ANATOMY / ANATOMIE
TERMINAISON DU CÔNE MÉDULLAIRE, DU SAC DURAL ET PROFONDEUR DU CANAL VERTÉBRAL CHEZ LE NOIR AFRICAIN
CONUS MEDULLARIS POSITION, DURAL SAC LEVEL AND VERTEBRAL CANAL DEPTH ON BLACK AFRICAN SUBJECTS.
E-Mail Contact - MOULION TAPOUH Jean Roger :
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RESUME Objectifs Matériels et méthodes L’épaisseur maximale du cône médullaire, la profondeur du canal vertébral et l’épaisseur de la graisse sous cutanée étaient mesurées. Résultats Conclusion Mots clés : cône médullaire, sac dural, ponction lombaire, canal vertébral, IRM lombaire. Objectives Materials and methods Results Conclusion Keywords: conus medullaris, thecal sac, lumbar puncture, vertebral canal, lumbar spine MRI INTRODUCTION La ponction lombaire (PL) est un acte médical largement pratiqué, car elle seule permet de recueillir du liquide céphalospinal (LCS) pour toute analyse lors des différentes pathologies du système nerveux central. C’est aussi un temps essentiel de la myélographie opaque, de la sacco-radiculographie et du myélo-scanner. Cet acte est cependant susceptible de léser le cône médullaire, et peut donc donner lieu à des pathologies de mauvais pronostic, notamment une atteinte irréversible des centres réflexes de la fonction sphinctérienne. La connaissance de la localisation de la terminaison du cône médullaire est donc indispensable pour éviter toute lésion de celui-ci lors d’une ponction lombaire, d’une chirurgie ou d’une radiothérapie de la région lombaire. Chez le sujet caucasien, le cône terminal est le plus souvent situé en regard du bord inférieur de L1 (12, 9, 6, 3). Des variations potentielles liées à l’âge (5, 11), au sexe (7, 3, 11), à la morphologie et éventuellement à la race (7) ont été évoquées. En 1935, Needles et al concluaient au terme d’une étude par autopsies que la terminaison du cône médullaire était située plus bas pour les Noirs américains comparativement aux Blancs américains (7). L’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) permet chez le sujet vivant une étude fiable de la moelle épinière, sans traumatisme et sans irradiation; de nombreux auteurs l’ont déjà appliquée à l’étude du cône médullaire (13, 9, 6, 3, 5, 11, 10, 8). Tous ces travaux ont été réalisés sur des sujets caucasiens et leurs conclusions ne peuvent pas à priori être transposées aux populations Noires africaines. Nous avons entrepris une étude dont l’objectif était de déterminer la taille et le niveau de la terminaison du cône médullaire et du sac dural des adultes Noirs africains à partir des coupes IRM du rachis lombaires réalisées au Centre Hospitalier Universitaire de Yaoundé (CHUY). Le but de cette étude étant d’améliorer la connaissance de l’anatomie du cône médullaire des sujets Noirs africains; afin de contribuer à réduire les risques d’accidents et incidents traumatiques du cône médullaire liés à la ponction lombaire. MÉTHODES Patients De façon consécutive, les images des patients ayant passé une IRM du rachis lombaire au CHUY de juin 2008 à juillet 2011 ont été systématiquement examinées. Les examens d’IRM étaient demandés par les médecins traitants pour les indications suivantes : lombalgies, lombosciatalgie, troubles sensitifs et/ou moteurs des membres inférieurs. Technique Tous les examens étaient réalisés sur un appareil IRM de 0,2 T (Signa Profile Excite, Lightspeed VCT, GE Healthcare). Les protocoles utilisés étaient les suivants : coupes sagittales en séquences pondérées T1 spin écho (TR/TE 500/18 ; 4 mm d’épaisseur, 5 mm d’intervalle, FOV 280 x 280 mm) et T2 spin écho (TR/TE 4240/114 ; 4 mm d’épaisseur, 5 mm d’intervalle, FOV 350 x 350 mm). Conformément à la méthode utilisée dans des études antérieures, la terminaison du cône médullaire ou du sac dural était déterminé en référence au segment vertébral adjacent. Chaque vertèbre était divisée en trois (tiers supérieur, moyen, inférieur) et les disques intervertébraux étaient considérés sur toute leur hauteur comme un segment à part entière (9, 3, 5, 11, 2, 10, 8, 4). Chaque segment obtenu était numéroté pour faciliter l’analyse statistique (tiers supérieur de T12 = 1 ; disque L1L2 = 8 ; tiers moyen de S2 = 30). (Figure 1) L’épaisseur maximale du cône médullaire était mesurée dans un plan antéropostérieur sur une coupe sagittale médiane du rachis lombaire en pondération T2 (Figure 2). La profondeur du canal vertébral était mesurée sur une coupe sagittale médiane du rachis lombaire en pondération T1, sur une ligne droite allant de la surface cutanée au centre du canal vertébral en passant entre les apophyses épineuses de L4 et L5 ; cette ligne étant considérée comme le trajet idéal à suivre lors d’une ponction lombaire (Figure 3). L’épaisseur de la graisse sous cutanée (apparaissant en hypersignal) était mesurée sur cette même ligne (Figure 4). Collecte des données et analyse statistique Toutes les mesures et interprétations étaient effectuées par les deux premiers auteurs. Le consensus était obtenu pour toutes les variables retenues. Les données étaient collectées et analysées grâce aux logiciels Epi info 3.5.1.0 et Epidata 2.2.1.171. Les tests de Mann Withney/Wilcoxon et ANOVA ainsi que la régression linéaire, étaient utilisés pour rechercher la corrélation entre les variables mesurées et l’âge ou le sexe. Toute différence était jugée statistiquement significative pour une valeur de p < 0.05. RÉSULTATS Des 91 sujets éligibles, 77 ont été retenus (84,61%) pour cette étude parmi lesquels on comptait 39 hommes (50,6 %), soit un sex-ratio de 1,02 H/F. L’âge moyen était de 47,29 ± 14,03 ans (hommes : 48,97 ± 14,66 ans ; femmes : 45,57 ± 13,33 ans) avec des extrêmes allant de 16 à 82 ans. Dans notre échantillon, le cône médullaire se terminait entre le tiers inférieur de T12 (2,6 %) et le tiers inférieur de L2 (1,3 %) soit en moyenne au tiers moyen de L1 (Figure 5). Dans 87% des cas (67 cas/77), la terminaison du cône se situait entre le tiers inférieur de T12 et le disque L1L2. Il n’y avait pas de différence statistiquement significative du niveau de cette terminaison entre les hommes et les femmes (p = 0,9727). L’âge avait un effet statistiquement significatif sur la terminaison du cône médullaire (p = 0,0027 ; r2 = 0,17) qui se situait dans 33,3 % des cas au tiers moyen de L1 pour les sujets de moins de 20 ans et dans 22,1 % des cas au tiers inférieur de L2 pour les patients de plus de 70 ans. Le sac dural se terminait entre le disque L5-S1 (1,3 %) et le tiers moyen de S3 (1,3 %), soit en moyenne au tiers supérieur de S2 (Figure 6). Pour 91% de nos patients, cette terminaison se trouvait entre le tiers moyen de S1 et le tiers inférieur de S2. Il n’y avait pas de différence statistiquement significative du niveau de la terminaison du sac dural entre les hommes et les femmes (p = 0,5118). L’âge n’avait pas d’effet statistiquement significatif sur la terminaison du sac dural (p = 0,7655 ; r2 = 0,00). L’épaisseur du cône médullaire variait de 5,8 à 9,6 mm avec une moyenne de 7,3 ± 0,80 mm. Cette épaisseur n’était influencée ni par le sexe (p = 0,1558) ni par l’âge (p = 0,3390 ; r2 = 0,01). La profondeur du canal médullaire variait de 11 à 133 mm avec une moyenne de 77,87 ± 20,18 mm. Elle était supérieure à 100 mm pour 09,1 % (7 cas / 77) des patients dans notre échantillon. L’épaisseur de la graisse sous cutanée, mesurée sur le même trajet variait de 3 à 83 mm avec une moyenne de 31,75 ± 17,56 mm. Il y avait une corrélation linéaire entre la profondeur du canal vertébral et l’épaisseur de la graisse sous cutanée lombaire (r2 = 0,67). DISCUSSION Dans ce travail, nous avons cherché à déterminer la taille et le niveau de la terminaison du cône médullaire et du sac dural dans un échantillon de 77 adultes noirs africains ayant effectué une IRM au CHU de Yaoundé. Nos résultats sont dans l’ensemble conformes aux données de la littérature (tableau III). Ainsi, dans notre échantillon, la terminaison du cône médullaire se situe entre T12 (tiers inférieur) et L2 (tiers inférieur), avec une moyenne au tiers moyen de L1. Toutefois, dans la seule étude menée sur une population entièrement noire africaine comme la nôtre, Gatonga et al. (4) avaient trouvé une terminaison moyenne au tiers supérieur de L2. Cette variation pourrait s’expliquer par les différences méthodologiques entre les deux travaux. Gatonga et al. ont étudié par autopsies 112 cadavres comportant majoritairement des hommes (sex ratio 2,05H/1F), tandis que notre étude portait sur 77 patients vivants avec quasiment autant de femmes que d’hommes (1,02H/1F). Même s’il n’y avait pas de corrélation entre le sexe et la terminaison du cône médullaire dans nos deux études, d’autres auteurs travaillant sur des échantillons plus larges avaient trouvé qu’elle se situait plus bas pour la femme que pour l’homme (7, 3, 11). Dans notre échantillon, la terminaison du cône médullaire était d’autant plus bas située que l’âge était avancé (p = 0,0027 ; r2 = 0.17) ; ceci confirme les résultats obtenus par Kim et Soleiman (11). La dégénérescence arthrosique progressive des vertèbres et des disques intervertébraux avec l’âge pourrait expliquer une modification de la terminaison du cône médullaire lors du vieillissement. Une étude portant sur des sujets âgés comparativement à des sujets jeunes et sains est nécessaire pour le vérifier. La terminaison du sac dural est comparable dans notre étude à celle retrouvée par d’autres (6, 11, 2). Seul Mac Donald avait trouvé une corrélation entre cette terminaison et le sexe (6) mais dans son échantillon, la distribution n’était pas normale et la segmentation vertébrale adoptée intégrait les disques intervertébraux comme faisant partie des vertèbres. Connaitre la profondeur moyenne du canal vertébral est important dans l’attitude du clinicien qui réalise une ponction lombaire car une insertion trop profonde de l’aiguille pourrait entrainer des dommages tandis qu’une insertion insuffisante obligerait à reprendre le geste causant des douleurs supplémentaires au patient. Certaines aiguilles à ponction lombaire disponibles sur le marché ne dépassent pas 100 mm de longueur alors que 09,1 % de nos patients avaient une profondeur du canal supérieure à ce seuil ; ceci pourrait expliquer certains échecs de ponction. Cette profondeur est fortement influencée par l’épaisseur de la graisse sous cutanée (r2 = 0.67). On pourrait envisager que la flexion du dos de même que la pression au point de ponction telles qu’obtenues en pratique courante lors de la réalisation de la ponction lombaire puissent entraîner une réduction de l’épaisseur de la graisse sous cutanée et raccourcir le trajet de l’aiguille à ponction. Il a déjà été démontré que la flexion du rachis ne faisait pas varier la position du cône médullaire (1); mais son effet sur la profondeur du canal vertébral reste à rechercher. Il serait par ailleurs intéressant d’explorer le lien éventuel entre l’épaisseur de la graisse sous cutanée et la taille ou l’indice de masse corporelle des patients dans une autre étude. L’épaisseur du cône médullaire dans la population mérite d’être connue, car elle peut servir de référence objective pour évaluer ses variations pathologiques (épaississement tumoral ou sclérose post radique par exemple), rechercher des variantes anatomiques et mettre en évidence des différences avec d’autres populations. La petite taille de notre échantillon (77 patients) est due au fait que l’IRM reste une technologie nouvelle et assez méconnue des patients et même des cliniciens dans notre pays. En outre, elle est onéreuse par rapport aux revenus de la population (100 000 FCFA ou 150 euros au moins) et reste hors de portée de la majorité des patients. Notre étude est donc préliminaire et nécessite d’être poursuivie avec un échantillon plus large. CONCLUSION Les terminaisons du cône médullaire et du sac dural se situent dans notre échantillon au tiers moyen de L1 et au tiers supérieur de S2 respectivement et ne semblent pas différer de celles des sujets caucasiens. La profondeur moyenne du canal vertébral est de 77,87 ± 20,18 mm et elle est d’autant plus élevée que la couche graisseuse sous cutanée à l’étage lombaire est épaisse. La présente étude devra être poursuivie sur un échantillon plus large et plus représentatif afin d’en renforcer la puissance.
FIGURES U : upper = tiers supérieur.
REFERENCES
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