AJNS
CASE REPORT / CAS CLINIQUE
 
LOCALISATION INTRA MEDULLAIRE D’UNE INFECTION SCHISTOSOMIALE

INTRAMEDULLARY LOCATION OF A SCHISTOSOMAL INFECTION


  1. Department of neurosurgery, Ibn Rochd, University Hospital, Casablanca, Morocco

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SUMMARY

We report the case of a young patient presenting with a neurological deficit secondary to involvement of the conus medullaris by schistosoma mansoni. The MRI showed the intra medullary location and the diagnosis was confirmed after surgical approch and biopsy. Clinical and radiological progress was satisfactory.


RESUME

Nous rapportons le cas d’un enfant âgé de 9 ans originaire de Konakri (Guiné), présentant un syndrome du cône médullaire secondaire à une infection à schistosoma mansoni dont la localisation intra-medullaire a été confirmée par l’IRM et le diagnostic infectieux instauré à posteriori après abord chirurgical et biopsie. L’évolution après traitement médical a été marquée par un début d’amélioration du déficit sensitivo-moteur et des troubles sphinctériens.

Mots clés : bilharziose, compression, cône médullaire

INTRODUCTION

La localisation médullaire est une forme rare et sévère de l’infection schistosomiale.

Les manifestations cliniques sont non spécifiques, l’IRM permet d’approcher le diagnostic en permettant de confirmer le diagnostic de lésion intra médullaire, celle-ci peut prendre plusieurs aspects posant ainsi le problème de diagnostic différentiel avec d’autres pathologies intra médullaires. Le pronostic est largement conditionné par la précocité du diagnostic et du traitement. Nous rapportons le cas d’un jeune enfant âgé de 9 ans qui a présenté une
paraplégie brutale consécutive à une bilharziose du cône médullaire diagnostiquée après abord chirurgical et biopsie.

OBSERVATION

Le jeune K.I âgé de 9 ans, originaire et résident à Konakri (Guiné), présente après un épisode infectieux et après une chute banale une paraplégie sensitivo-motrice brutale et une rétention aiguë des urines. Le malade est évacué de Konakri à Casablanca pour complément de prise en charge. L’examen retrouve un patient apyrétique, présentant une paraplégie flasque complète, une abolition des réflexes ostéo tendineux et un niveau sensitif sous ombilical, le reste de l’examen somatique est sans particularité. L’IRM médullaire retrouve un aspect de gros cône médullaire hyper intense en T1, une étiologie tuberculeuse a été évoquée en premier, l’aspect est très peu en faveur d’un processus tumoral. Le bilan biologique retrouve une vitesse de sédimentation élevée à 18, une hyper leucocytose à prédominance éosinophile. Un abord chirurgical a permis de montrer l’aspect de grosse moelle, sans lésion épidurale, on réalise alors une biopsie d’une lésion intra-médullaire jaune grisâtre. L’aspect histologique ne retrouve pas de prolifération cellulaire anormale, ou de granulome en faveur de la tuberculose Les suites post opératoires ont été simples. A posteriori on retrouve la notion de baignade dans un lac, et le diagnostic de bilharziose à schistosoma mansoni est réalisé après inclusions spécifiques. Un traitement à base de praziquantel (40mg/kg) a été administré en dose unique associé à une corticothérapie. Le patient est chez lui et a été revu trois mois après avec IRM de contrôle qui montre la régression de l’inflammation médullaire. Il entame une ébauche discrète de la flexion de la cuisse.

DISCUSSION

La bilharziose est une affection parasitaire due à des trématodes qui sont des vers plats à sexes séparés, hématophages, vivant au stade adulte dans le système circulatoire des mammifères, et au stade larvaire dans un mollusque d’eau douce. Il existe 200 millions de cas de bilharziose dans le monde. Cinq espèces sont pathogènes pour l’homme et sévissent à l’état endémique dans trois continents : l’Afrique, l’Asie de l’est et l’Amérique du sud. Ces espèces sont : S. haematobium, S. mansoni, S. intercalatum, S. japonicum, S. mekongi.

La majorité des complications nerveuses rapportées dans la littérature sont causées par S.mansoni responsable ainsi de 110 millions de cas, par contre S.haematobium en est moins fréquemment responsable (7, 13) et notée dans 90 millions cas. Chez l’homme les vers adultes manifestent un tropisme pour les plexus veineux péri vésicaux et péri rectaux, les œufs sont éliminés vers le milieu extérieur, essentiellement par les urines pour S.haematobium et par les selles pour S.mansoni, mais une grande partie reste dans les parois viscérales ou embolisée à distance (2, 7, 8, 10). Les complications neurologiques résultent alors de cette migration aberrante des S.mansoni ou S.haematobium, ou de l’embolisation ectopique des œufs dans les vaisseaux médullaires. Les complications médullaires sont plus fréquentes que les complications cérébrales, elles tendent à survenir précocement après l’infestation (3) et sont de deux types :
– les granulomes : essentiellement intra médullaires, radiculaires et parfois méningés. Ce sont des granulomes inflammatoires se comportant comme une lésion expansive affectant le plus fréquemment le cône terminal, la moelle basse au niveau de D12 et L1, et les racines. Ces granulomes sont en rapport avec une hypersensibilité retardée vis-à-vis d’antigènes ovulaires.
– La myélite aigue peut correspondre à des granulomes multiples intra médullaires ou à une nécrose de la moelle avec vacuolisation et atrophie sans réaction inflammatoire autour des œufs (3, 4)
– La forme radiculaire est due à la présence de multiples granulomes déposés sur la surface des nerfs rachidiens, essentiellement celles de la queue de cheval.
– L’inflammation des branches de l’artère spinale antérieure responsable d’ischémie du cordon antérieur de la moelle (7)

Une étude à propos de 231 cas de neuroschistosomiase (7) a objectivé une prédominance du sexe masculin (73,4%) pouvant être expliquée par la plus grande exposition lors de l’enfance au cours des baignades (8). Certains auteurs incriminent également la différence anatomique du pelvis des deux sexes (7). L’âge varie de 1 à 68 ans. Le diagnostic repose sur des éléments d’orientation épidémiologiques notamment le éjour en une zone d’endémie bilharzienne et la notion de baignade dans un lac d’eau douce.

L’intervalle entre l’exposition et l’apparition des premiers symptômes varie d’un mois à plus de 6 ans. La phase d’invasion correspond à la pénétration des furcocercaires à travers la peau, elle passe souvent inaperçue pour schistosoma haematobium et S. mansoni ou entraîne un érythème cutané allergique après 15 à 30 min. la phase toxémique correspond à la migration des schistosolmules dans la circulation sanguine, ce qui est responsable d’asthénie de troubles d’ordre anaphylactique : myalgies, arthralgies, céphalées, fièvre. La phase d’état correspond à la ponte par les femelles de nombreux œufs dans la paroi de la vessie ou dans les organes génitaux à l’origine de troubles génito-urinaires, dont le maître symptôme est l’hématurie, l’atteinte intestinale est dominée par une perturbation du transit avec présence de stries de sang entourant les selles. La phase de complications correspond à la migration du parasite et sa localisation au niveau de la peau, dans le système cardio-vasculaire et nerveux.

Quatre formes cliniques peuvent être décrites : forme myélitique, granulomateuse, radiculaire, et vasculaire. Les deux premières variétés sont les plus fréquentes (1, 3), la forme radiculaire survient le plus souvent en association avec la forme granulomateuse. La forme vasculaire est limitée à quelques cas.
– la variété myélitique survient quand la réaction à l’infection est minime, ce qui entraîne une nécrose, vacuolisation et atrophie du tissu nerveux, avec une petite réaction granulomateuse autour des œufs. Cette forme se traduit cliniquement par un tableau de myélite d’installation rapidement progressive sans signes radiculaires. Le pronostic dans ces cas est moins favorable.
– La forme granulomateuse résulte d’une importante réaction gliale et fibreuse autour des œufs entraînant la formation d’une masse granulomateuse qui peut être intra ou extra axiale. Cette forme est le plus souvent localisée au niveau du cône médullaire (5,6).
– La forme radiculaire est exceptionnellement isolée, elle est souvent associée à la forme granulomateuse.
– La forme vasculaire est limitée à quelques cas reportés par la littérature et peut entraîner une ischémie de la moelle. Dans ce cas les différentes précédentes peuvent être rencontrées.

Le bilan biologique est caractérisé par une hyper éosinophilie et une positivité de la sérologie bilharzienne. La recherche des oeufs au niveau de la muqueuse rectale et vésicale est in constamment positive. Au niveau du liquide céphalo-rachidien on peut avoir une hyper protéinorrachie ; une hypo ou normo glycorrachie, ainsi qu’une augmentation du taux des lymphocytes. La présence d’anticorps anti bilharziens permet de confirmer le diagnostic.

L’IRM médullaire est l’examen de choix, la bilharziose se présente selon trois aspects (9, 11):
– Forme pseudo tumorale : apparaît sous forme de lésion mal limitée hypo intense en T1, hyper intense en T2
– multiples petits nodules prenant le contraste témoignant du type inflammatoire granulomateux de la bilharziose
– aspect de grosse moelle évoquant une myélite, l’ischémie médullaire est fréquente dans cette forme
– un aspect kystique du cône médullaire a été reporté également dans la littérature (9) avec un aspect hypo intense du centre en T1 et après injection du gadolinium.

En ce qui concerne le traitement, il n’y a pas de consensus concernant la prise en charge de cette pathologie (12). Les différents moyens thérapeutiques dont on dispose sont : le traitement anti parasitaire à base de Praziquantel, les corticostéroïdes, et le traitement chirurgical.
– les corticoïdes sont utilisés pour leur action anti inflammatoire, ils ont permis l’arrêt de progression des lésions dans plusieurs cas selon la série de Teresa (12)
– le traitement chirurgical est réservé aux lésions responsables d’un déficit neurologique et vise dans ce cas à décomprimer les structures nerveuses, il est également indiqué en cas d’aggravation des signes et des symptômes sous un traitement médical bien conduit et en cas de doute diagnostique.

Figure 1

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Figure 2

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Figure 3

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Figure 4

Figure 4

Figure 5

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Figure 6

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REFERENCES

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  4. CAROD ARTAL FJ; VARGAS AP. Myelopathy due to schistosoma mansoni: a description of two cases. Rev Neurol. 2004 Jul 16-31; 39(2): 137-41
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  10. MAZYAD MA; MOSTAFA MM, MORSY TA. Spinal cord schistosomiasis and neurologic complications. J.Egypt Soc Parasitol. 1999; 29(1): 179-82
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  12. TERESA C.A, FERRARI, PAULO R.R, MOREIRA, ALOISIO S, Cunha Spinal cord schistosomiasis: a prospective study of 63 cases emphasising clinical and therapeutic aspects J of Clin Neurosc (2004) 11(3), 246-253
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