CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
PLACE DE LA POLIOMYÉLITE ANTÉRIEURE AIGUË (PAA) DANS LES PARALYSIES FLASQUES AIGUËS (PFA) DE L’ENFANT EN CÔTE D’IVOIRE (CI)
PLACE OF THE ACUTE ANTERIOR POLIOMYELITIS AMONG THE ACUTES FLACCID PARALYSIS OF THE CHILD IN CÔTE D'IVOIRE
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RESUME Introduction Objectif Méthodes Résultats Discussion Conclusion Mots-clés: Poliomyélite Antérieure Aigue, Paralysie flasque aigüe, Enfant, Côte d’Ivoire. ABSTRACT Background Objective Methods Results Discussion Conclusion Key words: Côte d’Ivoire, children, Acute Flaccid Paralysis, Acute Anterior Poliomyelitis. INTRODUCTION Les paralysies flasques aigues (PFA) se définissent comme des déficits moteurs hypotoniques de survenue brutale traduisant une atteinte du système nerveux central ou périphérique. Les formes cliniques et les étiologies sont nombreuses, dues notamment à des maladies comme la poliomyélite antérieure aiguë (PAA) ou Maladie de Heine-Medin. La PAA est une maladie infectieuse virale, transmise par le poliovirus sauvage (PVS) par contact fécal-oral et touchant principalement les enfants de moins de 5 ans. Elle se manifeste par une PFA asymétrique sans troubles sensitifs. Dans 90% des cas, elle est asymptomatique ou provoque un tableau fébrile non spécifique (9,6, 20). Elle a disparu en occident, mais persiste sur un mode endémique dans certains pays d’Afrique et d’Asie (20). La stratégie d’éradication de la PAA par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), associe un programme de vaccination à l’échelle mondiale et la surveillance de tous les cas de PFA pour les enfants de 0 à 15 ans dans les pays cibles dont la Côte d’Ivoire (16,15). Malgré de nombreuses campagnes contre la PAA, le nombre de paralysies flasques ne cesse de croître, posant ainsi le problème de l’efficacité des stratégies de surveillance des PFA et du rôle réel de la poliomyélite dans la survenue de ces PFA chez l’enfant. L’objectif de ce travail est, à partir du bilan de 10 années de surveillance des PFA en Côte d’Ivoire (CI), de préciser la place de la PAA. MATERIELS ET METHODES Il s’agit d’une étude descriptive rétrospective réalisée sur une période de 10 années, de 2004 à 2013 au sein de deux structures: la Direction de Coordination du Programme Élargi de Vaccination (DC-PEV) et le Département des Virus Épidémiques de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire (IPCI). La population d’étude était constituée par l’ensemble des enfants âgés de 0 à 15 ans, ayant présenté une PFA et vivant sur toute l’étendue de la Côte d’Ivoire durant la période de notification. Ont été inclus tous les cas rapportés et inscrits dans la base de données de la DC-PEV; tous les cas recensés dans les archives de l’IPCI. Le cas présumé se définissait comme tout enfant de moins de 15 ans présentant une PFA. Le cas présumé devenait un cas confirmé après l’isolement du virus dans les selles. Ont été exclus les cas dont le formulaire d’enquête n’a pas été retrouvé. Ainsi, 3 180 cas ont été retenus. Les données sociodémographiques (âge, sexe), cliniques (notion de fièvre au début de la paralysie, mode d’installation de la paralysie, asymétrie des paralysies, topographie de la paralysie, évolution), virologiques (statut vaccinal antipolio, analyse des selles) et évolutives ont été analysées. Les limites de l’étude se résumaient à la notification incomplète des informations sur certaines fiches d’enquête. RESULTATS La moyenne d’âge était égale à 4 ans avec des extrêmes de 19 jours et 15 ans. Les enfants de moins de 5 ans représentaient 70,2% des cas. Six pour cent des enfants avaient entre 10 et 15 ans. Le sexe ratio était de 1,3. Dans 57,9% des cas, la paralysie s’était installée en moins de 3 jours. La fièvre existait chez 2 587 enfants sur 3 180 (81,4%). Les formes topographiques de PFA (figure 1) étaient représentées par les paraplégies (53,3%), les monoplégies crurales (25,4%), l’hémiplégie (9%) et la tétraplégie (3,8%). Des cas de monoplégie brachiale, de diplégie et de triplégie ont été retrouvés. La paralysie était asymétrique dans 36,6% des cas. Sur les 312 enfants revus au bout de soixante jours d’évolution, 51,9% n’avaient pas de paralysie résiduelle, 31,1% en avaient une. 30 enfants (9,6%) ont été perdus de vue et 23 (7,4%) sont décédés. Dans 53,8% des cas, 3 à 6 doses de vaccin polio oral étaient administrés (figure 2). Le statut n’était pas précisé dans 22,3% des cas. L’analyse des selles était négative dans 2 684 cas (84,4%) (figure 3). Dans 268 cas (8,4%), il y avait une suspicion de poliovirus dont 109 cas de poliovirus sauvage (40,7%) et 159 cas (59,3%) de poliovirus vaccinal. Les entérovirus non polio ont été isolés dans 7% des cas. Le poliovirus sauvage sérotype 1 (PVS1) était présent dans 45/3180 échantillons (1,4%), le PVS sérotype 3 (PVS3) dans 64/3180 échantillons (2%). Le PVS sérotype 2 (PVS2) était absent dans les selles. Il n’y avait pas de cas de PAA paralytique due au poliovirus dérivé d’une souche vaccinale (PVDV). DISCUSSION Dans notre étude, les enfants de moins de 5 ans représentaient la majorité des cas.BOUHARRASS et coll. au Maroc ont également noté que la tranche d’âge inférieure à 5 ans est la plus touchée dans 46,4% (2). Cette plus grande fréquence pourrait s’expliquer par une immunité fragile dans cette tranche d’âge. Les enfants de sexe masculin étaient les plus nombreux dans notre étude, avec un sexe ratio de 1,3. SIMO, dans une étude sur la surveillance des PFA au Mali, de 1999 à 2005, a observé également une prédominance masculine (19). Certains caractères de la PFA correspondent à la définition de de la PAA (7,9, 4). Elle s’est installée en moins de 3 jours dans la majorité des cas (57,9%) et touche préférentiellement les membres inférieurs (53%) et elle est asymétrique (36,6%). La prédominance des formes symétriques dans notre étude (46,2%) permet d’évoquer d’autres myélites aigues qui associent une paralysie flasque puis spastique, à des troubles sensitifs et ou sphinctériens (8) ou des étiologies comme le syndrome de Guillain-Barré, qui est la cause la plus fréquente des paralysies périphériques aiguës de l’enfant. En 2009, en Tunisie, sur l’ensemble des PFA notifiées, 25 étaient des syndromes de Guillain-Barré et 7 des polyradiculonévrites (18). La variabilité de la topographie des PFA montre la nécessité d’un examen clinique approfondi à la recherche d’autres signes neurologiques à type de troubles sensitifs distaux ou avec un niveau lésionnel, des troubles sphinctériens, des atteintes de nerfs crâniens, pour faire un diagnostic différentiel avec les autres causes de PFA. La monoplégie du membre inférieur peut faire évoquer une paralysie post-injection intramusculaire réalisée chez un enfant fébrile pour traiter un accès palustre. L’injection entraine une mononeuropathie aiguë du nerf sciatique. Le déficit moteur flasque apparaît immédiatement ou le plus souvent dans les 48 heures. Il est très fréquemment accompagné d’une névralgie sciatique intense. Les séquelles paralytiques distales définitives sont fréquentes (17). La fièvre est présente chez 81,4% de nos patients. Dans l’étude de SIMO, 84,5% des PFA ont été accompagnées de fièvre en début de paralysie (19). Dans notre contexte de travail, la présence de la fièvre peut être source d’erreur du diagnostic, car elle est considérée souvent comme un accès palustre. Selon DEBRE et THIEFFRY, le risque des erreurs de diagnostic dans la poliomyélite était de 15% (6). Ainsi, en plus de l’analyse virologique des selles, d’autres examens comme l’analyse du liquide céphalo-rachidien à la recherche d’entérovirus par la Polymerase Chain Reaction et un électroneuromyogramme, pourraient contribuer à faire un diagnostic étiologique plus précis des PFA de l’enfant. Dans notre étude, l’analyse virologique des selles était très souvent négative (84,4%). Elle a retrouvé des poliovirus dans 8,4% et des entérovirus non polio dans seulement 7% des cas. La PAA semble donc être une cause peu fréquente de PFA, comme dans la série de MENARD et coll. (13). Mais la recherche d’agents infectieux, autres que les entérovirus, n’est pas systématique dans les selles; or les entérovirus polio ou non ne sont pas les seules responsables de PFA infantiles. D’autres virus (herpès simplex, herpès zoster, cytomégalovirus, virus de la varicelle, de la rougeole, de la grippe et de la rage, haemophilus inflluenzae, arbovirus, coxsackie ou echovirus, Epstein-Barr, human T-cell, leukemia virus, virus de l’immunodéficience humaine) et des germes parasitaires ou bactériens (mycoplasma pneumoniae, borréliose, syphilis, tuberculose) peuvent être incriminés dans la survenue des PFA (12). Dans 51,9% des cas, nous n’avons pas observé de paralysie résiduelle ; 30 cas (9,6%) ont été perdus de vue et 23 (7,4%) sont décédés. Dans l’étude de N’SAMBU et coll. portant sur 53 cas, il y avait 5 patients perdus de vue, une absence de paralysie résiduelle dans 10 cas, et le décès était survenu dans 10 cas (14). L’OMS estime qu’il y a entre 10 et 20 millions de survivants de la poliomyélite atteints d’incapacités physiques dans le monde (4). En 2002, on estime que 55 000 personnes ont des séquelles de polio en France, 700 000 en Europe et plus d’1 million aux Etats-Unis (20). Dans notre population, le nombre peu élevé de paralysie résiduelle peut faire évoquer la possibilité d’un syndrome de Guillain-Barré qui se caractérise par une régression de la paralysie. En Égypte, HALAWA et coll. ont montré que le syndrome de Guillain et Barré représentait la cause la plus importante des PFA depuis l’éradication de la poliomyélite (10). Selon l’OMS, trois doses du vaccin antipoliomyélitique oral confèrent une immunité vis-à-vis des trois sérotypes de poliovirus à plus de 95% (3). La majorité des cas de notre étude, comme ceux de SIMO (19), avait donc un statut vaccinal VPO satisfaisant. La bonne couverture vaccinale du pays s’explique par l’intensification de la vaccination par le PEV avec une meilleure sensibilisation des populations Nous observons une faible proportion de PFA dues au poliovirus sauvage du fait de la disparition du PVS2 dans notre pays et son éradication au niveau mondial selon l’IMEP (5). Dans les pays d’endémie, circulent les sérotypes 1 et 3 (20). Selon AKA et collaborateurs, il y a eu une réintroduction des PVS1 et PVS3 en Côte d’Ivoire, en 2008 et 2011, d’où la nécessité d’utiliser le VPO bivalent (1). En raison de la bonne couverture vaccinale du pays, aucun cas de poliovirus dérivé d’une souche vaccinale n’a été retrouvé dans notre étude, contrairement à certains pays africains comme la République Démocratique du Congo, l’Éthiopie et le Nigéria (11). CONCLUSION Notre étude montre que la PAA ne représente qu’une infime partie des cas de PFA alors qu’en pratique, la stratégie de surveillance des cas de PFA reste basée sur la recherche uniquement de la PAA. Il est donc important, d’évoquer d’autres diagnostics devant une PFA de l’enfant et de faire un bilan exhaustif pour identifier ces causes et en assurer une prise en charge adéquate.
BIBLIOGRAPHIE
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