AJNS
CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
 
PROFIL EPIDEMIOLOGIQUE, CLINIQUE ET ETIOLOGIQUE DES TROUBLES NEUROCOGNITIFS EN CONSULTATION MÉMOIRE À ABIDJAN.

EPIDEMIOLOGICAL, CLINICAL AND ETIOLOGICAL PROFILE OF NEUROCOGNITIVE DISORDERS IN MEMORY CONSULTATION IN ABIDJAN.


  1. UFR Sciences Médicales, Université Félix Houphouët-Boigny, BP V 166, Abidjan, Côte d’Ivoire.
  2. Service de Radiologie, CHU de Treichville, 01 BP V03, Abidjan 01, Côte d’Ivoire
  3. Service de Neurologie, CHU de Yopougon, 21 BP 632, Abidjan 21, Côte d’Ivoire.

E-Mail Contact - KOUASSI KOUAME Léonard : lkouassi93@yahoo.fr


RESUME

Introduction

les troubles neurocognitifs (TNC) sont insuffisamment décrits en Côte d’Ivoire. Notre étude avait pour objectif de décrire les caractéristiques épidémiologiques, cliniques et étiologiques des TNC en consultation mémoire à Abidjan.

Méthode

Il s’agissait d’une étude transversale, rétro-prospective, à visée descriptive et multicentrique. Elle avait inclus d’octobre 2016 à octobre 2020, les patients âgés d’au moins 18 ans, scolarisés, ayant effectué une consultation mémoire et réalisé au moins le scanner cranio-encéphalique. Le test du Montreal Cognitive Assessment (MoCA) a été utilisé.

Résultats 

Notre population d’étude comprenait 111 patients avec une moyenne d’âge de 56,1 ans, en majorité jeune (<65 ans pour 60,4%,). Le sex-ratio était de 2,7. Le niveau de scolarité était dominé par les niveaux secondaire (50,6%) et universitaire (40,5%). Les troubles de la mémoire constituaient le motif de consultation le plus fréquent (74,8%). La consultation mémoire a été effectuée dans un délai ≥ 6 mois dans 74,8% des cas. Le TNC majeur était retrouvé dans 34,2% des cas. Les lésions radiologiques étaient vasculaires (42,7%), traumatiques (30,6%), l’atrophie cortico-sous-corticale (29,7%) et l’atrophie bi-hippocampique (14,3%). Les troubles neurocognitifs étaient secondaires (56,8%), mixtes (18%), primaires (16,2%) et indéterminés (9%). Les causes secondaires étaient dominées par les causes traumatiques (57,1%) et vasculaires (20,6%), alors que la maladie d’Alzheimer était la principale cause primaire (88,9%).

Conclusion

En dehors de la prédominance des causes traumatiques qui apparait comme une particularité de cette étude, les causes classiques (maladie d’Alzheimer, causes mixtes et vasculaires) étaient les plus fréquentes.

Mots-clés :  Mémoire, Troubles neurocognitifs, âge, traumatisme


SUMMARY

Introduction

Neurocognitive disorders (NCD) are insufficiently described in Côte d’Ivoire. Our study aimed to describe the epidemiological, clinical and etiological characteristics of TNC in memory consultation in Abidjan.

Method

This was a cross-sectional, retro-prospective, descriptive and multicenter study. From October 2016 to October 2020, it included patients aged at least 18 years old, educated, having carried out a memory consultation and carried out at least the cranio-encephalic CT scan. The Montreal Cognitive Assessment (MoCA) test was used.

Results

Our study population included 111 patients with an average age of 56.1 years, mostly young (<65 years for 60.4%). The sex ratio was 2.7. The level of education was dominated by the levels, secondary (50.6%) and university (40.5%). Memory problems were the most common reason for consultation (74.8%). The memory consultation was carried out within ≥ 6 months in 74.8% of cases. The major TNC was found in 34.2% of cases. The radiological lesions were vascular (42.7%), traumatic (30.6%), cortico-subcortical atrophy (29.7%) and bi-hippocampal atrophy (14.3%). Neurocognitive disorders were secondary (56.8%), mixed (18%), primary (16.2%) and indeterminate (9%). Secondary causes were dominated by traumatic (57.1%) and vascular (20.6%) causes, while Alzheimer’s disease was the main primary cause (88.9%).

Conclusion

Apart from the predominance of traumatic causes, which appears to be a particularity of this study, the classic causes (Alzheimer’s, mixed and vascular) were the most frequent.

Keywords: Memory, Neurocognitive disorders, Alzheimer’s, trauma.

INTRODUCTION

Depuis l’avènement du DSM5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), le thème « trouble neurocognitif (TNC) » tend à se substituer au vocable « démence ». Cette nouvelle appellation a un avantage évolutif car elle permet de distinguer deux types de TNC : « TNC majeur » anciennement appelé démence et « TNC léger » lorsque le stade de démence n’est pas encore installé (8). La démence étant un syndrome clinique caractérisé par une altération progressive des facultés cognitives et affectives suffisamment graves pour perturber le fonctionnement quotidien et diminuer la qualité de vie » (8).

Les TNC sont fréquents et la majorité (63%) des personnes atteintes vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire (26). Ils ont beaucoup été étudiés chez le sujet âgé avec une incidence qui augmente de façon exponentielle avec l’âge (2). Cela signifie qu’avec le vieillissement, le nombre de personnes souffrant de TNC augmentera également. On estimait à 46,8 millions le nombre de personnes atteintes de TNC dans le monde en 2015, dont un peu plus de la moitié (58%) vivrait dans les pays à faible et moyen revenu. Chaque année, on dénombre environ 9,9 millions de nouveaux cas. Ce chiffre devrait continuer à augmenter puisqu’il est prévu 74,7 millions d’individus atteints de TNC en 2030 et 131,5 millions en 2050. (3,18). Les causes des TNC sont nombreuses et le chef de file est la maladie d’Alzheimer (11).

Les TNC sont insuffisamment décrits en Afrique mais leur prévalence est estimée à 2,4%, comparable à celle observée dans la population mondiale (11). En Côte d’Ivoire, peu d’études ont été réalisées et ont concerné essentiellement les TNC majeurs (16). Cette étude a donc la particularité de prendre en compte les deux types de TNC (légers et majeurs) afin de mieux appréhender le profil des TNC et contribuer ainsi à améliorer davantage leur connaissance en Afrique en général et en Côte d’Ivoire en particulier.

METHODE

Type, cadre et période de l’étude :

Une étude prospective, multicentrique, à visée descriptive, s’est déroulée dans les deux unités de consultation mémoire à Abidjan dont l’une est située au CHU de Yopougon et l’autre à la polyclinique des 2 plateaux. La période de l’étude était de 4 ans, allant du 1er octobre 2016 au 31 octobre 2020.

Population de l’étude

La population de l’étude a concerné les patients qui ont été reçus en « Consultation Mémoire » dans les structures suscitées et durant la période de l’étude.

  • Critères d’inclusion

Les patients inclus dans cette étude devraient être âgés d’au moins 18 ans, avoir été scolarisés, avoir été soumis à une consultation mémoire et avoir réalisé un scanner ou une IRM cranio-encéphalique. En outre, les patients ne devaient pas présenter de trouble de la compréhension (aphasie de Wernicke) ni de trouble sensoriel visuel ou auditif.

  • Méthode d’échantillonnage

Il s’agissait d’un échantillonnage exhaustif de tous les patients reçus en consultation mémoire durant la période de l’étude

Techniques et outils de collecte

  • Mode de recueil (techniques) des données

Les données ont été recueillies à partir de l’anamnèse, de l’examen clinique, des tests neuropsychologiques et des examens paracliniques.

Le test neuropsychologique utilisé dans notre étude était le MoCA (Montreal Cognitive Assessment). Le MoCA est un des outils de dépistage des atteintes neurocognitives légères à sévères le plus utilisé dans le monde. Les nombreuses versions en font la preuve. Sa rapidité de passation et de cotation, l’absence de coûts pour se le procurer et l’utiliser, le nombre impressionnant de versions dans diverses langues et la facilité d’utilisation sont probablement les qualités expliquant que les professionnels de la santé y aient assez souvent recours. Il a d’excellentes qualités psychométriques qui ont été largement étudiées, et ce, pour les versions dans plusieurs langues. Il a l’avantage certain de permettre le dépistage des personnes ayant une atteinte neurocognitive légère, n’ayant pas l’effet plafond observé avec le MMSE. C’est pourquoi, il est important que la personne qui doit être évaluée ne semble pas avoir d’atteinte majeure ou qu’elle n’a pas de problèmes apparents liés à son autonomie dans les activités quotidiennes (20).

Le score maximal du MoCA est de 30 points. Un score ≥ 26/30 traduit une absence d’atteinte neurocognitive. Un score < 26/30 traduit une atteinte neurocognitive avec trois niveaux : un score compris entre 18 et 25 (18 ≤ score ≤ 25) traduit une atteinte légère ; un score compris entre 10 et 17 (10 ≤ score ≤ 17) évoque une atteinte modérée ; un score inférieur à 10 (score < 10) traduit une atteinte sévère.

  • Outils de collecte des données

La collecte des données s’est faite à l’aide d’un questionnaire. Ce questionnaire comprenait quatre grandes parties : les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, paracliniques et étiologiques. Nous avons renseigné notre questionnaire lors des « consultations Mémoires ». Les variables étudiées concernaient les aspects épidémiologiques, cliniques et étiologiques.

  • Les aspects épidémiologiques comprenaient l’âge, le sexe, la latéralité, la profession et le niveau de scolarité.
  • Les variables cliniques associaient les antécédents, le mode de consultation, le motif de consultation, les symptômes neurocognitifs ou psycho-comportementaux, le délai de consultation, les résultats du test du MoCA, l’autonomie, les signes physiques, les types de TNC et les examens paracliniques.
  • Les variables étiologiques concernaient les causes primaires ou neurodégénératives, les causes secondaires, les causes mixtes et les causes indéterminées.

L’étiologie des TNC s’est faite sur la base de l’anamnèse, de l’examen neurologique, du bilan neuropsychologique, du DSM-5 et des examens paracliniques.

Le trouble cognitif fonctionnel (TCF) est établi sur la base d’un déclin cognitif subjectif (la mémoire le plus souvent) qui ne s’explique ni par une lésion cérébrale, ni par un syndrome anxiodépressif sous-jacent.

Plan d’analyse des résultats (traitement des données)

Les données ont été enregistrées dans le logiciel CSPRO version 7.3 puis exportées dans le logiciel SPSS 26 pour l’analyse statistique. Les variables quantitatives ont été exprimées par leurs moyennes accompagnées de leurs écarts types si la distribution des variables suivait une loi normale. Les graphiques ont été édités à l’aide du logiciel Microsoft Office Excel 2013 et les tableaux à l’aide de Microsoft Office Word 2013.

Considérations éthiques

L’anonymat des patients a été respecté ainsi que la clairance éthique. Nous avons également obtenu l’autorisation des directeurs des différentes structures sanitaires où s’est déroulée notre étude.

RESULTATS

Aspects épidémiologiques

Cent quarante-sept patients ont été enregistrés durant la période de l’étude dont 111 remplissaient les critères d’inclusion avec une prédominance masculine (sex-ratio H/F = 2,7). La moyenne d’âge des patients était de 56,1 ± 19,2 (extrêmes de 18 et 93 ans). La proportion des patients dont l’âge est inférieur à 65 ans était de 60,4% (tableau 1). Le niveau de scolarité était primaire (8,1%), secondaire (51,4%) et universitaire (40,5%). Au niveau professionnel, les fonctionnaires (36%), les retraités (anciens fonctionnaires : 27%) et les professionnels du privé (19,8%) étaient les plus nombreux. Les antécédents étaient surtout les traumatismes crâniens (36,9%) et l’HTA (33,3%).

Aspects cliniques

Le motif de consultation était variable : troubles de la mémoire (74,8%), statut cognitif (15,3%), troubles du comportement (6,3%) et difficultés d’expression et/ou propos incohérents (3,6%). La consultation mémoire a été effectuée dans un délai ≥ 6 mois dans 74,8% des cas. Les signes physiques étaient essentiellement les syndromes pyramidal (4,5%) et extrapyramidal (2,7%). Selon le score du MoCA, le niveau d’atteinte des TNC était au stade de léger à modéré dans 68,4% des cas (figure 1), avec une autonomie préservée dans 65,8% des cas. Le TNC était léger et majeur respectivement dans 65,8% et 34,2%. Les anomalies radiologiques des patients figurent dans le tableau 2.

Aspects étiologiques

L’étiologie des TNC comprenait les causes secondaires (56,8%), mixtes (18%), primaires (16,2%) et indéterminées (9%). Les causes secondaires étaient les causes traumatiques (57,1%), vasculaires (20,6%), les troubles cognitifs fonctionnels (12,7%), les causes infectieuses (7,9%) et tumorales (0,9%). Les causes primaires ou neurodégénératives étaient composées de la maladie d’Alzheimer (88,9%) et du TNC fronto-temporal (DFT) (1,8%). La répartition de toutes les causes confondues est détaillée sur la figure 2.

DISCUSSION

L’objectif de notre étude était de déterminer le profil épidémiologique, clinique et étiologique des TNC en « Consultation Mémoire » à Abidjan en Côte d’Ivoire, d’octobre 2016 à octobre 2020. Cette étude a permis de mettre en exergue, une moyenne d’âge de 56,1 ans avec une forte proportion des sujets jeunes (<65 ans ; 60,4%,). Les patients étaient surtout de sexe masculin (73%) et le niveau de scolarité était dominé par les niveaux, secondaire (50,6%) et universitaire (40,5%). Le traumatisme crânien et l’HTA étaient les principaux antécédents respectivement dans 36,9% et 33,3% des cas. Le délai de consultation des patients chez le Neurologue au-delà de 6 mois d’évolution de la maladie était observé dans 74,8% des cas. L’autonomie des patients était préservée dans 65,8% des cas. Le TNC majeur (démence) était représenté dans 34,2% des cas. Les anomalies radiologiques étaient surtout vasculaires (42,7%). Les étiologies secondaires étaient les plus fréquentes (56,8%), dominées par les causes traumatiques (57,1%) et les causes vasculaires (20,6%). Alors que les étiologies primaires étaient essentiellement représentées par la maladie d’Alzheimer (88,9%). Quand on considère toutes les étiologies confondues (primaires et secondaires), les causes traumatiques étaient les plus fréquentes (32,4%), suivies par les causes mixtes (18%), la maladie d’Alzheimer (14,4%) et les causes vasculaires (11,7%).

La fréquence des TNC ne pouvait être déterminée dans cette étude du fait de la spécificité de la consultation mémoire qui n’enregistrait que des patients atteints de TNC. Par ailleurs, il s’agissait d’une étude hospitalière et les consultations mémoires étaient à la demande, il ne s’agissait donc pas d’un dépistage systématique. En outre, l’insuffisance de connaissance des TNC par le corps soignant et par la population, pourrait constituer un facteur limitant dans le recrutement des patients. Toutefois, notre échantillon qui a porté sur l’ensemble des patients reçus en consultation mémoire est suffisant pour fournir des résultats capables d’atteindre nos objectifs.

Aspects épidémiologiques

Les TNC observés dans cette étude concernaient une population en majorité jeune (<65 ans : 60,4%). C’est un fait qui serait lié à la pyramide des âges en Côte d’ivoire où la population ivoirienne est essentiellement jeune. Les sujets âgés (≥ 65 ans) représenteraient entre 2,82 et 2,87% de la population de 2016 à 2019 (14). Concernant le genre, certaines études incrimineraient le sexe féminin comme étant un facteur de risque des TNC (4,9,19). Notre étude a noté le contraire avec une prédominance masculine (73%). CHETTATI au Maroc, a aussi relevé le contraire avec un taux similaire de 70% (5). Le sexe féminin n’est donc pas un facteur de risque défini.

Les TNC sont fréquemment associés à un faible niveau d’éducation (4). Dans notre étude, le niveau de scolarité était élevé (secondaire et universitaire) car il était lié à la forte proportion des fonctionnaires et des professionnels du privé qui en général, sont des diplômés.

La proportion élevée des traumatisés crâniens observée dans les antécédents, traduit la grande sollicitation de la consultation mémoire après un traumatisme crânien. L’HTA, facteur de risque cardiovasculaire, aussi fortement relevée dans notre étude, est souvent associée à des TNC dans une population adulte jeune sans démence ni accident vasculaire cérébral (AVC), alors que chez les individus plus âgés, cette relation est inversée (10).

Aspects cliniques

Les troubles de la mémoire étaient aussi bien le premier motif de consultation dans notre étude que le maître symptôme. En effet, les patients et même certains praticiens, qualifient de trouble de la mémoire tout trouble neurocognitif ; ce qui n’est pas toujours vrai d’autant plus que l’analyse retrouve parfois un autre TNC autre que la mémoire.

Dans notre étude, le délai de consultation chez le neurologue était tardif (après six mois) pour la plupart des patients. Certaines raisons seraient en cause telle qu’une connaissance insuffisante des TNC par le corps soignant et par la population, avec son corollaire de considérations et de préjugés. Par ailleurs, les TNC sont parfois interprétés comme des signes du vieillissement normal surtout chez le sujet âgé. Ils sont aussi considérés comme des signes relevant de la métaphysique conduisant les patients vers une prise en charge traditionnelle. Par ailleurs, les TNC sont difficilement perceptibles au début et n’attirent l’attention de l’entourage ou des proches qu’à un stade où ils commencent à interférer sensiblement dans le quotidien du patient. L’étude réalisée au Maroc par CHETTATI a rapporté une proportion similaire de 74% (5).

L’autonomie était préservée chez la plupart des patients (65,8%) et pourrait être liée à la nature évolutive lente ou rapide de l’affection causale.

Les signes physiques neurologiques rarement observés dans notre étude dépendent de l’affection causale dont l’expression clinique est variable au début. Certaines affections débutent avec des signes physiques comme c’est le cas des causes vasculaires ou infectieuses et d’autres par des TNC purs (maladie d’Alzheimer) où les signes physiques apparaitront au stade avancé de la maladie.

La prédominance du TNC léger dans notre étude, traduit en général l’aggravation progressive des TNC donnant le temps aux patients d’être vus à un stade léger des TNC.

Les lésions vasculaires, anomalies radiologiques les plus fréquentes dans cette étude, seraient la conséquence de l’HTA. Cette dernière est à l’origine de modifications vasculaires qui affectent le débit sanguin et le métabolisme cérébral. Ainsi, les TNC peuvent être liés à la présence de lésions ischémiques focales (infarctus, lacunes) et/ou d’une ischémie chronique de la substance blanche (leucoaraïose) en rapport avec une atteinte des petites artères cérébrales (artériolosclérose) (13).

Aspects étiologiques

Contrairement aux causes primaires, les causes secondaires des TNC sont peu fréquentes (21). Cependant, elles étaient prédominantes dans notre étude, liées en partie à une plus grande fréquence des traumatisés crâniens observés en consultation mémoire. CHETTATI (5) a également relevé une prédominance des causes secondaires avec comme chef de file la neurosyphilis, dans une étude réalisée en hospitalisation.

Les traumatismes crâniens représentent la deuxième lésion post-traumatique par accident de la voie publique (AVP) avec (33,37%) et le deuxième motif d’hospitalisation en neurochirurgie après les pathologies rachidiennes (15). Ils sont l’une des causes majeures des TNC (12). Ils altèrent surtout la vitesse de traitement, l’attention, les fonctions exécutives et la mémoire. Ces TNC et les modifications comportementales associées constituent souvent les séquelles les plus durables des traumatismes crâniens sévères (24). Ils constituent la principale cause de notre étude car après la phase aigüe, la majorité des patients sont adressés en consultation mémoire pour un bilan neuropsychologique.

La proportion des causes mixtes était de 18%, les classant en deuxième position dans notre étude après les causes traumatiques. Bien que le diagnostic et le traitement actuels de la démence mixte restent un défi pour les praticiens, certaines études épidémiologiques et communautaires, ont permis de noter une prévalence allant de 1,7% à 35 % (6). Par ailleurs, des études suggèrent que la démence mixte est plus courante qu’on ne le pensait auparavant, avec plus de 50 % des personnes atteintes de démence qui ont été étudiées dans les centres de la maladie d’Alzheimer avec des preuves anatomo-pathologiques de plus d’une cause de démence (1).

La maladie d’Alzheimer était la 3ème cause dans notre étude alors qu’elle est la cause la plus fréquente des TNC dans le monde, représentant environ 60 à 80 % des cas. Ce classement diffère de celui de la littérature du fait de la spécificité de notre étude qui était exclusivement hospitalière avec une fréquence élevée de sujets jeunes chez qui les causes secondaires sont importantes.

Les causes vasculaires occupaient la 4ème cause dans notre étude, alors qu’elles sont classiquement la 2ème cause de démence dans le monde après la maladie d’Alzheimer (12,25). La forte présence des causes traumatiques et mixtes pourrait être responsable d’une modification de ce classement. Par exemple, dans l’étude de CHETTATI, elles occupaient la 2ème cause après la syphilis, quand on sait que cette étude a été réalisée en hospitalisation, milieu où les pathologies vasculaires sont habituellement prises en charge (5).

Les autres causes sont relativement rares. Ainsi, les troubles cognitifs fonctionnels (TCF) sont liés à une plainte de mémoire subjective. Ils sont rarement décrits et les critères diagnostiques ne sont pas encore bien établis. La fréquence de TCF n’a pas encore été déterminée et, bien sûr, variera selon les contextes (tels que les soins communautaires, primaires et secondaires et, dans ces derniers, entre les cliniques spécialisées en neurologie, gériatrie et psychiatrie pour personnes âgées). Dans notre étude, leur fréquence était de 7,2%. Les causes infectieuses étaient liées essentiellement au VIH avec un taux de 4,5%. Cette proportion ne reflète pas la réalité car la prévalence des TNC associés au VIH est élevée et varie selon les études. Quant à la DFT, elle a toujours été faible variant entre 2,3 et 2,6% (5,7,17,22). Elle est de 1,8% dans notre étude. Les TNC d’origine tumorale seraient peu fréquents et il existerait une association inverse entre le cancer et la démence et vice-versa (23). Notre étude a enregistré, une prévalence similaire de 0,9%.

Les causes indéterminées des TNC occupaient 9% des cas. Elles étaient en rapport avec plusieurs causes associées telles qu’une infection et un traumatisme crânien, un AVC et un traumatisme crânien etc. Dans ces cas il était difficile de déterminer la véritable cause.

 CONCLUSION

Les TNC en consultation mémoire à Abidjan, sont observés en majorité chez les sujets jeunes (<65 ans). Ils concernent surtout les hommes (3 hommes / 1 femme) et les sujets avec un niveau scolaire élevé. Sur le plan clinique, la principale symptomatologie était les troubles de la mémoire. Les signes physiques étaient rares contrairement à la sphère neurocognitive. La majorité des patients consultaient souvent après le délai de six mois et la plupart étaient au stade de TNC léger avec une autonomie préservée. Les résultats de l’imagerie étaient dominés par les lésions vasculaires. Au niveau étiologique, les causes secondaires étaient plus fréquentes dominées par les causes traumatiques tandis que la maladie d’Alzheimer était en tête des causes primaires.

En dehors de la prédominance des causes traumatiques qui apparait comme une particularité de cette étude, les causes classiques (Alzheimer, mixtes et vasculaires) étaient les plus fréquentes.

Tableau I : Répartition des patients selon les tranches d’âge

Age (années) Effectif (n) Pourcentage (%)
< 45 37 33,3
[45 -55[ 12 10,8
[55 – 65[ 18 16,2
[65 – 75[ 21 18,9
[75 – 85[ 21 18,9
≥85 2 1,8
Total 111 100

 

Figure 1 : répartition des patients en fonction du niveau de sévérité des TNC
Le niveau d’atteinte des TNC était au stade de léger à modéré dans 68,4% des cas

 

Tableau II : répartition des patients en fonction du type d’anomalie radiologique

Anomalies Effectif (n) Pourcentage (%)
Atrophie cortico – sous corticale 33 29,7
Lésions vasculaires 47 42,3
Leucoaraïose 22 19,8
AVCI 07 6,3
AVCH 18 16,2
Atrophie bi-hippocampique 16 14,3
Lésions traumatiques 34 30,6
Lesions tumorales 01 0,9

Les lésions vasculaires étaient les anomalies radiologiques les plus fréquentes (42,3%)

Figure 2 : répartition des patients en fonction des causes des TNC


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