CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
PRISE EN CHARGE DE L’HEMATOME EXTRADURAL A DAKAR. A PROPOS DE 40 CAS
MANAGEMENT OF EPIDURAL HEMATOMA AT DAKAR. STUDY 4O CASES
- Service de Neurochirurgie CHU de FANN, Dakar, Senegal
- Service anesthésie réanimation de l’hôpital principal de Dakar
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RESUME
Introduction
L’hématome extradural est une affection rare mais grave car engage rapidement le pronostic vital. Il s’agit d’une urgence thérapeutique nécessitant par conséquent une prise en charge rapide.
Objectif
L’objectif de ce travail est d’évaluer les aspects épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques de l’hématome extradural depuis l’avènement du scanner dans notre pays.
Patients et méthode
Il s’agit d’une étude rétrospective multicentrique réalisée dans quatre de nos hôpitaux durant une période de huit ans, de juillet 1994 à juin 2002. Nous avons pu collecter 40 dossiers de patients traumatisés cranio-encéphaliques présentant un hématome extradural à la tomodensitométrie cérébrale.
Résultats
Sur 1296 patients ayant consulté pour un traumatisme cranio-encéphalique toute gravité confondue, 40 ont présenté un hématome extra dural soit 3,09%.
L’age moyen était de 26.1 ans avec une fréquence maximale entre 11 et 20 ans. Le sex. Ratio est de 9.1. Les accidents de la voie publique représentent l’étiologie la plus fréquente avec 55% des cas. Le délai de consultation est long avec une moyenne de 2 à 3 jours. L’examen clinique retrouve des signes d’hypertension intracrânienne chez 87,5% des patients, un déficit moteur chez 30% des patients, des troubles de la conscience dans 55% des cas. Les résultats scannographiques ont montré une localisation temporo pariétale prédominante (72,5%)
. 87,5% des patients ont bénéficié d’une prise en charge chirurgicale. L’évolution est favorable dans 75% des cas. Nous avons noté 20% de mortalité.
Conclusion
L’hématome extradural constitue l’urgence neurochirurgicale type. Son pronostic est bon si traité précocement.
Mots clés : hématome extra-dural, tomodensitométrie, Sénégal, urgence neurochirurgicale
ABSTRACT
Introduction
Epidural haematoma is not so frequent but might lead rapidly to death if undiagnosed. That is a surgical emergency which need a fast management.
Objectives
to study epidemiological and clinical features since the advent of the CT scan in our country
Material and Methods
We realized a multicentric retrospective study from 4 hospitals located in the capital. During a period of 8 years we collected 40 patients presenting post traumatic epidural haematoma
Results
This cohort of 40 patients with EH, has been withdrawed from a population of 1296 patients suffering from head injury .The mean age was 26.1 years with a peak of frequency between 11 and 20 years. Road traffic accident is the main cause (55%) ,Time relapse between the trauma and arrival at the hospital is long (mean 2 to 3 days).Intracranial high pressure is found in 87.5%, 55% of our patients have consciensness disturbance ,and 30% have motor deficit. CT scan evaluation showed that EH is mostly located on temporo-parietal area. 87.5% of patients went to surgery .The outcome was good on 75%. Death rate was 20%
Conclusion
Epidural haematoma is a neurosurgical emergency. When treated rapidly the prognosis is good…
Keys-words: CT scan – epidural haematoma – Senegal- surgical emergency
INTRODUCTION
Les traumatismes cranio-encéphaliques restent l’une des premières causes de mortalité du sujet jeune dans le monde. Ils expliquent à eux seul 50 à 70% des morts accidentelles [12,15]
Ils constituent actuellement dans la plus part des pays en voie de développement un réel problème de santé publique du fait de l’urbanisation anarchique et de l’état des routes.
L’hématome extradural est l’une de ses complications les plus graves. Il s’agit d’une collection de sang entre la dure mère et la voûte crânienne. Véritable urgence neurochirurgicale, il n’autorise aucun retard thérapeutique.
C’est la lésion la plus décrite dans la traumatologie cranio-encéphalique c’est aussi la plus curable sur le plan chirurgical. En effet il laisse peu de séquelle s’il est pris en charge tôt.
Le but de notre travail est :
– d’évaluer les données épidémiologiques, cliniques, diagnostiques, thérapeutiques, et pronostiques de l’hématome extra dural dans un pays en voie de développement.
– de réaffirmer les indications thérapeutiques de cette pathologie.
PATIENTS ET METHODE
Il s’agit d’une étude multicentrique et rétrospective allant de juillet 1994 à juin 2002. Durant cette période 1296 patients ont été pris en charge pour un traumatisme cranio-encéphalique au niveau de quatre formations hospitalières : le centre hospitalier national de Fann, l’hôpital principal, l’hôpital Aristide Le Dantec et l’hôpital général de Grand Yoff.
Ont été retenus pour cette étude, tous les patients ayant présenté un hématome extradural documenté par un scanner cérébral. Les dossiers médicaux incomplets ont été exclus du recrutement.
RESULTATS
Données démographiques
Durant cette période, 1296 patients ont été reçus pour un traumatisme cranio-encéphalique ; parmi eux 40 ont présenté un hématome extradural soit une fréquence de 3.09%.
13 dossiers ont été colligés à l’hôpital général de Grand Yoff (32,5%), 11 à l’hôpital Aristide Le Dantec (27,5%), 9 au centre hospitalier national de Fann (22,5%), et enfin 7 à l’hôpital principal (17,5%).
La prédominance masculine est constatée avec un sex. Ratio de 9 /1. La moyenne d’age est de 26,1 ans avec des extrêmes de 8 mois à 70 ans (figure 1).
Les accidents de la voie publique constituent l’étiologie la plus fréquente, avec dans 55% des cas.
Cependant chez les enfants la chute d’une hauteur est le plus souvent retrouvée, 66,7% chez les enfants de moins de 11 ans.
Clinique
Le délai moyen de consultation est de 2.8 jours avec des extrêmes de 2 heures et 15 jours. Ce délai est supérieur à 48heures dans 40% des cas.
Le délai moyen entre le traumatisme et la chirurgie est de 3,4jours avec des extrêmes de 24heures à 15jours. Ce délai est supérieur à 2jours pour la moitié des patients.
La notion d’intervalle libre est retrouvée dans 50% des cas. L’examen neurologique a montré une hypertension intracrânienne chez 87,5% des patients, un déficit moteur hémi corporel dans 30% des cas et une mydriase unilatérale dans 7,5% des cas.
Les troubles de la conscience ont été objectivés chez 50% des patients, 30% présentaient un score de Glasgow compris entre 12-8 et 20% un score des Glasgow inférieur à 8.
Des lésions extra crâniennes ont été mises en évidence chez 42,5% des patients. Les lésions des membres supérieurs et/ou inférieurs avaient été de loin les plus fréquentes, notées chez quatorze patients. Les lésions abdominales et thoraciques étaient bénignes. Le rachis cervical a été lésé chez trois patients, parmi eux deux avaient une fracture- tassement vertébrale intéressant C4 pour le premier et C6 pour le second (figure 2).
Au plan évolutif 57,5% des patients avaient présenté un mode aigu et 40% un mode subaigu. Un seul patient a présenté une forme chronique avec une symptomatologie apparue 15 jours après le TCE.
Paraclinique
Tous nos patients ont bénéficié d’une tomodensitométrie cérébrale avec ou sans radiographie standard du crâne. Il existait une fracture de la voûte du crâne dans 63.5 % des cas, une embarrure dans 5 %, un hématome extradural dans 100 % et des lésions intracrâniennes associées dans 47.5 % (figure 3).
Sur le plan topographique, 72,5% des patients avaient présenté un hématome extradural temporal, temporo-pariétal ou pariétal. La forme bilatérale est retrouvée dans 7.5 % des cas (tableau 1).
Thérapeutique
Cinq patients n’ont pas été opérés (12.5 %), parmi eux trois ont été reçus à un stade de coma dépassé avec un score de Glasgow à trois, une mydriase bilatérale avec un délai de consultation supérieur à deux jours. Les deux autres présentaient au scanner cérébral une petite lame d’hématome extradural sans effet de masse. Tous nos patients avaient bénéficié des mesures de réanimation de base.
Le traitement chirurgical a consisté à un volet crânien chez dix huit patients et une craniectomie chez dix sept autres. Chez tous les patients opérés la dure mère a été suspendue et un drain extradural aspiratif a été mis en place. Deux patients ont bénéficié d’une ré intervention à J2 et à J9 de la première.
Evolution
L’évolution est appréciée selon l’échelle de Glasgow Outcome Scale six mois après le traumatisme. Nous avons retrouvé :
Gde 1 |
récupération/séquelles mineures |
75% |
Gde 2 |
séquelles mais indépendante |
5% |
Gde 3 |
conscient mais non autonome |
0 |
Gde 4 |
état végétatif persistant |
0 |
Gde 5 |
décès |
20% |
(8 décès dont 3 parmi les non opérés)
La mortalité en fonction du Glasgow coma Scale d’entrée est représentée sur le tableau 2.
COMMENTAIRES
LHématome extradural est relativement rare dans notre pays, compliquant 3,09% des traumatismes crânio-encéphaliques ce qui est conforme aux données de la littérature [7, 10, 13]. Cependant certaines séries autopsiques montrent une fréquence beaucoup plus élevée de l’ordre de 20% [2].
Il reste une pathologie du sujet jeune. Près de la moitié de nos patients avait moins de 20 ans. La prédominance masculine est la règle.
Les accidents de la circulation en sont les plus grands pourvoyeurs, et cela pourrait s’expliquer par l’augmentation du parc automobile et par le non respect du code de la route. Chez les enfants, les accidents domestiques par chute d’une hauteur est le mécanisme le plus fréquent (66.7 % chez les moins de 11 ans).
Seuls 27,5% de nos patients ont été conduits aux urgences le jour même du traumatisme. Ce délai de consultation est supérieur à 48h chez 48% de nos patients.
Ces résultats sont différents de ceux retrouvés dans les séries des européennes. [2, 3, 4]. Cette différence s’explique par la concentration des centres hospitaliers au centre ville ainsi que l’insuffisance et le mauvais état du réseau routier.
Par ailleurs le transport médicalisé est coûteux assuré par deux structures privées par conséquent souvent hors de portée des populations démunies.
L’avènement du scanner a réduit l’intérêt de la recherche d’une notion d’intervalle libre [9, 10, 14]. Il a aussi permis de réduire considérablement le délai de prise charge des traumatisés crânio-encéphaliques. En effet cet outil diagnostique est considéré comme un examen de débrouillage en traumatologie et son indication est de plus en plus large.
L’hématome extradural de la fosse postérieure est rare du fait de l’épaisseur de l’écaille occipitale [1, 4, 6]. Il est de 5% dans notre série.
La forme bilatérale est aussi rare : 7,5% des cas dans notre série. Le tableau clinique est bruyant avec des troubles de la conscience au premier plan. Dans la littérature, sa fréquence varie de 2 à 10% [5, 11, 14]. Cette variété est due le plus souvent à des impacts bilatéraux.
La technique chirurgicale a consisté en une taille d’un volet crânien suivie d’une évacuation de l’hématome et d’une suspension durale. Le taux de craniectomie élevé (42,5%) s’explique par la disparité des conditions de pratique à savoir l’insuffisance du plateau technique dans certains hôpitaux. Par ailleurs il faut signaler que parmi les quatre hôpitaux de recrutement seul le CHUN de Fann dispose d’un service de neurochirurgie. Deux patients ont du bénéficier d’une deuxième intervention pour évacuation incomplète pour le premier et récidive pour le second respectivement à J2 et à J9.
En Europe la plupart des séries fait état d’une mortalité qui tourne autour de 12% [10, 11, 14], faible par rapport à la notre qui est de 20%. A Yaoundé, Njientcheu a trouvé une mortalité de 5% sur 5 ans [8]. Cependant les séries récentes montrent que cette mortalité varie en fonction de l’existence ou non de lésions associées. Ainsi la mortalité des hématomes extra duraux isolés est de 6,6%. Par contre celle des HED associés à des lésions cérébrales peut aller de 45 à 90% et celle de HED associés à des lésions viscérales est de 32% [2, 3, 4].
La mortalité élevée notée dans notre série est liée surtout au retard de prise en charge mais aussi à la sévérité du traumatisme. En effet la moitié des patients décédés avaient un délai de prise en charge supérieur à trois jours. Lorsque le délai de prise en charge est supérieur à 2H une récupération total sans séquelles est compromise [2]. Toutes ces difficultés nous ont poussées à faire quelques recommandations à savoir :
– la prise de mesures de prévention routière telles que le port de casque mais aussi la limitation des vitesses.
– L’initiation des chirurgiens généralistes installés dans les régions à la trépanation d’autant plus qu’on assiste à une installation du scanner dans la plupart des régions du pays.
Tout ceci ne pourra se faire qu’avec une bonne politique de santé.
CONCLUSION
L’hématome extradural dans notre pays revêt les mêmes caractéristiques épidémiologiques et cliniques qu’ailleurs. Cependant nous avons été confrontés à des difficultés diagnostiques et thérapeutiques :
Les difficultés diagnostiques sont liées à l’inaccessibilité du scanner de par son coût et sa disponibilité, ce qui explique en partie le retard de prise en charge noté dans notre série.
Les difficultés thérapeutiques sont liées à la précarité du plateau technique mais aussi à l’insuffisance des spécialistes.
Figure 1
Figure 2
Figure 3
Tableau 1 : Localisation de l’hématome extradural
SITES |
NOMBRE DE CAS |
POURCENTAGE |
Frontal |
7 |
17,50% |
Temporal |
3 |
7,50% |
Temporo-parietal |
11 |
27,50% |
Pariétal |
15 |
37,50% |
Occipital |
4 |
10% |
fosse postérieure |
2 |
5% |
Tableau 2 : mortalité en fonction du Glasgow coma scale (GCS)
GCS |
Nombre de cas |
Mortalité (%) |
15 – 13 |
16 |
0 |
12 – 8 |
14 |
7,14 |
7 – 3 |
8 |
87,5 |
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BIBLIOGRAPHIE
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