CASE REPORT / CAS CLINIQUE
TRAUMATISME CRANIEN PENETRANT NON PROJECTILE PAR DES CLOUS: UN CAS INHABITUEL
AN UNUSUAL CASE OF PENETRATING HEAD INJURY BY NAILS
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RESUME Introduction Les traumatismes crâniens pénétrants par des clous sont rares. Ils s’observent souvent dans le contexte d’auto-mutilation chez des personnes avec affection psychiatrique. Les cas secondaires à une agression physique par l’implantation intracrânienne de clous sont exceptionnels. Nous rapportons ici le cas clinique d’un jeune patient victime d’agression par une foule. Patient et méthode Le patient de 29 ans a été amené aux urgences après avoir subi des coups et blessures volontaires d’une foule en colère. Au plan clinique, on notait des céphalées et des paresthésies à la main gauche ainsi que la présence de 2 corps métalliques implantés en région pariétale droite. La tomodensitométrie (TDM) crânio-cérébrale a mis en évidence une paire de clous intra-crânienne. Résultat Le patient a été opéré en urgence. Nous avons extrait deux clous intracrâniens de 8 cm chacun. Le patient a bénéficié d’une prévention antitétanique, anti épileptique et d’une antibioprophylaxie. Les suites opératoires ont été simples. Le patient a récupéré de son trouble sensitif et n’a pas présenté de complications vasculaires et infectieuses. Ce cas particulier soulève la problématique de l’absence de protocole standardisé pour l’exploration radiologique et le traitement chirurgical des traumatismes crâniens pénétrant par des clous. Conclusion Le score de Glasgow initial est un facteur pronostic important en cas de traumatisme crânien pénétrant par des clous. La gravité est fonction du siège de l’atteinte cérébrale et des lésions vasculaires endocrâniennes associées. L’angioscanner et/ou l’artériographie cérébrale sont déterminants dans la recherche de blessure vasculaire. Les complications redoutables sont les infections et les lésions vasculaires intracrâniennes. Mots clés: Agression, Clou, Plaie crânio-cérébrale, Traumatisme crânien ABSTRACT Introduction Non-projectile penetrating head trauma by nails is rare. They are seen more often in the context of self-injury in psychiatric patients. The cases secondary to physical aggression by the intracranial implantation of nails by a person are rare.We report a particular clinical case of a young patient assulted by a crowd of people. Patient and method A 29-year-old male patient is brought to the emergency room after being assaulted by a crowd of angry people. On clinical examination there were headaches and paresthesia in the left hand; also the presence of 2 metallic bodies implanted in parietal right area. The brain CT-scan shows an intra cranial pair of nails. Result The patient was operated on urgently. We extracted two intracranial nails of 8 cm each. The patient benefited from tetanus prevention, anti-epileptic and prophylactic antibiotics. The postoperative course was simple. The patient recovered from his sensory disorder and did not develop vascular nor infectious complications. This particular case raises the problem of the lack of a standardized protocol for the radiological exploration and surgical treatment of penetrating head trauma by nails. Conclusion The initial Glasgow score is an important prognostic factor for penetrating head trauma by nails. The severity of the clinical signs is a function of the location of the cerebral involvement and associated intracranial vascular lesions. CT angiography and / or cerebral arteriography are critical in the search for vascular injury. The most serious complications are infections and intracranial vascular lesions. Keywords: Aggression; head trauma; Nail
INTRODUCTION Les traumatismes crâniens pénétrants par des clous sont rares et potentiellement fatals s’ils s’accompagnent de plaie vasculaire intracrânienne (10). Ils surviennent à la suite d’accidents de travail ou domestique (16) et d’automutilation (contexte psychiatrique) pour la plupart (18). Ils sont rarement secondaires à une agression physique. La prise en charge reste ambiguë tant sur le plan chirurgical de ces lésions, notamment avec le développement de techniques chirurgicales (16) que sur les explorations radiologiques pré et postopératoire. Ils constituent une cause majeure de décès et d’invalidité en structures neuro-vasculaires (4). L’observation que nous rapportons est particulière par le contexte du traumatisme, le mécanisme de survenu et l’agent vulnérant utilisé. CAS CLINIQUE Notre observation porte sur un jeune homme âgé de 29 ans, sans emploi, qui a été victime d’un traumatisme crânien par agression physique de la part d’une foule lors d’une tentative de vol en novembre 2016. En effet, surpris par le gardien d’une concession lors du vol de bijoux, le patient fut appréhendé par une foule déchainée venue à l’appel au secours du gardien. Après avoir été couvert des coups, le jeune garçon a subi une exécution extrajudiciaire qui a consisté à l’implantation d’une paire de clou dans le crâne (Images 1-A). A son arrivée aux urgences, accompagné par la police, le patient était conscient avec un score de Glasgow à 15. Il décrivait des céphalées associées à des paresthésies à type de fourmillements et une hypoesthésie à la main gauche. L’inspection du crâne avait mis en évidence la présence de deux corps étrangers métalliques implantés en région pariétale droite (Image 1-A). Le reste de l’examen était sans particularité. Le scanner cérébral réalisé en urgence (Image 2) confirmait le passage endocrânien de chacun des deux clous. Il n’y avait pas d’hématome intracérébral. L’angioscanner et l’artériographie n’ont pas été réalisés. L’indication de l’ablation chirurgicale des clous a été posée dans la foulée. En préopératoire, le patient a bénéficié d’une séroprophylaxie antitétanique à base d’anatoxine tétanique 0,5 millilitre en sous cutané et d’une antibioprophylaxie par le ceftriaxone à la dose de 2 grammes par jour. L’intervention sous anesthésie générale avait consisté en la réalisation d’une incision droite prolongeant de part et d’autre l’orifice d’entrée du corps étranger et à tailler une petite rondelle de craniectomie autour du clou (Image 3-H). Après le retrait de celui-ci et le contrôle de l’hémostase, la rondelle osseuse avait été remise à sa place et la peau fermée en deux plans sans drainage. A la mensuration, les clous mesuraientchacun 8 centimètres (cm) de long (Image 3-I). En postopératoire immédiat, outre le traitement antalgique, le patient avait été mis sous prévention antiépileptique à base de valproate de sodium 500 milligrammes (mg), un comprimé toutes les 12 heures pour une durée de deux mois avec la poursuite de l’antibioprophylaxie à raison de 2g toutes les 12 heures pendant 10 jours. Les suites opératoires ont été simples. Le patient a présenté son refus de réaliser le scanner de contrôle et l’angioscanner cérébral devant une amélioration favorable marquée par la régression de troubles sensoriels de la main gauche. Au douzième jour, les points de suture ont été retirés et le patient asymptomatique sans syndrome infectieux est sorti de l’hôpital. Revu en consultation à 3 semaines, il signalait des céphalées minimes calmées par le paracétamol. Durant un suivi de 15 mois, l’évolution clinique était satisfaisante. DISCUSSION Les traumatismes crâniens pénétrant à faible énergie cinétique sont rares et ne représentent que 0,4% de tous les traumatismes crâniens (10,16). Ils surviennent de préférence chez l’adulte jeune de sexe masculin (8,10,23) comme dans notre observation. Les traumatismes crâniens pénétrants non projectiles sont de faible vélocité inférieure à 100 mètres par seconde (3). L’objet pénétrant la boite crâne par des orifices non naturels nécessite une certaine énergie cinétique pour vaincre la protection fournie par l’os. L’épaisseur du crâne et sa distribution convexe minimisent les effets de la frappe, ce qui rend ces traumatismes moins sensibles (10). Leur gravité immédiate est lié eaux lésions vasculaires intracrâniennes que peut causer l’objet pénétrant. Secondairement, les complications infectieuses sont à redouter du fait que le corps étranger est considéré comme étant porteur de bactéries. L’usage des clous comme agent vulnérant n’est pas fréquent. En effet, la plupart des traumatismes crâniens par des clous surviennent dans le contexte d’automutilation chez les personnes psychotiques utilisant de façon préférentielle le pistolet à clous (18). (Tableau I). Les cas de survenue accidentelle se répartissent entre les accidents domestiques concernant surtout les enfants et les accidents de travail dont sont victimes les adultes (16). L’implantation à vif d’une paire de clou de longue taille dans le crâne d’un individu relève d’une cruauté extrême. Ce genre d’agression physique dont a été victime notre patient est exceptionnel. De 2006 à nos jours, nous avons répertorié 22 cas de traumatisme crânien par des clous dont seulement quatre étaient secondaires à une agression physique (6,9,10,24). Tous ces cas concernaient l’adulte de sexe masculin à l’exception d’un seul survenu chez un garçon de 4 ans. Dans la majorité des cas, l’état clinique du patient est très peu compromis (Tableau I). Le tableau clinique est surtout fonction du siège de l’atteinte cérébrale et des dommages vasculaires intracrâniens engendrés. Les troubles sensitifs de la main gauche rencontrés chez notre patient sont liés à une atteinte du cortex somato-sensitif du côté droit par le clou. Un grand nombre de controverses existent par rapport au choix des examens radiologiques à visée diagnostique. Si la majorité des auteurs optent pour la radiographie du crâne associée à la tomodensitométrie (TDM) cérébrale (Tableau I) (6, 9,12, 13, 22,), d’autres ont associé une angiographie cérébrale aux deux examens précédents (3, 8,18). Chen al. (7) avaient préféré la TDM et l’angioscanner cérébral. La rareté du cas, le contexte et l’absence d’un protocole d’exploration dans notre contexte de travail ont fait que la TDM cérébrale a été le seul examen réalisé. En l’absence de l’artériographie non disponible dans notre centre, la réalisation d’un angioscanner cérébral peut contribuer à la recherche de lésions vasculaires liées au passage intracrânien des clous. Ainsi, l’exploration radiologique d’un traumatisme crânien pénétrant par des clous devra nécessairement comporter une TDM avec angioscanner cérébral. En cas de doute d’une lésion vasculaire, une artériographie sera réalisée. La prophylaxie antiépileptique, antitétanique et antibiotique est importante en cas de passage intracérébral de clou du fait de la lésion corticale par un objet métallique potentiellement infesté de germes. Très peu d’auteurs avaient effectué la prophylaxie antiépileptique (3,20) comme ce fut le cas dans notre observation avec le valproate de sodium. Cette pratique n’est pas encore validée par des études scientifiques. Toutefois, il est à noter qu’environ 30% à 50% des patients victimes de traumatisme crânien pénétrant développent des crises à la suite d’une lésion traumatique directe du cortex cérébral avec une cicatrisation subséquente (15). Li et al. recommandent des anticonvulsivants prophylactiques au cours de la première semaine suivant le traumatisme à cause du risque élevé d’épilepsie (16). Cette prophylaxie peut aller jusqu’à 6 mois en l’absence de crise (10). La prévention antitétanique effectuée chez notre patient n’a été retrouvée que dans une seule observation (1). L’ablation chirurgicale du clou est indiquée pour prévenir ou réduire les dommages secondaires et les complications tardives. Pour cela, l’intervention devra être réalisée la plus précocement possible. Il n’existe pas de stratégie standard pour le retrait chirurgical du corps étranger. L’objectif étant d’être le moins traumatique et le moins délétère possible, l’analyse minutieuse des examens radiologiques, la parfaite connaissance de l’anatomie du cerveau pourront aider à l’extraction sans encombre du métal introduit. Certains auteurs ont proposé la réalisation d’examens radiologiques peropératoires afin de détecter de façon précoce un saignement intracrânien secondaire à l’extraction du corps étranger (3,5). Cette attitude demande une logistique et des manœuvres qui ne sont pas particulièrement indispensables. L’acte chirurgical à foyer ouvert permet de s’affranchir de cette attitude. La craniectomie est l’approche chirurgicale optimale pour l’ablation d’un clou intracrânien avec effraction de la dure-mère. Elle permet de contrôler le geste en cas d’hémorragie. Pour les corps étrangers qui n’ont pas traversé la dure-mère, un simple retrait sous anesthésie locale peut être effectué (10). Awori et al (3) trouvent que la présence d’un corps étranger retenu n’est pas considérée comme une indication absolue d’intervention chirurgicale (3). De notre point de vue, la chirurgie d’un corps étranger à type de clou se justifie par le risque potentiel d’infection même si celui-ci est situé en sous cutané. Tous les auteurs sont d’accord sur l’antibioprophylaxie, mais avec des molécules et des protocoles différents. Les antibiotiques à large spectre sont les plus recommandés (8,3,14). Ceux qui traversant la barrière hémato-encéphalique peuvent apporter un meilleur résultat (16). Dans notre observation, le Ceftriaxone a été utilisé pendant 12 jours avec un résultat satisfaisant. Le choix de l’antibiotique et de la durée de l’antibiothérapie est fonction du siège du corps étranger (sous cutané ou intracérébral) et de l’habitude les équipes. La surveillance post-opératoire évalue l’état neurologique du patient avec le score de Glasgow (GCS). Elle recherchera aussi les éléments en faveur de crises d’épilepsie, de fuite du liquide cérébro-spinal (LCS), des troubles endocriniens et infectieux. La fuite du LCS survient dans 0,5% à 3% des cas de traumatisme crânien pénétrant (21). Cette complication n’a pas été observée chez notre patient. Les patients porteurs de traumatisme crânien pénétrant avec un corps étranger non stérile sont à une population à risque de développer des infections, telles que les abcès cérébraux et la méningite. L’administration d’antibiotiques peut réduire les risques de cette complication. Les dysfonctionnements endocriniens peuvent se voir par atteinte hypophysaire par le corps étranger. La prise en charge associera les endocrinologues pour corriger les éventuels troubles métaboliques et endocriniens. Outre la TDM cérébrale de contrôle qui doit être réalisée dans les 72 heures à la recherche de complications sécondaires à type d’hématome de la loge opératoire, il est souhaitable de répéter l’angioscanner et l’artériographie cérébrale 2 à 3 semaines plus tard (11). Ces deux examens rechercheront un faux anévrisme lié à une lésion vasculaire par le corps étranger. Le score de Glasgow (GCS) initial avant la prise en charge est un facteur pronostic important. Un GCS initial inférieur à 15 serait prédictif d’une évolution défavorable (10). Notre patient n’avait pas présenté de trouble de la vigilance. Sa prise en charge a été favorable avec une évolution clinique satisfaisante. CONCLUSION Le traumatisme crânien pénétrant par des clous est rare et se voit surtout dans un contexte d’automutilation chez les patients psychiatriques. Les cas secondaires à une agression sont exceptionnels. Le score de Glasgow initial est un facteur pronostic important. La gravité des signes cliniques est fonction du siège d’atteinte cérébrale et des lésions vasculaires endocrâniennes associées. Les infections et les lésions vasculaire intracrâniennes sont les principales complications à redouter.
Tableau I : Récapitulatif des cas de traumatisme crânien pénétrant par des clous de 2006 à nos jours.
Angio-TDM : angioscanner, M : masculin Angio-MR : angio-IRM NP : non précisé F : féminin TDM : tomodensitométrie (scanner) GCS : score de Glasgow
REFERENCES
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