CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
PROFIL ELECTRONEUROMYOGRAPHIQUE DES NEUROPATHIES DANS UNE POPULATION DE PATIENTS DIABETIQUES ADMIS DANS UN LABORATOIRE DE NEUROPHYSIOLOGIE
ELECTROPHYSIOLOGICAL PROFILE OF NEUROPATHY IN AN DIABETIC POPULATION ADMITTED TO A EMG LABORATORY
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RESUME Les neuropathies périphériques constituent une complication fréquente du diabète. Plusieurs formes de neuropathies sont décrites dans cette population. L’objectif de ce travail était d’étudier la fréquence des différentes neuropathies dans une population de diabétiques. Nous avons réalisé une étude descriptive portant sur 110 patients diabétiques admis dans le laboratoire de Neurophysiologie du CHU de Limoges de janvier 2004 à juin 2006. Le diagnostic EMG des neuropathies démyélinisantes était basé sur les critères de l’EFNS/PNS. Il s’agit de 110 sujets dont 63 de sexe masculin, âgés de 18 à 81 ans avec un âge moyen de 57,2 ans. La durée moyenne de la maladie était de 15 ans avec un taux moyen de HbA1C de 7,9%. 33 sujets (30,6%) avaient une neuropathie démyélinisante dont 20 classés défini, 8 probable et 5 possible. 25,2% avaient une neuropathie axonale, 22,7% un syndrome du canal carpien et 14 sujets avaient un EMG normal. Ces résultats comparables à certains de la littérature suggèrent une fréquence assez élevée des neuropathies démyélinisantes chez les diabétiques et imposent d’en étudier les déterminants. Mots clés : neuropathie, diabète, neuropathie démyélinisante. ABSTRACT Peripherals neuropathies are common complications of diabetes. Several forms are described. The aim of this study was to determine the frequency of different form of neuropathy in diabetics. We retrospectively studied the data of 110 diabetics admitted in the electromyography laboratory of the CHU of Limoges from January 2004 to June 2006. Demyelinating neuropathy was defined according to EFNS/PNS criteria. 33 (30.6%) subjects were considered as having demyelinating neuropathy electrodiagnostic study, of whom 20 define, 8 probable and 5 possible. 25.2% had have axonal neuropathy, 22.7% carpal tunnel syndrome, 14 diabetics had a normal EMG. These results suggest that demyelinating neuropathy is frequent in diabetics and require to study its determinants. Key words: diabetes, neuropathy, demyelinating neuropathy INTRODUCTION Le diabète est la première cause de neuropathie périphérique dans les pays industrialisés (1,2) Les neuropathies périphériques constituent l’une des principales complications du diabète sucré. Les présentations cliniques et électrophysiologiques de ces neuropathies sont diverses et variées (3,4,5,6) ; il en est de même des mécanismes physiopathologiques qui les soutendent (6,7). Rarement la biopsie nerveuse vient au secours du diagnostic (12). Plusieurs types de neuropathies sont décrits chez les diabétiques (8). Depuis leur première description par Dyck (9) les polyradiculonévrites inflammatoires démyélinisantes chroniques (PIDC) suscitent de jour en jour un intérêt et un engouement particulier (10,11). Les études se sont multipliées avec des critères diagnostiques en perpétuelle évolution. Mais ces dernières années des critères consensuels ont été élaborés avec une bonne sensibilité et une bonne spécificité (12). Ceux élaborés par l’EFNS (European Federation of Neurological Sciences) et la PNS (Peripheral Nerves Society) sont plus souples et paraissent adaptés aux enquêtes épidémiologiques (13) mais des études sont nécessaires pour étudier leur validité car ils reposent sur un consensus d’experts. Peu d’études ont utilisé ces critères pour décrire les neuropathies. METHODES L’étude s’est déroulée au CHU de Limoges et précisément dans l’Unité d’Explorations Fonctionnelles Neurologiques du Service de Neurologie (Service du Pr. JM VALLAT) Les dossiers des patients diabétiques admis dans le laboratoire étaient exploités. A partir du registre informatisé du laboratoire nous avons sélectionné les patients diabétiques. Ensuite à partir du dossier médical commun mis en place grâce au service informatique du CHU nous avons eu accès au dossier médical des patients sélectionnés. Chaque fois que des précisions étaient nécessaires les dossiers médicaux étaient exploités pour compléter ces informations. Les informations recueillies et exploitées concernaient : – les données sociodémographiques de chaque patient Nous avons classé les sujets en plusieurs groupes : Groupe 1 : Démyélinisant défini : remplissant les critères électrophysiologiques (1) ; l’un des critères a, b, c, d, e, f ou g du groupe EFNS et PNS Une fiche standardisée était utilisée pour collecter les données. Ces données concernaient les renseignements démographiques, les antécédents du patient, la durée d’évolution du diabète ainsi que le type, les renseignements cliniques, les données des explorations biologiques, les données de l’EMG Les variables étaient sociodémographiques, cliniques, biologiques et électrophysiologiques. Pour l’analyse descriptive les données étaient présentées en pourcentage avec un intervalle de confiance (IC) à 95% pour les variables qualitatives et en moyennes avec Ecart-type pour les variables quantitatives. Les tests statistiques usuels étaient utilisés avec pour l’analyse univariée : test de chi-2 pour les variables qualitatives et celui de Student pour les variables quantitatives. Pendant la période d’étude 203 sujets diabétiques ont été explorés dans le laboratoire. Seulement 145 dossiers ont pu être exploités. 35 sujets parmi ces derniers avaient dans leurs antécédents d’autres causes possibles de neuropathies et étaient exclus de l’analyse. Parmi les 110 sujets inclus 63 étaient de sexe masculin, ils étaient âgés de 18 à 81 ans avec une moyenne de 57,2ans (+/- 14,4). 14 sujets avaient un EMG normal. Il s’agit de 5 hommes et 9 femmes ; âgés de 32 à 72 ans avec une moyenne de 53,8 ans (12,6). La durée moyenne d’évolution de la maladie diabétique chez eux était de 12,5 ans avec un taux moyen de HbA1C de 7,9% (+/-1,7) 8 parmi eux avaient un diabète non-insulino-dépendant. Sur le plan clinique aucun des patients ayant un EMG normal n’avait de déficit moteur, 3 présentaient des troubles sensitifs et 7 avaient allégué une douleur. En terme de complications de la maladie diabétique 1cas de néphropathie, 2 cas de rétinopathie et 5 cas d’artériopathies étaient observés. Trente-trois patients avaient une neuropathie démyélinisante dont 20 (18,2%) cas de définie, 8 (7,3%) de probable et 5 (4,6%) possible. Chez 13 (65%) patients on observait la présence de dispersion temporelle et chez 10 patients on notait la présence de bloc de conduction ; parmi ces derniers on notait la présence d’un déficit moteur chez 5. COMMENTAIRES Notre population de patients diabétiques était hospitalière. L’étude portait sur une population sélectionnée car l’indication de l’examen électrophysiologique est portée par une présomption clinique. Elle ne permettait donc pas d’estimer de façon fiable la prévalence des neuropathies démyélinisantes dans cette population. Toutefois elle donne une idée de la fréquence de cette pathologie au sein des atteintes du système nerveux périphérique chez les diabétiques. En effet elles représentaient plus du tiers des atteintes du système nerveux périphériques chez les diabétiques. Les sujets de notre étude étaient âgés en moyenne de 57,2 ans avec une légère prédominance masculine ; leur diabète le plus souvent non insulino-dépendant évoluant depuis 15 ans et mal équilibré. Ces caractéristiques étaient proches de celles observées par Partanen J. et al (14) dans une cohorte de 132 patients diabétiques non-insulino-dépendant. Cependant après 10 ans d’évolution de la maladie leurs patients avaient en moyenne un taux d’HbA1C de 9,3% nettement supérieur au 7,9% dans notre population lorsqu’on considère que dans notre échantillon la durée moyenne de la maladie était de 15 ans. Cette différence pourrait s’expliquer par les modes de recrutement des 2 populations. La plupart des sujets de notre étude provenaient de consultation spécialisée de diabétologie tandis que la cohorte finlandaise était constituée de sujets nouvellement diagnostiqués et qui n’étaient pas nécessairement suivis en milieu spécialisé. Lozeron P. et al (15) avaient rapporté une durée moyenne de 11,8 ans avec un taux d’hémoglobine glyquée de 8% dans une population de diabétiques suivis pour neuropathies. Parmi les sujets reçus dans le laboratoire et inclus dans notre analyse 14 n’avaient aucune anomalie électrophysiologique. Ces sujets avaient pourtant des symptômes ou signes cliniques pouvant supposer une atteinte du système nerveux périphérique tels des douleurs de type neuropathique, des troubles sensitifs. Ceci s’explique par la limite de l’électroneuromyographie conventionnelle à explorer les petites fibres sensitives. Il faut remarquer qu’aucun de ces patients n’avait de trouble ou de déficit moteur. 34 sujets sont classés démyélinisants selon les critères EFNS/PNS. Cette nouvelle classification des PIDC a des intérêts. D’abord celui de ne pas sous-évaluer leur fréquence. En effet pour une affection aussi invalidante et répondant le plus souvent au traitement immunomodulateur il est évident qu’il vaudrait mieux avoir des critères plus souples pour ne pas priver certains patients de traitement. Ils sont donc adaptés aux enquêtes épidémiologiques. Il est aussi certain que des critères plus stricts sont nécessaires dans le cadre des essais cliniques. Néanmoins des études sont nécessaires pour étudier leur sensibilité et leur spécificité. En comparant les différents groupes de démyélinisant EFNS/PNS on s’aperçoit qu’ils ne différaient sur aucune des variables sociodémographiques et sur la maladie diabétique. Mais la petite taille des échantillons pourrait induire un manque de puissance et ne permettait donc pas de conclure à l’homogénéité de ces groupes sur le plan de la maladie diabétique et même sur les variables sociodémographiques. La fréquence de ces PIDC dans notre population était de 18,9%. Elle est légèrement supérieure au 16,9% de Sharma K. et al (16) dans une étude prospective portant sur 1127 patients dont 189 diabétiques. Parmi ces derniers 32 cas de PDIC étaient diagnostiqués. Les 20 sujets classés PDIC de notre étude avaient un âge moyen de 59 ans ; une prédominance masculine était observée et la fréquence des PIDC était significativement plus élevée chez les hommes que chez les femmes (p=0,01). Ceci est conforme aux données de la littérature (15,16,17) et suggère que les PIDC seraient plus fréquentes chez le diabétique, chez l’homme et surviendraient à un âge plus avancé chez le diabétique que chez le non diabétique. Gorson K et al dans une étude portant sur les cas de PDIC diagnostiqués dans un laboratoire d’explorations neurophysiologiques retrouvent un âge moyen de 67 ans chez les diabétiques et 49ans chez les non-diabétiques avec une différence significative (p=0,0002) Dans l’étude rétrospective de Sharma K. et al (16) le taux moyen de HbA1C était légèrement supérieur au notre mais avec une durée d’évolution de la maladie plus faible. Notre taux était assez comparable au 7,7% des 9 sujets diabétiques avec PDIC dans l’étude de Lozeron P. et al (15). La plupart de nos patients avaient des troubles sensitifs (90,48%) et avaient allégué une symptomatologie douloureuse (71,4%) ; ces données sont superposables aux données de la littérature (16) un déficit moteur était noté chez 11 patients. Ce taux est faible comparé à ceux retrouvés par la plupart des auteurs. Dans notre étude qui est rétrospective l’existence ou non d’un déficit moteur était basée sur les données présentes dans le dossier du patient. Or ces dossiers n’étaient pas tenus dans cette perspective et même lorsqu’un déficit moteur était noté aucune information sur le degré d’atteinte n’était mentionnée. La plupart des études rétrospectives se heurtent à ces écueils. Sur le plan électrophysiologique une dispersion temporelle du potentiel était présente chez 13 patients alors que 10 d’entre eux présentaient un bloc de conduction motrice. Ces anomalies qui sont assez spécifiques des neuropathies démyélinisantes sont plus fréquentes chez nos patients comparés aux 120 sujets de l’étude de Sharma K. et al. (16) qui avait retrouvé respectivement chez 48,3% et 40% chez leurs patients une dispersion temporelle et un bloc de conduction. En dehors de ces paramètres de démyélinisation les sujets PDIC avaient significativement un ralentissement de la vitesse de conduction motrice et un allongement de la latence distale motrice et de la latence de l’onde F. Ceux de notre population d’étude avaient en moyenne une latence distale motrice du nerf médian plus allongée et une latence de l’onde F plus allongée sur le nerf tibial postérieur. Par contre sur le plan de la conduction sensitive une altération significative de la vitesse fut observée sur le nerf médian. Il est important de signaler que l’amplitude de la plupart des potentiels était altérée mais non de façon importante. Sur le plan sensitif les altérations notables portaient sur la VCS du nerf médian mais surtout sur les amplitudes. Nous avons aussi noté chez nos sujets une réduction significative de l’amplitude sensitive du sural. On peut dire en accord avec la littérature que chez le diabétique avec PDIC il y a une corrélation entre la vitesse de conduction et l’amplitude du potentiel. (19) CONCLUSION Une atteinte du système nerveux périphérique était retrouvée chez 87,3% des diabétiques admis dans notre laboratoire. En utilisant des critères récents de l’EFNS/PNS nous avons observé 30% de neuropathie démyélinisante avec 18,2% de neuropathie démyélinisante définie. Notre étude est l’une des rares à utiliser ces critères pour définir les neuropathies démyélinisantes. Elles sont même plus fréquentes que les formes axonales contrairement à ce qui est classiquement admis. Ceci incite à caractériser toute neuropathie diabétique sur le plan électrophysiologique car il semble que le seul équilibre du diabète ne permet toujours pas d’améliorer ces patients et des traitements immunomodulateurs ont été parfois essayés avec succès chez ces patients. Mais les déterminants de ces neuropathies démyélinisantes chez le diabétique sont mal connus. Des études ultérieures permettront peut-être de mieux les caractériser ainsi que les facteurs qui leur sont associés. Tableau n° 1 : Caractéristiques générales de la population étudiée
DID : diabète insulinodépendant Tableau n°2 : La répartition des sujets suivant le diagnostic électrophysiologique
Tableau n°3 : Comparaison des types de neuropathies démyélinisantes selon EFNS/PNS
DID : diabète insulinodépendant Tableau n° 4: Caractéristiques électrophysiologiques des patients ayant une neuropathie démyélinisante.
Tableau n°5 : caractéristiques cliniques des patients ayant une neuropathie démyélinisante
REFERENCES
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