CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
PRONOSTIC DE L’ACCIDENT VASCULAIRE CEREBRAL HEMORRAGIQUE CHEZ DES PATIENTS HOSPITALISES A LA CLINIQUE DES NEUROSCIENCES IBRAHIMA PIERRE NDIAYE, DAKAR, SENEGAL EN 2018
PROGNOSIS OF HEMORRHAGIC STROKE IN HOSPITALIZED PATIENTS AT THE IBRAHIMA PIERRE NDIAYE NEUROSCIENCES CLINIC, DAKAR, SENEGAL IN 2018
E-Mail Contact - ABDOURAHAMAN Nahantchi Aboubacar :
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RÉSUMÉ Introduction : Les accidents vasculaires cérébraux hémorragiques (AVCH) représentent 10 à 20 % de l’ensemble des AVC dans les pays industrialisés. En Afrique, la fréquence est élevée avec des taux allant de 28% à 60%. Ils sont souvent de pronostic réservé. Objectif : L’objectif de notre travail était d’évaluer le pronostic à court terme de tous les patients hospitalisés pour AVCH à la clinique de neurosciences Ibrahima Pierre Ndiaye du CHNU de Fann. Méthode : Il s’agit d’une étude transversale, allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018, chez des patients hospitalisés qui remplissaient les critères de diagnostic d’AVCH. Résultats : Sur un total de 483 dossiers d’AVC, 132 cas d’AVCH ont été répertoriés soit une fréquence de 27,3 %. L’âge moyen des patients était de 59,2 ans avec un écart type à 13. Ils étaient de sexe masculin (57,6%), admis après 48 heures (42,4%) avec comme antécédents l’HTA (67,5%), la dyslipidémie (28%) et le diabète (12,1%). La mortalité à 30 jours était de 35,6%. Le score ICH moyen était de 1,1. La mortalité était de 31,3% pour un score ICH à 1. Le trouble de la vigilance et le siège sous tentoriel de l’hématome, l’hyperglycémie à l’admission, l’engagement cérébral sous falcoriel et les complications de décubitus étaient associés de manière statistiquement significative à la mortalité à 30 jours. Conclusion : Dans notre étude un score ICH bas était associé à une mortalité élevée. Mots clés : Accident vasculaire cérébral hémorragique ; Mortalité ; Score ICH ; Sénégal. SUMMARY Background: Hemorrhagic strokes account for 10 to 20% of all strokes. In Africa, the frequency is high with rates ranging from 28% to 60%. Prognosis is often reserved. Objective: The aim of this study was to evaluate the short-term prognosis of patients hospitalized for hemorrhagic stroke at the Ibrahima Pierre Ndiaye Neurosciences clinic of CHNU de Fann. Methodology: It was a cross sectional study, from January 1st 2018 to December 31th 2018, in hospitalized patients who met the diagnostic criteria for hemorrhagic stroke. Results: Of a total of 483 stroke cases, 132 cases of hemorrhagic stroke were reported, a proportion of 27.3%. The mean age of the patients was 59.2 years with a standard deviation of 13. They were male (57.6%), admitted after 48 hours (42.4%) with a history of hypertension (67.5%), dyslipidemia (28%) and diabetes (12.1%). The 30-day fatality rate was 35.6%. The mean ICH score was 1.1. The fatality rate was 31.3% for an ICH score of 1. Loss of consciousness, infra-tentorial hematoma, hyperglycemia on admission, subfalcine herniation and decubitus complications were statistically significantly associated with 30-day mortality. Conclusion: In our study a low ICH score was associated with high mortality. Keywords: Hemorrhagic stroke; ICH score; Mortality; Senegal INTRODUCTION Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) constituent un problème de santé publique dans le monde. Ils demeurent la troisième cause de mortalité dans le monde, et certainement la première cause d’invalidité (5,18). Dans les pays industrialisés, les accidents vasculaires cérébraux hémorragiques (AVCH) représentent 10 à 20% de l’ensemble des AVC soit 10 à 20 cas par 100 000 habitants (10). Ils correspondent à une extravasation de sang dans le parenchyme cérébral (9). Ils sont souvent de pronostic réservé, et la mortalité à 30 jours de l’AVCH est comprise entre 35 et 52 % (22). En Afrique, la fréquence est élevée avec des taux allant de 28 à 60% (9,15,23) et un taux de mortalité variant entre 19,85 % et 57,4% (4,5). Plusieurs études se sont intéressées au pronostic de l’AVCH, ainsi qu’au devenir des patients en Afrique subsaharienne (2,4,20,25). Au Sénégal, les AVC sont au premier rang des affections neurologiques, avec plus de 30 % des hospitalisations, et sont responsables de deux tiers des décès dans le service de neurologie de Dakar (24,26). Deux études y avaient abordé le pronostic des AVCH dont l’une chez les sujets de moins de 55 ans et l’autre chez les patients comateux (26,25). Cependant dans ces études, les patients conscients et les sujets âgés de plus de 55 ans n’étaient pas inclus, ce qui pourrait constituer une limite pour évaluer le pronostic. C’est dans ce cadre que nous avons mené ce travail qui avait pour objectif d’évaluer le pronostic à court terme de tous les patients hospitalisés pour AVCH à la clinique de neurosciences Ibrahima Pierre Ndiaye du Centre Hospitalier National Universitaire (CHNU) de Fann sur une période de 1 an. MATERIEL ET METHODE Notre étude a été menée à la clinique de Neurosciences Ibrahima Pierre Ndiaye du CHNU de Fann, Dakar-Sénégal. Nous avons réalisé une étude transversale (descriptive et analytique) sur une durée d’un an allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018. Ont été inclus dans l’étude tous les patients hospitalisés ayant rempli les critères du diagnostic de l’accident vasculaire cérébral hémorragique (déficit neurologique soudain et présence d’une hémorragie intracérébrale à la TDM cérébrale). N’ont pas été inclus dans cette étude tous les malades hospitalisés pour accident vasculaire ischémique avec un ramollissement hémorragique secondaire. La collecte de données a été réalisée à l’aide d’un questionnaire. Ce dernier était rempli après un entretien avec le malade ou avec les membres de sa famille. Les données recueillies étaient le résultat de l’examen clinique et le bilan paraclinique réalisé. Ainsi, le questionnaire était administré dans les trois premiers jours suivant l’hospitalisation et à la sortie du service de Neurosciences Ibrahima Pierre Ndiaye. Pour les caractéristiques sociodémographiques, les variables étudiées étaient le sexe, l’âge, et le lieu de résidence. Concernant les caractéristiques cliniques, les variables étudiées étaient l’état de conscience, les déficits moteurs, les troubles du langage, le délai d’admission, les antécédents médicaux, les facteurs de risques vasculaires (HTA, diabète) et l’unité d’hospitalisation (unité de réanimation, salles d’hospitalisations). Les variables paracliniques étudiées étaient la glycémie à l’admission, le siège de l’hématome, le volume de l’hématome calculé selon la formule A x B x C/2 (7), la présence d’hémorragie ventriculaire, la présence d’engagement cérébral, et les dyslipidémies (LDL cholestérol > 1,5g/l, triglycérides > 1,5g/l et le cholestérol total > 2g/l). Les variables étudiées pour les aspects évolutifs étaient, les complications de décubitus, la durée de l’hospitalisation et les décès. Les variables étudiées, pour les aspects pronostiques étaient, le score ICH (Intracerebral Hemorrhage) de Hemphill (Tableau I) (13), la mortalité prédite dans les 30 jours (Figure 1) (13). La saisie et le traitement de données ont été réalisés avec les logiciels world 2016, Epi info dans sa version 3.5.1 et Excel 2016. Les résultats ont été exprimés en fréquences et moyennes +/- écarts-types. Le test de Chi-2 et le test exact de Fischer (p <0,05) ont été utilisés pour l’analyse univariée des facteurs pronostiques. Sur un total de 483 dossiers d’AVC, 132 cas d’AVCH ont été répertoriés soit une fréquence de 27,3 %. L’âge moyen des patients était de 59,2 +/- 13 ans avec des extrêmes allant de 23 à 91 ans et le sex ratio était à 1,38. Les caractéristiques de la population étudiées sont regroupées dans le Tableau II. Les patients hospitalisés en unité de soins intensifs neurologiques représentaient 26,5% et 73,5 % étaient admis en salle d’hospitalisation. Les données cliniques des patients sont mentionnées dans le Tableau III. Le bilan biologique, retrouvait une hyperglycémie chez 39.3%. Cette dernière était comprise entre 1,10 et 2 g/l chez 34,8%. Les données de l’imagerie sont répertoriées dans le tableau III. La mortalité à trente jours était de 35,6% soit 47 cas. La figure 2 montre la répartition de cette mortalité sur les quatre premières semaines d’hospitalisation. La durée moyenne de l’hospitalisation était de 13,8 jours. Le score ICH moyen était de 1,1 avec un minimum à 0, un maximum à 3 et un écart-type à 0,8. Trente-six virgule quatre pourcent des patients avaient un score ICH à 1 et 25,8% avaient un score à 2 (Figure 3). Sur le plan pronostic, le trouble de la vigilance, le siège sous tentoriel de l’hématome, l’hyperglycémie à l’admission, la présence d’engagement cérébral sous falcoriel et les complications de décubitus, étaient associés de façon statistiquement significative à la mortalité à 30 jours (Tableau IV) DISCUSSION Le taux de mortalité à 30 jours dans notre étude était de 35,6%. Ce taux reflète la gravité de cette affection. En effet, un taux de mortalité élevé a été constaté dans plusieurs travaux (3,17,26). Il était de 35,5 % en Côte d’Ivoire (12), 42,1% au Sénégal (26), 44% en Uganda (1). En plus, dans les études réalisées en unité de réanimation, un taux de mortalité plus élevéa été rapporté, soit 54,17% en Espagne (21) et 62,2 % au Congo Brazzaville (17). La mortalité est surtout élevée durant la première semaine suivant l’AVCH. Elle était de 46,8% (22 décès) durant la première semaine dans notre étude. Le score de Hemphill (ICH) est un outil utile pour prédire la mortalité à 30 jours chez les patients atteints d’accident vasculaire hémorragique (16). Dans notre étude, le score ICH moyen était de 1,1. Un score ICH à 4, 5, ou 6, n’a pas été observé dans notre travail. Les raisons qui pourraientt expliquer l’absence de score ICH élevé sont d’une part, le taux faible (26,5%) des patients admis en unité de réanimation du service de neurologie de CNHUF, et d’autre part, le fait que certains patients grabataires soent pris en charge en réanimation au service des urgences du CNHUF. Dans notre cohorte, la majorité (92.4%) des patients avait un score ICH entre 0 et 2. Akani en Côte d’Ivoire, a notifié aussi une tendance majoritaire (87,7%) des patients ayant un score ICH entre 0 et 2 (2). Un score ICH à 4 ou 5 a été rapporté dans deux études en Côte d’Ivoire, et aux USA (2,27). Plus le Score ICH est élevé plus le risque prédictif de mortalité est élevé (11). Dans notre cohorte, 90 % des patients ayant un score ICH à 3 étaient décédés, suivi de ceux ayant un score à 2 dont la mortalité était de 51,4%. Chez les patients ayant un score à 1, une mortalité de 31,3% a été notée, et pour ceux ayant un score à 0, la mortalité était de 12,8 %. Hemphill aux USA a rapporté un taux de mortalité à 0% et 12,5 % pour un score ICH à 0 et 1 (13). La figure 4 compare la mortalité prédite par le score ICH de Hemphill à celle observée dans notre étude. Dans notre cohorte, il a été constaté un taux de mortalité élevée pour des scores ICH bas. Plusieurs raisons pourraient expliquer cette mortalité élevée pour des scores faibles : un recours tardif (42,5% d’admission après 48h) à une structure médicale spécialisée pour la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux et l’inexistence d’unité neurovasculaire fonctionnelle pour la prise en charge des AVC. De ce fait, on remarque que le score ICH sous-estime la prédiction de la mortalité dans notre contexte africain. En plus, Akani et al. en Côte d’Ivoire rapportaient que le score ICH ne prédisait pas correctement le risque de décès (2). Parmi les différentes composantes du score ICH, le trouble de la vigilance et le siège sous tentoriel de l’hématome étaient associés de manière statistiquement significative à la mortalité à 30 jours dans 66% et 81,8 %. Les autres facteurs indépendants du score prédictifs de la mortalité étaient : une hyperglycémie à l’admission, la présence d’engagement cérébral sous factoriel et les complications de décubitus. Les complications de décubitus étaient associées de manière statistiquement significative à la mortalité à 30 jours dans l’étude d’Akani et al. en Côte d’Ivoire (2). Ailleurs il s’agit des escarres et des pneumopathies au Togo et au Congo (4,20). Cependant, l’âge supérieur ou égal à 80 ans n’était pas associé de manière statistiquement significative à la mortalité à 30 jours. Aux USA, Taha et al. avaient fait le même constat (27). CONCLUSION L’accident vasculaire cérébral hémorragique est responsable d’une mortalité lourde. Dans notre étude, les patients ayant un score à 0, 1 et 2 avaient une mortalité élevée. Les autres facteurs indépendants du score, prédictifs de la mortalité identifiée dans notre étude étaient l’hyperglycémie à l’admission, la présence d’engagement cérébral sous falcoriel, et les complications de décubitus. La prise en charge de ces facteurs indépendants du score ICH, l’admission précoce dans une structure spécialisée et le renforcement des stratégies de préventions et des dépistages des facteurs de risques cardiovasculaires contribueront à réduire le taux de mortalité de cette pathologie.
Tableau I: Score ICH d’après Hemphill (13)
Tableau II: Caractéristiques de la population étudiée (n = 132)
Tableau III: Caractéristiques clinico-radiologiques de la population (n = 132)
Tableau IV : Répartition des patients selon les facteurs pronostiques
(*) Statistiquement significatif REFERENCES
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