EDUCATION / ENSEIGNEMENT
MAL DE POTT ET PARAPLEGIE POTTIQUE
POTT'S DISEASE AND POTT'S PARAPLEGIA
E-Mail Contact - ALLIEZ Jean Roch :
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RESUME Nous essayons de réaliser une synthèse des notions modernes sur la spondylodiscite tuberculeuse a partir des données de la littérature et de notre expérience personnelle. Nous commençons par la revue les données classiques, insistant sur la fréquence élevée de la tuberculose actuellement dans le monde ainsi que sur le tableau clinique. Ensuite, nous présentons le diagnostic moderne de la maladie de Pott. Un chapitre spécial est dédié au traitement multimodal, avec les options existantes dans les pays avancés économique et dans ceux défavorisés. Mots clef : Tuberculose, spondylodiscite, paraplégie, Pott, traitement ABSTRACT The authors try to realise an up-to-date of modern knowledge upon tuberculous spondilytis based upon data from literature and their own practice. They start by reviewing the classical data, insisting upon the high frequency of tuberculosis worldwide nowadays and on the clinical findings, then present the modern diagnosis of Pott’s disease. A special chapter is dedicated to the multimode treatment, with the options existing in advanced countries compared to the possibilities from the defavorised ones. Key words : Tuberculosis, spondylodiscitis, paraplegia, Pott, treatment La tuberculose localisée au niveau de l’espace intervertébral (spondylodiscite tuberculeuse ou mal de POTT) est la plus fréquente des localisations ostéo-articulaires et la plus grave car elle siége au voisinage des structures nerveuses importantes. Lorsque Pott, en 1779, intitule son article « Remarques sur une sorte de paralysie des membres inférieurs qui accompagne fréquemment une déformation vertébrale », il ignore que cette affection est d’origine tuberculeuse. Ce n’est qu’après la découverte du bacille tuberculeux par Robert Koch en 1882 qu’on a pu donner la description anatomo-pathologique de la maladie. 1) INTRODUCTION Le traitement de la paraplégie pottique reste le problème le moins maîtrisé de l’ensemble des manifestations de la pathologie ostéo-articulaire : jusqu’en 1945 il est fondé sur repos, soleil, nursing, sans aucun abord chirurgical, par crainte d’ une dissémination de la maladie. Depuis 1945, avec la découverte de la Streptomycine puis d’autres antituberculeux, la chimiothérapie triomphe et la chirurgie après une période interventionniste, tend à limiter et à préciser ses indications pour chaque cas particulier. 2) DONNEES GENERALES 2.1 Définition : La maladie de Pott résulte d’une infection des vertèbres a Mycoplasma tuberculosis par voie mixte hématogène et lymphatique. Le germe reste en état dormant au niveau des os avant de réaliser une spondylite manifeste. Chez les enfants, qui présentent des disques intervertébraux vascularisés, l’infection peut se localiser au disque réalisant une discite avant de constituer la spondylite. En général chez les adultes la maladie de Pott est secondaire a une lésion primaire tuberculeuse alors que chez les enfants, souvent touchés, elle peut se constituer en tant que primo-infection. 2.2 Incidence (3) : alors qu’en Europe et aux Etats-Unis la fréquence de la tuberculose a diminué pendant les 20 dernières années (< 20 nouveaux cas/an/100.000habitants), l'incidence relative de la tuberculose extra pulmonaire est restée constante, a environ 10% des cas de tuberculose. 2% des cas de tuberculose présentent une lésion spinale. Les chiffres d'Afrique et d'Asie sont de 5 - 30 fois plus élevées concernant les mêmes incidences selon les pays. 2.3 Distribution : – hommes / femmes = 1.5-2 : 1 3) SYMPTOMATOLOGIE 3.1 L’état clinique lors du premier examen dépend de plusieurs facteurs : – le niveau de la localisation rachidienne, 3.2 Les signes classiques décrits par Pott dans sa communication de 1779 restent encore valables de nos jours : – douleur présente a un certain niveau du rachis. Parfois la douleur est située a distance par irradiation ce qui peut induire en erreur (douleur retro auriculaire pour la localisation cervicale ; douleur thoracique ou dans les membres supérieurs pour la localisation thoracique supérieure ; douleur periombilicale pour la plupart des lésions dorsales inférieures), 3.3 Classification des déficits neurologiques : Les classifications des différents auteurs sont difficiles à utiliser en pratique. Très schématiquement, nous distinguons les paraplégies précoces (atteinte inflammatoire et mécanique) et les paraplégies tardives (atteinte mécanique survenant sur des lésions anciennes ou évoluant depuis plusieurs années sur un foyer mal éteint). – paréplégies précoces, moins de trois mois d’évolution des symptômes : 75 % des cas. Intensité du déficit neurologique. Il faut noter la remarquable tolérance des lésions par les malades et un retard considérable au diagnostic. Plusieurs degrés sont individualisés sur les signes déficitaires neurologiques (14) : STADE 0 : sans symptômes neurologiques Cette classification de Patterson, plus complète que l’échelle de Frankel (seulement 5 étapes dont normal et déficit total, plus adaptée au traumatismes rachidiens) et plus facile a utiliser que le score ASIA (American Spine Injury Association), permet aussi d’apprécier l’évolution post-opératoire des patients. Dans quelques rares cas, un traumatisme a été révélateur de la paraplégie pottique sans doute par lésion mécanique décompensée par l’accident. En pratique, il est impossible d’établir des corrélations entre les lésions anatomo-pathologiques, la survenue des troubles nerveux et, le cas échéant, leur intensité et leur moment de survenue. Dans les cas avec spasticité, les troubles sphinctériens et sensitifs peuvent être en retrait par rapport aux troubles moteurs. Au-dessous de D12/L1, les paraplégies sont flasques par atteinte de la queue de cheval. 3.4 Causes de la paraplégie : Des auteurs ont tenté de les déterminer sur les cas opérés : l’abcès est une des premières causes d’une souffrance nerveuse mais non la principale contrairement à l’opinion d’autres auteurs. 3.4.1 Les lésions anatomo-pathologiques sont très variables. La lésion initiale est située habituellement au centre de la vertèbre, dans la partie subchondrale en voisinage du disque intervertébral ou dans la partie antérieure sur la surface du corps vertébral. D’autres localisations sont possibles : au niveau du disque (surtout chez les enfants), ou plus rarement au niveau de l’arc postérieur, exceptionnellement au niveau de l’articulation transversaire intervertébrale. Par progression la lésion détruit ensuite le disque ainsi que les deux plateaux adiacents de sorte que les vertèbres se télescopent et l’espace intervertébral disparaît. Si la lésion est située en avant, une cyphose se développe par angulation sur le foyer de destruction vertébrale. Le processus inflammatoire intéresse d’habitude deux vertèbres et un disque mais plusieurs niveaux peuvent être affectés de sorte qu’une gibbosité peut apparaître. 3.4.2 Le mécanisme de l’atteinte neurologique est complexe et associe plusieurs facteurs difficiles a quantifier. Certains auteurs ont essayé de présenter leurs constations chirurgicales (1) :
En réalité les associations lésionnelles sont variables en tant que fréquence selon les différents séries et articles mais la conclusion physiopathologique est que plusieurs causes interviennent à des degrés divers pour induire des troubles neurologiques : – mécaniques : abcès intra rachidien formé de pus et de séquestres osseux et discaux ; luxation pathologique avec effondrement d’une vertèbre ostéïtique et irruption dans le canal médullaire de fragments osseux purulents. Sous chimiothérapie, toutes les lésions ostéo-articulaires régressent et cicatrisent. La majorité des signes neurologiques peut disparaître également !. Certaines paraplégies persistent et cela s’explique par des thromboses vasculaires et par la constitution d’une cicatrice fibreuse péri médullaire serrée. Spontanément, avant l’ère des antibiotiques, 48 % des paraplégiques pottiques récupéraient ; 19 % récupéraient partiellement, 7 % restaient paralysés et 25 % décédaient à l’hôpital (10). 4) DIAGNOSTIC 4.1 Diagnostic positif : dans les pays avancés économiquement, la faible incidence de la tuberculose ainsi que de ses complications rend le diagnostic difficile parfois. En effet, la première idée lors d’une lésion destructive osseuse est celle d’une spondylite bactérienne ou encore d’une tumeur – il existe des cas dans la littérature ou une maladie de Pott a été traitée par radiothérapie a visée antitumorale ! (6). 4.1.1 Les études biologiques présentent un test positif a la tuberculine pour 90% des cas non infectés par le VIH et une VSH supérieure a 100 mm / h. Les tests de PCR permettent une identification rapide du bacille tuberculeux dans une ponction biopsie rendant inutiles les cultures classiques qui pouvaient retarder jusqu’à 2 mois l’identification ainsi que les longs examens en microscopie a la recherche des bacille acido-alcoolo résistants. 4.1.2 Les modifications sur les films radiologiques sont tardifs mais on note une lyse surtout de la partie antérieure du corps vertébral, avec angulation et/ou collapsus vertébral (Fig 1), une sclérose réactive autour du foyer ainsi qu’un élargissement de l’ombre des psoas avec ou sans calcification. On note que les lésions peuvent être situées a plusieurs niveaux étagés. On considère une vertèbre intéressée lorsqu’elle a perdu 50% de hauteur (collapsus ou destruction) ou lorsqu’il existe une angulation supérieure a 5° dans le foyer. 4.1.3 Les images tomodensitométriques sont suggestives en phase plus précoce pour les lésions osseuses lytiques et sclérotiques, la destruction des disques intervertébraux ainsi que pour les tissus mous de l’espace para vertébral (Fig 2). Le scanner est plus sensible pour les calcifications qui permettent la différence avec les spondylites bactériennes. Il est aussi utilisé pour les ponctions biopsie percutanées, permettant d’obtenir des prélèvements pour 4.1.4 L’IRM, malgré le manque de précision pour les os, représente le standard pour la mise en évidence des lésions discales, des tissus mous, de la compression de la moelle ainsi que pour l’infiltration par l’infection des ligaments communs antérieur et postérieur (Fig 3 et 4) (7). 4.1.4 Les potentiels évoqués moteurs (tibial antérieur) et somatosensitifs (région tibiale) sont utiles non en tant que moyen diagnostique mais pronostique de la récupération ultérieure neurologique du patient (8). Dans les pays à forte prévalence tuberculeuse, la triade gibbosité – paraplégie – abcès froid est toujours valable, rendant le diagnostic clinique des cas avancés presque trop facile !! 4.2 Diagnostic des troubles neurologiques dans le mal de Pott 4.2.1 si la paraplégie est révélatrice, le problème est de faire la preuve de l’origine tuberculeuse par l’anamnèse, les radiographies et éventuellement les tomographies. Le scanner et l’I.R.M ne sont pas encore aisément partout à la disposition des malades en milieu défavorisés. Dans certains cas une intervention chirurgicale peut être proposée pour biopsie vertébrale diagnostique. Le follicule tuberculeux est pathognomonique mais on peut isoler également le B.K ou la nécrose caséeuse. 4.2.2 en cas de mal de Pott connu et traité, l’apparition d’une paraplégie est possible car la chimiothérapie ne stérilise pas toutes les lésions en quelques semaines 4.2.3 si la paraplégie est tardive, il faut déterminer s’il s’agit d’une paraplégie pottique vraie ou d’une cicatrice fibreuse. 5) TRAITEMENT « Le problème du traitement de la paraplégie Pottique n’est pas et ne sera peut-être jamais résolu » (M. MARTINI 1988). 5.1 Les principes thérapeutiques : 5.2 Les méthodes : 5.2.1 traitement conservateur : utilisé avant l’apparition des antituberculeux, malgré des résultats non concluants (20 % de mortalité, 30 % de récidives, séquelles orthopédiques). Actuellement on utilise encore le repos complet au lit avec immobilisation externe en corset orthopédique et impérativement traitement antituberculeux pendant 9 mois. Le patient sera évalué régulièrement du point de vue clinique et biologique. Dès la diminution des signes biologiques d’inflammation il pourra reprendre la marche, toujours avec immobilisation. 5.2.2 la chimiothérapie : est la clef du traitement du mal de Pott, des régimes efficaces ont en effet réduit la mortalité et morbidité associée a la maladie. Les études réalisées par le British Medical Research Council et le US CDC recommandent un traitement de 9 a 12 mois de traitement par au moins trois antituberculeux sinon quatre au début. Les patients immunodéprimés (VIH) ont une chance de 20-40 % d’infection tuberculeuse ont un pronostic réservé du a la possibilité de germes résistants a la chimiothérapie ainsi qu’aux interactions médicamenteuses possibles. 5.2.3 la chirurgie : controversée pour de nombreux auteurs, reste indiquée dans le cas des patients avec : Il faut tenir compte aussi des cas particuliers et de l’expérience des chirurgiens pour réaliser un abord a visée orthopédique ayant un rôle de stabilisation. 5.3 Adaptation du traitement des paraplégies pottiques en milieu défavorisé : 6) CONCLUSION Actuellement le traitement antituberculeux correct reste la clef de voûte du traitement de la tuberculose ainsi que du mal de Pott, avec un gain d’efficacité et de temps incomparables a la situation d’il y a 50 ans. Un grand nombre de cyphoses, paraparésies, diagnostics douteux sur des radios, peuvent être traités de manière satisfaisante curative. Malgré tous les progrès, la chirurgie reste parfois nécessaire pour des cas sélectés, avec un gain d’efficacité, de temps et de confort pour le malade. BIBLIOGRAPHIE
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