CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
POTENTIEL D’INDICATION CHIRURGICALE DE L’EPILEPSIE EN MILIEU NEUROPSYCHIATRIQUE A KINSHASA: CAS DU CENTRE DE SANTÉ MENTALE TELEMA ETUDE PRÉLIMINAIRE
POTENTIAL OF EPILEPSY SURGERY INDICATION IN NEUROPSYCHIATRIC MIDDLE AT KINSHASA: CASE OF THE MENTAL HEALTH CENTER TELEMA. PRELIMINARY STEP
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RÉSUMÉ Contexte et objectifs Méthodologie Résultats Conclusion Mots-clés : Afrique sub-saharienne – Chirurgie de l’épilepsie – Epilepsie réfractaire -Evaluation pré-chirurgicale – Imagerie par Résonance Magnétique. ABSTRACT Background and objectives Methods Results Conclusion Keywords: Epilepsy surgery – Magnetic Resonance Imaging – Presurgical evaluation – Refractory epilepsy – Sub-Saharan Africa. INTRODUCTION Avec 50 millions d’individus affectés dans le monde, l’épilepsie est la maladie neurologique la plus fréquente (9, 24). Dans les pays à faibles ressources et particulièrement en milieu tropical, elle prédomine chez les enfants et les jeunes adultes. Son incidence en Afrique sub-saharienne est estimée entre 150 et 190/ 100 000 hab (9, 17, 24). Son traitement est principalement médical, mais environ un tiers de cas y sont réfractaires. Ces patients ayant une épilepsie dite pharmaco-résistante sont des candidats potentiels à une prise en charge chirurgicale (12, 20, 27). En pratique, les patients souffrant d’épilepsie sont considérés réfractaires au traitement médical lorsqu’il y a persistance des crises épileptiques après deux ans de traitement régulièrement suivi à base d’au moins deux antiépileptiques. En effet, il a été démontré qu’après cette durée de traitement, la situation de ces patients n’est souvent plus modifiée malgré l’ajout d’autres molécules (12, 26). L’épilepsie réfractaire affecte la qualité de vie des sujets concernés et les expose au risque de maladies psychiatriques telles que l’anxiété et la dépression. En outre, ils peuvent être victimes de brûlures et de traumatismes divers, de noyade voire de mort au cours de leurs crises (6, 16, 13, 14, 17). Pour les patients ayant une épilepsie pharmaco-résistante, la prise en charge chirurgicale représente la seule issue thérapeutique optimale. En effet, la chirurgie portant sur une zone épileptogène bien identifiée peut conduire à la suppression des crises dans 80 à 90% des cas (12, 25). Outre la chirurgie de résection, d’autres techniques telles que l’hémispherectomie, la déconnexion, les trans-sections sous-piales multiples permettent d’obtenir, à défaut d’une suppression, une réduction significative des crises de l’ordre de 43 à 70% (12, 19, 25). Ce qui assure un développement neuropsychologique optimal des enfants ainsi qu’une qualité de vie meilleure pour les adultes épileptiques (9, 25). En République Démocratique du Congo, il n’existe aucune pratique du traitement chirurgical de l’épilepsie. Cette situation est liée d’une part à l’insuffisance des moyens d’investigations et d’équipements neurochirurgicaux appropriés et d’autre part, à l’absence d’une équipe multidisciplinaire autour de la maladie épileptique. En effet, la sélection pour un traitement chirurgical passe par l’identification de l’épilepsie réfractaire, les explorations fonctionnelles telles que l’EEG avec enregistrements prolongés et vidéo-EEG, l’imagerie et le consensus au sein d’une équipe multidisciplinaire. L’IRM représente la pierre angulaire dans le processus de cette sélection (2, 4, 5, 7, 8). L’introduction récente de cet outil d’imagerie à Kinshasa devrait constituer un tournant majeur dans la prise en charge des patients épileptiques en général et ceux avec épilepsie réfractaire en particulier. La présente étude a eu pour objectifs de décrire les caractéristiques anthropométriques et cliniques ainsi que l’évolution sous traitement des patients suivis pour épilepsie et de documenter le niveau d’investigation de cette pathologie afin d’identifier les patients potentiellement éligibles pour un traitement chirurgical. METHODOLOGIE Il s’agit d’une étude documentaire descriptive menée au CSM Telema (Kinshasa/Matete) du 07 avril au 07 mai 2014. Ce centre de référence assure les soins de jour et regroupe le plus grand nombre de patients suivis pour des affections neuropsychiatriques à Kinshasa. Les consultations quotidiennes y sont assurées par 4 infirmiers neuropsychiatres et une fois par semaine par un médecin neuropsychiatre du Centre Neuro-Psycho-Pathologique de l’Université de Kinshasa. L’ensemble des activités médicales est sous la supervision d’un professeur neuropsychiatre. Les dossiers des malades avec un diagnostic d’épilepsie et ayant été reçus pour la première fois entre avril 2011 et mars 2013 et dont le suivi pouvait s’étendre jusqu’à mars 2014, ont été colligés. En effet, c’est à partir de l’année 2011 que le CSM Telema a commencé la gestion informatisée de sa base de données des patients. Trois médecins dont un neurochirurgien et deux généralistes ont constitué l’équipe d’enquêteurs. Les variables d’intérêt de l’étude comprenaient : les données anthropométriques (âge et sexe), les caractéristiques de l’épilepsie (âge de début, durée d’évolution, durée de suivi, type de crises, facteurs étiologiques éventuels, nombre de crises par mois), les données thérapeutiques (nombre d’antiépileptiques reçus, évolution des crises sous traitement), les investigations complémentaires (réalisation et résultats de l’EEG standard et du scanner cérébral). Ont été exclus de l’étude tous les dossiers incomplets par rapport aux variables d’intérêt, et tous les cas dont la durée d’évolution de la maladie était inférieure à un mois. Les données recueillies ont été codifiées et saisies sur logiciel EPI DATA 2.1, puis transférées sur logiciel IBM SPSS Statistics 20 pour traitement. Quatre types de crises épileptiques retrouvés dans les dossiers ont été enregistrés : les crises généralisées tonico-cloniques, les absences typiques et atypiques, les crises partielles. Au sujet du traitement antiépileptique, les patients ont été répartis en 2 groupes : patients ayant reçu un seul antiépileptique et ceux ayant reçu au moins 2 antiépileptiques. L’évolution des crises a consisté en 4 modalités : persistance, aggravation, diminution et disparition. La durée de suivi a été répartie en tranche de 1 à 11 mois, 12 à 23 mois et 24 à 36 mois. Les résultats de l’EEG standard et du scanner ont été décrits en termes de normal et pathologique. Etaient considérés strictement comme répondant aux critères d’épilepsie réfractaire les patients ayant reçu au moins 2 antiépileptiques et suivis sur une durée d’au moins 24 mois. Nous avons procédé au calcul des mesures de tendance centrale ainsi que des proportions. RESULTATS Du total de 1254 dossiers des patients reçus, 1184 ont été retenus, soit une moyenne annuelle calculée de 592 nouveaux cas. Parmi eux, 617 (52,1%) étaient de sexe masculin et 567 (47,9%) de sexe féminin (sex ratio H/F de 1,1). L’âge médian au moment de l’enquête était de 19 ans avec une moyenne de 22,3 ans et des extrêmes de 1 à 81 ans. 604 patients (51,0%) avaient un âge inférieur à 20 ans et 417 (35,2%) avaient un âge allant de 20 à 39 ans. L’âge moyen de début de l’épilepsie était de 16,1 ans. 808 patients (68,2%) avaient un âge de début de la maladie inférieur à 20 ans. La durée d’évolution de l’épilepsie était comprise entre 0,1 et 51 ans avec une moyenne de 6,4 ans et une durée de suivi moyenne de 6,5 mois (Tableau I). Près de 30 % des patients (348/1184) avaient eu une seule consultation. Quant aux patients ayant été vus au moins 2 fois en consultation (n = 836), 563 (67,3%) avaient une durée de suivi inférieure à 12 mois, 180 (21,5%) une durée comprise entre 12 et 23 mois et 93 (11, 1%) une durée comprise entre 24 et 36 mois. Du point de vue sémiologique, les crises généralisées tonico-cloniques étaient observées chez 94,4% des cas (y étaient confondues les crises partielles complexes et secondairement généralisées). Les absences typiques étaient retrouvées chez 40 patients (3,4%) tandis que les absences atypiques et les crises partielles simples l’étaient respectivement chez 1,1 % des cas. La moyenne de crises par mois était de 30,1 avec des extrêmes de 1 à 600 crises (patients ayant une fréquence de 20 crises par jour). Les antécédents morbides pouvant avoir un lien avec l’épilepsie étaient notés chez 213 patients (17,2%). Parmi eux, le paludisme grave prédominait avec 33, 8% des cas, suivi de la notion d’épilepsie dans la famille (17,4%). Venaient ensuite les traumatismes cranio-encéphaliques (17,0%) et la méningite (15, 5%) (Tableau I). La monothérapie était utilisée dans la plupart des cas (80,8%) et le reste de patients (19,2%) avaient reçu au moins 2 antiépileptiques. Du total des patients ayant eu au moins deux contacts (n=836), la disparition des crises sous traitement était observée chez 261 patients (31,2 %) tandis que 392 patients (46,9 %) avaient une diminution des crises, 183 (21,8 %) avaient soit une persistance (138 patients), soit une aggravation (45 patients) (Tableau II). Du groupe de patients avec une durée de suivi comprise entre 24 et 36 mois (n=93), la disparition des crises était observée chez 27 (29,0%), tandis que 47 avaient une diminution (50,5%) et 19 (20,4%) avaient une évolution défavorable (aggravation ou persistance des crises) (Tableau II). De ce total de 93 patients, 26 avaient reçu au moins 2 antiépileptiques et dans ce sous-groupe, la disparition des crises n’était notée que chez 2 patients. Les 24 patients restants, soit 25,8 % de ceux qui ont eu un suivi d’au moins 2 ans, étaient considérés comme réfractaires. Dans ce lot des cas réfractaires, la moyenne d’âge était de 17,6 ans avec des extrêmes de 7 et 43 ans et 16 patients (72,7%) étaient âgés de moins de 20 ans. Des investigations complémentaires de mise au point de l’épilepsie, l’EEG était réalisé chez 198 patients (16,7%) et s’était révélé anormal dans 81,8% des cas. Moins d’1% des patients (10/1184) avaient eu un scanner cérébral qui s’était révélé anormal dans 7 cas (70% d’examens scanographiques réalisés) (Tableau III). DISCUSSION La chirurgie est devenue un traitement largement pratiqué en cas d’épilepsie réfractaire. Elle comprend plusieurs modalités parmi lesquelles: la chirurgie de résection avec diverses possibilités en fonction de l’étiologie de l’épilepsie, les techniques de déconnection, l’électrocoagulation, les techniques de stimulation notamment la stimulation du nerf vague (10, 12, 15, 19, 25). Cependant la sélection des candidats pour un traitement chirurgical passe par 3 étapes majeures dont la première est la reconnaissance de la maladie épileptique comme réfractaire et invalidante. La deuxième étape consiste au recueil des données électro-cliniques et iconographiques compatibles avec un syndrome épileptique remédiable par la chirurgie. La troisième consiste à évaluer l’apport de la chirurgie par rapport aux conséquences de l’épilepsie (2, 4, 5, 7, 8, 24, 27). Cette étude a eu comme objectifs de décrire les caractéristiques anthropométriques et cliniques ainsi que l’évolution sous traitement des patients suivis pour épilepsie et de documenter le niveau d’investigation des patients afin d’identifier ceux qui sont potentiellement éligibles pour un traitement chirurgical. La majorité des patients (68,2%) étaient âgés de moins de 20 ans à la première crise. Preux et Druet-Cabanac, en comparant plusieurs études africaines, ont relevé un taux moyen de 60% de début avant 20 ans (22).Ces résultats suggèrent que mal soignés ou non guéris, ces patients resteront plus longtemps exposés aux conséquences néfastes de l’épilepsie. Ainsi, il est primordial d’obtenir une mise au point optimale précoce de la maladie afin d’identifier ceux des patients qui courent le risque d’évoluer vers une épilepsie réfractaire. Le jeune âge de début de l’épilepsie est reconnu comme un facteur péjoratif dans la gravité de la maladie. Lorsque ce facteur est en plus associé à une longue durée d’évolution, il compromet même l’efficacité du traitement chirurgical. Dès lors, il est recommandé d’envisager la chirurgie le plus tôt possible (5, 19, 21, 25, 27). La grande majorité de patients (94,4%) avaient présenté des crises généralisées tonico-cloniques comme décrit dans d’autres études africaines (21, 22). Cette forme de crises constitue l’aspect le plus spectaculaire de la maladie et la seule qui incite souvent à la consultation dans nos milieux. Au Togo, Guinhouya et ses collaborateurs ont observé 99% de crises tonico-cloniques généralisées et 1 % d’absence, alors qu’en Ethiopie, une proportion de 82% de crises généralisées a été rapportée (1,11, 22). Notons cependant que, dans le cadre des soins de santé primaire du CSM Telema, les crises partielles secondairement généralisés et les crises complexes étaient confondues avec les crises généralisées tonico-cloniques proprement dites. Ainsi, ces crises partielles restent sous-estimées comme l’avait déjà relevé Ngoungou et al. (17). Quoi qu’il en soit, à la faveur du développement actuel des moyens d’investigations, les patients avec épilepsies focales aussi bien que ceux avec syndromes généralisés, peuvent bénéficier d’une évaluation en vue d’un traitement chirurgical. En effet, les points de départ de certaines de ces épilepsies généralisées peuvent être identifiés par des enregistrements EEG à l’aide des électrodes intracrâniennes sous-durales ou intra-parenchymateuses. Elles peuvent ainsi relever d’un traitement chirurgical (5, 19, 23). La proportion des patients ayant une durée de suivi d’au moins 24 mois a été faible dans la population de cette étude (11,1% des patients reçus plus d’une fois). Dans l’ensemble de ce groupe, le pourcentage des patients réfractaires (25,8%) se rapproche de celui rapporté dans la littérature (environ 30%) (4, 25). Cependant, ramené au total réduit de 26 patients ayant été traités avec au moins 2 antiépileptiques et suivi pendant au moins 2 ans, ce pourcentage remonte à plus de 90% (24/26). Ce qui tend à confirmer que la situation de ces patients ne serait plus modifiée malgré la poursuite du traitement. Ils devraient être considérés comme éligibles pour une évaluation en vue d’un traitement chirurgical, d’autant plus qu’il s’agit dans la majorité de cas des patients jeunes (73% âgés de moins de 20 ans) décrits dans la littérature comme répondant mieux à la chirurgie (3, 5, 12, 26, 27). La maladie épileptique a été très peu investiguée dans notre étude (16,5% de taux de réalisation d’EEG et 0,8% pour le scanner cérébral). Le scanner, bien que très peu réalisé, a montré dans 70% des cas une cause lésionnelle, donc potentiellement chirurgicale. Ce qui souligne l’importance d’obtenir un bilan de base qui doit comprendre, en plus des données sémiologiques, au minimum un EEG avec enregistrements vidéo et, à défaut de l’IRM (qui reste l’imagerie de choix), un scanner cérébral. Les autres explorations d’imagerie telles que le PET (Positon Emission Tomography), le SPECT (Single Photon Emission Computed Tomography) ne sont généralement utilisés qu’en complément de l’IRM ou quand celle-ci est négative (2, 4, 7, 15, 26, 27, 28). CONCLUSION L’épilepsie affecte dans notre milieu les patients en âge scolaire et les jeunes adultes qui sont généralement des candidats de choix devant bénéficier d’un traitement chirurgical en cas de pharmaco-résistance. La grande majorité présente des crises généralisées. Après deux ans de suivi, 26 % des patients sont considérés réfractaires. L’affection demeure cependant très peu investiguée. Avec l’avènement récent de l’IRM, un programme d’investigation plus large permettra d’identifier notamment les épilepsies lésionnelles et de soumettre ces patients à une évaluation multidisciplinaire en vue d’un traitement neurochirurgical REMERCIEMENTS: Nous adressons nos sincères remerciements aux surs du Sacré-Cur de Jésus, responsables du CSM Telema, pour l’autorisation et l’accompagnement dans la réalisation de cette enquête. A travers elles, nous exprimons notre reconnaissance à tout le personnel dudit centre. Nous remercions les docteurs R Assani et C Amesa pour leur participation à la collecte des données.
Conflit d’intérêt : aucun conflit à déclarer
Tableau I : Caractéristiques des patients épileptiques (n=1184)
1 Ne sont considérés dans ce groupe que les crises partielles simples Tableau II: Modalités thérapeutiques et évolutives sous traitement des patients épileptiques suivis au CSM Telema
1 patients ayant eu au minimum 2 consultations Tableau III : Résultats des investigations complémentaires des patients suivis pour épilepsie au CSM Telema
REFERENCES
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