INTRODUCTION

La neurologie est une spécialité médicale, intellectuellement stimulante et analytique, qui étudie les maladies du système nerveux (central et périphérique) (7). Au Sénégal, la pratique de la neurologie a été pendant longtemps cantonnée à Dakar où se trouvait l’unique service du pays, plus précisément au Centre Hospitalier National Universitaire de Fann.

Avec la création de l’université de Thiès, l’unité de formation et de recherche en sciences de la santé de Thiès a vu le jour en 2008. Cette unité peut être considérée comme la deuxième faculté de Médecine publique du Sénégal et son avènement a été accompagné par le déploiement de plusieurs spécialistes médicaux dans la région, dont un neurologue. Cela a permis plus tard, à partir de 2014, d’instituer une consultation hebdomadaire de neurologie à l’hôpital Abdoul Aziz Sy de Tivaouane, dans le cadre d’une convention de partenariat dudit hôpital avec l’université de Thiès.

L’objectif de ce travail était d’avoir un premier bilan de cette consultation après près de quatre années d’activité.

PATIENTS ET METHODES

Nous avons procédé à une étude rétrospective, descriptive et analytique d’un registre de consultation neurologique entre Avril 2014 et Janvier 2018. L’étude s’est déroulée au service de consultations externes de l’hôpital de Tivaouane. Tous les malades qui sont venus consulter en neurologie durant l’intervalle de temps en question ont été inclus. Nous avons collecté les données sociodémographiques notamment l’âge, le sexe, l’origine géographique, le ou les motifs de consultation. L’analyse a été effectuée par Microsoft Excel.

RESULTATS

Sur une durée de 46 mois (un peu moins de quatre années), 1112 patients ont été consultés au cours de 130 séances de consultations, soit une moyenne d’environ 9 patients par séance de consultations.

Caractéristiques sociodémographiques

Sur les 1112 patients consultés, il y avait 656 femmes (59 %) et 456 hommes (41 %), soit un sex ratio de 0,69 (voir figure 1). Cette prédominance féminine était observée sur toutes les années, de 2014 à 2018 (voir figure 2).

En ce qui concerne l’âge, les 1112 patients ont été répartis en quatre groupes : ceux qui avaient un âge inférieur ou égal à 18 ans (considérés comme des « enfants »), ceux qui avaient un âge supérieur à 18 et inférieur ou égal à 35 ans (considérés comme « jeunes »), ceux qui avaient un âge supérieur à 35 et inférieur ou égal à 70 ans (considérés comme « adultes ») et enfin ceux qui avaient un âge supérieur à 70 ans (considérés comme « personnes âgées »). La proportion de ces différentes catégories d’âge dans l’échantillon est rapportée dans le tableau I. L’âge moyen des patients était de 44 ans avec des extrêmes entre 05 mois et 92 ans. Il est à signaler que 55 patients ne connaissaient pas leur âge qui n’était donc pas mentionné sur le registre.

Les patients provenaient de différentes localités du Sénégal pour bénéficier d’une consultation en neurologie. Mais ils venaient pour l’essentiel de la région de Thiès et dans une moindre mesure des régions voisines de Diourbel, Louga et même Kaolack (voir Tableau II).

Caractéristiques cliniques

Les principaux motifs de consultation retrouvés chez les patients sont présentés dans le tableau III.

Afin d’avoir une meilleure lisibilité des motifs de consultation, nous avions procédé au regroupement de quelques symptômes plutôt similaires, comme par exemple les différents types de déficit moteur, de douleur et de crise comitiale. Les résultats sont présentés sur la figure 3.

DISCUSSION

Nos résultats montrent qu’il y a un réel besoin de consultation neurologique au niveau du département de Tivaouane, dans la région de Thiès. C’est la première activité de neurologie qui a été initiée dans le département depuis l’indépendance. La moyenne de 9 patients vus par séance de consultations cache des disparités car, au début, l’activité n’étant pas assez connue, elle tournait autour de 2 à 3 malades par séance ; c’est donc dire que l’activité est en train de monter en puissance. Cela est à saluer car bien souvent en Afrique, les neurologues sont le plus souvent cantonnés dans les capitales et, donc, le plus souvent d’accès relativement difficile aux populations de l’intérieur (8). La mise en place d’une telle consultation doit être considérée comme une étape dans la recherche de solutions concernant les innombrables défis auxquels est confrontée la pratique de la neurologie dans les pays en développement (9).

Caractéristiques sociodémographiques

Il a été noté une prédominance féminine avec 59 % de l’ensemble des patients. L’analyse par année montrait également, à tous les niveaux, la même prédominance féminine (figure 2). Pourtant, si l’on se réfère aux projections démographiques de l’Agence Nationale pour les Statistiques et le Développement (ANSD) de 2013 à 2025, la proportion des femmes dans la population globale du département de Tivaouane tourne autour de 50% seulement (4). Donc cette prédominance féminine dans la consultation neurologique ne peut être interprétée que comme une plus grande fragilité ou une plus grande disposition à aller plus facilement en consultation, comparativement aux hommes.

Avec une moyenne d’âge de 44 ans, la population était surtout d’âge mûr. La tranche d’âge 35-70 ans était la plus représentative avec 47,9 % de l’ensemble. Environ soixante-onze pourcent de la population d’étude avaient un âge compris en 18 et 70 ans, ce qui représente la tranche d’âge la plus active en termes d’activités socio-économiques. Cette situation pourrait donc impacter négativement sur lesdites activités quand on sait le degré d’absentéisme, d’handicap voire de dépression qui peut accompagner certaines manifestations neurologiques (16,10).

Le fait que la plupart des malades provenaient de la région de Thiès ne peut pas occulter que leur origine géographique était en fait multiple. Des patients venaient, en effet, de grosses agglomérations comme Touba (dans la région de Diourbel) et Kaolack au centre du pays. L’absence de neurologues dans des agglomérations aussi importantes constitue un défi majeur que devra relever le système de santé sénégalais ; elle confirme aussi, en général, les difficultés de la prise en charge correcte des troubles neurologiques dans les pays en voie de développement (8,9).

Caractéristiques cliniques

Nous avions noté une grande variabilité des motifs de consultation qui étaient cependant dominés par les lombosciatalgies, les crises comitiales et les céphalées. Un patient sur quatre venait consulter pour lombosciatalgie (25%). La prévalence des lombosciatalgies est globalement importante, de 25 à 45% par an. Et, si les formes aigues sont habituellement rapidement résolutives, certaines formes peuvent évoluer vers la chronicité, posant souvent un problème d’absentéisme au travail, de gêne et de handicap fonctionnel dans la vie de tous les jours (11). Quant aux crises comitiales, elles représentaient 11,2% des motifs de consultation. La prévalence importante de l’épilepsie dans les pays en développement est connue avec son impact négatif sur la scolarisation ainsi que tous les préjugés sociaux qui accompagnent la maladie (1,12-14). Enfin, les céphalées constituaient le troisième motif de consultation avec 9,3% des patients. Les céphalées d’une manière générale, les migraines en particulier, posent un réel problème de santé du fait de leur fréquence (3,15). Elles sont aussi problématiques du fait de l’absentéisme qu’elles peuvent engendrer en milieu scolaire et en milieu du travail, mais aussi leur impact négatif sur la qualité de vie des patients, sans oublier leur retentissement économique délétère (5).

Vu la grande diversité des motifs de consultation, nous avions essayé d’en regrouper certains afin d’avoir une meilleure lisibilité (figure 3). Cela a permis de mettre en relief que 52% de nos patients venaient consulter pour des douleurs, environ 12% pour crises épileptiques et 10% pour des déficits moteurs. Ces résultats montrent que la prise en charge de la douleur reste au cœur de la pratique neurologique dans notre contexte. En ce qui concerne les déficits moteurs, il s’agissait majoritairement d’hémiplégies résultant surtout d’accidents vasculaires cérébraux (AVC). Cela pose aussi en général, dans notre contexte en particulier, la problématique de la prise en charge des AVC du fait notamment de leur prévalence importante et de leur lourd pronostic à la fois fonctionnel et vital (2,6).

CONCLUSION

La mise en place d’une consultation de neurologie à Tivaouane va dans le sens de l’amélioration et l’élargissement de l’offre de soins à l’intérieur du pays. La demande est importante. Les motifs de consultation sont également nombreux. La présente étude nous a permis d’avoir une vision panoramique actuelle sur les principaux motifs de consultation. A partir de là, des études ciblées et approfondies pourront, ultérieurement, être effectuées sur les motifs de consultation les plus fréquents, telles que les lombosciatalgies, les crises épileptiques et les céphalées.

Conflit d’intérêt :

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt par rapport à ce travail.

FIGURES

Figure 1 : Répartition des patients selon le sexe

Figure 2 : Répartition des patients selon le sexe et en fonction des années.

Figure 3 : Tentative de regroupement des principaux motifs de consultation

Tableau I : Pourcentage des patients en fonction des groupes d’âge.

Tableau II : Origine géographique des patients

Tableau III : Principaux motifs de consultation en neurologie