CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
PROFILS EVOLUTIFS A COURT TERME DES CONVULSIONS ASSOCIEES A LA FIEVRE CHEZ LE NOURRISSON ET LE JEUNE ENFANT EN MILIEU DE SOINS DE SANTE PRIMAIRES A KINSHASA
SHORT TERM OUTCOME OF SEIZURES ASSOCIATED WITH FEVER IN CHILDREN IN PRIMARY HEALTH CARE IN KINSHASA
E-Mail Contact - KAPUTU KALALA MALU Celestin :
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RESUME Description Objectif Méthodes Résultats Mots clés : convulsion fébrile, enfant, pronostic, République Démocratique du Congo. ABSTRACT Background Aim Methods Keywords: Child, Democratic Republic of the Congo, febrile seizures, prognosis INTRODUCTION Les convulsions associées à la fièvre (CAF) souvent sévères et récurrentes sont fréquentes en Afrique Subsaharienne. Leur fréquence varie entre 3 et 38 % dans les différentes études (14, 20). Le paludisme est retrouvé à l’origine de ces manifestations dans 55 à 68 % des cas (14, 20, 30). La nature de ces convulsions fébriles reste toutefois l’objet de controverse (7,14, 20). Soit elles sont la conséquence d’un dysfonctionnement cérébral induit par la fièvre – cas de convulsions Fébriles – soit elles sont symptomatiques d’une véritable encéphalopathie épileptogène, infectieuse ou non. Les patients qui présentent des CAF en Afrique Subsaharienne ont un risque de présenter une épilepsie ultérieure 3 à 11 fois supérieur à celui de la population générale (14, 20). Les anomalies neuro-développementales, les antécédents familiaux d’épilepsie et la survenue des convulsions fébriles complexes impliquent un risque d’une épilepsie ultérieure (3, 8, 18). En présence de trois critères définissant les convulsions fébriles complexes (caractères prolongé, focal et répétitif), le risque de présenter une épilepsie ultérieure se situerait autour de 50% à 25 ans (2, 21, 22, 25, 26). C’est dans cet ordre d’idée que quelques études ont été consacrées au devenir à long terme des enfants ayant présenté des complications neurologiques aiguës en Afrique subsaharienne (5, 12, 13). Notre étude a comme objectif l’analyse du profil évolutif, après 24 heures d’observation, d’un groupe des patients âgés de 5 à 71 mois ayant consulté dans les centres de soins de santé primaire à Kinshasa pour CAF. Cette analyse a été faite en fonction des caractéristiques sémiologiques initiales des crises présentées. POPULATION ET METHODES Notre étude repose sur le suivi de 148 patients, 70 garçons et 78 filles, âgés de 5 à 71 mois, admis pour CAF entre le 10 Février et le 10 Mai 2008 dans 2 structures hospitalières reconnues en tant que centres pédiatriques de référence de la ville de Kinshasa en République Démocratique de Congo, l’hôpital pédiatrique de Kalembelembe et le Centre hospitalier de Kingasani. Ont été inclus dans l’étude les enfants qui présentaient des convulsions et dont la température axillaire était égale ou supérieure 38°C. Ils ne pouvaient avoir des antécédents personnels de convulsions non-fébriles. Ont été également pris en considération l’âge, le sexe, les antécédents personnels, familiaux et collatéraux de convulsions. Etait considéré comme ayant des antécédents d’épilepsie, tout enfant dont un proche, ascendant ou collatéral avait, dans sa vie, présenté au moins 2 manifestations épileptiques primaires espacées de 24 heures minimum. L’évolution neurologique de ces enfants endéans les 24 heures suivant leur admission a constitué le paramètre principal de l’étude. Elle a été considérée comme bonne en cas de récupération rapide sans complications et comme mauvaise si l’enfant avait présenté une ou plusieurs récidives, ou encore une perturbation du niveau de la conscience évalué à l’aide du score de Blantyre (10) (inférieur ou égal à 4) établi à la 24ème heure de surveillance ou encore un éventuel déficit neurologique voire le décès. L’analyse statistique a été effectuée au moyen du logiciel SPSS12.0 et a consisté à résumer les observations sous forme de proportions avec intervalle de confiance si nécessaire. Les associations entre les variables ont été testées à l’aide du test de X2 et leur force estimée par le calcul de rapport des côtes (Odds Ratio) ainsi que de leur intervalle de confiance à 95%. Les proportions ont été comparées en utilisant le test de X2. Une régression logistique multivariée prédictive a été réalisée selon la stratégie descendante pas-a-pas pour étudier l’effet de chaque caractéristique sur l’évolution post critique dans les 24 heures. Etait considérée comme significative une valeur de p <0,05. RESULTATS L’échantillon présentait une prédominance de filles, soit 57 % et comportait toutes les tranches d’âge avec, en majorité, les moins de 3 ans (80%). Environ 2/3 des enfants admis soit 92 avaient présenté des convulsions généralisées. Des antécédents familiaux de convulsions fébriles étaient retrouvés chez environ un quart d’entre eux (27%) et celui de l’épilepsie chez moins d’un dixième (8%). L’évolution a été totalement favorable pour 79 cas (53,4 %). L’évolution était moins favorable pour 26 enfants (17,6 %) qui ont présenté une récidive de convulsions fébriles dans les 24 heures et particulièrement péjorative au plan neurologique pour 43 cas soit 29%. Le groupe 1 (convulsions généralisées, non prolongées et non répétées à l’admission), en principe le plus favorable, représentait 16,9% de l’échantillon (tableau 1). Environ un tiers parmi eux (32%) avait des antécédents de convulsions fébriles au premier degré. Aucun ne présentait des antécédents d’épilepsie. Au sein de ce groupe répondant à la définition clinique de « crises simples », 22 enfants (88% du groupe) soit 14,9% de l’ensemble de l’échantillon ont présenté une évolution post critique rapidement favorable. Deux enfants néanmoins ont présenté 1 ou plusieurs récidives par la suite. Un enfant a eu un score de Blantyre inférieur à 4 après 24 heures d’observation. Aucun n’avait conservé de déficit moteur post critique. (tableau 2) A l’opposé, le groupe 8, celui des enfants avec convulsions focales, prolongées et répétées à l’admission comprenait 31 enfants (20,9%) (tableau 1). Des antécédents de convulsions dans un contexte de fièvre ont été retrouvés chez 29 % des parents au premier degré et ceux d’épilepsie chez 12,9 % des mêmes parents. Dans ce groupe, seulement 9 enfants soit 29% ont présenté une évolution favorable après 24 heures d’observation. Ce groupe comportait 33 % de décès et 40 % des hémiplégies postcritiques de l’ensemble de la population étudiée (tableau 2). Au-delà des profils évolutifs différents endéans les 24 heures (p< 0,001), ces deux groupes différaient significativement l'un de l'autre au niveau de la répartition par sexe (p = 0,002) en défaveur du sexe féminin. Par contre, il n'y avait pas de différence statistiquement significative tant au niveau des antécédents familiaux de crises fébriles (p =0,81) que d'épilepsie au premier degré (p =0,17). Les groupes intermédiaires rassemblaient 92 enfants soit 62% de l'ensemble de la population étudiée. La majorité d'entre eux, n=67, se répartissaient au sein des groupes 2, 3 et 4 soit ceux ayant présenté des convulsions généralisées (tableau 1). Des antécédents familiaux de convulsions associées à la fièvre ont été retrouvés dans chacun des groupes mais variaient entre 14,3 % (groupe 7) et 30,8 % (groupe 6). Hormis dans le groupe 5, les antécédents d'épilepsie sont peu représentés dans l'ensemble de ces groupes. A l'exception de patients des groupes 3 et 5, les enfants des autres groupes avaient présenté des récidives des crises dans les proportions suivantes : 30,8% (groupe 6) ; 22,7% (groupe 4) ; 21,4% (groupe 2) et 14,3% (groupe 7). Quant au score de Blantyre pathologique, il apparaissait variable entre 14,3% dans le groupe 7 et 29,4% dans le groupe 3. On dénombrait 1 décès dans chacun des groupes 2, 3, 4 et 6. Des séquelles neurologiques de type hémiparésie étaient retrouvées dans les groupes 2 (2/5) et 3 (1/5). (tableau 2) Notre étude montre que le pronostic à court terme dépendait des caractéristiques de la crise ayant conduit à l'admission. Par rapport à la distribution, significativement plus d'enfants ayant présenté des crises généralisées (60,9%) ont évolué favorablement après 24 heures d'observation que ceux dont la crise était focale (41%) (p=0,001). Un enfant avec une crise convulsive généralisée avait 2 fois plus de chance d'évoluer favorablement dans les 24 heures que celui qui avait présenté une crise focale (OR= 2,223 ; IC 95%: 1,134 - 4,394). De même, les enfants ayant présenté des convulsions de courte durée (62%) ont également mieux évolué que ceux ayant présenté des convulsions prolongées (45,5%) (p=0,04). La survenue des crises convulsives prolongées multipliait par 2 la probabilité d'une évolution défavorable pour l'enfant par rapport à celui victime d'une crise de courte durée (OR= 1,956 ; IC95% : 1,014 - 3,770). L'étude révèle également que significativement plus d'enfants ayant présenté une crise unique ont évolué favorablement (75,9%) que ceux dont les crises étaient répétées (40%). (p<0,001). Le fait de présenter des crises répétées multipliait par 2 le risque d'une évolution défavorable (OR=4,648 ; IC95% : 2,201-9,816). Si on considère notre population groupe par groupe, c'est dans le groupe 8 que l'évolution a été la moins favorable. Le score de Blantyre établi 24 heures après l'admission était pathologique pour environ un enfant sur 3 (32,2%). Environ un quart des enfants (25,8%) ont présenté des récidives de crises, 6,5% ont gardé des séquelles et 6,5% sont décédés. Ce groupe était constitué presque exclusivement des enfants de moins de 3 ans (93,5%) et 64,5% d'entre eux avaient moins de 2 ans (tableau 2). Le pronostic était également péjoratif pour les enfants appartenant au groupe 6 dont environ un tiers de membres seulement (30,8%) avaient eu une bonne évolution (tableau 2). L'étude a enregistré 6 décès et 5 cas d'hémiplégie résiduelle dans les 24 heures suivant l'admission, tous de sexe féminin. Cependant aucune association n'a été établie entre l'évolution dans les 24 heures et le sexe (p= 0,05). Lorsque tous les facteurs d'intérêt de l'étude sont pris en compte dans un modèle de régression logistique prédictif du pronostic postcritique, seule la répétitivité de crises convulsives a été retenue comme facteur déterminant (OR ajusté = 4,360 ; IC95% :1,989-9,559). (tableau 3). DISCUSSION La détermination du pronostic des convulsions associées à la fièvre reste un sujet de préoccupation. Deux aspects de portée différente sont à considérer : le pronostic à long terme et immédiat relatif à l’échéance de 24 heures sans oublier les facteurs favorisant leur survenue. En préalable à la discussion, deux points méritent d’être rappelés. Notre population peut être considérée comme représentative des problématiques médicales rencontrées par les enfants de Kinshasa. Comme mentionné, les centres hospitaliers participants à cette étude sont des centres de référence reconnus localement. Même si elle n’est pas courante dans la littérature, la répartition adoptée sous forme de groupes est le résultat de la combinaison des différents éléments cliniques recueillis pour caractériser et classifier les convulsions fébriles. Chacun de ces groupes traduit la réelle fréquence des enfants à présenter les différents types de crises. Notre étude est la première en RDC à avoir analysé l’évolution à court terme des enfants ayant présenté des crises convulsives dans un contexte fébrile et d’en avoir déterminé les facteurs pronostiques. Elle a permis également de décrire les profils cliniques des convulsions associées à la fièvre dans un pays où les pathologies fébriles, à l’instar du paludisme, représentent une cause importante de mortalité infanto-juvénile (31). Notre étude a ainsi permis de dégager les résultats suivants. Les présentations cliniques les plus représentées sont celles du groupe 1 associant convulsions généralisées, de courte durée et uniques et celles de caractère focal, de longe durée et répétées correspondant au groupe 8. Ce groupe d’enfants présente l’évolution à court terme la plus défavorable. Le caractère répétitif des crises avant l’admission est retrouvé dans les deux groupes présentant un profil évolutif défavorable. La prise en compte de façon indépendante de ce caractère précis de répétition a montré qu’il influençait significativement le pronostic à court terme. Enfin, bien que différente selon le sexe dans certains groupes, l’évolution à court terme ne semble pas influencée par les antécédents familiaux de CF ou d’épilepsie ni par l’âge. Dans notre étude, nous avons noté que trois éléments méritent d’être pris en considération pour l’établissement du pronostic à court terme des CF. Ils ont directement trait aux caractéristiques propres à la crise ayant conduit à la consultation, c’est-à-dire : sa distribution, sa durée et son éventuelle répétition. Au niveau de la distribution, les crises généralisées paraissaient de meilleur pronostic après 24 heures d’observation, 60,9% de bonne évolution versus 41 % en cas de crises focales. Un enfant avec une crise convulsive généralisée avait 2 fois plus de chance d’évoluer favorablement dans les 24 heures que celui qui a présenté une crise focale. Les crises de courte durée avaient également une bonne évolution, 62% contre 45,5%, en cas des convulsions prolongées. La survenue des crises convulsives prolongées multipliait par 2 la probabilité d’une évolution défavorable pour l’enfant par rapport à celui ayant présenté une crise de courte durée. L’étude a montré également que significativement plus d’enfants ayant présenté une crise unique ont évolué favorablement (75,9%) que les enfants ayant présentés des crises répétées (40%) avant l’admission. Le fait de présenter des crises répétées multipliait par 5 le risque d’une évolution défavorable. Lorsque tous les facteurs d’intérêt de l’étude sont pris en compte dans un modèle de régression logistique prédictif du pronostic postcritique, seule la répétitivité de crises convulsives semble être celui qui influe le plus négativement sur le pronostic à court terme (tableau 3) A notre connaissance, il n’existe pas, dans la littérature africaine, une étude clinique qui a procédé au regroupement des CAF selon leurs caractéristiques cliniques à l’admission comme c’est le cas dans notre étude. Ceci nous prive de la possibilité de comparaison. Mais la récurrence et la sévérité des CAF notées dans cette étude sont largement observées dans la littérature africaine (14, 20) C’est dans le groupe 8 que l’évolution était la moins favorable pour ce qui concerne le degré du niveau de la conscience évalué 24 heures après l’admission, la récidive de crises, les séquelles neurologiques ainsi que le décès. Même si nous avons vu plus haut que l’âge ne semblait pas être un facteur significatif au niveau de notre population en général, il faut cependant remarquer que ce groupe comptait presque exclusivement des enfants de moins de 3 ans (93,5%) et même une majorité en dessous de 2 ans : 64,5%. Le second groupe ayant un pronostic péjoratif était le groupe 6. Ces deux groupes avaient en commun le caractère répétitif des crises avant l’admission. Venaient ensuite les groupes 2 et 4 qui incluaient également des crises à répétition (tableau 1 et 2). La question d’une relation possible entre crises prolongées et crises à répétition mérite d’être posée. Ces dernières pourraient n’être en réalité que la traduction d’un processus pathologique évoluant sous forme de pic comme c’est le cas dans la malaria (30). Une lésion neurologique préexistante, qui ne pouvait être mise en évidence dans cette étude vu l’absence des moyens techniques, peut rendre compte de la durée ainsi que du pronostic à court terme des crises décrites dans cette étude (24). TABLEAU 1 : Répartition des groupes en fonction des caractéristiques cliniques des crises.
Légende : ++ : présence de la caractéristique décrite Tableau 2: Répartition des 8 groupes selon l’âge, le sexe, les antécédents et l’évolution
Tableau 3. Déterminants de l’évolution dans les 24 heures des enfants ayant présenté les convulsions associées à la fièvre.
p= valeur de p ; OR= Odds Ratio ; IC95% : Intervalle de confiance à 95% *Résultat significatif REFFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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