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ORIGINAL PAPERS / ARTICLES ORIGINAUX
SPONDYLODISCITE TUBERCULEUSE A LOCALISATION CERVICALE : A PROPOS D’UN CAS AU CENTRE NATIONAL HOSPITALIER ET UNIVERSITAIRE HUBERT KOUTOUKOU MAGA (CNHU-HKM) DE COTONOU
CERVICAL SPINE TUBERCULOSIS: A CASE REPORT AT THE NATIONAL TEACHING HOSPITAL HUBERT KOUTOUKOU MAGA (CNHU-HKM) IN COTONOU
E-Mail Contact - ALIHONOU THIERRY :
alihonouthierry@yahoo.fr
Résumé Introduction La localisation cervicale de la spondylodiscite tuberculeuse est une situation rare. Nous rapportons ici une spondylodiscite tuberculeuse cervicale prise en charge avec succès au CNHU-HKM de Cotonou. Observation Madame E. F. âgée de 36 ans, sans antécédents particuliers, a consulté pour des névralgies cervico-brachiales bilatérales C6 et C7 et des difficultés à la marche dans un contexte de fièvre vespérale, évoluant depuis 4 mois. L’examen physique avait noté un état général moyen avec une tétraparésie à prédominance membres pelviens et des troubles de la sensibilité. Il n’y avait pas de troubles sphinctériens. L’IRM cervicale révéla une image fortement évocatrice d’une spondylodiscite C6C7 avec tassement des vertèbres C6 et C7 et une collection abcédée prévertébrale et épidurale antérieure compressive. La patiente a été mise sous traitement antituberculeux. Une décompression médullaire cervicale avec stabilisation rachidienne a été faite. Les suites opératoires immédiates ont été simples. La kinésithérapie motrice a débuté en post opératoire immédiat. A 3 mois post opératoire, on notait une bonne évolution clinique. Au dernier contrôle à 1 an d’évolution post thérapeutique, la normalisation de la clinique s’était maintenue et la patiente avait déjà repris ses activités professionnelles. Conclusion La localisation cervicale du mal de pott, bien que rare, continue d’être présente dans nos régions en zone d’endémie tuberculeuse. Sa prise en charge diagnostique et thérapeutique devrait être précoce pour garantir une bonne évolution clinique sans séquelles neurologiques lourdes. Mots clés : CNHU-HKM, décompression médullaire, mal de POTT, rachis cervical, spondylodiscite. Summary Introduction Tuberculous spondylodiscitis affecting the cervical spine is a rare condition. We report here a case of cervical tuberculous spondylodiscitis successfully treated at the CNHU-HKM in Cotonou. Observation Ms E. F., aged 36, with no particular medical history, consulted for bilateral cervicobrachial neuralgia C6 and C7 and difficulty walking, accompanied by evening fever. Physical examination revealed a fair general condition with tetraparesis predominantly affecting the pelvic limbs and sensory disturbances. There were no sphincter disorders. Cervical MRI revealed an image strongly suggestive of C6C7 spondylodiscitis with compression of the C6 and C7 vertebrae and a compressive prevertebral and anterior epidural abscess. The patient was placed on anti-tuberculosis treatment. Cervical spinal decompression with spinal stabilisation was performed. The immediate postoperative course was uneventful. Physical therapy began immediately after surgery. Three months after surgery, the patient’s clinical condition had improved significantly. At the last check-up one year after treatment, the patient’s clinical condition had normalised and she had already resumed her professional activities. Conclusion Although rare, cervical Pott’s disease continues to be present in our regions, which are endemic for tuberculosis. Early diagnosis and treatment are essential to ensure a good clinical outcome without serious neurological sequelae. Keywords: CNHU-HKM, spinal cord decompression, Pott’s disease, cervical spine, spondylodiscitis. Introduction La forme extra pulmonaire de la tuberculose concerne surtout le rachis ; en particulier le rachis dorso-lombaire. La localisation cervicale est bien plus rare et constitue environ 3 à 5% des localisations rachidiennes (8,14,9). Elle peut intéresser le rachis cervical supérieur ou inférieur réalisant différents tableaux cliniques résultant de la compression bulbo-médullaire et associée à une atteinte de l’état général. Dans les pays à faible ou moyen revenu, son diagnostic peut être retardé et parfois basé sur une présomption radio-clinique. Le volet médical du traitement repose sur la chimiothérapie anti tuberculeuse à quatre puis 2 molécules durant 12 mois selon les protocoles qui peuvent différer en fonction des programmes nationaux. Le traitement chirurgical est controversé mais associe souvent une décompression médullaire à une stabilisation du rachis. Ce traitement peut être consolidé par la kinésithérapie. Nous rapportons ici le cas d’une jeune patiente traitée avec une issue favorable à un an de recul. Patiente et Observation Présentation clinique : Madame E. F. âgée de 36 ans, sans antécédents particuliers, a consulté le 06 août 2024 pour des cervicalgies évoluant depuis le mois d’avril 2024. En juillet 2024, sont apparues de façon rapidement progressive des difficultés à la marche dans un contexte de fièvre vespérale. L’examen physique avait noté une altération de l’état général avec un amaigrissement non chiffré, une tétraparésie à prédominance pelvienne et une baisse de la sensibilité tactile protopathique avec un niveau sensitif à L1. Il n’y avait pas à ce stade la présence de troubles sphinctériens. Le score de l’American Spinal Injury Association (ASIA) était de D. L’intra- dermo-réaction (IDR) à la tuberculine était positive à 20 mm et la vitesse de sédimentation accélérée à 89 mm à la première heure. La CRP était positive à 96 mg/ avec une anémie microcytaire à 9,7g/dl. Évaluation du diagnostic : l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) du rachis cervical avait montré un processus lytique des vertèbres C-6 et C7, responsable d’une cyphose cervicale, centrée sur C6 et C7 avec épidurite antérieure comprimant le cordon médullaire cervicale et un abcès retro pharyngé (Figure 1). L’hypothèse d’une spondylodiscite tuberculeuse cervicale a été émise. Prise en charge : la patiente avait été mise sous traitement antituberculeux selon le schéma national. Un collier cervical a été mis en place. Une décompression médullaire cervicale avec stabilisation rachidienne a été indiquée. Nous avons réalisé un abord mixte postérieur (laminectomie C4-C7) et antérieur centré sur C6C7 qui a permis de ponctionner l’abcès pour un volume d’environ 60 cc de liquide jaunâtre et épais dont l’analyse bactériologique n’avait pas révélé la présence de germes. Nous avions également procédé à une stabilisation du rachis cervical par une arthrodèse par double cage cervicale et plaque visée de C5 à C7. La kinésithérapie motrice a débuté en post opératoire immédiat. L’examen anatomopathologique a observé des granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires parfois centrés par une nécrose éosinophile anhiste évoquant en premier lieu une mycobactériose. La patiente avait poursuivi son traitement chimiothérapeutique antituberculeux pendant 12 mois : 2 mois de rifampicine – isoniazide – pyrazinamide – éthambutol (RHZE), suivis de 10 mois de rifampicine-isoniazide (RH). Résultats et suivi : Les suites opératoires immédiates ont été simples. La durée d’hospitalisation a été de 10 jours. L’évolution à 2 mois post opératoire a été marquée par la persistance de discrètes névralgies cervico-brachiales bilatérales C6 et C7 fugaces et intermittentes. A 3 mois post opératoire, on notait une bonne évolution clinique avec totale régression des douleurs cervicales et une récupération complète de la force motrice aux 4 membres. Au dernier contrôle à 1 an d’évolution post thérapeutique, la normalisation de la clinique s’était maintenue et le matériel d’arthrodèse était toujours bien en place. On note une fusion C6C7 (Figure 2). Un arrêt du traitement anti tuberculeux avait également été préconisé et la patiente avait déjà repris ses activités professionnelles. Déclaration de consentement du patient : les auteurs certifient avoir obtenu tous les consentements appropriés du patient. Discussion Dans notre contexte marqué par le retard au diagnostic et à la prise en charge des compressions médullaires lentes en général et celles d’origine tuberculeuse en particulier, réussir à traiter un patient dont l’évolution est finalement sans aucune séquelle neurologique peut ressembler à un exploit (3). Le tableau clinique du mal de POTT n’est pas spécifique et le délai diagnostique est très variable, pouvant s’étaler sur plusieurs mois, comme pour le cas présenté ici (2,11,7). Dans cette observation, la clinique de la patiente était faite d’un amaigrissement non chiffré, d’un syndrome douloureux rachidien cervical bas et d’un déficit neurologique. L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) du rachis cervical en séquence pondérée T1 et T2 et T1 avec injection de Gadolinium a révélé une lésion destructive disco-corporéale antérieure intéressant C6 et C7, une cyphose cervicale et un abcès rétro pharyngé avec une extension de la collection suppurée dans le canal rachidien, compressive sur la moelle cervicale. La clinique, le bilan biologique et l’imagerie permettent souvent une forte présomption diagnostique qui, dans notre contexte peut faire déclencher le traitement antituberculeux et l’indication chirurgicale si elle est nécessaire. Il faut cependant souligner que le diagnostic de certitude est apporté par l’étude histologique (3). L’étude anatomo-pathologique des prélèvements du cas rapporté ici a confirmé l’origine mycobactérienne de la spondylodiscite. En fonction du délai d’évolution de la maladie avant la prise en charge, l’atteinte rachidienne peut être plus ou moins sévère allant d’une simple lésion disco-corporéale antérieure sans extension majeure intracanalaire à la dislocation rachidienne avec atteinte rachidienne multi étagée (1,10,4,13). Les antituberculeux restent la pierre angulaire du traitement du mal de POTT. Le schéma classique comprend 2 phases : une phase intensive de 2 mois avec une quadrithérapie et une phase de consolidation qui dure 10 mois avec une bithérapie (6). La chirurgie est recommandée lorsqu’il existe un déficit neurologique important, des lésions osseuses/ligamentaires importantes, une altération de l’équilibre sagittal, ou parfois une résistance aux médicaments. L’abord chirurgical est soit antérieur, postérieur ou combiné comme pour le cas rapporté ici (5,12). Ce geste chirurgical a permis de décomprimer la moelle cervicale, tout en assurant la stabilité rachidienne. Devant le refus de la patiente de réaliser un prélèvement osseux iliaque et à défaut de disposer d’un matériel de fusion synthétique, nous avons tenté de réaliser la fusion rachidienne entre C6 et C7 avec une greffe autologue issue de la laminectomie et sans corporectomie. Au contrôle à 1 an, C6 et C7 semblent avoir bien fusionné. Cependant, le contrôle radiologique mériterait d’être poursuivi. Conclusion La tuberculose rachidienne reste un problème majeur dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Son dépistage précoce et son traitement doivent être un défi constant pour éviter les complications neurologiques sévères et les troubles de la statique rachidienne. Une issue favorable reste possible. Conflit d’intérêt Tous les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec cet article. ![]() ![]() Références
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