CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
THROMBOSE DU SINUS CAVERNEUX : UN CAS CLINIQUE REVELANT UNE TUBERCULOSE MULTIFOCALE ET REVUE DE LA LITTERATURE
THROMBOSIS OF CAVERNOUS SINUS: A CLINICAL CASE REVEALING MULTIFOCAL TUBERCULOSIS AND LITERATURE REVIEW
E-Mail Contact - MANSARE Mohamed Lelouma :
mlelouma@gmail.com
RESUME La tuberculose est l’une des causes septiques de la thrombose veineuse cérébrale surtout en milieu tropical. Nous rapportons le cas d’une Thrombose du Sinus Caverneux (TSC) gauche associée à une tuberculose multifocale chez une dame de 24 ans. Elle avait consulté 6 mois durant les tradithérapeutes pour traiter des céphalées d’installation et d’intensité progressives qui perturbaient son sommeil. La survenue et la persistance d’une ptose palpébrale pendant 10 jours et une “préoccupation esthétique“ motiva une consultation médicale spécialisée. L’enquête étiologique avait conduit à la découverte des lésions pulmonaires liées à une tuberculose et vasculaires encéphaliques associées. Malgré son adhésion difficile au traitement médical, une rémission clinique complète a été obtenue au bout de 6 mois. Mots clés : Thrombose, Sinus caverneux, Tuberculose multifocale. SUMMARY Tuberculosis is one of the septic cause of cerebral venous thrombosis specially in tropical areas. We report a left thrombose cavernous sinus case associated with a multifocal tuberculosis observed in a young lady aged of 24 y.o. She attended during 6 months a trabitherapic treatment for headaches which disturbed her sleep. A palpebral ptosis occurred and persisted during 10 days. An “esthetic reason motivates a consultation in the department of neurology. A pulmonary tuberculosis associated to a vascular encephalic were diagnosed. In spite of difficult medical adhesion, a complete clinical remission was obtained after 6 months of treatment. Keywords: Thrombosis, cavernous sinus, multifocal tuberculosis. INTRODUCTION Le sinus caverneux est une structure anatomique complexe très étroite située à la base du crâne où cohabitent les vaisseaux sanguins et des nerfs crâniens. Sa fonction principale est le drainage veineux. Les sources septiques des thromboses du sinus caverneux (TSC) sont liées à des infections bactériennes loco-régionales habituellement à germes non spécifiques de la face et de la sphère ORL (3, 7,11, 12) L’origine pulmonaire à germes spécifiques ne sont n’est pas rare et la tuberculose est l’une des possibles causes septiques spécifiques de la thrombose veineuse cérébrale en milieu tropical (7,4) Nous rapportons le cas d’une thrombose du sinus caverneux gauche associée à une tuberculose multifocale chez une jeune dame. OBSERVATION Il s’agissait d’une jeune dame de 24 ans sans antécédents médicaux particuliers connus, traitée chez les tradithérapeutes pour des céphalées frontales et périorbitaires à gauche d’installation progressive sur 6 mois émaillées de fièvres épisodiques. C’est la survenue et la persistance 10 jours auparavant, d’une ptose palpébrale ipsilatérale qui avait motivé sa consultation à la clinique neurologique de l’hôpital universitaire de Fann à Dakar. L’interrogatoire avait retrouvé une notion de contage tuberculeux en 2011 et une notion d’amaigrissement progressif récent. Elle n’avait pas signalé la notion d’une infection de la face, de la sphère ORL ou buccodentaire, ni la prise d’un contraceptif oral. Les céphalées étaient unilatérales, de caractère pulsatile, d’intensité croissante à recrutement nocturne perturbant le sommeil de la malade. Ces céphalées étaient soulagées parfois par les vomissements. Les antalgiques utilisés en automédication sont restés sans effet. L’examen neurologique avait noté une atteinte isolée du nerf oculomoteur gauche avec une mydriase aréactive homolatérale (fig.9) associée à une discrète hyperesthésie périorbitaire. Le reste de l’examen était sans particularité clinique significative. Devant ce tableau clinique, les diagnostics d’une hypertension intracrânienne ou d’une thrombose veineuse cérébrale inflammatoire ou septique ont été évoqués. Elle fut hospitalisée pour les investigations et soins. L’enquête étiologique avait conduit à la découverte à la fois des lésions pulmonaires à la radiographie montrant des opacités nodulaires alvéolaires poly excavées à droite en apicale et hilaire (fig.1) et vasculaires encéphaliques à l’IRM caractérisées par une absence du signal en TOF veineux associée aux hyper signaux en extension du sinus caverneux gauche (fig.3 à 7) qui étaient compatibles avec une thrombose de celui-ci. Le scanner cérébral avec injection était normal (fig.2). Le liquide cérébrospinal était clair sans germes. Les globules blancs s’élevaient à 12.9 103/mm3 et la vitesse de sédimentation à 10-44 mm (1ere et 2eme heures) associée à la C-Reactive Protein à 36.9 g/l. Les examens des crachats étaient positifs aux Bacilles Acido-Alcalo-Résistants avec une Intradermo-Réaction Tuberculinique (phlyctène) à 20mm. Ces résultats des examens ont fait évoquer une tuberculose multifocale. Le reste des examens paracliniques étaient normaux. Un traitement spécifique associé aux traitements complémentaires a été initié pour limiter l’extension de la thrombose et calmer les céphalées. Ils comportaient le RHZE 4comprimés en prise unique/j (Rifampicine 10mg/kg/j; Isoniazide 5mg/kg/j; Pyrazinamide 30mg/kg/j; Ethambutol 15mg/kg/j) et de l’énoxaparine 100UI anti-xa/kg/j avec un relais par le rivaroxaban 10mg/j; le méthyl prednisolone à 1mg/Kg/j; le chlorure de potassium 600mgx2/j; le pantoprazol 40mg/j et le paracétamol 1gx3/j. Le traitement a duré 6 mois et a abouti à la rémission complète du tableau clinique (fig.10). DISCUSSION Les TSC sont des affections rares mais graves du fait de leurs complications imprévisibles [2, 3, 5, 8,12]. La mortalité liée aux TSC septiques avoisinait 100% avant l’ère des antibiotiques et malgré les progrès, elle reste élevée autour de 30-40% [3]. Le tableau ci-dessous rapporte les cas cliniques récents relevés dans la littérature. Les évolutions suivantes ont été observées :
Les mécanismes pathogéniques des TSC ne sont pas encore bien élucidés. L’extension rétrograde de l’infection aux organes intracrâniens serait favorisée par un réseau de drainage veineux anastomotique avalvulaire. Les étiologies sont multiples et variées d’ordre inflammatoire ou septique [5, 9, 12]. La plupart des auteurs sont unanimes sur les causes septiques des TSC qui sont habituellement liées aux infections bactériennes locorégionales non spécifiques de la face et des sphères ORL ou stomatologiques [2,6,7,11]. Les autres signes cliniques fréquemment retrouvés sont : la fièvre (69%) ; la paralysie des nerfs crâniens III, IV, V, VI (66.7%) ; la ptose palpébrale (60%); les céphalées (55%) ; la mydriase aréactive (12%) (1,2,3,4,11,12). Dans notre observation, nous avons noté une atteinte partielle de l’artère carotide interne (ACI) homolatérale qui s’est traduite par l’épaississement de celle-ci à l’IRM avec injection de Gadolinium (fig.8). Aucun déficit neurologique en foyer attribuable à cette atteinte artérielle n’a été constaté. Nous avons noté que plusieurs auteurs [1,9 ,10 ,11,12,13] ont décrit récemment des atteintes du sinus caverneux gauche sur des cas cliniques rapportés. S’agit-il d’un fait du hasard ou d’un tropisme particulier des germes ? Cette question mérite d’être posée. Quel que soit le cas, une enquête étiologique requiert l’étude microbiologique des prélèvements sur sites. Elle permet d’identifier le germe responsable et faciliter l’initiation de l’antibiothérapie appropriée et efficace. Pour la consolidation du diagnostic clinique, l’IRM est actuellement l’examen diagnostique complémentaire de choix qui permet de visualiser la thrombose, situer sa localisation et son extension vers les tissus avoisinants [2,8]. Tableau : Etudes récentes sur les cas cliniques rapportés
*Notre étude **LMNH : lymphome malin non hodgkinien +/- : présent ou absent. CONCLUSION La thrombose du sinus caverneux est une urgence diagnostique et thérapeutique neuro-ophtalmologique d’évolution imprévisible. Au cours d’une atteinte vasculaire encéphalique artérielle ou veineuse sans contexte infectieux évident, la cause tuberculeuse est une hypothèse qu’il faut savoir discuter en milieu tropical car la tuberculose pulmonaire ignorée et non traitée peut évoluer vers une atteinte multi systémique. L’IRM occupe une place importante dans le dispositif diagnostique de ces pathologies bien qu’elle soit d’accès limité en milieu tropical au sud du Sahara. Un traitement adapté à dose efficace et précoce peut offrir une chance de guérison aux malades victimes de ces affections. Conflits d’intérêt: aucun Iconographie REFERENCES
|