CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
PRISE EN CHARGE DES TUMEURS ORBITAIRES OBSERVEES AU CENTRE HOSPITALIER ET UNIVERSITAIRE DE MARRAKECH (MAROC)
MANAGEMENT OF ORBITAL TUMORS IN THE UNIVERSITY HOSPITAL OF MARRAKECH (MOROCCO)
- Department of Neurosurgery University hospital Mohammed VI, Marrakesh, Morocco
E-Mail Contact - ELALLOUCHI Yassine :
RESUME
Description
Les tumeurs de l’orbite sont des pathologies rares et se présentent selon un tableau clinique stéréotypé.
Méthode
Nous rapportant dans ce travail, l’étude rétrospective d’une série de 31 cas de tumeurs orbitaires collectés au sein du service de neurochirurgie, CHU Mohammed VI Marrakech, durant 13 ans de 2002 à 2014.
Résultats
La tranche d’âge entre 21 et 40 ans a été la plus représentée (43,47%). Une prédominance féminine a été notée (56,53%). Les manifestations cliniques ont été dominées par l’exophtalmie (69,57%). Une tomodensitométrie a été effectuée chez 25 malades (80,6%), et le recours à l’imagerie par résonance magnétique n’a concerné que 15 patients (48,38%).
La localisation droite était prédominante. Pour les techniques chirurgicales, l’abord sous- frontal était le plus utilisé (57,14%), l’étude histologique était en faveur des méningiomes dans 39,13% des cas. L’évolution était favorable avec une régression spectaculaire de l’exophtalmie et peu de morbidité.
Conclusion
Le développement de l’imagerie et des moyens thérapeutique a permis une meilleure prise en charge des tumeurs orbitaires dont le pronostic est généralement favorable
Mots-clés : Abord sous frontal – Imagerie – Exophtalmie – Tumeurs orbitaires.
INTRODUCTION
Les tumeurs de l’orbite (TO) sont des tumeurs développées aux dépens de l’orbite et de son contenue (6). Nous entendons par TO non pas uniquement les tumeurs au sens anatomopathologique strict mais également les masses orbitaires de nature non tumorale.
Bien que ces tumeurs soient rares, elles comportent une grande variété étiologique. Cependant la fréquence respective des différents types de lésions, varie de façon considérable selon que la série émane d’un service d’ophtalmologie, de neurochirurgie ou de groupe mixte (4).
L’exophtalmie est la circonstance de découverte la plus fréquente.
Le diagnostic est actuellement facilité par le développement des moyens d’investigations neuroradiologiques notamment l’imagerie par résonnance magnétique (IRM), et la tomodensitométrie crânio-orbitaire (TDM).
L’histologie a permis de classer les entités dans des groupes relativement homogènes. Ces tumeurs deviennent neurochirurgicales lorsque la lésion occupe les deux tiers postérieurs de l’orbite.
Le but de ce travail était de décrire les différents aspects épidémio-cliniques, paracliniques, thérapeutiques histologiques et évolutifs des TO ainsi que notre expérience au service de neurochirurgie de l’hôpital Ibn Tofail CHU Mohammed VI de Marrakech dans leur prise en charge.
MATERIEL ET METHODE
Ce travail a été basé sur l’étude rétrospective de 33 dossiers de TO pris en charge sur une période de 13 ans allant de 2002 à 2014, mais seuls 31 dossiers exploitables ont fait l’objet de cette étude. Les patients perdus de vue ont été exclus de notre étude.
Seuls les patients dont le suivi a dépassé 1 an et demi ont été inclus.
RESULTATS
L’âge de nos patients était compris entre 2 et 50 ans, avec une prévalence élevée de la tranche d’âge de 21 à 40 ans (43,47%). L’âge moyen était de 26 ans. Les enfants (≤15 ans) représentent 30,43%. Il existe une prédominance féminine : 18 femmes (58,06%) contre 13 hommes (41,9%). Deux de nos malades avaient des antécédents de traumatisme oculaire (6%), dont un cas remontait à l’enfance et l’autre présentait un kyste orbitaire.
Le délai de consultation variait entre 22 jours et 8 ans, avec une moyenne de 3 mois et demi. Le mode de début pour la majorité des cas était progressif (95,65%).
Le tableau clinique a été dominé par l’exophtalmie (69,57%) (figure1, figure2), suivie par les autres signes ophtalmologiques. Par ordre de fréquence, on notait des troubles visuels (baisse de l’acuité visuelle) (26,1%), une cécité (26,1%)), des troubles oculomoteurs (8,7%), des douleurs orbitaires (8,7%), des masses orbitaires (8,7%) et un éclatement du globe oculaire (8,7%).
Une TDM crânio-orbitaire (figure 3) a été effectuée chez 25 malades (80,6%), et l’IRM chez tous nos patients (figure 4).
L’imagerie a mis en évidence une prédominance de la localisation droite (56,52%). Un bilan d’extension a été demandé pour un seul cas (mélanome oculaire), se révélant négatif.
L’abord sous frontal a été effectué chez 17 patients (57,14%), dont 11 cas sans dépose de l’arcade orbitaire, et six avec dépose de l’arcade orbitaire (figure 6). L’orbitotomie latérale avec dépose osseuse, avec un abord type latéro-orbitaire de Kronlein a été pratiquée pour quatre malades (12,9%) (figure5). L’abord fronto-ptérionala été effectué chez 7 cas (22,5%). Une énucléation a été indiqué pour un cas (4,76%), et l’exentération pour 2 cas.
La corticothérapie par voie générale a été instaurée initialement pour deux patients : un lymphangiome kystique et une pseudotumeur inflammatoire de la glande lacrymale biopsiés par les ophtalmologues.
L’étude histologique a été complétée chaque fois que nécessaire par l’étude immuno- histochimique, objectivant les résultats suivants : les méningiomes venaient en premier dans 12 cas soit 39,13%. Il s’agissait de 8 cas de méningiome sphéno-orbitaire et de 4 cas de méningiome du nerf optique. Quant aux autres types histologiques, ils ont été représentés par trois rétinoblastomes, quatre rhabdomyosarcomes, un mélanome, un ostéome, un kyste dermoide, un hémangiome caverneux, deux méningocèles éthmoïdales, un angiome mixte, deux glioblastomes, un gliome des voies optiques, un lymphangiome kystique, et une pseudotumeur inflammatoire de la glande lacrymale.
Les suites ont été marquées par la régression spectaculaire de l’exophtalmie chez la majorité des patients. Des complications et des séquelles ont été notées à type de sècheresse oculaire, diplopie et décollement de la rétine, un déficit dans le regard vers le haut et une récidive locale d’un mélanome oculaire. Aucun décès a été noté dans notre série.
DISCUSSION
Pathologie relativement rare, les tumeurs orbitaires se présentent cliniquement selon un tableau assez stéréotypé. Notre étude confirme le profil clinique et épidémiologique des TO.
Plusieurs séries indiquent aussi la prévalence élevée de la population jeune (1-6), L’âge moyen était de 41,5 ans dans la cohorte de la SNLCF (2). Une prédilection féminine est objectivée dans d’autres études (2). L’exophtalmie reste le mode de révélation prépondérant pour tous les auteurs (2-8).
D’autres manifestations cliniques ont été décrites tel un déficit sensitif supra-orbitaire ou infra-orbitaire, une lagophtalmie avec rétraction du nerf supra-orbitaire ou infra-orbitaire et une fistulisation cutanée (5).
Les progrès considérables de l’imagerie médicale, ont totalement modifié l’abord diagnostic de ces tumeurs, permettant d’affirmer l’existence d’un processus tumoral, sa localisation, et son extension.
L’IRM est le premier examen à réaliser devant une exophtalmie, la TDM sert surtout à analyser les parois de l’orbite, et les éventuelles calcifications intralésionnelles.
L’échographie est réservée au bilan des masses antérieures ou vasculaires. Dans certains cas, cet examen a été au premier plan dans le diagnostic des masses orbitaires (7).
Les possibilités d’étude histologique à partir des ponctions, des biopsies avec examen extemporané, permettent une classification anatomopathologique des différentes TO et de guider ainsi les choix thérapeutiques ultérieurs.
Le but de la neurochirurgie orbitaire, est d’éradiquer la tumeur, préserver le pronostic fonctionnelle ainsi que le pronostic vital en assurant une exérèse carcinologiquement satisfaisante, prévenir les récurrences locales et/ou à distance par des thérapies adjuvantes.
Les voies neurochirurgicales abordent les deux tiers postérieurs de l’orbite, et se résument en une orbitotomie supérieure, latérale avec dépose osseuse et supérolatérale. La dépose de l’arcade permet, lorsque cela est nécessaire, d’optimiser l’exposition.
Schématiquement, les voies sous-frontales sont choisies en principe pour les TO du quadrant interne et les autres voies, notamment la voie latérale avec dépose osseuse type Kronlein, la voie latérale sans dépose de l’arcade et la voie ptérionale, sont réservées aux tumeurs du quadrant externe.
Dans notre série la voie sous-frontale était la plus utilisée (57,14%), rejoignant ainsi l’activité neurochirurgicale adoptée dans la série de la SNCLF (2).
Dans notre contexte, nous avons constaté que les méningiomes étaient la première cause observée notamment les méningiomes sphéno-orbitaires (MSO) qui représentent 25,8% dans notre série. Ces résultats sont proches de la série de O. El Ouahabi (2).
L’exentération est indiquée en cas de tumeurs très étendues ou à très fort risque évolutif local ou général. Reprenant 99 exentérations orbitaires, Levin (9) notait que ce geste avait été effectué dans 89% des cas de tumeurs malignes, surtout des tumeurs palpébrales, conjonctivales ou sinusiennes étendues à l’orbite.
Les épithéliomas spinocellulaires prédominaient (32 cas) puis les mélanomes (18 cas, dont 2 orbitaires) Deux exentérations ont été pratiquées dans notre étude, pour une récidive locale d’un mélanome oculaire, et un rétinoblastome.
Les principales complications des voies orbitaires décrites dans la littérature sont: les hémorragies per et post-opératoires, la diplopie, le ptosis, l’anesthésie du nerf naso-ciliaire, le syndrome sec, la cellulite orbitaire, l’abcès sous périosté, le décollement de rétine, et à distance, l’énophtalmie et les cicatrices vicieuses. Les complications sont plus fréquentes dans les orbitotomies latérales (35%) qu’antérieures (5%) (10).
Neuf pour cent des décès ont été noté dans une série de 52 patients essentiellement en rapport avec l’étiologie maligne (7).
Dans notre contexte, ces différentes voies d’abord ont permis de traiter ces tumeurs avec de bons résultats esthétiques et peu de morbidité, trois de nos malades (9,6%) avaient des complications post-opératoires. Ces complications étaient représentées par la sècheresse oculaire, le déficit du regard vers le haut, le décollement de la rétine, la diplopie, et la récidive locale. Celle-ci a concerné un cas de mélanome oculaire. La prévention des lésions infectieuses est primordiale.
CONCLUSION
Les TO sont multiples et rares. L’exophtalmie est le signe clinique majeur et commun de tous les patients porteurs d’un processus orbitaire. L’imagerie (TDM et IRM) permet de localiser la tumeur, et l’histologie permet de la typer. Selon leur siège, leur étendue, leur type histologique la prise en charge est différente. Elle associe la chirurgie, la radiothérapie, et la chimiothérapie. Parfois, il s’agira d’une abstention thérapeutique. L’abord neurochirurgical est le garant d’une meilleure exploration avec un objectif d’exérèse tumorale la plus complète.
Le pronostic est corrélé au type histologique.
Figure 1
Figure 2
Figure 3
Figure 4
Figure 5
Figure 6
REFERENCES
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- Civit T, Freppel S. Méningiomesphéno-orbitaire. Neurochirurgie 2010;56:124-31
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- JIBIA A; KAKOU M; N’DRI OKA D; BROALET M; HAIDARA A; DROGBA K; Bazeze V. Les tumeurs orbitaires en neurochirurgie : profil epidemiologique et therapeutique à Abidjan entre 1991 et 2012. AJNS 2015;34: No 1
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