CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
TROUBLES COGNITIFS POST ACCIDENTS VASCULAIRES CEREBRAUX A DOUALA (CAMEROUN)
POST STROKE COGNITIVE IMPAIRMENT IN DOUALA (CAMEROON)
E-Mail Contact - MAPOURE NJANKOUO Yacouba :
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RESUME Introduction Objectif Méthode Résultats Mots- clés: Accident vasculaire cérébral, Cameroun, Douala, Troubles cognitifs, ABSTRACT Background Objective Method Keys word: Stroke, Cameroon, Cognitive impairment, Douala. INTRODUCTION Les AVC constituent la deuxième cause de mortalité dans le monde et seraient responsables de 6, 2 millions de décès en 2008 [17]. Ils représentent la première cause d’handicap physique de l’adulte, une cause fréquente de dépression chez les patients et leurs proches [10], et sont responsables de troubles cognitifs. En effet, les AVC représentent la seconde cause de démence, qui touche environ 7% de la population mondiale de plus de 65 ans, et 30% des personnes âgées de plus de 80 ans [16]. En Afrique Subsaharienne, une étude menée sur les démences incluant le Benin, la République Centrafricaine et la République du Congo note que les démences vasculaires représentent 21.5% des démences de la population d’étude [11]. Les troubles cognitifs et la démence post-AVC sont observés chez environ 50 % des patients victimes d’AVC [5]. Ils compromettent la récupération fonctionnelle, le maintien au domicile et majorent le risque de décès [4]. On note que 15 à 20% des patients décèdent au terme du premier mois après un AVC, et des séquelles fonctionnelles sont observées chez 60 à 75% des survivants, manifestées par troubles moteurs et locomoteurs, les syndromes anxio-dépressifs et les troubles cognitifs et comportementaux [8]. Au Cameroun, la mortalité hospitalière due aux AVC est élevée, et estimée entre 24 et 27% [12, 14]. Par ailleurs, les coûts de soins de santé des patients victimes d’AVC sont onéreux ayant ainsi un impact sur la qualité de vie et la survie des patients [13]. Cette survie est estimée au troisième et au douzième mois respectivement à 30,8%, et à 22,8%, la récupération fonctionnelle étant meilleure pour les tranches d’âge inferieures à 45 ans [14]. A ce jour, les données concernant les troubles cognitifs post AVC sont rares en Afrique subsaharienne d’où l’intérêt de notre étude menée à l’Hôpital Général de Douala (HGD). METHODOLOGIE Cadre de l’étude Elle s’est déroulée dans l’unité de Neurologie du service de Médecine Interne de l’HGD, à vocation universitaire située au sommet de la pyramide sanitaire camerounaise. L’Unité de Neurologie comporte quatre neurologues et est dotée de deux appareils d’électro-encéphalographie et d’un appareil d’électromyographie. Le service de radiologie dispose d’un scanner qui fonctionne 24 heures sur 24 et est doté depuis janvier 2015 d’une IRM 0,4 tesla. Type d’étude Il s’agissait d’une étude transversale analytique à l’Unité de Neurologie d’Octobre 2014 à Avril 2015. La technique d’échantillonnage utilisée était non probabiliste, basée sur le recrutement exhaustif en consultation externe des personnes ayant eu un AVC et obéissant aux critères d’inclusion. Critère d’inclusion Etaient inclus dans l’étude tout patient âgé de plus de 15 ans, ayant eu un premier épisode d’AVC confirmé par une imagerie cérébrale, datant d’au moins 3 mois et suivi à l’HGD. Critère d’exclusion Nous avons exclu : Collecte de données La collecte des données s’est déroulée au travers d’un recensement des patients suivis à l’HGD avant le 31 Janvier 2015. Nous avons procédé au recrutement des patients venus en consultation externe dans le cadre d’un suivi post AVC. Les patients n’ayant pas honoré à leur rendez-vous trimestriel en consultation ont été contactés par appel téléphonique. Les données sociodémographiques, cliniques et d’imagerie médicale cérébrale ont été recueillies à l’aide d’un questionnaire en utilisant le dossier médical des patients. Le diagnostic de trouble cognitif s’est fait à l’aide du MMSE effectué en langue française ou anglaise avec la nécessité d’un traducteur de langue locale (autre personnel médical ou tuteur) si le participant ne s’exprimait pas dans les deux langues officielles. L’interprétation du MMSE s’est faite comme suit :
Pour les patients ayants un MME < 15 (déments), nous confirmions le diagnostic de démence en utilisant les critères de DSM IV. Analyse de données Les données du questionnaire ont été analysées grâce au logiciel d’analyse statistique SPSS version 20. Les variables quantitatives ont été présentées sous forme de moyenne, et d’écart type, accompagnés des extrêmes. Les variables qualitatives ont été présentées sous forme de fréquence et de pourcentage. L’association entre 2 variables qualitatives a été évaluée par le test de Khi-2 ou celui de Fischer. Le test T de Student a été utilisé pour évaluer l’association entre 2 variables quantitatives. La recherche facteurs indépendant déterminant l’apparition des troubles cognitifs post AVC a été faite dans un premier temps par une analyse univariée grâce au test de Khi-2. Les variables pour lesquelles le seuil de signification statistique était inférieur à 0,20 en analyse univariée ont été introduites dans un modèle de régression logistique pour une analyse multivariée. Le seuil de signification statistique a été inférieur à 0,05, et l’écart de confiance à 95%. Considérations éthiques Ce travail a reçu l’approbation du Comité Institutionnel d’Ethique de l’Université de Douala. La confidentialité des données et l’identité des patients étaient préservés. RESULTATS Au total, 114 participants répondaient aux critères d’inclusion. Le sexe ratio hommes/femmes était de 1,1. L’âge moyen des participants était de 57,2 ± 9,9 ans [IC95% :55,4 – 59] avec des extrêmes allant de 30 à 83 ans. L’âge moyen des hommes était de 55,4 ± 10 ans contre 59,1 ± 9,6 ans chez les femmes, avec une différence significative (P = 0,04). Les autres caractéristiques socio-démographiques sont contenues dans le tableau I. Le principal facteur de risque cérébro-vasculaire avant l’AVC était l’HTA (73,2%) (Tableau II). A l’admission, 19,4% des patients présentaient une hyperthermie et 4,4% étaient comateux (Tableau III). Les AVC ischémiques étaient retrouvés chez 63,9% de patients contre 36,1% d’AVC hémorragiques. L’hémisphère cérébral le plus atteint était l’hémisphère gauche (64,9%). Les troubles cognitifs étaient retrouvés chez 41,2% des participants. Les troubles cognitifs légers étaient retrouvés chez 26,3% participants contre 8,8% participants pour les troubles modérés. La démence était retrouvée chez 6,1% des participants. La prévalence des troubles cognitifs, respectivement à M3, M6, M12, M24, M36 et M48 et plus était estimée respectivement à 60%, 45%, 45,5%, 47%, 33,3% et 29,6%. (Figure 1). Par ailleurs, il n’existait pas de différence significative entre les patients évalués à M3 et les autres (P= 0,2). Les troubles cognitifs ont été retrouvés chez les patients de sexe féminin dans une proportion de 66%, contre 34% chez les hommes, avec une différence significative : P= 0,02. L’âge moyen des participants avec troubles cognitifs était de 60,1 ± 9,6 ans. Les extrêmes étant de 30 à 80 ans. Le niveau d’instruction le plus incriminé dans l’apparition des troubles cognitifs était le primaire, soit 46,8%. Outre le niveau d’instruction < 7ans de scolarité et l'âge, l'existence d'une profession et de cardiopathies étaient associées aux troubles cognitifs. L'AVC ischémique était retrouvé chez 40,6% des patients avec troubles cognitifs. Il n'existait pas de différence significative avec les patients sans troubles cognitifs. Après analyse multi variée, seul le niveau d'instruction < 7 ans était prédictif de la survenue troubles cognitifs (OR: 12,42; IC 3,3 - 46,6 ; P < 0,001) (Tableau IV). Tableau I : Répartition des caractéristiques sociodémographiques
Tableau II : Répartition des facteurs de risque cérébro-vasculaire
Tableau III : Caractéristiques cliniques des patients à l’admission
Tableau IV : Facteurs associés aux troubles cognitifs en post AVC
DISCUSSION Après évaluation des participants ayant eu un premier AVC datant d’au moins 3 mois, la prévalence des troubles cognitifs dans notre étude était de 41,2%, avec une prévalence à 3 mois et 6 mois respectivement de 60 et 45%. Trois mois après l’AVC, Akinyemi et al [1] au Nigeria en 2014 rapportaient une prévalence de 35% sur 217 patients. D’autres études en Afrique Subsaharienne utilisant aussi le MMSE ont rapporté des résultats divergents. Ainsi, Gnonlonfoun et al [5] au Benin en 2014 ont trouvé une prévalence de 20% à 6 mois, dans un échantillon de 100 patients, tandis que Mukisa et al [15] en Ouganda en 2011 rapportaient une prévalence de 63% dans un échantillon de 85 patients. Aux Etats Unis, Patel et al [18] en 2002 utilisant le MMSE rapportent une prévalence de 38% à 3 mois post AVC sur un échantillon de 645 patients, alors que Arauz et al [2] au Mexique en 2014 utilisant le IQCODE (Informant Questionnaire of Cognitive Decline in the Elderly) trouvaient 41% de patients avec une déficience cognitive 3 mois post AVC dans une population de 110 patients. En Europe et en Asie, l’on recueille des prévalences plus élevées. En Finlande, Pohjasvaara et al [19] en 1997 utilisant le MMSE trouvaient une prévalence de troubles cognitifs à 61% post AVC. Récemment en France, Garcia et al en 2013 en France [4], ont rapporté une prévalence de 77% de troubles cognitifs après une hémorragie cérébrale en utilisant des tests neuropsychologiques. En 2014, Jacquin et al [9] trouvaient une prévalence de 47,3% à 3 mois en utilisant à la fois le MMSE et le MoCA (Montreal Cognitive Assessement). En Asie, Tang et al [20] en 2011 en Chine rapportent une prévalence de troubles cognitifs post AVC de 54,8%, avec le MMSE tandis que Tham et al. [21] à Singapour en 2002 trouvaient 40% de troubles cognitifs et 4% de démence 6 mois après un AVC utilisant les mêmes critères que notre étude. Les différences entre les prévalences des troubles cognitifs pourraient être liés à l’outil diagnostic utilisé mais surtout des facteurs associés ou prédictifs. Si le MMSE reste l’outil de dépistage simple, facile d’utilisation en consultation de routine notamment dans les contextes où le taux de scolarisation est bas, il possède néanmoins des limites qui avaient fait introduire le MoCA comme outil alternatif au diagnostic des troubles cognitifs post AVC. Seulement, en 2011, Godefroy et al. comparent le MMSE et le MoCA dans le diagnostic des troubles cognitifs post AVC. Il en ressortait que le MoCA avait une sensibilité élevée (94%) mais une spécificité faible (42%) contre 66% et 97% respectivement pour le MMSE. Après ajustement, l’aire sous la courbe était supérieure à 88% et montrait que les tests pouvaient s’utiliser [6]. C’est ainsi que d’autres tests plus élaborés ont été mis au point pour mieux diagnostiquer la démence vasculaire :la National Institute of Neurological Disorder and Stroke-Association Internationale pour la Recherche et l’Enseignement en Neurosciences (NINDS-AIREN) [7] avec d’autres outils en cours de validation pour le diagnostic de troubles cognitifs vasculaires sans démence. Plusieurs facteurs étaient associés à la présence de troubles cognitifs post AVC dans notre série et seul le niveau d’instruction < 7 ans de scolarité est apparu comme facteur prédictif des troubles cognitifs post AVC. Le faible niveau d'instruction, l'insuffisance de consommation de poisson [1], l'âge avancé [15] et les convulsions [5] ont été rapportés par d'autres auteurs africains comme facteurs prédictifs des troubles cognitifs post AVC. Dans les pays occidentaux, en dehors de l'âge avancé, du bas niveau d'instruction, les auteurs ont rapporté le bas niveau socio-économique, l'atteinte hémisphérique gauche [18] notamment les sites stratégiques, l'atteinte sévère de la substance blanche et la sévérité de l'AVC à l'admission [3] comme facteurs prédictifs de l'existence de troubles cognitifs. Concernant la sévérité des troubles cognitifs, la démence vasculaire était retrouvée chez 7 patients (6,1%) contre 20% en Ouganda [15], absence de cas dans la série nigériane [1] et 7,3% en France [9]. La disparité entre nos trouvailles et celle de la série Ougandaise ne trouve pas d'explication car ayant utilisé le même outil diagnostic. Seulement, leur article ne précise par les comorbidités cérébro-vasculaires de leurs patients qui nous auraient permis de comparer d'autres facteurs pouvant influencer cette prévalence tels que l'hypertension artérielle, le diabète et la dyslipidémie. La série nigériane a utilisé les critères du guideline de l'American Heart Association et American Stroke Association couplés au DSM IV qui représentent les méthodes plus spécifiques pour le diagnostic de la démence. Les limites de ce travail résident sur l'outil diagnostic utilisé (MMSE) qui mérite d'être adapté au mode de vie du sujet africain dans son milieu et peut-être la taille de l'échantillon quoi que supérieure à la plupart des travaux cités. Touré et al. ont développé un outil appelé Test du Sénégal qui évalue l'orientation, la mémoire, l'attention/calcul, la praxie et le langage avec un score qui va de 0 à 39 points. Ce test permet d'identifier les cas de démence avec une sensibilité et une spécificité de 93,1% et 89,6%. L'âge et l'éducation (contrairement au MMSE) n'ont pas d'influence sur la performance au Test du Sénégal. CONCLUSION Trois patients sur cinq victimes d’AVC présentent des troubles cognitifs. La démence est rare. La prévention primaire et l’accès à l’éducation au plus grand nombre de la population pourraient réduire les troubles cognitifs post AVC. REFERENCES
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