5 % des cas et pouvait entraîner le décès du patient dans 60,7 % des cas. Le diagnostic et la prise en charge initiale étaient faits à l’hôpital (68%) ; ensuite, 86 % des hémiplégiques avaient recours à la tradithérapie. La prise en charge de la tradithérapie s’était résumée à la phytothérapie associée à des massages et des incantations (60%) avec l’existence d’interdits dans 100% des cas pour la majorité alimentaire (80 %). Conclusion Mots-clés : Hémiplégie, handicap moteur, approche anthropologique, conception métaphysique. SUMMARY Objectives Methods A total of 22 patients, 102 disability personals assistance and 10 traditional practitioners were selected. Results Conclusion INTRODUCTION L’hémiplégie vasculaire représente un syndrome constitué par la perte plus ou moins complète de la motilité volontaire dans un hémicorps. [9] Ce syndrome découlant d’un accident vasculaire cérébral constitue un véritable problème de santé publique en Afrique subsaharienne en termes de fréquence selon les données hospitalières et responsable de lourd handicap [18, 6]. Le nombre de patients souffrant de ce handicap est en augmentation dans notre pratique. Elles représentent la première cause des consultations des personnes vues dans le service de Médecine Physique et de Réadaptation à Abidjan [3] Sa prise en charge demeure difficile en Afrique [13] et surtout dans notre contexte et le coût direct global des séances de rééducation des personnes atteintes d’hémiplégie varie entre 105.7 et 251.75 euros avec un coût moyen direct par personne de 184.97 euros sur une durée moyenne de 6 mois. [1] Au plan clinique, l’hémiplégie associe des désordres moteurs, réflexes, sensitivo-sensoriels et cognitifs sources de handicap sous un mode chronique est diversement perçue par les populations en fonction de leur environnement socioculturel. [4] Selon une étude épidémiologique réalisée en Côte d’Ivoire sur les AVC, les akans représenteraient 63,4% des malades hémiplégiques [7, 8]. Il s’agit par conséquent d’un peuple exposé à ce problème de handicap. Notre étude s’était donc intéressé à ce sous groupe akan, les baoulés Nanafoè, peuple du centre de la Côte d’Ivoire. MATERIELS ET METHODES Il s’agissait d’une étude transversale à visée descriptive qui s’était déroulée au cours de la période d’août à décembre 2008 dans 16 villages baoulé « nanafoè » de la sous-préfecture d’Attiégouakro, située dans le district de Yamoussoukro capitale politique de la Côte d’Ivoire (Fig.1). Ont été inclus dans cette étude les patients ayant un déficit moteur hémicorporel de cause vasculaire confirmée au scanner crânio-encéphalique et/ou de survenue brutale ; ensuite des aidants adultes vivant quotidiennement avec le malade hémiplégique et des tradipraticiens ayant séjourné depuis plusieurs années dans la région et reconnus par les villageois comme des guérisseurs compétents. Sur la base de ces critères, 22 patients, 10 tradipraticiens et 102 aidants sélectionnés ont été soumis à un questionnaire structuré permettant à la population de l’étude selon sa conception culturelle de la maladie de définir l’hémiplégie, de préciser le type de traitement reçu par le patient ; d’apprécier son niveau de handicap au moment de l’enquête grâce à l’indice de Barthel modifié à la compréhension de la population de l’étude et d’en juger l’évolution. La présentation des données et leur analyse ont été faites à l’aide du logiciel épi info 2000. Les variables qualitatives ont été décrites à l’aide des pourcentages, les variables quantitatives à l’aide des moyennes et écart-types. RESULTATS Caracteristiques Epidemiologiques Définition, Origine, Causes Socioculturelles de l’Hémiplégie et Choix Thérapeutique 86% des patients ont opté exclusivement pour la médecine traditionnelle après la prise en charge médicale initiale. Etat des Patients après Traitement Traditionnel Cinquante-six sujets de l’entourage (soit 54,6% des cas) avaient estimé que l’évolution de l’état clinique du patient était favorable après la tradithérapie. Mais au terme de l’enquête 80 % des patients avaient besoin d’une aide de tierce personne pour les activités de la vie quotidienne. COMMENTAIRE La prédominance des personnes du troisième âge chez les patients hémiplégiques de notre étude contrairement à ce qui est observé en Afrique [19], pourrait trouver son explication du fait qu’une grande partie de la population jeune active des villages baoulé et singulièrement ceux des nanafoè ont migré vers les terres plus fertiles dans l’Ouest forestier de la Côte d’Ivoire. [5] Cet âge avancé de la majorité des patients et des tradipraticiens a des conséquences sur la vie socio-politique et même culturelle de ces villages. En effet, ces personnes relativement âgées se trouvent au sommet de la hiérarchie sociale c’est-à-dire la classe dirigeante du village. [10] L’hémiplégie aura donc un impact indirect négatif sur l’administration traditionnelle des villages à cause du handicap physique et psychologiques qu’elle occasionne. Ce handicap pourrait être à l’origine de la marginalisation de ces patients [14]. Ces sujets, quoique capables de gérer les affaires administratives, ne pourront accéder à un poste de responsabilité. Le taux élevé d’analphabétisme de cette population rurale était lié au faible taux global de scolarisation de la population ivoirienne et l’analphabétisme a inéluctablement un impact sur la perception de la maladie et de son handicap selon le psychiatre et psychanalyste Yves Prigent [17]. En effet pour lui, « la confusion de l’analphabète ou de l’ignorant est d’autant plus grande quand il ne trouve pas d’explication ou qu’il pense qu’il est coupable, ou encore qu’il se croît envoûté par un ennemi inconnu ». Cette explication subjective repose sur des conceptions religieuses, culturelles et même parfois personnelles. C’est ce qui pourrait expliquer cette conception beaucoup plus métaphysique que rationnelle que cette population baoulé “nanafoè“ avait pour l’hémiplégie. Ainsi, transgresser une loi divine ou établie par l’homme, ou le non-respect d’un interdit expliquerait la survenue de l’hémiplégie. L’approche étiologique généralement dictée par une préoccupation métaphysique, elle-même induite dans un contexte lignager où les ancêtres, les sorciers ou les ennemis seraient responsables de la maladie. [16] L’hémiplégie a été désignée sous le vocable « Djêwê » par plus de 80% de l’ensemble de la population de l’étude. Le nom vernaculaire de l’hémiplégie montre la gravité de la maladie qu’elle exprime, car la traduction littérale de ce vocable désigne une maladie qui brise, écrase le corps et qui handicape lourdement le malade. En plus si la cause de l’hémiplégie était d’origine métaphysique, seul un soignant pétrit d’expériences pour la conjuration des sorts et à qui les « esprits » exauçaient aisément pouvait traiter ce mal [2]. Il est donc évidant que le poids des conceptions ancestrales aient eu raison du choix thérapeutique de nos patients avec une confiance totale à la tradithérapie à plus de 80% abandonnant ainsi les soins médicaux et rééducatifs de la médecine moderne. Ils vouaient une confiance quasi absolue aux guérisseurs traditionnels qu’ils craignaient parfois. Ces derniers étaient considérés, à ce titre, comme seuls capables de guérir complètement le mal car ultimes détenteurs du savoir leur permettant de définir les critères du normal et du pathologique [11, 12,15]. Mais une confusion demeurait au sein des patients et des aidants qui semblaient ne pas savoir lequel du traitement moderne ou traditionnel serait le plus efficace compte tenu de la persistance du handicap malgré la tradithérapie. Cette confusion était renforcée par le caractère informel de la corporation des tradipraticiens. Car souvent certaines personnes pouvaient s’attribuer le titre de guérisseur. Chacun travaillant pour son compte en instituant des interdits variant selon le soignant dont le non respect serait étroitement lié à l’efficacité du traitement. Pour ces tradipraticiens, l’évolution stationnaire du handicap secondaire au déficit hemicorporel serait due à la transgression de ces interdits ou la non miséricorde accordée par les esprits malgré des sacrifices expiatoires. Fort heureusement, ces patients bénéficiaient auprès des siens d’une assistance soutenue eue égard à la grande sociabilité des peuples africains et singulièrement le baoulé : « on ne peut difficilement laisser un malade seul ; le groupe équivaut au meilleur des médicaments ». [5] CONCLUSION Le poids des croyances ancestraux des peuples baoulé nanafouè ont contribué à un fort taux d’abandon des thérapeutiques modernes initiales avec recours quasi exclusif de la tradithérapie par la grande majorité des patients. La mise en route d’une politique d’information, d’éducation et de communication des tradipraticiens et des populations, la formation d’agents spécialisés peuvent contribuer à améliorer les stratégies de prise en charge de l’hémiplégie en milieu rural en Côte d’ Ivoire. Tableau I : Répartition de la population de l’étude selon le niveau de scolarisation
TABLEAU II : Répartition de la population de l’étude selon le vocable de l’hémiplégie
TABLEAU III : Répartition de la population de l’étude selon la cause de l’hémiplégie
TABLEAU IV : Répartition des patients et de l’entourage selon leur confiance en l’efficacité d’un type de traitement
REFERENCES
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