AJNS
CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
 
TRAUMATISMES DU RACHIS CHEZ L’ENFANT

CHILDHOOD SPINAL INJURIES


  1. Service de Neurochirurgie CHU de FANN, Dakar, Senegal
  2. Service de Pediatrie, Hopital Principal de Dakar, B.P. 3006 DAKAR SENEGAL

E-Mail Contact - DIOP Abdul Aziz : azizediop@yahoo.fr


RESUME

Introduction

Le traumatisme du rachis est rare chez l’enfant, survenant le plus souvent au cours d’accident de la circulation. Les propriétés biomécaniques particulières du rachis à cet âge notamment sa souplesse et son élasticité, joueraient un rôle protecteur lors d’un traumatisme.

Objectifs

L’objectif de notre étude, était de donner les aspects cliniques, paracliniques, thérapeutiques et évolutifs d’une telle entité en milieu africain.

Patients et méthodes

Il s’agit d’une étude rétrospective de cinq dossiers de patients colligés de Janvier 2004 à Octobre 2005. Tous les patients avaient bénéficié d’un examen clinique et neuroradiologique comportant une radiographie standard et une tomodensitométrie du segment rachidien suspecté.
Le traitement chirurgical a concerné 3 patients.
Le suivi était au minimum de 3 mois.

Résultats

Il s’agissait de trois garçons et deux filles (sex-ratio = 1,5). L’âge moyen était de 8,3 ans. Les accidents de la circulation constituaient l’essentiel des circonstances de survenue (60 %).
Le traumatisme dorsolombaire a été noté chez quatre patients présentant une paraplégie flasque à l’admission. Les explorations neuroradiologiques avaient montré au niveau dorsolombaire un cas de fracture, un cas de luxation, un cas de fracture luxation, et au niveau cervical une entorse C1-C2. Dans un cas, le diagnostic de SCIWORA (« Spinal Cord Injury Without Radiological Abnormalities » c’est-à-dire traumatisme médullaire sans lésions radiologiques identifiées) a été retenu devant la normalité des explorations para cliniques (radiographie standard, myéloscanner). Trois patients ont été opérés (un au niveau cervical, et deux au niveau de la charnière dorsolombaire). Le suivi était au minimum de trois mois avec une excellente évolution pour le traumatisé du rachis cervical une amélioration sensitivomotrice pour trois autres. On a enregistré un cas de décès.

Conclusion

Les caractères biomécaniques particuliers du rachis chez l’enfant expliqueraient la rareté des traumatismes rachidiens dans cette catégorie.
L’indication chirurgicale doit prendre en considération la dynamique de croissance.

Mots clés : Afrique, Enfant, Rachis, Traumatisme


ABSTRACT

Introduction

A childhood spinal injury is a quite rare pathological condition. Usually traffic accidents are involved because of spine elasticity injury have a particular pattern.
Objective:
The goal of this study is to stress on clinical aspects, therapeutic challenges and the outcome of childhood spinal injuries.

Patients and methods

From January 2004 to December 2005, 5 children with a spinal cord injury have been hospitalized in our department. All our patients had a physical examination and an neuroimaging study (CT Scan).
3 patients went to surgery. The follow-up was in minimum 3 months.

Results

We have 3 boys and 2 girls (sex-ratio = 1,5). The average age is 8,3 years. Traffic accident were most frequent situation (60 %). The lesion was localised on the thoraco-lumbar spine in 3 patients, and in 1 patient on the cervical spine. At the admission, 4 patients showed complete paraplegia. Neuroimaging study demonstrated in thoraco-lumbar spine, one fracture, one luxation, one luxation-fracture, and in the cervical spine one entorse C1-C2. For one patient because of normal myeloscann, the diagnosis of SCIWORA (spinal cord injury without radiographic abnormality) has been made. 3 patients went to surgery (one in cervical spine and two in thoraco-lumbar hinge). The follow-up was in minimum 3 months. The child with cervical spine injury had a good outcome. A sensitive improvement has been noticed on two patients. A partial improvement motor and sensitive in one, and one dead because of bad sores.

Conclusion

Specific biomechanics proprieties of childhood spine could explain the relative rarity of pediatric traumatic spine cold injury. Surgical procedure must be guided by the specific growing spine.

Keywords : Africa, Child, Injury, Spine

INTRODUCTION

Le traumatisme du rachis est une entité rare chez l’enfant, survenant en général au cours d’accidents de la circulation. Des facteurs biodynamiques expliqueraient en partie leur faible gravité en terme de récupération de déficits neurologiques, comparé aux atteintes chez l’adulte.

Le but de cette étude était de donner les aspects clinico-radiologiques et thérapeutiques de ces atteintes à l’Hôpital Principal de Dakar.
Patients et méthodes
Il s’agissait d’une étude rétrospective allant de Janvier 2004 à Octobre 2005, portant sur cinq dossiers d’enfants ayant présenté un traumatisme du rachis et admis dans le service de Neuro-Traumatologie de l’Hôpital Principal de Dakar.

Tous les patients avaient bénéficié d’un examen clinique et neuroradiologique comportant une radiographie et un scanner X du segment rachidien suspecté.
Le traitement chirurgical par abord postérieur exclusif, avait concerné trois patients.
Le suivi était clinique et paraclinique (radiographie standard de contrôle), sur une période minimale de trois mois.

RESULTATS

L’âge moyen était de 8,3 ans (extrêmes de 2,5 ans et 14 ans) et le sex ratio était de 1,5. Les accidents de la circulation constituaient l’essentiel des circonstances de survenue (trois cas).
Les aspects cliniques, radiologiques, thérapeutiques et évolutifs sont résumés dans le tableau I.

CMOMENTAIRES

Le traumatisme du rachis chez l’enfant demeure rare, avec une fréquence allant de 1 à 10% (5). Sa fréquence dans notre série était de 10,60%.

Le rachis de l’enfant est anatomiquement et bio mécaniquement différent de celui de l’adulte, ce qui entraîne un profil traumatique à part (3).Il est beaucoup plus flexible et mobile (1).
Les muscles du cou sont peu développés, les corps vertébraux cunéiformes, les facettes peu développées et horizontales, et les ligaments interépineux élastiques et lâches (1).

CARREON (3) définit trois groupes de patients selon l’âge avec des implications biomécaniques différentes. Pour un âge inférieur à 9 ans, le rachis est encore immature, très souple, résistant mieux aux contraintes traumatiques et offrant des possibilités de récupération neurologiques plus conséquentes. Par contre, au-delà de 15 ans, le rachis est mature (ressemblant à celui de l’adulte) et mécaniquement plus vulnérable. Entre10 et 14 ans, c’est le groupe intermédiaire.

Ainsi, trois de nos patients appartenaient au groupe des moins de neuf ans, et ont connu une récupération sensitivomotrice en progression constante cinq mois après l’accident. Un de nos deux patients du groupe intermédiaire est décédé suite aux troubles trophiques (escarres et cachexie), le deuxième ayant consolidé sans difficultés.
La fréquence de survenue d’un traumatisme du rachis semblerait augmenter avec l’âge (4) du fait probablement de la plus grande exposition des adolescents et adultes jeunes aux accidents de la circulation. Ces dernières représenteraient la principale circonstance de survenue des atteintes traumatiques rachidiennes (2,3,4,11) suivies des chutes d’un lieu élevé (3). Dans notre série les accidents de la voie publique ont intéressé 3 de nos patients.
Les garçons seraient les plus touchés (2) probablement du fait de leur plus grande propension à prendre des risques aussi bien dans le jeu que dans l’observance des règles de la circulation.

L’interrogatoire doit être minutieux aussi bien avec le patient que sa famille à la recherche d’une faiblesse transitoire, une paresthésie, un engourdissement, une sensation de décharge électrique, une maladresse après un événement traumatique (7).

Le rachis dorsolombaire est le plus fréquemment touché (4 cas) chez nos patients contrairement aux résultats d’autres séries pour qui le segment cervical serait plus souvent impliqué (5,11). Pour ce segment cervical, les pics de fréquence se situeraient entre 13 et 15 ans pour le plus grand nombre ce qui correspond au seul cas de traumatisme cervical de notre série (observation 1), et autour de 5 ans dans une moindre mesure (2,10).

Une entité pathologique de déficit neurologique à imagerie rachidienne normale après atteinte traumatique du rachis est connue sous le nom de SCIWORA (observation 4). Son incidence serait de 11% entre 0 et 9 ans (l’âge de notre patiente était de 2,5 ans) et 2 % entre 15 et 17 ans (3). Elle serait consécutive à une lésion médullaire par hyper élongation, par une plus grande élasticité de l’étui ostéodural par rapport à son contenu surtout au niveau cervical (11). Le diagnostic se fait à l’imagerie par résonance magnétique (IRM).

La radiographie standard reste utile comme premier examen, même si l’incidence bouche ouverte serait peu contributive pour certains auteurs pour explorer le processus odontoïde de l’axis (11).

La tomodensitométrie actuellement est l’examen le plus performant pour explorer les traumatismes du rachis. Elle peut être couplée à la myélographie (myéloscanner) dans le cadre des atteintes neurologiques associées sans lésions osseuses évidentes à défaut de disposer d’une imagerie par résonance magnétique.

En cas d‘indication d’ostéosynthèse, le montage doit être le plus court possible et doit être enlevé après consolidation au bout de 18 mois pour ne pas générer des dysmorphies segmentaires liées à la croissance.
Deux de nos patients ont bénéficié d’une arthrodèse ostéosynthèse de la charnière dorsolombaire par plaque de Roy Camille associée dans un cas à une laminectomie. Un troisième a bénéficié d’un laçage-arthrodèse C1-C2. Dans la série de CARREON (3) seuls 18% des patients ont nécessité un acte chirurgical devant le caractère instable ou irréductible de la lésion et la compression médullaire.
La corticothérapie à forte dose est l’objet de controverse à fortiori chez l’enfant (12).
Aucun patient de notre série n’a bénéficié de ce traitement.

Le taux d’amélioration neurologique après un traumatisme de la moelle spinale est plus important chez la population pédiatrique par rapport aux sujets adultes (3,5,12).
Aussi, trois patients de notre série qui présentaient une paraplégie flasque à leur admission, ont connu un début d’amélioration neurologique à l’exception du cas de SCIWORA. Ce gain fonctionnel peut être noté jusqu’à un an après le traumatisme (12) et s’expliquerait par la plasticité et à la grande capacité de régénérescence du système nerveux immature (3,12) prouvé en expérimentation (13).

Ainsi, avec un environnement approprié et une thérapeutique convenable, une amélioration neurologique est possible chez des patients jeunes, même après un déficit complet (12).
Néanmoins la laxité ligamentaire et la mobilité accrue du rachis immature peuvent autant protéger contre un traumatisme mineur qu’entraîner une grave distraction lors d’un choc plus violent (3).
Il existe plusieurs techniques d’ostéosynthèse arthrodèse du rachis à l’heure actuelle. L’utilisation du greffon iliaque chez l’enfant, de par sa tolérance, son efficacité et son accessibilité (surtout dans nos pays en développement) est rapportée par certains auteurs (6,8).
L’abord postérieur est aisé, fiable et sûr pour les atteintes du rachis cervical (6). Les instabilités C1/C2 peuvent bénéficier d’un simple laçage arthrodèse au fil d’acier ou un gros fil tressé non résorbable. L’impact de cette technique sur la croissance serait nul (6). Le patient de notre série ayant bénéficié de cette technique n’accuse à quatre mois aucune diminution de mobilité telle que retrouvée ailleurs (9).
La morbidité postopératoire est dominée par les complications dites de décubitus retrouvées dans une proportion de 17% par CARREON (3). Nous avons noté un cas d’infection urinaire traitée par les quinolones associés à des lavages répétés de vessie. Un de nos patients ayant présenté un tableau négligé de section médullaire avec spondyloptose D9/D10 est décédé dans un tableau de cachexie avec escarres étendus et troubles respiratoires.

CONCLUSION

Les propriétés biomécaniques en termes de souplesse et d’élasticité expliqueraient la rareté et la bénignité des traumatismes du rachis chez l’enfant comparé à l’adulte.
La décision chirurgicale doit prendre en compte ici, la dynamique de croissance de cet organe en privilégiant les montages courts enlevés le plus tôt possible ce qui n’est pas toujours le cas dans nos conditions d’exercice.

Patient Age Sexe circonstance Clinique Paraclinique Traitement Evolution
1 14 M Chute de charrette – Cervicalgies

– Pas de déficit
Rx standard + TDM:

Entorse grave C1-C2
-Voie postérieure

– Arthrodèse C1- C2 par laçage + greffon iliaque
Bonne (avec un recul de 4 mois)
2 9 M Piéton heurté par une mobylette – Paraplégie flasque

– Anesthésie remontant en D8 – Incontinence anale et urinaire
Rx standards + TDM :

– Fracture-tassement de D9

– Fracture stable des lames et pédicules de D4
Abstention chirurgicale (reçu à J 21 post-traumatisme) Immédiate :

– Escarre fessière

– Infection urinaire à E. coli

A long terme : (5 mois)

– Consolidation

– Réapparition d’une sensibilité et du réflexe d’urination

– Cicatrisation des escarres
3 10 M Renversement d’une pirogue à quai sur le patient – Paraplégie flasque

– Trouble respiratoire + encombrement bronchique
Rx standard + TDM : luxation de D12 sur L1 – Voie postérieure

– Arthrodèse de la charnière dorso-lombaire

– Laminectomie D11-D12-L1
Décédé (à 5 mois post-opératoire)
4 2,5 F Passagère arrière d’une voiture qui a fait des tonneaux – Paraplégie flasque

– Anesthésie remontant en D3
Rx standard

+ TDM + Myélo TDM : normales

(SCIWORA)

___
Début d’amélioration de la sensibilité (avec un recul de 3 mois)
5 6 F Piétonne heurtée par une voiture – Paraplégie flasque

– Incontinence urinaire
Rx standard (fig 1)

+ TDM + Myélo TDM :

– Fracture bi-isthmique de L1

– Luxation de L1 sur L2 (image en baïonnette)
– Voie postérieure

– Arthrodèse de la charnière dorso-lombaire
_ (fig 2)
Amélioration motrice et sensitive (avec un recul de 5 mois)
Figure 1: luxation L1/L2 (observation n°5)

Figure 1: luxation L1/L2 (observation n°5)

Figure 2: ostéosynthèse de la luxation L1/L2 (observation n°5)

Figure 2: ostéosynthèse de la luxation L1/L2 (observation n°5)


REFERENCES

  1. AKBARNIA BA. Pediatric spine fractures. Orthop Clin North Am.1999;30:521-536.
  2. BROWN RL, BRUNN MA, GARCIA VF. Cervical spine injuries in children : a review of 103 patients treated consecutively at a level 1 pediatric trauma center. J Pediatr Surg.2001;36(8):1107-1114.
  3. CARREON LY, GLASSMAN SD, CAMPBELL MJ. Pediatric spine fractures : a review of 137 hospital admissions.J Spinal Disord Tech.2004;17(6):477-482.
  4. ELERAKY MA, THEODORE N, ADAMS M. Pediatric cervical spine injuries : report of 102 cases and review of the literature. J. Neurosurg.2000;92:12-17.
  5. HAMILTON MG, MYLES ST. Pediatric spinal injury: review of 174 hospital admissions. J Neurosurg.1992;77:700-704.
  6. JOHNSEN JB, MAGNAES B. Rib bone graft for posterior spinal fusion in children. Acta Orthop Scand.2002;73(6):709-11.
  7. KRISS VM, KRISS TC. SCIWORA in infants and children.Clin Pediatric.1996;35:119-124.
  8. LOWRY DW, POLLACK IF, CLYDE B, ALBRIGHT AL, ADELSON PD.
    Upper cervical spine fusion in the pediatric population.J Neurosurg .1997;87:671-6.
  9. Mc GRORY BJ, KLASSEN RA. Arthodesis of the cervical spine for fractures and dislocations in children and adolescents. A long term follow up study. J Bone Joint Surg (Am).1994;76:1606-16.
  10. ORENSTEIN JB, KLEIN BL, GOTSCHALL CS. Age and outcome of pediatric cervical spine injury :11 years experience. Pediatric Emerg Care.1994;10:132-7.
  11. SMART PJE, HARDY PJ, BUCKLEY DMG, SOMERS JM, BRODERICK NJ, HALLIDAY KE, WILLIAMS L. Cervical spine injuries to children under 11 : should we use radiography more selectively in their initial assessment ? Emerg Med J.2003;20:225-227.
  12. WANG MY, HOH DJ, LEARY SP, GRIFFITH P, Mc COMB G. High rates of neurological improvement following severe traumatic pediatric spinal cord injury. Spine.2004;29(13):1493-97.
  13. WOODWARD SK, TREHERNE JM, KNOTT GW. Development of connections by axons growing through injured spinal cord of neonatal opossum in culture. J Exp Biol.1993;176:77-88.



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