REVIEW / MISE AU POINT
NEUROMYELITE OPTIQUE DE DEVIC
DEVIC'S NEUROMYELITIS OPTICA
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RÉSUMÉ La neuromyélite optique de Devic est un syndrome clinique rare associant une névrite optique unilatérale ou bilatérale à une myélite transverse. Cliniquement proche de la sclérose en plaque, avec néanmoins une évolution plus rapide et plus sévère, elle constitue une entité anatomo-clinique distincte. La séropositivité pour les NMO-IgG et les lésions médullaires longitudinalement étendues (3 ou plus segments spinaux) sont très caractéristiques de NMO. Le pronostic de la maladie apparaît plus péjoratif, justifiant des options thérapeutiques très agressives. Mots clés: Myélite- Névrite optique- NMO IgG SUMMARY Devic’s neuromyelitis optica is a rare clinical syndrome involving a unilateral or bilateral optic neuritis with a transverse myelitis. Clinically similar to multiple sclerosis, albeit with a more rapid and more severe, it is a distinct clinical and pathological entity. Seropositivity for NMO-IgG and longitudinally extensive spinal cord lesions (3 or more spinal segments) are very characteristic of NMO. The prognosis is more pejorative, justifying very aggressive treatment options. Key Words:Myelitis, Optic neuritis, NMO-IgG INTRODUCTION La neuromyélite optique de Devic (NMO) ou maladie de Devic est une affection inflammatoire démyélinisante du système nerveux central qui touche principalement la moelle épinière et les nerfs optiques. Elle a été décrite pour la première fois par Eugène Devic et son élève Fernand Gault à Lyon en 1894[8]. Pendant très longtemps, la maladie de Devic a été considérée comme une forme particulière de sclérose en plaques (SEP) et traitée comme telle. Cependant, des travaux récents ont mis en évidence des différences sur le plan clinique, épidémiologique, immunologique et anatomopathologique entre SEP et NMO [24]. EPIDEMIOLOGIE La NMO est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes (80%). L’âge d’apparition du syndrome est variable, de l’adolescence à l’âge adulte, avec un pic d’incidence médiane à la fin des trentaines. Cette maladie touche les caucasiens mais aussi les antillais [4] et les japonais [13]. Dans 1/3 des formes avec rechute, des antécédents personnels de maladies auto immunes incluant hypothyroïdie, lupus érythémateux systémique, syndrome de Sjögren, anémie de Biermer, maladie de Crohn, syndrome des antiphospholipides, la présence des anticorps anti-neutrophiles cytoplasmiques (ANCA), intoxication au Clioquinol, cholangite sclérosante primitive ou purpura thrombopénique idiopathique sont trouvés [16]. Certains auteurs stipulent que ces associations justifient la non inclusion de ces cas dans le cadre nosologique du syndrome de Devic [5]. Cette entité n’est pas une maladie héréditaire, mais il existe un cas rapporté de 2 surs homozygotes [16]. Les infections virales et bactériennes précédant ou accompagnant la NMO sont un phénomène connu. Le syndrome pseudo-grippal qui précède l’apparition de la maladie neurologique a été rapporté dans environ 25-30% des cas [24,2]. Parmi les cas où un agent infectieux avait été identifié (Sellner et al.), 69% étaient des femmes, l’âge moyen de survenue est de 21 ans (extrêmes:5-41 ans), et le cours a été essentiellement monophasique, avec une incapacité prolongée.[20]. Le virus varicelle zona (VZV) et la tuberculose ont été les déclencheurs infectieux les plus courants; Cependant, d’autres agents bactériens et viraux comme la chlamydia, cytomégalovirus, le VIH et l’Epstein Barr virus (EBV) ont été rapportés. PHYSIOPATHOLOGIE La maladie de Devic est une maladie auto-immune à médiation humorale, à la différence de la SEP, qui est une maladie à médiation cellulaire où l’infiltrat lymphocytaire est prédominant. En 2004, l’équipe de la Mayo Clinic aux États-Unis a mis en évidence pour la première fois un marqueur sérique chez des patients atteints de NMO. Ce biomarqueur, appelé NMO-IgG est un auto-anticorps, a pour cible antigénique un canal hydrique, l’aquaporine 4 (AQP4) qui est exprimée uniquement par les astrcytes [11]. La recherche de cet auto-anticorps a donc été proposée comme test diagnostique de la maladie. NMO-IgG, a été associé avec 73% des patients ayant un syndrome de Devic, mais aussi avec 58% des patients ayant une SEP dans sa forme optico-spinale au Japan [12]. Actuellement, il n’existe pas de méthode de référence pour l’identification de l’auto-anticorps NMO-IgG. Même si cela reste controversé [9], les tests les plus sensibles et les plus spécifiques semblent basés sur la détection d’anticorps dirigés spécifiquement contre l’AQP4. Dans le système nerveux central, l’AQP4 est d’expression ubiquitaire avec des régions de plus forte expression: l’hypothalamus, les régions péri-aqueducales, le nerf optique et la moelle épinière. Ce qui explique la fréquence des lésions en hypersignal adjacentes au 4ème et 3ème ventricule surtout en acquisition FLAIR. Ces localisations préférentielles correspondent précisément aux lésions encéphaliques qui ont été observées chez les rares malades qui ont une atteinte encéphalique à l’IRM [18]. Le rôle directement pathogène de cet auto-anticorps est fortement suspecté. Les données récentes de l’étude anatomopathologique des lésions de névrite optique avec myélite aigue soulignent que la perte d’expression astrocytaire de l’AQP4 est un élément très précoce dans la cascade lésionnelle de la maladie, précédant la perte astrocytaire, myélinique et axonale. Elle serait contemporaine du dépôt périvasculaire d’immunoglobulines [19,14]. CLINIQUE Syndrome optique Une névrite optique est révélatrice chez 50 à 65% des sujets, bilatérale dans un tiers des cas [3], l’atteinte est une névrite optique rétrobulbaire (papille optique d’aspect normal au fond d’il), mais la neuropapillite (dème et hémorragie péri-papillaire) est plus évocatrice, à la longue une atrophie optique s’installe. L’atteinte est le plus souvent bilatérale soit d’emblée, soit plus fréquemment à quelques jours voire quelques mois d’intervalles. Une douleur oculaire rétrobulbaire peut s’associer, mais moins fréquemment que dans l’atteinte papillaire d’autre origine (SEP et étiologies granulomateuses). Le déficit des champs visuels est central. Des cas d’anomalies oculomotrices, de syndrome de Claude Bernard Horner et de nystagmus ont été rapportés par certains auteurs [5]. Syndrome médullaire L’atteinte médullaire dans la NMO est le premier événement dans 20% à 50% des cas. Son délai d’apparition est en moyenne de 2 ans [3]. Classiquement l’installation des symptômes est aigue atteignant l’acmé en quelques heurs ou en quelques jours. La topographie est volontiers cervico-dorsale et la présentation typique est celle d’une myélite transverse symétrique. Le tableau peut être dramatique à type de tétraplégie flasque associée à une détresse respiratoire nécessitant une assistance ventilatoire. Les poussées médullaires peuvent également adopter une topographie plus limitée comme des syndromes de Brown-Séquard, des monoparésies, voire des troubles sensitifs isolés. À la phase d’état, la paralysie sur un mode plégique d’au moins un membre et son caractère flasque seraient fréquents. Des phénomènes paroxystiques douloureux et moteurs sont souvent rapportés à distance des poussées. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES IRM médullaire Au cours d’un épisode de myélite, l’IRM médullaire révèle une augmentation de volume de la moelle et une image étendue sur plus de 3 corps vertébraux, apparaissant en hypersignal sur les séquences pondérées T2, avec en son centre un hypersignal dont l’intensité est identique à celle du LCR. Sur les séquences pondérées T1, ces anomalies apparaissent en hyposignal. Elles sont rehaussées par le gadolinium ce qui témoigne de l’altération de la barrière hémato-encéphalique. Les anomalies médullaires sont le plus souvent uniques, situées au niveau de la moelle cervicale et thoracique. Ces anomalies de signal sont observées lors de l’épisode de myélite mais se modifient à distance de l’épisode, la prise de gadolinium disparaissant et l’image T2 apparaissant moins étendue [17] (Encadré I). IRM cérébrale Par définition l’IRM cérébrale est normale en dehors de l’hypersignal étendu des deux nerfs optiques remontant jusqu’au chiasma. Cependant, la plupart des auteurs admettent la présence d’hypersignaux de la substance blanche encéphalique sur les séquences pondérées T2 surtout en corrélation à la durée d’évolution, sans remettre en cause le diagnostic de NMO [7]. Ponction lombaire Le liquide céphalorachidien (LCR) est généralement anormal. La protéinorrachie est souvent élevée, excédant exceptionnellement 1g/l. Une pléiocytose est observée dans 1/3 des cas si le LCR est prélevé au moment d’une poussée [24]. La présence de bandes oligoclonales dans le LCR varie en fonction des études, 23% des cas dans la série de de Sèze et al [7], les bandes oligoclonale tendent à se négativer sur des tests successifs (Encadré II). Anticorps NMO La valeur prédictive positive des Anticorps NMO après un premier événement médullaire a été testée chez 26 cas de myélite transverse aigue définie par une lésion extensive sur plus de 3 espaces vertébraux à l’IRM médullaire [22]. Les Anticorps NMO étaient présents dans 11 cas. Aucun patient séronégatif n’a présenté de nouvel événement médullaire ou optique après un délai moyen de suivi de 21±19 mois. Ces résultats montrent que la présence des anticorps augmente le risque de rechute médullaire ou de névrite optique. CRITERES DIAGNOSTIQUES Les critères actuels de la neuromyélite optique de Devic reposent sur l’association de critères obligatoires (névrite optique, myélite aigue et absence de signes en faveur d’une atteinte d’autre que celle du nerf optique et de la moelle) à un critère secondaire majeur (IRM encéphalique initial normal, lésion médullaire étendue sur plus de 3 vertèbres, plèiocytose du liquide céphalorachidien) ou à deux critères secondaires mineurs (neuropathie optique bilatérale, neuropathie optique sévère avec une acuité visuelle à 1/10e et un déficit musculaire sévère d’au moins un membre) [24,25]. Toutefois, ces critères ne permettent pas de diagnostiquer les sujets atteints de neuromyélite optique de Devic dont les symptômes neurologiques concernent des régions du système nerveux central autre que le nerf optique ou la moelle épinière, et ceux dont l’IRM cérébrale montre des lésions identiques à celles d’une sclérose en plaques. Wingerchuk et al ont proposé une révision de ces critères diagnostiques [25] (Encadré III). FACTEURS PRONOSTICS Les facteurs pronostiques d’une évolution à rechute sont [16]:
Les formes monophasiques, bien que plus sévères initialement, ont un meilleur pronostic à long terme que les formes à rechutes. Dans les formes à rechutes, 53 % des patients avaient besoin d’une aide à la marche, alors que 65 % des patients à forme monophasique marchaient sans aide [16] (Encadré VI). TRAITEMENT La neuromyélite optique de Devic est une urgence thérapeutique. Plus précoce et plus intense est la prise en charge initiale de la poussée, plus grandes sont les chances de récupération. Cette prise en charge en urgence repose sur une corticothérapie intraveineuse à forte dose (1g/jour pendant 5 jours). Considérant la prépondérance de la médiation humorale dans la maladie, les échanges plasmatiques doivent être rapidement proposés en cas de non-réponse à la corticothérapie [21]. Les immunoglobulines polyvalentes pourraient être également efficaces. La deuxième préoccupation est la prévention des rechutes neurologiques qui ont une moindre probabilité de récupération si elles touchent un territoire déjà affecté par la maladie. L’azathioprine (2.5-3mg/kg/jour), associé ou non à une corticothérapie orale peut être proposé [26]. Pour les patients non répondeurs à ce dernier la mitoxantrone [23] et le rituximab [6] peuvent favoriser une rémission clinique. Une étude réalisée en Chine par l’équipe de Yan-qing Feng et al a montré l’efficacité du traitement antituberculeux en dehors d’une tuberculose évolutive chez des patients NMO et qui résistent aux traitements corticoïdes [10]. On a noté une amélioration clinique et radiologique significative par rapport aux cas témoins. CONCLUSION La neuromyélie optique de Devic est une pathologie auto-immune à médiation humorale. Son pronostic est péjoratif justifiant des traitements agressifs notamment les immunosuppresseurs et les échanges plasmatiques à fin de l’améliorer. Encadré I: Classification des lésions médullaires (adapté d’après Papais- Alvarenga et al 2002) [15].
Encadré II:Les caractéristiques biologiques de la sclérose en plaque (SEP) et de NMO [1].
Encadré III: Critères diagnostiques révisés de Neuromyélie optique de Devic (Wingerchuk, 2006)
Encadré VI : Les caractéristiques des formes monophasiques et à rechutes de NMO [24]
BIBLIOGRAPHIE
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