CASE REPORT / CAS CLINIQUE
SINUS DERMIQUE REVELE PAR UNE INFECTION DU SYSTEME NERVEUX CENTRAL : A PROPOS DE 3 CAS.
DERMAL SINUS TRACT REVEALED BY A CENTRAL NERVOUS SYSTEM INFECTION: 3 CASE REPORTS.
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RESUME Objectifs Rappeler les anomalies cutanées du rachis révélatrices d’un sinus dermique et souligner la nécessité de son excision prophylactique urgente. Méthodes Nous avons étudié les dossiers de 3 enfants hospitalisés pour prise en charge d’un sinus dermique associé à une infection du système nerveux central. Résultats Il s’agit de deux garçons et d’une fille, âgés respectivement de11 mois, 3 ans et 11 mois. Une IRM cérébrospinale a été pratiquée devant des signes neurologiques déficitaires dans un contexte fébrile dans deux cas, et dans le troisième cas devant une méningite purulente récidivante. Dans les trois cas, c’était un abcès intra dural lombaire associé à un sinus dermique. L’abcès a été évacué avec excision du sinus dermique. Deux enfants ont gardé des séquelles. Conclusion La gravité des séquelles neurologiques dues aux complications infectieuses du sinus dermique rend son dépistage de la responsabilité de tout médecin examinant un enfant et indiquent sa chirurgie prophylactique urgente. Mots clés : Abcès, dysraphisme, méningite, sinus dermique, spina bifida occulta ABSTRACT Purpose To remind spine local skin marks suggestive of a dermal sinus tract and to highlight the importance of early prophylactic excision of this lesion. Methods Data from the medical records of three patients admitted for the management of a dermal sinus tract associated with a central nervous system infection were reviewed. Results Two patients were male and one female aged of 11 months, 3 years and 11 months respectively. Presenting symptoms were neurological deficits with fever in two cases and recurrent meningitis in one case. MRI was suggestive of intradural abscess at the lumbar vertebral level with a dermal sinus tract in all cases. The abscess was drained and the tract was surgically excised. Neurological deficits remained in two cases. Conclusion To avoid catastrophic neurologic consequences due to the infectious complications of a dermal sinus tract, this malformation must be detected by every pediatrician examining an infant, and early prophylactic surgery is obligatory. Keywords: Abscess, dermal Sinus, dysraphism, meningitis, spina bifida occulta. INTRODUCTION Le sinus dermique est une anomalie dysraphique congénitale qui correspond cliniquement à la présence d’un orifice cutané punctiforme du raphé médian et paramédian postérieur depuis la région occipitale jusqu’au sacrum mais souvent de la région lombosacrée. Cet orifice se prolonge par un pertuis épithélialisé qui s’étend plus ou moins profondément dans les tissus sous cutanés, pouvant arriver jusqu’au canal rachidien en restant extradural voire même atteindre la moelle épinière. Cette communication anormale entre la peau et le canal rachidien peut être responsable de complications infectieuses sévères qui font la gravité des sinus dermiques méconnus ou négligés. Dans cet article, nous présentons les dossiers de trois enfants, chez qui le diagnostic de sinus dermique n’a été porté que suite à une complication infectieuse sévère. OBSERVATION 1 T. M., âgé de 11 mois, sans antécédents pathologiques, a été hospitalisé en novembre 2013 pour une paraplégie d’installation rapide en cinq jours dans un contexte fébrile. A l’admission, il était fébrile à 39°C ; il avait une paraplégie flasque avec rétention urinaire. Il n’avait pas de signes sus médullaires ni de syndrome méningé. A la biologie, il existait une anémie à 7g/dl, les globules blancs étaient à 11200/mm3et la CRP à 35 mg/l. L’IRM spinale [Fig 1] objectivait de multiples collections abcédées intra-durales lombaires avec une prise de contraste durale étendue et une myélite infectieuse compliquant un sinus dermique sacré. L’enfant a eu en urgence une laminectomie lombaire de L1 à L5 avec évacuation d’un abcès intra dural cloisonné. Le sinus dermique a été poursuivi depuis la surface cutanée, il s’abouchait en intra dural avec présence d’un kyste dermoïde à ce niveau qui a été réséqué. L’enfant a reçu une antibiothérapie pendant 2 mois. Il a eu une IRM de contrôle 2 mois après la chirurgie montrant la disparition des collections infectieuses. Sur le plan fonctionnel, il a gardé une monoparésie du membre inférieur gauche et des troubles sphinctériens. OBSERVATION 2 B. A., âgée de 11 mois, sans antécédents pathologiques, nous a été adressée en juin 2018 pour une rétention urinaire aigue. A l’admission, elle était déjà porteuse d’une sonde vésicale ; elle était apyrétique à 37,5°C et elle n’avait pas de déficit moteur aux quatre membres. Par ailleurs, on notait la présence d’un sinus dermique à hauteur de L3-L4 avec issue de sérosité. A la biologie, il existait une hyperleucocytose à 20000 globules blancs/mm3, mais la CRP était à 1 mg/l. L’IRM médullaire [Fig 2] a objectivé une moelle attachée basse, un sinus dermique avec un abcès intradural. L’enfant a eu en urgence une excision du pertuis fibreux correspondant au sinus dermique avec évacuation de l’abcès intra dural. L’examen bactériologique du pus a isolé un Proteus Mirabilis multi sensibles. L’enfant a reçu une antibiothérapie pendant 2 mois avec une évolution favorable sur le plan infectieux, sur le plan neurologique elle est suivie en rééducation physique pour ces troubles sphinctériens. OBSERVATION 3 Y. G., âgé de 3 ans, sans antécédents pathologiques particuliers a été hospitalisé en septembre 2018 dans un service de pédiatrie pour une méningite purulente révélée par un syndrome méningé fébrile et confirmée par une ponction lombaire. Il a été traité par une double antibiothérapie pendant 15 jours avec une évolution favorable clinique et biologique. Quatre jours après, il a présenté une récidive du syndrome méningé fébrile et la nouvelle ponction lombaire a ramené un liquide purulent. Durant cet épisode, la maman de l’enfant a rapporté des douleurs lombaires et des deux membres inférieurs sans troubles sphinctériens ni troubles de la marche. A l’admission à notre service, l’enfant était déjà sous traitement antibiotique (J 27) ; il était apyrétique, il n’avait pas de déficit neurologique ni d’anomalie des réflexes ostéotendineux. L’examen du rachis objectivait un syndrome rachidien lombaire avec présence d’une tache mongoloïde lombaire, d’un angiome cutané et d’un sinus dermique lombaire. L’IRM spinale [Fig 3] a révélé une collection abcédée intra durale à hauteur de L4 L5 et S1 avec un kyste dermoïde et un sinus dermique. Opéré en urgence, le patient a eu une laminectomie de L4 L5 et S1. Le sinus dermique a été contourné le long de son trajet jusqu’à la dure mère. Il était prolongé par un kyste dermoïde avec de multiples logettes de pus. Le pus a été évacué avec exérèse large du kyste. L’enfant a reçu 30 jours d’antibiothérapie en post opératoire. Il était ensuite asymptomatique. DISCUSSION Le sinus dermique est une lésion dysraphique congénitale qui représente 10% des dysraphismes spinaux fermés (7) avec une prévalence de 1 pour 2500 naissances (5). C’est un fin pertuis épithélialisé, le plus souvent de la région lombosacrée, qui s’étend entre la peau et les méninges ou le tissu médullaire lui-même. Des stigmates cutanés en regard du rachis lombosacré sont quasi constants dans le cas d’un sinus dermique et ont une grande valeur chez le nouveau-né. Ils doivent faire rechercher ce pertuis et le différencier des fossettes coccygiennes borgnes qui, sont certes plus fréquentes (environ 4% des naissances), mais contrairement aux sinus dermiques, ne présentent pas de risques particuliers et par conséquent ne nécessitent pas de prise en charge spécifique (2,3). Parmi ces stigmates cutanés, il peut s’agir d’un lipome sous cutané, d’une hypertrichose localisée, d’une déviation du pli inter glutéal, d’appendices de nature histologique variable ou de lésions hyperpigmentées tels un angiome, une tache mongoloïde, un naevus (2). Néanmoins le sinus dermique reste assez souvent une lésion méconnue et sous-évaluée. En effet, Lallemant (5), dans une revue de 63 cas publiés, rapporte que l’infection aigue ou un antécédent infectieux étaient le deuxième motif de consultation après les signes cutanés du raphé médian. Ces complications infectieuses, se produisent le plus souvent avant la cinquième année de vie et sont le mode de révélation le plus fréquent chez le nouveau-né (3). Parmi ces complications infectieuses, il peut s’agir d’une méningite récidivante ou à germes inhabituels (bacille gram négatif, staphylocoque, anaérobies), d’un tableau plus grave de compression des racines de la queue de cheval ou de compression médullaire en rapport avec un abcès de la queue de cheval (3) avec arachnoïdite, rarement un abcès intra médullaire (4,6) ou une myélite (4) et parfois même des empyèmes intracérébraux tels que le cas publié par Lallemant (5). Ces complications infectieuses font toute la gravité des sinus dermiques non opérés car peuvent être grevées de lourdes séquelles neurologiques en particulier des troubles urologiques et/ou d’une paraplégie qui nécessiteront une prise en charge multidisciplinaire à long terme et peuvent compromettre le pronostic fonctionnel de ces enfants (4,5). Rappelons qu’une fossette sacrée typique est de moins de 5 mm de diamètre et siège juste au-dessus du pli inter fessier au maximum à 2,5 cm de l’anus (3). Dans le doute d’un sinus dermique, l’IRM est l’exploration radiologique de choix ; elle permet de visualiser le trajet du sinus qui apparaît en hypo signal T1 au sein de l’hyper signal de la graisse sous cutanée, l’IRM permet également de rechercher d’autres lésions dysraphiques associées tels qu’une moelle attachée basse dans 70% des cas (5), un kyste dermoïde ou épidermoïde dans 50 % des cas (5), ou encore un lipome ou un fibrolipome du filum terminale. En plus d’une antibiothérapie prolongée, les trois patients de notre série ont eu une évacuation de l’abcès intra dural avec une excision en bloc du sinus. Cette excision est faite à travers une incision cutanée elliptique centrée sur le sinus ensuite le trajet fibreux sera poursuivi et disséqué de proche en proche jusqu’au plan dural, cette technique a l’avantage de réduire le risque infectieux et de garantir une excision complète du sinus dermique (1). Un kyste dermoïde a été noté dans deux cas ; son exérèse a été réalisée durant le même geste opératoire. CONCLUSION Le sinus dermique est une lésion congénitale bénigne à condition qu’elle soit diagnostiquée et traitée chirurgicalement à temps, des complications infectieuses sévères grevées de lourdes séquelles neurologiques sont l’apanage des formes négligées et méconnues. Conflits d’intérêts : Aucun FIGURES
REFERENCES
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