AJNS
CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
 
PROFILS EVOLUTIFS A COURT TERME DES CONVULSIONS ASSOCIEES A LA FIEVRE CHEZ LE NOURRISSON ET LE JEUNE ENFANT EN MILIEU DE SOINS DE SANTE PRIMAIRES A KINSHASA

SHORT TERM OUTCOME OF SEIZURES ASSOCIATED WITH FEVER IN CHILDREN IN PRIMARY HEALTH CARE IN KINSHASA


  1. Département de Neurologie, Cliniques Universitaires de Kinshasa, Université de Kinshasa
  2. Ecole de Santé Publique, Université de Kinshasa
  3. Clinique Saint-Joseph, Mons, Belgique
  4. Service de Neuropédiatrie, Centre Hospitalier Régional la Citadelle, Université de Liège, Belgique

E-Mail Contact - KAPUTU KALALA MALU Celestin : ckaputukalalamalu@yahoo.fr


RESUME

Description

Le pronostic immédiat des convulsions fébriles (CF) est un sujet de préoccupation pour le clinicien et les familles.

Objectif

Notre étude vise à étudier les facteurs pertinents pour l’établir au travers de l’analyse du profil évolutif endéans les 24 heures de patients admis pour CF.

Méthodes

Cent quarante-huit enfants, entre 5 à 71 mois, ont été incorporés prospectivement suite à leur admission pour CF dans 2 centres pédiatriques de référence à Kinshasa entre le 10 février et le 10 mai 2008. Leur évolution au cours des 24 premières heures a été analysée en fonction des caractéristiques cliniques de la crise initiale.

Résultats

Quatre-vingts pourcent des patients étaient âgés de moins de 3 ans. Huit groupes ont été identifiés sur base d’une présentation clinique différente. Les 2 groupes caractérisés par l’absence (groupe 1) ou la présence (groupe 8) de 3 facteurs de gravité identifiés diffèrent significativement par l’évolution durant les premières 24 heures (p<0,05). Le groupe 8 rassemble les enfants ayant présenté les plus mauvaises évolutions : récidive de crise, déficit neurologique voire décès. Celles-ci apparaissent significativement reliées au caractère focal, prolongé et répétitif des crises à l'analyse univariée, mais seulement au caractère répétitif à l'analyse multivariée (OR ajusté = 4,4; IC 2,0-9,6). Conclusion

Les CF présentent un polymorphisme sémiologique pouvant avoir une valeur pronostique à court terme. Indépendamment de l’étiologie sous-jacente, la reconnaissance de facteurs de risque de mauvaise évolution doit conduire à la mise en place de mesures de surveillance et de traitement préventifs appropriés.

Mots clés : convulsion fébrile, enfant, pronostic, République Démocratique du Congo.


ABSTRACT

Background

The immediate prognosis of febrile convulsions is a subject of importance to both clinicians and families.

Aim

Our study aims to analyse the factors that establish the clinical course in the first 24 hours in children admitted with febrile convulsion

Methods

148 children, aged between 5 and 71 months, were prospectively enrolled at their admission for febrile convulsions in two paediatric reference centres in Kinshasa between 10th February and 10th May, 2008. The clinical course over 24 hours was documented and analysed with regard to the clinical features of the initial crisis.
Results: 80% of children were less than 3 years old. Based on the clinical presentations, 8 subgroups were distinguished. The 2 groups characterized by the absence (Group 1) or presence (Group 8) of the three identified prognostic factors had significantly different clinical courses over 24 hours (p<0.05). Group 8 contained children with the worst clinical course, characterised by seizure recurrence, neurological deficits and death. Focal type seizures, prolonged seizures and recurrent seizures were all associated with a worse outcome on univariate analysis, but on multivariate analysis, only recurrent seizures predicted a significantly worse prognosis (OR 4.4, CI 2.0-9.6). Conclusion

Febrile convulsions present with different clinical characteristics and these have short term prognostic value. Regardless of the underlying cause, recognition of these poor prognostic factors should allow the establishment of appropriate surveillance and preventative treatment measures.

Keywords: Child, Democratic Republic of the Congo, febrile seizures, prognosis


INTRODUCTION

Les convulsions associées à la fièvre (CAF) souvent sévères et récurrentes sont fréquentes en Afrique Subsaharienne. Leur fréquence varie entre 3 et 38 % dans les différentes études (14, 20). Le paludisme est retrouvé à l’origine de ces manifestations dans 55 à 68 % des cas (14, 20, 30). La nature de ces convulsions fébriles reste toutefois l’objet de controverse (7,14, 20). Soit elles sont la conséquence d’un dysfonctionnement cérébral induit par la fièvre – cas de convulsions Fébriles – soit elles sont symptomatiques d’une véritable encéphalopathie épileptogène, infectieuse ou non.

Les patients qui présentent des CAF en Afrique Subsaharienne ont un risque de présenter une épilepsie ultérieure 3 à 11 fois supérieur à celui de la population générale (14, 20). Les anomalies neuro-développementales, les antécédents familiaux d’épilepsie et la survenue des convulsions fébriles complexes impliquent un risque d’une épilepsie ultérieure (3, 8, 18). En présence de trois critères définissant les convulsions fébriles complexes (caractères prolongé, focal et répétitif), le risque de présenter une épilepsie ultérieure se situerait autour de 50% à 25 ans (2, 21, 22, 25, 26). C’est dans cet ordre d’idée que quelques études ont été consacrées au devenir à long terme des enfants ayant présenté des complications neurologiques aiguës en Afrique subsaharienne (5, 12, 13).
La prise en charge immédiate, dans les 24 heures, des enfants admis pour convulsions fébriles reste un sujet de préoccupation. La reconnaissance des différentes caractéristiques des CAF chez le nourrisson et le jeune enfant en phase aiguë semble être essentielle pour mettre en place une prise en charge adéquate de ces enfants. Le débat s’articule autour des mesures de surveillance et de prévention immédiates.

Notre étude a comme objectif l’analyse du profil évolutif, après 24 heures d’observation, d’un groupe des patients âgés de 5 à 71 mois ayant consulté dans les centres de soins de santé primaire à Kinshasa pour CAF. Cette analyse a été faite en fonction des caractéristiques sémiologiques initiales des crises présentées.

POPULATION ET METHODES

Notre étude repose sur le suivi de 148 patients, 70 garçons et 78 filles, âgés de 5 à 71 mois, admis pour CAF entre le 10 Février et le 10 Mai 2008 dans 2 structures hospitalières reconnues en tant que centres pédiatriques de référence de la ville de Kinshasa en République Démocratique de Congo, l’hôpital pédiatrique de Kalembelembe et le Centre hospitalier de Kingasani.

Ont été inclus dans l’étude les enfants qui présentaient des convulsions et dont la température axillaire était égale ou supérieure 38°C. Ils ne pouvaient avoir des antécédents personnels de convulsions non-fébriles.
Pour chaque enfant, ont été pris en considération les éléments suivants : la distribution généralisée ou focale des convulsions présentées, leur durée prolongée (> 15 minutes) ou non prolongée (≤ 15 minutes) et leur survenue isolée ou non dans les 24 heures ou au cours du même épisode fébrile. La combinaison de ces caractéristiques a permis de définir 8 groupes ou associations possibles auxquelles chaque enfant a été assigné en fonction de caractéristiques de sa crise. Ces groupes correspondent à des entités sémiologiques spécifiques (ou profils cliniques), telles que décrites par le clinicien à la suite de la consultation d’un enfant ayant présenté des convulsions associées à la fièvre. La crise était ainsi catégorisée comme complexe ou grave en présence d’au moins une caractéristique de gravité (crise focale, crise prolongée ou répétitive). En l’absence de toutes ces 3 caractéristiques de gravité, la crise était considérée comme simple.

Ont été également pris en considération l’âge, le sexe, les antécédents personnels, familiaux et collatéraux de convulsions. Etait considéré comme ayant des antécédents d’épilepsie, tout enfant dont un proche, ascendant ou collatéral avait, dans sa vie, présenté au moins 2 manifestations épileptiques primaires espacées de 24 heures minimum.

L’évolution neurologique de ces enfants endéans les 24 heures suivant leur admission a constitué le paramètre principal de l’étude. Elle a été considérée comme bonne en cas de récupération rapide sans complications et comme mauvaise si l’enfant avait présenté une ou plusieurs récidives, ou encore une perturbation du niveau de la conscience évalué à l’aide du score de Blantyre (10) (inférieur ou égal à 4) établi à la 24ème heure de surveillance ou encore un éventuel déficit neurologique voire le décès.

L’analyse statistique a été effectuée au moyen du logiciel SPSS12.0 et a consisté à résumer les observations sous forme de proportions avec intervalle de confiance si nécessaire. Les associations entre les variables ont été testées à l’aide du test de X2 et leur force estimée par le calcul de rapport des côtes (Odds Ratio) ainsi que de leur intervalle de confiance à 95%. Les proportions ont été comparées en utilisant le test de X2. Une régression logistique multivariée prédictive a été réalisée selon la stratégie descendante pas-a-pas pour étudier l’effet de chaque caractéristique sur l’évolution post critique dans les 24 heures. Etait considérée comme significative une valeur de p <0,05. RESULTATS

L’échantillon présentait une prédominance de filles, soit 57 % et comportait toutes les tranches d’âge avec, en majorité, les moins de 3 ans (80%). Environ 2/3 des enfants admis soit 92 avaient présenté des convulsions généralisées. Des antécédents familiaux de convulsions fébriles étaient retrouvés chez environ un quart d’entre eux (27%) et celui de l’épilepsie chez moins d’un dixième (8%). L’évolution a été totalement favorable pour 79 cas (53,4 %). L’évolution était moins favorable pour 26 enfants (17,6 %) qui ont présenté une récidive de convulsions fébriles dans les 24 heures et particulièrement péjorative au plan neurologique pour 43 cas soit 29%.

Le groupe 1 (convulsions généralisées, non prolongées et non répétées à l’admission), en principe le plus favorable, représentait 16,9% de l’échantillon (tableau 1). Environ un tiers parmi eux (32%) avait des antécédents de convulsions fébriles au premier degré. Aucun ne présentait des antécédents d’épilepsie. Au sein de ce groupe répondant à la définition clinique de « crises simples », 22 enfants (88% du groupe) soit 14,9% de l’ensemble de l’échantillon ont présenté une évolution post critique rapidement favorable. Deux enfants néanmoins ont présenté 1 ou plusieurs récidives par la suite. Un enfant a eu un score de Blantyre inférieur à 4 après 24 heures d’observation. Aucun n’avait conservé de déficit moteur post critique. (tableau 2)

A l’opposé, le groupe 8, celui des enfants avec convulsions focales, prolongées et répétées à l’admission comprenait 31 enfants (20,9%) (tableau 1). Des antécédents de convulsions dans un contexte de fièvre ont été retrouvés chez 29 % des parents au premier degré et ceux d’épilepsie chez 12,9 % des mêmes parents. Dans ce groupe, seulement 9 enfants soit 29% ont présenté une évolution favorable après 24 heures d’observation. Ce groupe comportait 33 % de décès et 40 % des hémiplégies postcritiques de l’ensemble de la population étudiée (tableau 2).

Au-delà des profils évolutifs différents endéans les 24 heures (p< 0,001), ces deux groupes différaient significativement l'un de l'autre au niveau de la répartition par sexe (p = 0,002) en défaveur du sexe féminin. Par contre, il n'y avait pas de différence statistiquement significative tant au niveau des antécédents familiaux de crises fébriles (p =0,81) que d'épilepsie au premier degré (p =0,17). Les groupes intermédiaires rassemblaient 92 enfants soit 62% de l'ensemble de la population étudiée. La majorité d'entre eux, n=67, se répartissaient au sein des groupes 2, 3 et 4 soit ceux ayant présenté des convulsions généralisées (tableau 1). Des antécédents familiaux de convulsions associées à la fièvre ont été retrouvés dans chacun des groupes mais variaient entre 14,3 % (groupe 7) et 30,8 % (groupe 6). Hormis dans le groupe 5, les antécédents d'épilepsie sont peu représentés dans l'ensemble de ces groupes. A l'exception de patients des groupes 3 et 5, les enfants des autres groupes avaient présenté des récidives des crises dans les proportions suivantes : 30,8% (groupe 6) ; 22,7% (groupe 4) ; 21,4% (groupe 2) et 14,3% (groupe 7). Quant au score de Blantyre pathologique, il apparaissait variable entre 14,3% dans le groupe 7 et 29,4% dans le groupe 3. On dénombrait 1 décès dans chacun des groupes 2, 3, 4 et 6. Des séquelles neurologiques de type hémiparésie étaient retrouvées dans les groupes 2 (2/5) et 3 (1/5). (tableau 2) Notre étude montre que le pronostic à court terme dépendait des caractéristiques de la crise ayant conduit à l'admission. Par rapport à la distribution, significativement plus d'enfants ayant présenté des crises généralisées (60,9%) ont évolué favorablement après 24 heures d'observation que ceux dont la crise était focale (41%) (p=0,001). Un enfant avec une crise convulsive généralisée avait 2 fois plus de chance d'évoluer favorablement dans les 24 heures que celui qui avait présenté une crise focale (OR= 2,223 ; IC 95%: 1,134 - 4,394). De même, les enfants ayant présenté des convulsions de courte durée (62%) ont également mieux évolué que ceux ayant présenté des convulsions prolongées (45,5%) (p=0,04). La survenue des crises convulsives prolongées multipliait par 2 la probabilité d'une évolution défavorable pour l'enfant par rapport à celui victime d'une crise de courte durée (OR= 1,956 ; IC95% : 1,014 - 3,770). L'étude révèle également que significativement plus d'enfants ayant présenté une crise unique ont évolué favorablement (75,9%) que ceux dont les crises étaient répétées (40%). (p<0,001). Le fait de présenter des crises répétées multipliait par 2 le risque d'une évolution défavorable (OR=4,648 ; IC95% : 2,201-9,816). Si on considère notre population groupe par groupe, c'est dans le groupe 8 que l'évolution a été la moins favorable. Le score de Blantyre établi 24 heures après l'admission était pathologique pour environ un enfant sur 3 (32,2%). Environ un quart des enfants (25,8%) ont présenté des récidives de crises, 6,5% ont gardé des séquelles et 6,5% sont décédés. Ce groupe était constitué presque exclusivement des enfants de moins de 3 ans (93,5%) et 64,5% d'entre eux avaient moins de 2 ans (tableau 2). Le pronostic était également péjoratif pour les enfants appartenant au groupe 6 dont environ un tiers de membres seulement (30,8%) avaient eu une bonne évolution (tableau 2). L'étude a enregistré 6 décès et 5 cas d'hémiplégie résiduelle dans les 24 heures suivant l'admission, tous de sexe féminin. Cependant aucune association n'a été établie entre l'évolution dans les 24 heures et le sexe (p= 0,05). Lorsque tous les facteurs d'intérêt de l'étude sont pris en compte dans un modèle de régression logistique prédictif du pronostic postcritique, seule la répétitivité de crises convulsives a été retenue comme facteur déterminant (OR ajusté = 4,360 ; IC95% :1,989-9,559). (tableau 3). DISCUSSION

La détermination du pronostic des convulsions associées à la fièvre reste un sujet de préoccupation. Deux aspects de portée différente sont à considérer : le pronostic à long terme et immédiat relatif à l’échéance de 24 heures sans oublier les facteurs favorisant leur survenue.

En préalable à la discussion, deux points méritent d’être rappelés. Notre population peut être considérée comme représentative des problématiques médicales rencontrées par les enfants de Kinshasa. Comme mentionné, les centres hospitaliers participants à cette étude sont des centres de référence reconnus localement. Même si elle n’est pas courante dans la littérature, la répartition adoptée sous forme de groupes est le résultat de la combinaison des différents éléments cliniques recueillis pour caractériser et classifier les convulsions fébriles. Chacun de ces groupes traduit la réelle fréquence des enfants à présenter les différents types de crises. Notre étude est la première en RDC à avoir analysé l’évolution à court terme des enfants ayant présenté des crises convulsives dans un contexte fébrile et d’en avoir déterminé les facteurs pronostiques. Elle a permis également de décrire les profils cliniques des convulsions associées à la fièvre dans un pays où les pathologies fébriles, à l’instar du paludisme, représentent une cause importante de mortalité infanto-juvénile (31).

Notre étude a ainsi permis de dégager les résultats suivants. Les présentations cliniques les plus représentées sont celles du groupe 1 associant convulsions généralisées, de courte durée et uniques et celles de caractère focal, de longe durée et répétées correspondant au groupe 8. Ce groupe d’enfants présente l’évolution à court terme la plus défavorable. Le caractère répétitif des crises avant l’admission est retrouvé dans les deux groupes présentant un profil évolutif défavorable. La prise en compte de façon indépendante de ce caractère précis de répétition a montré qu’il influençait significativement le pronostic à court terme. Enfin, bien que différente selon le sexe dans certains groupes, l’évolution à court terme ne semble pas influencée par les antécédents familiaux de CF ou d’épilepsie ni par l’âge.
L’âge est souvent rapporté dans la littérature comme un élément définissant le caractère de gravité et le pronostic des convulsions liées à la fièvre (6). C’est également parmi les plus jeunes enfants qu’existe le risque le plus élevé de présenter de convulsions fébriles (9, 28, 29). Notre population répond à cette répartition : 59,5% des enfants sont âgés de moins de 2 ans et 80 % de moins de 3 ans. Dans notre série, ce critère ne semble toutefois pas influencer le risque de récidive immédiat de convulsions fébriles. Signalons néanmoins que la majorité des enfants ayant présenté une évolution défavorable étaient âgés de moins de 3 ans.
Les antécédents familiaux de convulsions fébriles (CF) et/ou d’épilepsie sont généralement cités comme des facteurs prédisposant à la survenue de convulsions fébriles chez un enfant. Van Esch et collaborateurs (27) à Rotterdam ont évalué à 10 % le risque de survenue de C.F. dans la fratrie d’enfants qui ont présenté des C.F. La même constatation a été rapportée par Sall et collaborateurs au Sénégal (23). Karande, en Inde, rapporte des antécédents de C.F variant entre 9 et 22% chez les parents au premier degré (7). Dans le même ordre de grandeur, sont rapportés les chiffres de 14,3% dans l’étude de Piperidou et coll. (19). Des chiffres plus élevés, jusqu’à 36,4 %, ont été également trouvés par Nguefack et coll. dans une étude faite au Cameroun (15). Peu d’études ont été menées en République Démocratique du Congo sur ce sujet. Okitundu et collaborateurs y ont évalué à 25% le risque de survenue d’une C.F dans la fratrie d’enfants qui ont présenté des C.F (17).
Nos résultats sont proches de ceux mentionnés par ces auteurs. Nous avons retrouvé des antécédents familiaux de convulsions fébriles chez 40 de 148 enfants inclus dans cette étude, soit 27 % de la population étudiée. Ces antécédents sont retrouvés dans 32 % dans le groupe 1 et de 29 % dans le groupe 8. Cette différence n’est cependant pas statistiquement significative (p=0,81). Des antécédents d’épilepsie au premier degré sont retrouvés chez 12 de 148 enfants de cette étude, soit 8% de l’échantillon. Quatre de ces 12 enfants appartiennent au groupe 8. Ceci pourrait signifier que les antécédents d’épilepsie pourraient jouer un rôle plus important dans la survenue de crises latéralisées, répétitive et prolongées et donc constituer un facteur plus péjoratif que les antécédents simples de CAF dans la famille. L’interprétation de ces données reste cependant délicate.
En théorie, la définition de convulsions fébriles ne s’applique pas aux cas de patients présentant une affection avérée du système nerveux central. Les étiologies sous-jacentes comme le neuropaludisme, les méningites, les encéphalites, les troubles électrolytiques, l’hypoglycémie, n’ont pu être formellement établies compte tenu du niveau d’équipement des centres hospitaliers dans lesquels cette étude a été menée. En Afrique subsaharienne, la malaria est certainement parmi les pathologies courantes les plus susceptibles de provoquer une encéphalopathie d’origine vasculaire dans un contexte de fièvre (1, 11, 16) pouvant, chez des survivants, laisser des séquelles avec déficit neurologique (4).

Dans notre étude, nous avons noté que trois éléments méritent d’être pris en considération pour l’établissement du pronostic à court terme des CF. Ils ont directement trait aux caractéristiques propres à la crise ayant conduit à la consultation, c’est-à-dire : sa distribution, sa durée et son éventuelle répétition.

Au niveau de la distribution, les crises généralisées paraissaient de meilleur pronostic après 24 heures d’observation, 60,9% de bonne évolution versus 41 % en cas de crises focales. Un enfant avec une crise convulsive généralisée avait 2 fois plus de chance d’évoluer favorablement dans les 24 heures que celui qui a présenté une crise focale.

Les crises de courte durée avaient également une bonne évolution, 62% contre 45,5%, en cas des convulsions prolongées. La survenue des crises convulsives prolongées multipliait par 2 la probabilité d’une évolution défavorable pour l’enfant par rapport à celui ayant présenté une crise de courte durée.

L’étude a montré également que significativement plus d’enfants ayant présenté une crise unique ont évolué favorablement (75,9%) que les enfants ayant présentés des crises répétées (40%) avant l’admission. Le fait de présenter des crises répétées multipliait par 5 le risque d’une évolution défavorable. Lorsque tous les facteurs d’intérêt de l’étude sont pris en compte dans un modèle de régression logistique prédictif du pronostic postcritique, seule la répétitivité de crises convulsives semble être celui qui influe le plus négativement sur le pronostic à court terme (tableau 3)

A notre connaissance, il n’existe pas, dans la littérature africaine, une étude clinique qui a procédé au regroupement des CAF selon leurs caractéristiques cliniques à l’admission comme c’est le cas dans notre étude. Ceci nous prive de la possibilité de comparaison. Mais la récurrence et la sévérité des CAF notées dans cette étude sont largement observées dans la littérature africaine (14, 20)

C’est dans le groupe 8 que l’évolution était la moins favorable pour ce qui concerne le degré du niveau de la conscience évalué 24 heures après l’admission, la récidive de crises, les séquelles neurologiques ainsi que le décès. Même si nous avons vu plus haut que l’âge ne semblait pas être un facteur significatif au niveau de notre population en général, il faut cependant remarquer que ce groupe comptait presque exclusivement des enfants de moins de 3 ans (93,5%) et même une majorité en dessous de 2 ans : 64,5%. Le second groupe ayant un pronostic péjoratif était le groupe 6. Ces deux groupes avaient en commun le caractère répétitif des crises avant l’admission. Venaient ensuite les groupes 2 et 4 qui incluaient également des crises à répétition (tableau 1 et 2). La question d’une relation possible entre crises prolongées et crises à répétition mérite d’être posée. Ces dernières pourraient n’être en réalité que la traduction d’un processus pathologique évoluant sous forme de pic comme c’est le cas dans la malaria (30). Une lésion neurologique préexistante, qui ne pouvait être mise en évidence dans cette étude vu l’absence des moyens techniques, peut rendre compte de la durée ainsi que du pronostic à court terme des crises décrites dans cette étude (24).
En conclusion, notre étude, bien que limitée dans le temps et dans l’espace, a permis de démontrer le polymorphisme que peuvent prendre les manifestations convulsives fébriles en Afrique subsaharienne. Les différents profils évolutifs à court terme qui en découlent peuvent être en rapport avec des processus pathogéniques différents. Trois éléments – le caractère focal, la durée et surtout le caractère polyphasique ou répétitif de la crise – doivent clairement être pris en considération pour appréhender le risque d’une évolution péjorative dans les 24 heures suivant l’admission. Les patients réunissant ces critères doivent clairement faire l’objet d’une surveillance rapprochée et probablement bénéficier de mesures thérapeutiques préventives appropriées.

TABLEAU 1 : Répartition des groupes en fonction des caractéristiques cliniques des crises.

Groupes Taille de l’échantillon Forme / crises Durée /crises Fréquence/crises
Généralisée Focale (assymétrique) Non Prolongée prolongée Non répétitive Répétitive
1 25(16,9%) ++ ++ ++
2 28(18,9%) ++ ++ ++
3 17(11,5%) ++ ++ ++
4 22(14,9%) ++ ++ ++
5 5(3,4%) ++ ++ ++
6 13(8,8%) ++ ++ ++
7 7(4,7%) ++ ++ ++
8 31(20,9%) ++ ++ ++

Légende : ++ : présence de la caractéristique décrite


Tableau 2: Répartition des 8 groupes selon l’âge, le sexe, les antécédents et l’évolution

Groupe1 Groupe2 Groupe3 Groupe4 Groupe5 Groupe6 Groupe7 Groupe8
Modalités n (%) n (%) n (%) n (%) n (%) n (%) n (%) n (%)
Classes d’âge (en mois)
5-11 7 (28) 7 (25) 5 (29,4) 7 (31,8) 2 (40) 4 (30,8) 2 (28,6) 8 (25,8)
12-17 4 (16) 4 (14,3) 3 (17,6) 5 (22,7) 1 (20) 1 (7,7) 1 (14,2) 5 (16,1)
18-23 3 (12) 6 (21,4) 1 (5,9) 2 (9,1) 2 (40) 1 (7,7) 0 (00) 7 (22,6)
24-35 4 (16) 5 (17,9) 4 (23,5) 3 (13,6) 0 (00) 3 (23,1) 3 (42,9) 9 (29)
36-47 7 (28) 4 (14,3) 2 (11,8) 0 (00) 0 (00) 2 (15,4) 1 (14,3) 0 (00)
48-59 0 (00) 2 (7,1) 1 (5,9) 4 (18,2) 0 (00) 2 (15,4) 0 (00) 0 (00)
60-71 0 (00) 0 (00) 1 (5,9) 1 (4,5) 0 (00) 0 (00) 0 (00) 2 (6,5)
Sexe
Masculin 21 (84) 13 (46,4) 5 (29,4) 9 (40,9) 3 (60) 5 (38,7) 0 (00) 14 (45,2)
Féminin 4 (16) 15 (53,6) 12 (70,6) 13 (59,1) 2 (40) 8 (61,5) 7 (100) 17 (54,8)
Antécédents de crise associée à la fièvre /fratrie
Oui 8 (32) 8 (28,6) 4 (23,5) 5 (22,7) 1 (20) 4 (30,8) 1 (14,3) 9 (29)
Non 17 (68) 20 (71,4) 13 (76,5) 17 (77,3) 4 (80) 9 (69,2) 6 (85,7) 22 (71)
Antécédents d’épilepsie/famille (parents, fratrie)
Oui 0 (00) 3 (10,7) 0 (00) 1 (4,5) 3 (60) 0 (00) 1 (14,3) 4 (12,9)
Non 25 (100) 25 (89,3) 17 (100) 21 (95,5) 2 (40) 13 (100) 6 (85,7) 27 (87,1)
Evolution dans les 24 heures
Bonne 22 (88) 13 (46,4) 10 (58,8) 11 (50) 4 (80) 5 (38,5) 5 (71,4) 9 (29)
Récidive/ crise 2 (8) 6 (21,4) 0 (00) 5 (22,7) 0 (00) 4 (30,8) 1 (14,3) 8 (25,8)
Score/ Blantyre ≤ 4 1 (4) 6 (21,4) 5 (29,4) 5 (22,7) 1 (20) 3 (23,1) 1 (14,3) 10 (32,2)
Hémiparésie 0 (00) 2 (7,1) 1 (5,9) 0 (00) 0 (00) 0 (00) 0 (00) 2 (6,5)
Décès 0 (00) 1 (3,6) 1 (5,9) 1 (4,5) 0 (00) 1 (7,7) 0 (00) 2 (6,5)

Tableau 3. Déterminants de l’évolution dans les 24 heures des enfants ayant présenté les convulsions associées à la fièvre.

Variables Coefficients p OR(IC95%)
Antécédent de convulsions (oui) – 0,469 0,586 0,626 (0,116-3,383)
Antécédent d’épilepsie (oui) 0,605 0,143 1,831 (0,816-4,112)
Topographie de crises (focale, asymétrique) 0,391 0,312 1,479 (0,693-3,159)
Fréquence de crises (répétition) 1,473 0,001 4,360 (1,989-9,559)*
Durée de crises (prolongée) 0,468 0,206 1,598 (0,773-3,393)
Constant -1,501 0,116 0,223

p= valeur de p ; OR= Odds Ratio ; IC95% : Intervalle de confiance à 95%

*Résultat significatif



REFFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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