CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
L’INFECTION A VIRUS DE L’IMMUNODEFICIENCE HUMAINE (VIH), FACTEUR PREDICTIF DE GRAVITE ET DE MORTALITE DES ACCIDENTS VASCULAIRES CEREBRAUX AU CENTRE NATIONAL HOSPITALIER ET UNIVERSITAIRE-HUBERT KOUTOUKOU MAGA (CNHU-HKM) DE COTONOU, BENIN
HUMAN IMMUNODEFICIENCY VIRUS INFECTION (HIV), STROKE SEVERITY AND MORTALITY PREDICTIVE INDICATOR IN CENTRE NATIONAL HOSPITALIER ET UNIVERSITAIRE-HUBERT KOUTOUKOU MAGA (CNHU-HKM) COTONOU, BENIN
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RESUME Introduction Objectif Méthode Résultats Conclusion Mots clés : AVC, VIH, gravité, mortalité, Bénin ABSTRACT Introduction Objectives Method Outcome Conclusion Keys words: Stroke, HIV, AVC, severity, mortality, Benin INTRODUCTION La relation entre l’infection à VIH et les Accidents vasculaires cérébraux est de plus en plus étudiée et documentée dans la littérature, plus particulièrement chez les sujets de moins de 50 ans [5, 19, 22]. Si le neurotropisme du VIH est connu et largement décrit dans la littérature [8, 17], la survenue de lésions vasculaires au cours de l’infection à VIH n’est pas exceptionnelle et la maladie cérébro-vasculaire pourrait en être une expression clinique [5, 11]. En Afrique sub-saharienne, la pandémie du VIH/SIDA demeure un problème majeur de santé publique [15, 25], et peu d’études se sont intéressées à la pathologie neurovasculaire chez les patients VIH positif [20, 14] Au Bénin, la prévalence de l’infection à VIH est de 1,2% en population générale [1]. Dans un contexte où les Accidents Vasculaires Cérébraux (AVC) constituent 30 à 37% des hospitalisations dans les services de neurologie en Afrique sub-saharienne [12, 13] et la première cause d’hospitalisation dans le service de Neurologie du Centre National Hospitalier et Universitaire Hubert Koutoukou Maga (CNHU-HKM) de Cotonou [9], il était utile de mener cette étude afin de déterminer la séroprévalence hospitalière du VIH chez les patients ayant présenté un AVC et de comparer ses caractéristiques entre les personnes infectées par le VIH et celles qui ne le sont pas. PATIENTS ET METHODE Il s’agissait d’une étude transversale prospective à visée descriptive et analytique qui s’est déroulée au Centre National Hospitalier et Universitaire-Hubert Koutoukou Maga de Cotonou de Janvier 2008 à Décembre 2011. Elle a concerné 432 sujets tous hétérosexuels, atteints d’accident vasculaire cérébral (AVC), hospitalisés dans le service de neurologie pendant la période d’étude. Le diagnostic d’AVC a été retenu sur la base de l’installation brutale des signes neurologiques de focalisation et la confirmation par une tomodensitométrie (TDM) cérébrale sans injection. L’AVC ischémique (AVCI) est retenu lorsque la TDM est normale ou montre une lésion hypodense respectant un territoire artériel. L’AVC hémorragique (AVCH) était retenu lorsque la TDM cérébrale objectivait une lésion hyperdense à type d’hématome intra-parenchymateux. Etaient inclus dans cette étude, les sujets présentant un AVC et ayant accepté de bénéficier d’une sérologie VIH. Une fiche d’enquête a servi de base au recueil des données. Les variables étaient : – sociodémographiques : l’âge, le sexe, la profession (actif, inactif) le niveau d’instruction (non instruit, primaire, secondaire, universitaire), le statut marital (célibataire, marié/concubinage, veuf) et le niveau socioéconomique (faible, moyen, élevé). Analyse statistique Le dépouillement des cas d’AVC a permis de constituer deux groupes. Le groupe des sujets AVC infectés par le VIH (AVCVIH+) et le groupe des sujets AVC non infectés par le VIH (AVCVIH-). Le traitement et l’analyse des données étaient effectués à l’aide du logiciel Epi-info version 3.1. Les comparaisons de fréquences à l’aide du test de chi-2 ou le test exact de Fischer selon le cas. Pour ces tests un p<0,05 est considéré comme statistiquement significatif. Considération éthique Un consentement libre et éclairé des patients a été obtenu. Pour les patients aphasiques ou en coma qui étaient mariés, nous avons eu recours aux conjoints pour obtenir le consentement. Par contre, pour les aphasiques ou comateux vivant seuls, le consentement d’un parent proche était obtenu. RESULTATS Pendant la période d’étude, 432 patients ayant présenté un AVC, avaient bénéficié d’une sérologie HIV. 113 (26,1%) étaient séropositifs pour le VIH et 319 (73,9%) séronégatifs. Ils étaient âgés de 44±12,6ans. Il y avait 51% d’homme contre 49% de femmes. 26,4% des patients n’étaient pas instruits ; 46,8% avaient un niveau socio-économique faible et 75,% étaient mariés ou vivaient en concubinage. La comparaison des deux groupes (AVCVIH+ et AVCVIH-) montre une différence statistiquement significative pour le niveau d’instruction (p=0,01) et le niveau socio-économique (p=0,001). Le tableau n°1 compare les données sociodémographiques entre les patients AVCVIH+ et AVCVIH-. L’HTA (p=0,123) et le diabète (p=0,231) prédominent dans les deux groupes sans qu’il n’y ait de différence statistiquement significative. L’AVC était plus grave à l’admission (NIHSS>13 dans 71,7% des cas) chez les AVCVIH+ que chez les AVCVIH- (NIHSS>13 dans 32,6% des cas) p=0,001. L’AVCI était plus fréquent chez les AVCVIH+ (67,3%) p=0,02. Les patients VIH+ étaient fortement immunodéprimés avec la numération CD4 à 119±36/mm3. Le risque pour un sujet VIH+ de faire un AVC est multiplié par 2,3 (RR=2,3) que lorsqu’il est VIH-. Le tableau n°2 résume ces données. Sur le plan évolutif, la mortalité à J30 était plus importante dans le groupe AVCVIH+ (23,1%) que dans le groupe AVC VIH- (10,5%) ; p=0,007. A l’admission, le score NIHSS médian était à 19 dans le groupe AVCVIH-. A J30, il était passé à 4, le seuil de gravité étant franchi à J10. Par contre, dans le groupe des AVCVIH+, le score NIHSS médian était à 21 à l’admission et à 14 un mois après. L’évolution des scores NIHSS entre les deux groupes de J1 à J30 est rapportée sur la figure n°1, p<0.01. Les pneumopathies (47,8%, p=0,002), la septicémie (24,0%, p=0,002) et l'embolie pulmonaire (6,2%, p=0,03) étaient les complications plus fréquentes chez les patients AVCVIH+ que les AVCVIH. Le tableau n°3 compare les différentes complications survenues en cours d'hospitalisation entre les deux groupes. DISCUSSION La séroprévalence de l’infection à VIH chez les patients atteints d’AVC dans le service de Neurologie du CNHU-HKM de Cotonou est de 26,1%. Cette prévalence est proche de celle rapportée par Qureshi et al qui dans leur série de 113 patients ont retrouvé une prévalence de 22% [21]. Au Malawi où la prévalence du VIH en population générale est de 12%, Heikinheimo et al rapportent une prévalence plus élevée à 34% chez les patients hospitalisés pour AVC [10]. Dans les études réalisées au sein des populations VIH positif, la prévalence varie de 6 à 34% [6, 22]. Ces prévalences sont nettement au dessus de la prévalence nationale en population générale au Bénin qui est de 1,2% [1]. Chow et al (2012) rapportent un risque plus élevé de survenue d’AVC chez les VIH+ par rapport aux VIH-, avec un OR : 1,40 (IC 95% :1,17-1,69) et p<0,001[4]. Aucun des patients séropositifs ne connaissait son statut sérologique avant la survenue de l'AVC. L'AVC a donc été la circonstance de découverte de la séropositivité et pose ainsi le problème de l'efficacité des différentes campagnes de sensibilisation des populations sur la pandémie du VIH. Pourtant chaque année, l'OMS à travers ses organes décentralisés, consacre plusieurs millions de dollars dans les campagnes de sensibilisation, notamment l'information, l'éduction, la communication et le dépistage sur le VIH Par contre, dans la série de Strobell et al, l'infection à VIH est connue avant la survenue de l'AVC six fois sur huit avec une durée moyenne d'évolution de 42±34 mois [23]. La prédominance masculine observée chez les patients AVC VIH+ dans cette étude (51,3%) comme dans la plupart des études hospitalière en Afrique subsaharienne [13, 10], pourrait être due au plus fort taux d'instruction des hommes et leur plus fort pouvoir économique qui font qu'ils fréquentent plus les centres hospitaliers. Certaines études cependant ne rapportent pas de différence significative [14, 21]. L'âge moyen de la population était de 44 ans. Nos résultats corroborent les données de la littérature [22]. Il s'agit d'une population jeune sexuellement active qui dans un contexte de pauvreté, de non instruction, se trouve fortement exposé au VIH [7]. La comparaison entre les deux groupes ne montre pas de différence pour ce qui concerne l'âge, le sexe, la profession et le statut marital. Les deux groupes AVCVIH+ et AVCVIH- sont donc homogènes et proviennent d'une même population et les comparaisons peuvent se faire aisément. Les patients AVCVIH+ ont un pouvoir économique plus faible que ceux du groupe AVCVIH-, ce qui corrobore les résultats de la plupart des études qui ont montré que la pauvreté est associée à la contamination par le VIH [3, 16]. Sur le plan clinique, aucune différence n'est observée sur les facteurs de risque cardio-vasculaires et l'HTA à l'admission. Nos résultats diffèrent de ceux de Qureshi et al (1997) [21] qui trouvent une différence significative pour l'HTA avec respectivement un p<0,001 et p<0,0001. En revanche, le score NIHSS à l'admission est plus élevé chez les AVCVIH+ que les AVCVIH-. L'AVC semble plus grave à l'admission chez les porteurs du VIH. L'AVCI est plus fréquent dans le groupe AVCVIH+ (67,3%) que dans le groupe AVCVIH-, p=0,02. Ovbiagele et al, dans une étude rétrospective sur les patients hospitalisés pour AVC aux Etats-Unis, ont constaté une augmentation progressive de l'AVCI chez les patients VIH+ passant de 0,09% en 2006 à 0.15% en 2008 [19]. Le taux d'AVCH (0,25%) chez les patients VIH+ en restant supérieur au taux d'AVCI (0,09%) en 2006 n'a pas connu une variation significative dans la même période. Les AVCI peuvent représenter 96% des AVC chez les sujets VIH+ [22]. L'infection par le VIH ou son traitement est directement liée à la physiopathologie de la survenue des AVC dans la population des patients VIH. Le VIH peut être responsable des AVC par l'intermédiaire de plusieurs mécanismes : accélération du phénomène athérosclérotique par activation endothéliale par le VIH, les infections opportunistes, les vascularites cérébrales liées au VIH, l'hypercoagulopathie et le déficit en protéine S et par embolie cardiaque [2, 18, 22]. C'est probablement ce qui explique que dans notre étude, le risque pour un sujet séropositif pour le VIH de faire un AVC est multiplié par plus de deux que lorsqu'il est séronégatif (RR=2,3). Dans la série de 82 patients d'Ortiz et al (2007), il notait une prédominance des AVCI (77) par rapport aux AVCH (5) comme c'est le cas dans notre étude [18]. Selon la sévérité initiale, nos patients aussi bien VIH+ que VIH- avaient un score NIHSS autour de 20 à l'admission, nos résultats se rapprochent de ceux de Heikinheimo et al qui rapportent un score NIHSS élevé dans les deux groupes sans différence significative (p=0,092) [10] . Au plan évolutif, les courbes des scores NIHSS des deux groupes vont s'écarter avec à J2, le NIHSS dans le groupe AVCVIH- qui passe le seuil de gravité (NIHSS=13) pour être à 10. Cette diminution du score NIHSS va continuer pour être à moins de 5 à J30. Par contre, dans le groupe des AVCVIH+, le score NIHSS ne connait pas une grande variation et ne passera pas le seuil de gravité à J30 où il est à 14. Ceci montre que le fait d'être positif pour le VIH, est délétère pour une évolution favorable du NIHSS. Cependant Heikinheimo et al (2012) n'ont pas rapporté l'influence du VIH sur l'évolution au cours de l'AVC [10]. La mortalité élevée à J30 chez les AVCVIH+ (23,1%) que chez les AVCVIH- (10,5%) est probablement due à la forte immunodépression constatée dans cette étude chez les sujets VIH+ dont le taux de CD4 est de 119±36/mm3. Les taux de CD4 bas lors de la survenue d'un AVC chez les VIH+ a été rapporté par Ortiz et al [18] qui ont rapporté un taux de CD4 moyen de 113/mm3, et 85% de ces patients avaient un taux de CD<200 /mm3. Tipping et al en Afrique du Sud ont rapporté 46% de patients ayant un taux de CD4<200/ mm3 [24].Cette immunodépression pourrait être à l'origine des taux élevés des pneumopathies et de la septicémie chez les AVCVIH+, responsable des décès. CONCLUSION L’influence de l’infection à VIH sur la morbidité et la mortalité cérébrovasculaire chez les sujets jeunes est établie, mais les mécanismes de cette relation restent multifactoriels. Le degré d’immunodépression avec un taux de CD4 bas est un facteur de mauvais pronostic au cours de l’AVC. Des études sur de larges cohortes méritent d’être réalisées tant chez les patients victime d’AVC dont la sérologie VIH n’était pas connue, que chez les immunodéprimés pour mieux définir les interrelations entre l’infection à VIH et l’AVC. Déclaration d’intérêt Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Tableau I : Comparaison des données sociodémographiques entre les patients AVC VIH+ et AVC VIH-, Cotonou 2011. Table I : Sociodemographic data comparison putting into perspective stroke HIV + and HIV- patients respectively, Cotonou 2011.
*Différence significative *Significant difference Tableau II : Comparaison des données cliniques et paracliniques entre les patients AVCVIH+ et AVCVIH-, Cotonou 2011. Table II: Clinical and laoratory data comparison putting into perspective stroke HIV+ and HIV- patients, Cotonou 2011.
*Différence significative *Significant difference Tableau III : Comparaison des différentes complications survenues en cours d’hospitalisation entre les patients AVC VIH+ et AVC VIH-, Cotonou 2011. Table III: Comparative chart, different complications occurred during hospitalization putting into perspective stroke HIV + and HIV- patients, Cotonou 2011.
*Différence significative *Significant difference NIHSS médian Figure 1: NIHSS score progress rate putting perspective HIV+ and HIV- patients, Cotonou 2011. REFRENCES
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