CLINICAL STUDIES / ETUDES CLINIQUES
TUBERCULOSE VERTEBRALE DANS UN CONTEXTE DE GRAVIDO-PUERPERALITE
VERTEBRAL TUBERCULOSIS IN PREGNANCY AND PUERPERIUM
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RESUME La survenue d’une tuberculose vertébrale au cours de la grossesse ou dans le postpartum est rare et de diagnostic souvent tardif. Les lombalgies sont souvent confondues avec les les lombalgies « béngnes » fréquemment observées au cours de la grossesse. Nous rapportons 2 cas de tuberculose vertébrale survenue au cours de la grossesse avec exacerbation symptomatique dans le post-partum immédiat. La persistance et l’aggravation des lombalgies après l’accouchement ont fait reconsidéré le diagnostic. Les explorations radiologiques ultérieures ont permis d’évoquer le diagnostic de spondylodiscite tuberculeuse probable qui a été confirmé par l’analyse des prélèvements issus des ponctions biopsiques. Il ressort de l’analyse de ces 2 cas que la lombalgie chez la femme enceinte n’est pas toujours bénigne et peut être le fait d’une tuberculose vertébrale. Mots-clés: Tuberculose vertébrale,grossesse,postpartum ABSTRACT The occurrence of spinal tuberculosis during pregnancy or in the postpartum period is rare and late diagnosed. Low back pain is often attributed to pregnancy-induced condition. We report 2 cases of spinal tuberculosis occurred during pregnancy with symptomatic exacerbation in the immediate postpartum period that allowed the diagnosis. The persistence and worsening back pain after childbirth have reconsidered diagnosis, imaging studies used to suggest the diagnosis and biopsy punctures have confirmed the diagnosis. It appears from the analysis of these two cases that back pain in pregnant women is not always benign and can be the result of spinal tuberculosis. Keywords : pregnancy, puerperium ,vertebral tuberculosis INTRODUCTION La tuberculose en générale reste un problème de santé publique en Afrique subsaharienne malgré les multiutdes de programme développés pour l’éradiquer [10]. La localisation vertébrale à l’instar des autres localisations connait une recrudescence dans les pays en voie de developpement notamment dans la population féminine en âge de procréer. Cependant la survenue au cours de la période gravido-puerpérale est rarement rapportée. Le diagnostic est souvent retardé d’une part parce que les manifestations cliniques au début (rachialgies) sont abusivement assimilées aux lombalgies bénignes fréquentes pendant la grossesse et d’autre part la réticence à effectuer des explorations radiologiques pendant la grossesse en raison des risques d’irradiation ftale [2, 4, 11, 13]. La tuberculose vertébrale de par son risque de déformation rachidienne et de complication neurologique, peut menacer la vie de la mère et celle du foetus. Les auteurs rapportent 2 cas de tuberculose vertébrale survenue dans un contexte de gravido puerpéralité. 1/OBSERVATIONS 1.1/Observation 1 La première observation est celle d’une patiente de 34 ans 3ème geste et 3ème pare, éducatrice préscolaire, qui se plaignait de lombalgie depuis la 10ème semaine d’aménorrhée. Cette lombalgie initialement de type mécanique devenait de plus en plus invalidantte. Il n’y avais pas de notion de fièvre, ni d’anorexie ni d’amaigrissement ni de notion de contage tuberculeux. Elle a consulté dans un centre de santé où aucune imagerie rachidienne n’a été réalisée à cause de l’état gravidique. L’évolution a été marquée par une aggravation de la symptomatologie douloureuse dans le temps jusqu’à l’accouchement par voie basse d’un nouveau-né sain de sexe féminin et pesant 2780 grammes. Une semaine après l’accouchement la symptomatologie s’est complétée par cruralgie L3 bilatérale à prédominance gauche d’horaire inflammatoire associée à une lourdeur des membres inférieurs. A l’examen clinique, elle présentait une inclinaison latérale droite du rachis lombaire, une douleur à la palpation des épineuses de L3 et L4. Il n’ya pas de déficit moteur ni sensitif. Le reste de l’examen était sans particularité. La numération globulaire, la C-RP, la glycémie et le bilan biologique rénale étaient normaux. La sérologie VIH était négative. L’IDR à la tuberculine était positive à 13 mm. Le scanner du rachis lombaire a revelé une destruction du disque L3-L4 et des plateaux vertébraux adjacents avec la présence endocanalaire d’abcès (figure1A). Le diagnostic de spondylodiscite a été évoquée. Une biopsie disco-vertébrale percutané fluoro-guidée a permis de faire la preuve d’une tuberculose folliculo-caséeuse à l’examen anatomo-pathologique (figure1B). La radiographie pulmonaireà la recherche de foyer tuberculeux pulmonaire était normale. Une quadruple antibiothérapie antituberculeuse a été institué. Elle associait la Rifampicine, l’Isoniazide, la Pyrazinamide et l’éthambutol pendant 2 mois et la Rifampicine et l’Isoniazide pendant 10 mois. Le port d’un corset lombaire a également été institué. L’évolution a été marquée par une régression progressive et totale des symptômes. lumbar spine CT scan showing spinal tuberculosis at L3-L4 level (arrow) (B) Anatomo pathologie du granulome folliculo caséeux (B) histopathologic section showing tuberculosis granuloma 1.2/Observation 2 Il s’agit d’une patiente de 27 ans 2ème geste et 2ème pare qui présentait des lombalgies persistantes à partir de la 26ème semaine d’aménorrhée. Il n’y avait pas de notion de fièvre ni d’amaigrissement ni de contage tuberculeux. Un simple traitement antalgique (paracétamol) a été institué jusqu’à l’accouchement par voie basse d’un nouveau-né sain, de sexe masculin et pesant 2860g. Deux semaines après l’accouchement, elle consulte pour une exacerbation de la douleur qui était devenue insomniante et résistante aux antalgiques de palier II. A l’examen clinique, on observait une contracture douloureuse des muscles paravertébraux et une raideur rachidienne lombaire. Le scanner du rachis lombaire a visualisé une spondylodiscite L2-L3 associée à des abcès des parties molles . L’IDR à la tuberculine était phlycténulaire. lumbar spine CT scan showing spinal tuberculosis at L2-L3 level ( arrow) La radigraphie pulmonaire et l’échographie abdominale à la recherche d’autres lésions étaient normales. L’hémogramme a révélée une anémie à 10,2g/dl, une hyperleucocytose modérée à 10,6.103/mm3. La glycémie et le bilan biologique rénal étaient normaux. La C-RP était positive à 24 mg/l et la vitesse de sédimantation était accélérée à 13 mm à la 1ère heure. La sérologie VIH était négative. Une ponction échoguidée des abcès paravertébraux avec recherche de BARR a permis d’isoler le BK . Le diagnostic de spondylodiscite tuberculeuse a été posé et une quadrithérapie antituberculeuse associant la Rifampicine, l’Isoniazide, la Pyrazinamide et l’éthambutol pendant 2 mois et la Rifampicine et l’Isoniazide pendant 10 mois a été institué. L’évolution a été marqué par une amélioration progressive de la symptomatologie clinique et radiologique. DISCUSSION La tuberculose fait l’objet d’une attention particulière de la part de la communauté médicale depuis plusieurs décenies. Cependant très peu d’auteurs ce sont intéressés à la survenue de la tuberculose vertébrale dans un contexte gravido-puerpéral. Le contexte de gravido puerperalité de façon générale semblent favorisé le developpement d’infection tuberculeuse comme en temoigne les travaux de Zenner D et col. [14]. La tuberculose vertébrale peut s’intégrer dans le cadre d’une infection récemment acquise , mais le plus souvent elle semble liée à la réactivation d’une tuberculose latente acquise dans le passé. Selon Nsofor et col. [8], il existe un risque réel de réactivation de la tuberculose au cours de la grossesse. Ce risque serait de 27% pour les localisations pulmonaires selon les travaux de Pridie et Stradling [9]. Au cours d’une étude de cohorte de femmes enceintes , ils ont noté une incidence de 15,4 cas de tuberculose (toutes localisations confondues) pour 100.000 grossesses. Ces tuberculoses étant survenues au cours de la grossesse ou dans les 6 premiers mois du postpartum. Cette incidence était largement supérieure à celle de la population générale anglaise où s’était déroulée l’étude. Cette étude et d’autres suggèrent que les modifications hormonales induites au cours de la gestation et dans le postpartum favorisent la réactivation de la tuberculose. L’association d’un taux élévé de stéroïde dans le sang à une immunodépression relative lié à l’état gravidique expliquerait le caractère aggressif et hautement destructeur de la tuberculose vertébrale chez la gestante [1]. En outre la grossesse diminuerait la réponse pro-inflammatoire des T-helper 1, ce qui pourrait masquer les symptômes tout en augmentant la susceptibilité à une nouvelle infection et la réactivation de la tuberculose. Après l’accouchement, la récupération immunitaire est similaire au syndrome de reconstitution immunitaire observé chez les patients VIH amorçant un traitement antirétroviral avec exacerbation des symptômes [7]. Cela pourrait expliquer l’exacerbation des manifestations cliniques observées dans le postpartum chez nos deux patientes. D’autres auteurs sont arrivés a des conclusions contraires [7]. La grande fréquence des rachialgies et en particulier des lombalgies bénignes au cours de la grossesse (environ 73%) [6] pourrait expliquer le peu d’effort déployer pour la recherche étiologique des lombalgies chez la gestante. A l’instar des autres tuberculoses extrapulmonaires, la dissémination se fait par voie hématogène [4]. Dans nos deux cas la manifestation clinique majeure était la lombalgie. Une lombalgie qui survient dans un contexte gravidique est souvent étiquettée comme un symptome banal en relation avec les modifications de la statique rachidienne induite par la grossesse. Les conditions de pratique qui sont limites dans nos pays font que souvent le praticien qui prend en charge telles patientes est confronté au dilemme de l’imagerie surtout quand l’IRM n’est pas disponible. La symptomatologie qui est banale au début peut s’aggraver au cours de la grossesse et être responsable de troubles neurologiques avec parfois des conséquences dramatiques pour le couple mère-enfant [1,5]. En outre, il exite des interactions inverses entre la tuberculose et grossesse . La tuberculose de façon générale est associés à une fréquence accrue d’invalidité maternelle, de retard de croissance foetale, d’accouchement prématuré et de décès perinatal [3, 12]. L’attitude thérapeuutique en absence de déficit moteur, d’importante déformation rachidenne et dans le post partum est identique à celle réalisée dans la population générale. La prise en charge se fait au cas par cas lorsqu’il existe un déficit neurologique ou une importante déformation rachidienne associé à l’état gravidique et nécessite une collaboration multidisciplinaire. En cas de déficit neurologique et/ou de déformation progressive par instabilité rachidienne, il existe une risque d’avortement ou d’accouchement prématuré. L’entêtement à mener la grossesse à terme en cas de grossesse avancé ne semble pas la meilleure option au risque de constitution de lésions neurologiques maternelles irreversibles. Il est recommandé l’extraction ftale suivi d’une décompression chirurgicale avec stabilisation rachidienne eventuellement bien que l’état de quadruplégie ou de tétraplégie n’empêche pas la poursuite de la grosssesse [1]. L’état de paraplégie n’est pas une contre-indication à un accouchement par voie basse. La décompression chirurgicale est réalisée après l’accouchement, quand l’état de la gestante le permet, parce que l’utérus gravidique peut gêner l’abord chirurgical et permet de minimiser le risque d’accouchement prématuré. Dans nos deux cas certes les diagnostics ont été faits dans le postpartum mais le début des symptômes remontait au 2ème trimestre des grossesses. Les diagnostics auraient pu être faits pendant les grossesses si ces patientes étaient suivies dans des structures hospitalières disposant d’imagerie adéquate notamment d’IRM. Ce qui aurait permis une prise en charge précoce de ces tuberculoses vertébrales notamment par administration de médicament antituberculeux (protocole RHZE (2 mois) + RH (10 mois)). CONCLUSION Une tuberculose vertébrale doit être suspectée devant une rachialgie persistante au cours de la grossesse ou dans le postpartum et nécessiter des explorations adéquates en tenant compte de l’état gravidique. Un diagnostic précoce permettra un traitement conservateur compatible avec un déroulement normal de la grossesse et un accouchement par voie basse.
REFERENCES
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